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23 août 2013

À point nommé Lichtenstein

I-love-you-too-jeff

 

Oh, Jeff… I Love You, Too… But… Imaginez ce que dit le personnage et complétez la bulle. Je suis presque sûre d’avoir eu l’un de ces tableaux à commenter en cours d’anglais. Aucun risque pour les élèves de dénaturer le tableau en trouvant des phrases banales, il se veut iconique. Les mots ne doivent susciter aucune histoire : cette case doit pouvoir figurer dans n’importe quelle bande dessinée pour pouvoir toutes les symboliser. C’est ce désir de généricité qui me frappe dans l’exposition que le centre Pompidou consacre à Roy Lichtenstein : ses tableaux sont avant tout des images, les plus lisses possible, les plus abstraites de l’artiste possible. Et quoi de plus populaire et de moins personnel qu’une image de comics ?

 

couverture de Britannicus, édition Folio, illustrée par une explosion de LIchtenstein

Folio, vous fumerez loin.

(Palpatine ne me croyait pas quand je lui ai dit d'où je connaissais cette image.)
Faut quand même aller chercher Racine pour que Roy Lichtenstein paraisse décalé. 

 

Une vidéo feuillette pour nous les pages d’un cahier d’écolier où Lichtenstein a collé toutes les images qu’il envisageait d’utiliser : à mi-chemin entre la collection d’enfant  et le Pinterest d’aménagement d’intérieur sponsorisé par un IKEA-like, ce scrapbook n’offre rien qui ne puisse figurer dans un catalogue. Photos de produits, cases de bande dessinées… Lichtenstein ne nous propose pas de les regarder autrement : il les synthétise, tel un Grenouille de l’image.

 

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Il les veut tellement peu à lui, ces images volées par le biais d’un rétroprojecteur, qu’il fait tout pour effacer son trait, comme un voleur efface ses traces. Les gros points de couleur sont l’antithèse du pointillisme : non pas une vision, vacillante, mais un procédé technique (le pochoir) qui vise à reproduire la mécanique de l’impression sans en conserver la finalité. La trame est tout – les points sont trop espacés pour donner forme et couleur à l’espace qu’ils remplissent, tout comme les cases étaient trop isolées pour être reliées par un fil narratif. Ils donnent la varicelle aux visages qu’ils constellent et démangent le spectateur, qui gratte la surface des tableaux, en vain. L’artiste n’exprime rien, il imprime. Il y met un point d’honneur : surtout ne rien exprimer, seulement imprimer, singer la technique quand celle-ci imitait le réel pour mieux l’apprivoiser – au fond, il s’en moque, du monde.

On dirait que sa peinture n’a eu de cesse que de penser Photoshop – même si, heureusement pour l’artiste, il n’est pas né avec. C’est particulièrement frappant dans les recherches sur le trait : comment représenter un coup de pinceau ? i.e. comment représenter ce qui sert habituellement à représenter – sans y attacher un style ? Et nous voilà dans l’onglet « brosses » de Photoshop, avec leurs effets de simulation jamais assez hasardeux.

 

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On en arrive au paradoxe du coup de pinceau en sculpture. Qui lui-même débouche sur celui de sculptures étrangement plates… défaut qui en fait tout le charme. J’aime bien l’idée de pouvoir poser une petite explosion sur un bureau et de réintroduire ainsi comme objet ce qui n’était que la représentation schématique d’un phénomène insaisissable – preuve incongrue de ce que nos représentations façonnent la réalité sans que l’on s’en aperçoive : c'est une explosion dans les ténèbres. Elle est belle, et plus que belle ; elle est surprenante.


