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26 février 2015

Lagune dans le Marais

Exposition sur l'Italie de Bernard Plossu, présentée à la MEP.

Venise : lagune un jour de gris, qui ne vaut que pour les silhouettes qui la cachent et la révèlent en l'encadrant de leurs masses noires – des présences qui ne sont plus (de cet endroit sinon de ce monde), qu'on n'identifie pas, mais qui font tout le poids de cette photo-là.

Sur un bateau : loupioute magique à la tombée de la nuit – soudain ressurgit La Petite Venise (film de petites gens et de grande poésie).

Dans la nuit : très hauts au-dessus d'une baie, des nuages qui font des arabesques sous la lune, numéro de chapitre (l'histoire commence plus bas, dans le port et les petites lumières des habitations).

Matera : une façade religieuse baroque devant laquelle trois gamins jouent au foot (cliché de l'Italie, renversé par un cadrage penché).

 

 

La Toscane : un grand chemin et tout au bout, après le grand virage, une toute petite maison qu'on croirait dessinée, avec son petit cyprès à côté – le long chemin de la vie pour se sentir chez soi – et mourir (le cyprès est un arbre funéraire).

 

Positano : une porte en fer forgée, qui ne garde rien d'autre que le ciel contre lequel elle se détache - les portes du Paradis qu'ouvrait Mahler la semaine dernière ? Peut-être pleut-il aussi, parfois, au paradis. Cela réjouirait sûrement Bernard Plossu qui aime "tellement ce qu’on appelle à tort le mauvais temps (je dis toujours que le mauvais temps est le beau temps d’un photographe !)".

 

 

Des mariés en vents contraires.

On aperçoit, derrière, les arbres qui, tels des roseaux, laissent leur cime se courber en arrière ; les mariés, eux, se courbent vers l'avant (les hommes avancent tête baissée dans la vie).

 

Une chambre d'hôtel granuleuse qu'on dirait tout droit sortie de Shirley (le film sur Hopper, que je n'ai toujours pas chroniquetté et que, selon toutes probabilités, je ne chroniquetterai pas).

 

 

Une Françoise, le visage barré de lumière sur un lit – un lit de chambre d'hôtel, qu'on a irrésistiblement envie de prendre en photo quand la lumière se dépose comme un corps sur les draps. Il faudrait faire une histoire de la photo de lit ; on pourrait la faire, j'en suis presque sûre.

Et puis une Maria Luisa, qui arrache une moue d'approbation à Palpatine.

Une poterie floue, comme de la fatigue d'avoir fait trop de musées.

 

Un noir et blanc qui suspend le temps : hier comme aujourd'hui, aujourd'hui est l'hier de demain. L'époque, parfois reconnaissable à une carrosserie carrée, s'efface dans le temps, simple durée dans laquelle les gens vivent – la durée comme un espace.

Des couleurs charbonneuses comme un œil en fin de soirée. Le présent déjà passé. Pas d'effet rétro. Simplement aujourd'hui comme il sera vu demain, dès aujourd'hui.

Les années qui se mêlent, et les lieux, les îles, toujours en Italie.

Des lignes (de trains, de photographe, de vie).

La chaleur qui passe à travers les jalousies d'une fenêtre entrouverte sur l'immense ombre d'un arbre invisible.

La lumière aveuglante entre une église et un gamin qui court : impression de chaleur – comment est-ce déjà ? J'oublie toujours au cœur de l'hiver, comment ça fait, le soleil. C'est loin comme un pays étranger, comme un souvenir archivé. Curiosité du soleil au même titre que de la ville : c'était donc comme ça, avec la lumière, la chaleur, le bruit, sûrement aussi, plus ou moins assourdi. J'aimerais y retourner, en été.

 

 

Et aussi, en haut : Images secondes. Images deuxièmes et dernières, tirées du flot des 23 autres images qui les accompagnaient dans la seconde. Réaction spontanée : le photographe n'en est pas un, il n'a rien au à cadrer, il s'est contenté de relever, d'enregistrer. Mais après tout, si Eric Rondepierre n'a rien eu à cadrer, il a cherché, il a trouvé et, plus important, il nous donne à voir : des images prélevées dans des séquences aux sous-titres décalés décalées (sur fond noir : "La situation n'est pas si noire qu'elle n'y paraît" ou "-J'éteins ? - Non"), ou des pellicules rongées par le temps, qu'on s'empresse d'interpréter (cette tache sur la pellicule : une âme exhalée).

 

 

Et aussi, en bas : des photos de prison qu'on observe comme on se documenterait sur les usages carcéraux d'un autre temps. Des murs dans un état de tiers-monde ; d'autres, colorés voire décorés : est-ce plus facile de voir son papa en prison quand un lapin joue du banjo ? Des cellules qui ressemblent moins à des cellules de moines qu'à des clapiers ; pas de retraite, rien pour s'évader, ne serait-ce qu'en esprit. On ne cultive que les corps – des muscles énormes qui, enfermés, ne trouvent pas à s'employer (ou alors pour tabasser le geôlier ? Faut voir comme ils sont arnachés de protections). Affligeantes marges de la société, qu'on fait tout pour oublier.

29 mai 2014

Parris

Tours Eiffel empilées

 

Le Paris de Martin Parr, ce sont les petites tours Eiffel que l'on achète mais que l'on ne photographie jamais et surtout, surtout, les touristes qui achètent lesdites petites tours Eiffel. Ce sont les mêmes qui photographient le Louvre au bout de leur smartphone, quand ils ne photographient pas les gens qui photographient le Louvre au bout de leur smartphone, à la Martin Parr. Zut, on s'est fait avoir, il nous a eu, Palpatine et moi. Mais comment ne pas aimer se faire épingler par Martin Parr ? There is only one thing in the world worse in the world than being talked about, and that is not being talked about. Tous les mêmes, souligne la tendre ironie du photographe. Oui mais, tous dignes d'attention. Et de dérision.

 

AuLouvre

 

 photo martin-parr-paris_zps1b80b72d.jpg

Vous ne vous étiez jamais demandé ce que ça fait d'être une petite tour Eiffel ou un gadget lumineux posé à même le sol ?