Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26 juillet 2011

Paris au temps des impressionnistes

Les expositions de la mairie de Paris ne m'ont encore jamais déçue, alors quand en plus il y a un partenariat avec mon musée préféré (Orsay, où je dois d'urgence – depuis deux ans – traîner Palpatine qui, honte à lui, n'y a jamais mis les pieds), je vais vendanger un sandwich dans la délicieuse boulangerie du Marais et m'occupe la bouche dans la file d'attente, qui s'est d'ailleurs écoulée avant que j'ai eu le temps de piocher les petits morceaux de noix et de poulet tombés au fond du sachet.

En entrant, je suis un peu déconcertée puis je réfléchis que le titre de l'exposition est bien « Paris au temps des impressionnistes » et non « Les impressionnistes à Paris ». Pas si étonnant, du coup, que la première salle-couloir où je navigue rapidement mette la capitale en bouteille : les nombreux plans d'architectes laissent imaginer ce qu'aurait été Paris si Garnier n'avait pas remporté le concours pour le nouvel opéra, si les restes de la ville médiévale n'avaient pas été détruits ou si Haussmann n'avait pas cherché une certaine cohérence urbaine. Après cette piqûre de rappel historique (non-programme de khâgne), on descend dans la salle consacrée aux impressionnistes ; je ne sais si la perspective historique mise en place aide à percevoir l'époque dont les tableaux se font les explorateurs ou si, au contraire, elle entrave l'appréciation esthétique (de fait, sont mélangés peintres de premier et de second rang). Toujours est-il que le changement favorise les (re)découvertes – que je reverrais bien au musée d'Orsay avec un peu plus d'espace car les impressionnistes nécessitent du recul.

 

Photobucket


Ce tableau de Maximilien Luce sur la Commune, découvert au musée d'Orsay, m'a encore rappelé L'Espoir de Malraux, à cause du contraste qui ose mettre en lumière (l'absence de) la vie de tous les jours tandis que le massacre reste dans l'ombre – scandale du soleil quand tout va mal. Amusant de constater que le peintre utilise le même contraste pour un tout autre sujet ; et voici la cathédrale de Monet à la Seurat.
 

Photobucket 

Photobucket

L'exposition Giuseppe de Nittis me faisait de l’œil et je regrette à présent de l'avoir laissée passer car l'Italien a une manière de donner un air vénitien au carrousel du Louvre, qui me plaît bien.

 

Photobucket

Arrêt prolongé devant La Charge de Devambez pour la dynamique et surtout le contraste entre le mouvement des émeutiers et l'indifférence étonnante de la foule sur les trottoirs.

 

Photobucket

 

Van Gogh. Un nom connu pour un tableau qui ne l'est pas. La Guinguette de Montmartre : dans les arcades de la treille, je m'amuse à déceler le signe d'une nouvelle religion dont Monet sera plus tard un fidèle.

 

Photobucket

 

Je découvre Béraud qui semble reprendre le spectacle là où Degas l'a arrêté ; les hommes se rhabillent dans la salle tandis que les danseuses se déshabillent en coulisses.
 

Photobucket

 

De lui également, L'Attente d'une femme sur le trottoir, que l'immense courbe de la rue lie à une silhouette noire ; on vient et on attend.
 

Le demi-monde fascinait davantage qu'aujourd'hui le tiers. Toulouse Lautrec s'en a fait une spécialité mais, en marge, j'ai bien aimé ce dessin-ci, qui n'est pas dans la pose.
 

Photobucket
 
Steinlein, lui, m'était complètement inconnu, même si c'est apparemment l'auteur de la fameuse affiche du Chat noir.

Photobucket

 

Pour finir, la véritable découverte de ma visite, toute petite, surprise dans un coin réservé aux dessins et esquisses :
 

Photobucket


L'image, de Gervex, était accrochée entre le dessin presque cartoon d'un attentat anarchiste et celui d'une prostituée, si bien qu'on hésite un instant entre la jeune femme tardivement éveillée par quelque événement en bas de chez elle et la maîtresse qui ferme les rideaux avant de rejoindre au lit, en pleine journée, l'homme qui a laissé sa canne, déjà dé-chapeauté et déganté. La jambe est bien visible jusqu'à la fesse mais il y a dans son attitude une légèreté qui n'est pas celle des femmes légères telles que d'autres les ont représentées. Quelques perles de lumière sur son déshabillé et aucune autour du cou.  

HP 7.2

La lecture des Deathly Hallows est assez loin maintenant pour apprécier sans arrière-pensée l'adaptation cinématographique du dernier Harry Potter. J'avais déjà oublié que le trio infernal s'échappe de Gringott's à dos de dragon. Mais bon, la routine, quoi. La transformation de Poudlard en bagne est très bien rendue avec le défilé militaire d'élèves en rang par plus de deux et sans se donner la main ainsi que les dortoirs devenus des cales de bateau de pirate. L'attaque de l'armée de Voldemort contre l'école sous globe protecteur donne lieu à un magnifique feu d'artifices spéciaux et McGonagall me fait rire lorsqu'elle met en branle les gargouilles-armures du château et commente « I have always dreamt of casting this spell ». L'atmosphère du livre est bien rendue, jusque dans la niaiserie de l'épilogue : Hermione-maman et Harry-Ron-papas semblent s'être déguisés pour jouer avec leurs petits frères et petites sœurs, c'est d'un ridicule achevé, y'a photo avec le bouquin.  