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 Petite explosion (explosion de bureau)


Lichtenstein n’échappe aux platitudes que lorsqu’il risque ses images en profondeur. Le reste du temps, quand il pense un logiciel plutôt que le monde, celui-ci se réduit à des images prêtes à l’emploi. Après le recyclage des bandes dessinées, nous avons donc le droit à la plus traditionnelle relecture d’œuvres passées. Introduire ses propres tableaux (aux thèmes non-originaux) dans l’atelier de Matisse, quoi de mieux pour s’inscrire dans l’histoire de l’art ? Mais lorsqu’il reprend Picasso qui reprend Rembrandt et qu’il décline les déclinaisons de Monet (sans avoir l’humour de Proust qui déconstruit sa propre cathédrale), on commence à se lasser…

 

relecture de monet par lichtenstein

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En même temps, Matisse n'avait pas eu l'idée du poisson-smiley.
 

… et c’est là qu’intervient la surprise, la vraie. Une salle de trois tableaux où l’on entend chacun s’exclamer sincèrement à l’entrée : oh, j’aime bien, ça… ça, trois tableaux sans objet ni femme blonde, trois tableaux où le rouge a abdiqué au profit d’une atmosphère bleutée (du RVB au CMJN), trois tableaux au seuil de la vieillesse, où l’on sent un souffle de liberté. L’artiste se défend d’avoir voulu célébrer la nature japonaise, bien entendu ; on ne défait pas la cohérence d’une œuvre, l’interprétation d’une vie, au moment où elle va cesser. Les petits points de l’imprimerie, point. Mais on les voit bien se dissoudre dans l’immensité du large, des montagnes, d’un néant qui nous attend juste là, gigantesque et serein.

 

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 Landscape with philosopher, petit point orange sans en être un.
L'effet était bien plus fort encore en grand... 

10 août 2013

BP portrait award

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Kirsty by Clara Drummond, inspiré par le pré-raphaëlisme dixit la peintre

 

Le portrait est un genre périlleux : si le peintre échoue à faire sentir la personnalité représentée, le portrait ne vous parle pas plus que le voyageur assis en face de vous dans le métro.  Un certain nombre de tableaux exposés à la National Portrait Gallery dans le cadre du concours annuel donnent au spectateur l’impression de se heurter contre le mur du visible. Les surdoués du dessin essayent de le masquer par un surcroît de réalisme mais, si la technique impressionne, l’intérêt du portrait ne réside plus dans l’imitation, dont la photographie se charge bien mieux. L’émotion se cache alors dans les petites pancartes qui accompagnent les tableaux et racontent presque toutes une histoire, celle du lien entre le portraitiste et le portraituré. Amis (d’amis), famille, boy et girlfriend (vu certains tableaux, je me demande si ça n’a pas fait d’histoire) ou célébrité, chacun a sa stratégie pour accéder à l’autre.

 

Ved-Mehta-by-Paul-Oxborough

Ved Mehta by Paul Oxborough

 

La vieillesse déclenche plus d’engouement qu’ailleurs, peut-être en raison d’un vécu dont les choix et trajectoires se sont imprimées dans les lignes du visage, et dont le poids a appesanti le corps, plus enclin à prendre la pause. Dans le portrait de Chomsky, c’est d’autant plus sensible qu’il s’agit d’une personnalité ; on y sent la présence  – et la prégnance – de la pensée. L’hyperréalisme d’un visage ayant dépassé plusieurs fois l’échelle humaine inquiète d’abord mais finit par donner une autre dimension au tableau : les taches qui parsèment le gigantesque visage matérialisent l’émergence d’idées, reliées – c’est le propre de l’intelligence – par les rides.

 

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Chomsky by Raoul Martinez
(évidemment, en petit, ça ne fait pas le même effet)

 

À en croire les tableaux exposés, ce n’est pourtant pas l’âge qui constitue la meilleure porte d’entrée vers l’altérité mais son exploration au sein même de l’identité, par l’autoportrait. Alors que la médiation de l’artiste s’arrête parfois à la relation entre le portraituré et le portraitiste dans le portrait, laissant le spectateur à l’écart, l’autoportrait, qui présente le soi comme un autre, permet à l’autre soi qu’est le spectateur de s’y retrouver. 

