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01 juin 2014

Piège de cristal

Peut-on se déballetomaniser comme un ticket de métro se démagnétise ? Depuis quand Christian Lacroix a-t-il mauvais goût ? Est-ce moi ou Aurélie Dupont lutte-t-elle pour avoir une arabesque à 90° ? Autant de questions qu'agite Palais de Cristal, à la danse aussi pure que vide – de grandes structures que n'habillent que des tutus-guirlandes de Noël. Je croyais aimer Balanchine mais peut-être n'aimé-je que Joyaux, comme une éclatante exception. (Ou alors, l'Opéra ne sait pas le danser. Il faudrait voir le NYCB pour trancher.)

Le Daphnis et Chloé de Millepied est plus vivant, plus espiègle, plus coloré ; les tourbillons de musique emportent les danseurs dans de belles poses en escargots, qui ne sont pas sans rappeler celles d'Apollon musagète. Pourtant, pas de répit ni de relief, cela tourbillonne encore et encore, dérobant au spectateur tout point d'accroche, encore et encore, presque indépendamment de la musique, qui prend clairement le dessus. Philippe Jordan à la baguette pour du ballet, on applaudit cette bonne idée. Mais lorsque l'orchestre est plus applaudi que les solistes du ballet par un public qui est normalement acquis à ce dernier, il faut peut-être se poser des questions – même si, en entendant l'ovation déclenchée par l'apparition de Benjamin Millepied, je crains qu'une réponse toute faite n'y soit apportée : la célébrité. Plus besoin d'étoiles quand on a des stars, vraiment ? (Heureusement, certaines comme Léonore Baulac brillent sans y avoir été invitées.)

Mit Palpatine

29 mai 2014

Le Promeneur d'oiseau

affiche-Promeneur-d-oiseau

 

Un joli film pour citadins pressés : le promeneur d'oiseau éponyme est un grand-père qui entreprend un périple pour retourner dans son village natal, accompagnée par sa petite-fille, mal élevée, voire pas élevée du tout par ses parents homme et femme d'affaires qui l'occupent plus qu'ils ne s'en occupent. Évidemment, quand on fait attention à elle, la gamine finit par devenir beaucoup moins infernale et même par abandonner son iPad pour écouter son grand-père lui raconter l'histoire de sa vie – un vie un peu manquée mais vécue avec une sérénité qui gagne peu à peu le spectateur, à mesure que l'on s'éloigne de la ville pour pénétrer la Chine rurale. Malgré la splendeur architecturale du Pékin moderne, c'est dans la forêt de bambou que traverse le duo que l'on a envie de se perdre, pour écouter du Messiaen à l'état de nature et goûter aux bols de nouilles ou de riz que s'enfilent les villageois et qui font bien envie à huit heures du soir. La soirée s'est naturellement finie rue Sainte-Anne par un guydon goulument avalé, sans égard pour le mélange chinois-japonais.

Parris

Tours Eiffel empilées

 

Le Paris de Martin Parr, ce sont les petites tours Eiffel que l'on achète mais que l'on ne photographie jamais et surtout, surtout, les touristes qui achètent lesdites petites tours Eiffel. Ce sont les mêmes qui photographient le Louvre au bout de leur smartphone, quand ils ne photographient pas les gens qui photographient le Louvre au bout de leur smartphone, à la Martin Parr. Zut, on s'est fait avoir, il nous a eu, Palpatine et moi. Mais comment ne pas aimer se faire épingler par Martin Parr ? There is only one thing in the world worse in the world than being talked about, and that is not being talked about. Tous les mêmes, souligne la tendre ironie du photographe. Oui mais, tous dignes d'attention. Et de dérision.

 

AuLouvre

 

 photo martin-parr-paris_zps1b80b72d.jpg

Vous ne vous étiez jamais demandé ce que ça fait d'être une petite tour Eiffel ou un gadget lumineux posé à même le sol ?

28 mai 2014

Is the man who is tall happy?

Gondry et Chomsky : voilà une association qui a aiguisé ma curiosité. Je ne voyais pas trop ce qui pouvait inciter le réalisateur-bricoleur à traîner avec le célèbre linguiste – dont je ne savais pas qu'il était aussi un militant anarchiste. C'était oublier la curiosité du cinéaste touche-à-tout pour les processus psychiques, qui donne sa trame à The Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Gondry questionne Chomsky tous azimuts, moins avide de comprendre que de donner du grain à moudre à sa créativité. En effet, si la conversation est animée, c'est surtout parce que Gondry a tout mis en image, interview et apartés plus ou moins méta compris (les extraits filmés, rares, sont mis en scène par le bruit d'une vieille caméra et intégrés à l'animation). Le résultat requiert une grande force de concentration, moins à cause de la complexité du propos (qui devient simple lorsque l'on ferme les yeux quelques secondes) que du foisonnement visuel à travers lequel il est abordé1. Gondry a clairement horreur du vide : les lignes de ses dessins ne cessent de sillonner l'écran, et l'illustration des concepts tourne rapidement à l'ornementation. Pourtant, dans le moment même où il empêche d'aborder réellement la complexité d'une pensée, ce fourbi témoigne d'un tel enthousiasme qu'il donne envie de s'y pencher et de se mettre à fouille, en quête de nouvelles idées pour alimenter la machine à rêver et à penser. Conversation animée avec Noam Chomsky : on a rêvé qu'on se mettait à penser... un joli rêve, dont on essayera de se souvenir une fois éveillé.

Mit Palpatine

 

1 Et, il faut bien le dire, de l'accent horriblement franchouillard de Michel Gondry, malgré plusieurs tournages anglophones.