03 juillet 2011

Gallimard, vous lirez (de) loin

L'exposition Gallimard de la BnF porte bien son titre, moins son sous-titre. « Un siècle d'édition », c'est beaucoup dire lorsqu'on oublie l'entreprise pour se concentrer sur la saga familiale. On fait comme si, en un siècle, rien n'avait changé que le prénom : Gaston, Claude, Antoine, tous des Gallimard. Mais entre « l'homme de lettres qui n'écrit pas », ainsi qu'est désigné Gaston par l'un de ses auteurs, et le PDG actuel, il y a un monde que n'explore pas franchement l'exposition. Celle-ci joue à fond la carte des archives célèbres et espère transformer le visiteur en détective-justicier qui, fort de sa culture littéraire, bouhouhisera le lecteur du comité passé à côté d'une œuvre que l'histoire a sacralisée. Je trouve au contraire fort rafraîchissants ces avis tranchés, aujourd'hui inavouables sans une avalanche de concessives. Et un roman « profondément ennuyeux, inutile et parfaitement respectable » expédié ! Les livres de compte et les contrats sont moins amusants et si, plus souvent dactylographiés, il sont souvent plus lisibles, on les lit encore moins que les lettres et dédicaces semble-t-il adressées à des archéo-grapho-logues – vive le Times New Roman. Aux lettres pleines d'amitiés et de sincères formules, on préfère vite une enveloppe décorée de Cocteau, les dessins humoristiques de Pennac (moi aussi, j'en ai un en dédicace, nananananèreuh) ou une affiche publicitaire pour la sortie de Sade en Pléiade (« L'enfer sur papier bible »). Je grappille selon mes affinités avec tel ou tel auteur et laisse souvent de côté ceux que je n'ai jamais lu. Le souci de « trouver un très bon traducteur » pour Hannah Arendt me ramène à la khâgne et je ne résiste pas à l'envie d'entendre Milan Kundera dans une de ces vidéos à la demande (j'ai bien été punie mais je me suis rattrapée avec une joyeuse table ronde autour de Daniel Pennac). De vieilles maquette font retrouver un sens au copier-coller ; on s'amuse de l'existence d'originaux pour les dessins du Petit Prince ou les couvertures d'Harry Potter ; et on découvre que c'est à une suggestion de Queneau que l'on doit les couvertures métallisées de SF.

En somme, cette entreprise d'autopromotion vaut surtout pour ses notes de bas de pages : à défaut d'une véritable visite de la maison, on s'amuse d'anecdotes croustillantes retrouvées au grenier. L'exposition n'est donc pas bien grande mais on en a vite assez de déchiffrer et on préférait retourner lire tous ces auteurs que la première salle exhibait en photos comme des trophées. Belle mise en page scène à voir plus qu'à lire.  

26 juin 2011

Une séparation

Photobucket


Une séparation, il y en a bien une, qui ouvre le film (scan des passeports comme générique, avant la demande de divorce devant la caméra-juge) et le referme (la fille du couple doit choisir avec lequel de ses parents elle veut vivre). Elle n'est pourtant pas centrale, sinon en ce qu'elle noue un peu plus fort l'affaire qu'elle encadre.

Nader veut mettre à la porte Razieh, l'aide-soignante qu'il a engagé lorsque sa femme l'a quittée, et qui a été négligente envers son père atteint d'Alzheimer, mais la femme résiste et il la pousse. Elle porte plainte contre lui pour meurtre contre l'enfant qu'elle portait et a perdu. Suit un inextricable imbroglio (Savait-il qu'elle était enceinte ? L'a-t-il vraiment poussée ou a-t-elle eu un malaise ? Le mari de celle-ci n'a-t-il pas des créanciers à payer ? Est-elle sûr d'elle ? Si tel n'est pas le cas, peut-elle accepter un dédommagement qu'elle estime superstitieusement pouvoir lui porter malheur ?, etc., le tout avec des cris permanents – heureusement, les sous-titres font le tri dans ces batailles de chiffonniers) qui n'a pas grand intérêt par lui-même et serait passablement ennuyeux s'il ne diffractait quantité d'enjeux annexes.

La confiance accordée ou refusée à un proche peut faire soupçonner des manœuvres pour récupérer la garde de son enfant, désigner les sujets tabous dans un couple et entériner la rupture d'un autre. La dimension religieuse vient encore compliquer la donne. On rit dans la salle lorsque Razieh téléphone pour demander si changer le vieux qui s'est fait dessus constituerait un péché, mais cela nourrit le malaise entre cette femme et son mari, à qui elle n'a pas voulu avouer son travail. Ce qui caractérise son personnage, c'est d'ailleurs la façon qu'elle a de rabattre en permanence son tchador contre elle, comme pour se protéger. Tout n'est pas pour autant réductible à au problème de la religion musulmane et il me que c'est pour cette raison qu'Une séparation est un bon film pas tant un bon film en soi qu'un film bon à voir pour les Occidentaux que nous sommes. Razieh va travailler en cachette parce qu'elle s'occupe de la toilette d'un vieil homme mais aussi et peut-être d'abord parce qu'elle ne veut pas humilier son mari chômeur. Les femmes sont voilées, même chez elles, certes, mais toutes ne sont pas entravées dans leur liberté. Ainsi, la différence entre Simin, la femme de Nader (le foulard laisse apparaître de magnifiques cheveux roux) et Razieh (ovale du visage mangé par le voile) tient moins à l'entière liberté reconnue à la première par son mari qu'à la superstition dans laquelle s'est enfermée la seconde. Bref, plutôt qu'une société inégalitaire, le film nous montre des individus qui, en son sein, font des choix pour y vivre ou non en accord avec eux-mêmes. Un autre quotidien humain.