 

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Self-portrait with Lace Collar by Sophie Ploeg, inspirée par les peintres hollandais des siècles passés

 

Ewan McClure s’est peint de manière à voir le portrait en même temps que sa toile, mettant à distance une image de soi qui n’est pas enfermée dans le rapport à soi, personnel, du miroir.  

 

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Self-Portrait by Ewan McClure

 

Mon tableau préféré, celui pour lequel Palpatine et moi avons voté, est aussi un autoportrait, dont tout narcissisme est évacué. S’il y a un miroir, ce ne peut être ici que le spectateur, qui tout à la fois oblige et permet à l’artiste de se voir et se montrer telle qu’elle est. “It’s hard to understand which part of you to show, but there are times when you simply paint what you see and not what you want to see.” What you see : dans l’autoportrait, le visible n’est plus un obstacle vers l’intériorité mais le moyen de l’extérioriser. Not what you want to see : il y a reddition. D’où le pied, légèrement soulevé, qui marque l’inconfort d’une position pourtant d’aplomb, les mains, légèrement crispées alors que les bras sont presque ballants, et la bouche, légèrement contractée au milieu d’un visage qui serait autrement resplendissant, encadré par l’auréole de grandes boucles. What you see : le tableau renversé, à l’arrière, en témoigne ; peindre un objet à l’envers oblige à observer chaque trait sans le saisir dans l’ensemble d’une image cérébrale cent fois recomposée. Not what you want to see : le grand rideau sur la droite, dont j’ai mis un certain temps à comprendre qu’il préparait le dévoilement, est à contresens de notre sens de lecture, comme si le modèle n’attendait qu’une chose, pouvoir s’en recouvrir. Je veux bien croire que Daniela Astone n’est pas coutumière de l’autoportrait : désirant et redoutant à la fois le jugement du spectateur, elle se fait clairement violence, dans un mélange de pudeur et de franchise que je trouve remarquable.

 

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Self-Portrait by Daniela Astone

 

Non seulement l'exposition est en libre accès mais l'ensemble des tableaux présentés et leur histoire se trouve sur le site de la National Portrait Gallery.

18 juillet 2013

Le Grand Atelier de la sieste

Aix et Marseille se partagent un même thème et un même titre, L'Atelier du midi, pour deux expositions qui mériteraient d'être réunies : placer la billetterie à 800 mètres du musée en prévision d'une file d'attente inexistante et aligner les tarifs sur ceux du Grand Palais (soit 9 € pour les jeunes) est un chouilla prétentieux pour une moitié d'exposition. Même si des grands noms y figurent, à côté d'artistes secondaires – certains mineurs, d'autres réservant de belles surprises, plus intéressantes que moult toiles de Cézanne, avec lequel je n'accroche pas plus que cela.

 

affiche de l'exposition

Afficher deux noms connus comme bornes, entre lesquels on place ensuite tout ce que l'on veut : la technique marketing de la Pinacothèque est encore à l'heure du jour. À la mode également : la typographie déstructurée, déjà vue pour un festival de jazz - les coups de pinceaux prennent la place des sons étirés à l'ennui l'infini.

 

Des panneaux aux phrases alambiquées écrites blanc sur bleu, on retiendra en gros que la problématique retenue tourne autour de la ligne vs la couleur, donnant ainsi à Matisse le fin mot de l'histoire. Découper dans la couleur : la seule note de surprise pour moi, avec un tableau de Maillol et les toiles d'André Lhote, que je ne connaissais pas. Je commence à m'interroger. Peut-être a-t-on trop vu les impressionnistes pour pouvoir à nouveau les regarder. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les autres mouvements et les peintres secondaires attirent davantage l'oeil : ils introduisent un léger décalage, un pas de côté, un souffle d'air à distance de la montagne Sainte-Victoire et des oliviers figés dans la brume de chaleur. Pour le reste, on a si bien assimilé la manière de voir des impressionnistes que leurs tableaux virent au cliché : on s'attarde davantage devant la carte de la Provence dessinée à l'étage du musée, qui géolocalise les tableaux, que devant n'importe lequel d'entre eux. Le savon cher à Ponge ne décrasse plus l'oeil du visiteur, il est devenu une marque du folklore provençal. Tandis que La Vague de Maillol, elle...

 

Maillol, La Vague

 

Sur notre faim, nous faisons un tour dans les expositions permanentes : quelques Cézanne, encore ; un tableau du XVe siècle si vif qu'on le dirait surréaliste (des seins tout ronds, comme détachés du corps, d'albâtre) ; un jeune marquis en robe rose, le corset remplacé par une armure – car le rose, proche du rouge, était alors une couleur pour les vaillants ; un portrait étonnant d'une vieille femme, dont on ne sait pas qui y est peint, ni qui l'a peint, ni même à quelle école il appartient. Dans l'ensemble, on a l'impression d'un bric-à-brac qu'un conservateur a aussi vaillamment que vainement tenté de mettre en perspective.

À Marseille, le MuCEM donne la même impression : ce musée, très réussi d'un point de vue architectural, est malheureusement rempli de vide de ce qu'on a pu trouver à droite à gauche, qui pourrait servir de support aux scolaires pour les cours d'histoire sur la démocratie, les religions et les cultures autour de la Méditerranée. Les expositions temporaires ne semblent pas valoir mieux : Au bazar du genre, que Palpatine a parcourue et que, n'ayant pas le statut de chômeuse et pressentant l'arnaque, j'ai découverte à la librairie via le catalogue d'exposition, ne réussit guère à faire passer le bric-à-brac pour un concept muséologique. 

Si l'on ajoute à cela que pas mal de tableaux du musée d'Aix provenaient des réserves du musée d'Orsay, on en arrive au constat qu'il reste encore pas mal d'efforts à faire pour que le Midi propose une offre muséale qui ne soit pas une démonstration de la culture locale à l'attention du Parisien en goguette (plus tolérant face au vide du musée parce qu'en vacances) – de fait, le Parisien est plus au courant que le Marseillais pour le MuCEM. Comme si Marseille ne pouvait voir que les rives de la Méditerranées et qu'on ne devait montrer des impressionnistes* que leur production sur la Provence lorsqu'on s'y trouve. Allez, on se réveille, l'heure de la sieste est passée.

 

* Ou plutôt, comme on me le faisait remarquer sur Twitter : impressionnistes, post-impressionnistes, fauves, cubistes... L'expo brassait les mouvements (pourvu qu'on reste dans le Midi) ; c'est moi qui fais une fixette sur les impressionnistes dont j'ai soudain fait une overdose. 

01 juin 2013

Truculence visuelle, arrière-goût amer

 photo Gondry-vehicule_zps3f866c27.jpg

 

L'Écume des jours est le plus célèbre et le moins Vian des romans de Boris Vian. C'est-à-dire des romans que j'aurais sûrement lus si je n'avais été arrêtée par leur amertume : une noirceur riante, qui devient franchement dérangeante lorsque la cruauté prend le pas sur la loufoquerie. Contrairement à, mettons, Un automne à Pékin, L'Écume des jours commence par baigner l'auteur dans l'atmosphère d'une histoire d'amour – décalée, mais d'amour quand même. L'amertume ne vient que dans un second temps, comme fin naturelle d'une histoire qui a versé dans le drame ; on n'en sent pas alors la gratuité, quelque peu effroyable. Michel Gondry semblait donc le réalisateur rêvé pour ce roman réputé inadaptable (un roman adaptable n'est pas un roman mais un scénario, enfin passons...) : rêveur réaliste (The Eternal Sunshine of the Spotless Mind), bricoleur ingénieux (Be kind Rewind ; La Science des rêves) et maître des dérapages (The We and the I) il ferait poindre le grinçant sous le loufoque.

Effectivement, le carton pâte combine trouvaille merveilleuse et aspect déglingué, amenant la transition du cocon amical à la ville décharge : à la douceur des plats en feutrine, concoctés par Nicolas, succède la brutalité du véhicule de police en carton, qui écrase tout sur son passage de ses grosses pattes d'éléphant en métal. Ce monde où la sonnerie est une bestiole à sonnette que l'on doit écraser au marteau pour qu'elle cesse, où les petits fours sont servis dans des fours miniatures, où les carambolages de patineurs sont déblayés à la pelleteuse, où les ordonnances sont exécutées à la chaise électrique1, où les gouttières de l’hôpital crachent du sang, c'est le monde de Gondry, c'est le monde de Vian. Ce n'est pas celui des acteurs.

Dans le roman, Colin et Chloé ressemblent à des pantins : pas des Guignols, non, des marionnettes secouées par la vie, capable d'être blessées et d’émouvoir, comme à Düsseldorf. Romain Duris et Audrey Tautou, accrochés aux mimiques qui leur ont valu un fabuleux destin, veulent – et c'est l'erreur – incarner ces marionnettes. Ils leur donnent une consistance qui les empêche d'être brinquebalés : on ne peut plus s'y attacher comme on s'attache à un objet, un nounours, une poupée. Romain Duris a l'air d'avoir été invité lorsqu'il s'assoie à sa propre table, et regarde les mets préparés par son cuisinier comme s'il paniquait de ne savoir quelle fourchette utiliser dans un restaurant étoilé. Débordé par les objets qui s'anime, l'acteur ose à peine bouger, réifié.

Le seul qui, feutrine ou pas, n'ait pas peur de mettre les pieds dans le plat, c'est Gad Elmaleh, qui joue Chick comme joue un gamin : avec sérieux, sans jamais se prendre au sérieux. Son addiction à Jean-Sol Partre, qu'il finit par s'administrer dans les yeux, sous forme de gouttes – de l'extrait d’existentialisme – est particulièrement bien rendue : les discours inaudibles que Chick s'entête à essayer de comprendre transforment l'herméneutique philosophique en simple déchiffrage ; on n'est plus la recherche du sens mais du son. Cela aurait certainement plus au Boris Vian jazzman. Car c'est là seulement que le film est bon, dans ce qui propre au cinéma : le travail de la matière, visuelle ou sonore.

Réaliser les inventions langagières de Vian est une chose ; réaliser un film qui les traduise en est une autre. Ce ne sont pas des objets ou de idées que le romancier triture mais, plus qu'aucun autre, des mots , dont il mêle sens abstrait et concret avec désinvolture pour donner matière au roman. Et ce qui donne matière au film, ce n'est pas de représenter un rayon de soleil par une baguette de métal, de déguiser un homme en souris ou de construire un pianocktail mais bien de triturer l'image, de distordre les corps (le biglemoi, filmé avec un peu trop d'auto-complaisance à mon goût, même si on a bien l'impression d'une fête où les gens planent), de rétrécir le champ (la chambre de Chloé), de jouer avec les échelles (les canalisations du chantier des Halles qui deviennent des voies de train), de dé-saturer les couleurs jusqu'au noir et blanc jauni (à la limite entre l'hommage et la parodie du film muet), bref, de jouer avec la matière et les codes du cinéma.

La véritable amertume de cette Écume des jours se fait sentir lorsqu'on pense au travail délirant qui a dû être fourni pour la réalisation des décors et accessoires et qui au final n'a servi à rien. Dites, Gondry, vous ne voudriez pas recommencer avec des acteurs bien castés ? Anglophones, si possible, ça sonne souvent moins faux.

Mit Palpatine

1 Chaise électrique et non guillotine, comme dans le roman – il faut croire que Gondry a absorbé l'imaginaire américain de la peine de mort : couloir de la mort plutôt que Révolution française.