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20 août 2010

Je stoppe, tu stop, il spotte

You'd better stop ! pour que les Don Quichotteries sur le toit de l'Opéra ne se transforment pas en sketchs toonesques.

 

Vienne et surtout Londres ont confirmé ce que Berlin avait annoncé : Palpatine est un spot-addict. Dès qu'un bâtiment remarquable ou une vue surplombante pointe le bout de son museau sur une carte ou au bout d'une rue, il faut approcher la curiosité, et s'assurer qu'elle ne nous prenne pas de court en la prenant en photo.

Au début, je trouvais irritante cette manie touristique qui nous rapprochait sans cesse des lieux communs, i.e. banals et surpeuplés, quand bien même désertés par les populations indigènes. Videndum est ; comme s'il était besoin de s'embarrasser d'adjectifs verbaux en vacances... Impératif d'autant plus pressant qu'il est pressé : les photos sont arrachées au spot, c'est à peine si l'on prend le temps de cadrer.

Tout à l'heure au téléphone, Melendili me racontait son voyage à Londres et notamment le premier jour où, G. et elles ont joué à Où est Charlie devant Big Ben, Où est Charlie devant Tower Bridge, Où est Charlie à Westminster Abbey etc. parce que G. s'était fait payer le voyage par sa tante et qu'il fallait bien une caution de visite avant de se lancer dans le shopping, de flâner dans les parcs et d'écrémer les salons de thé. Mais Palpatine n'a de comptes à rendre à personne (hormis son banquier après avoir descendu Savile), aucune souris n'a été volontairement cadrée dans le viseur (sauf une dont je me passerais et dont j'interdis la diffusion), et on serait bien en peine de trouver un autoportrait dans la memory stick de son appareil.

 

Moment de flottement, donc, sur le beau Danube parfois bleu.

 

Et puis, en le voyant étudier la carte de Londres pendant une bonne vingtaine de minutes dans l'Eurostar, j'ai compris que sa manie de spotter n'était pas superficielle mais plane. Les points remarquables deviennent autant de repères qui organisent l'espace, et l'absence de cadrage, des plans larges qui replacent le lieu dans son espace – ce que signifie en réalité l'envie de « montrer comment c'est réellement ». Bref, zoom out. Le spot n'a d'intérêt que par rapport au non-spot. Il s'ensuit que :

  • le spot en lui-même, on s'en colle un peu (agaçant quand on a marché des kilomètres pour le trouver, agréable lorsque cela m'évite de visiter à nouveau le palais de Schönbrunn en lui-même, et permet une plus longue promenade dans le parc). Un clic-clac et ça repart ; pas besoin d'aller sur Mars.

  • Vienne a mis le spotteur dans l'embarras. Dans les rues d'immeubles massifs et meringues, tout est spottable, et rien ne l'est. Rien en particulier, pas plus le mastodonte jaune sur la droite que l'archi-ouvragé blanc sur la gauche ; c'est le Ring, Palpatine tourne en rond et shoot ses adversaires au hasard. Il s'est alors trouvé dans l'obligation, pour conserver son concept, d'en inventer une nouvelle variante : le spot homéopathique, dilué dans la ville.

 

Au pas de course, Mimy se prend pour Cortex
(et je déteins, parce que ce n'est pas moi qui ai ensuite eu l'idée de cadrer les touristes sous les sabots du cheval pour les écraser)

Vu ainsi, tout en participant au safari-photo, je peux moi aussi jouer à Où est Charlie ? Œil pour œil, sans aucune dent, je préfère poursuivre ma spécialisation ès cadrages bizarres ; les détails qu'ils découpent trouveront toujours dans ses photos les plans panoramiques dans lesquels ils se réinscrivent. Conclusion : j'ai épuisé les piles de mon appareil en réglage de zoom, Palpatine a grave spotté, et ce verbe barbare (ou barbarisme verbeux) m'a collé une affreuse ritournelle dans la tête, « on va spotter ! sur une étoile ou sur un oreiller... ».

 

Widerschein

Doppelgänger : Demel, deux touristes

 

Pas de jeu des sept erreurs possible. Il est en revanche possible de chercher à quels monuments correspondent les reflets.
Pour s'échauffer, un cheval blanc d'Henri IV - non, ce n'est pas une statue équestre.

 

 

Allez, un vrai :

 

 

Faisons comme l'ombre du monsieur, grimpons en difficulté...

 

 

... pour atteindre le stade de l'anamorphose :

 

 

Keine Ahnung ?

 

 

Débouler à Vienne

 

Le bureau des boulets, bordélique.

 

Au commencement, il y avait des boulets : Palpatine et moi. Qui n'ont néanmoins pas toujours bouleyé, en témoigne l'escapade au cimetière de Grinzing, rondement menée, tombe de Mahler trouvée sans große malheur.

Mozart, lui, ne repose pas vraiment en paix s'il est vrai qu'on ne cesse de lui manger le nez les couilles la couille. La Kugelmozart est pourtant une confiserie à déboulonner, inventée après la mort de celui dont elle usurpe le nom. Second scoop (histoire de le rétablir dans sa virilité) : le compositeur n'est pas rock, comme on voudrait nous le faire croire, mais bien disco, ainsi que le (ré)clamait cette boule à facettes :

 

 

Si vous avez trop chaud à force de vous agiter sur la piste de danse, secouez plutôt la boule de neige du Belvédère pour vous rouler des pelles made in Klimt (et un râteau artistique) ou prenez deux boules de glace bon marché, dans un Tüten chocolat noisette qu'il ne faudrait pas Becher (lécher suffira).

 

(au milieu du fratras)

 

A finir avant de rester bouche bée devant les immeubles de Hundertwasser, architecte ayant perdu la boule au point de nous pondre cette usine délirante :

 

 

La cerise sur le gâteau n'en reste pas moins la grosse boule dorée du pavillon de la Sécession, imaginé par Otto Wagner (qui a commis une affreuse poste) et Gustav Klimt (deshalb es ist schön), réalisé par Josef Maria Olbrich.

 

 

Article sponsorisé par l'omnipotente Austriabank qui règne sur le petit monde autrichien,

 

avec en partenaire non-officiel une Wurst non-autrichienne, parce qu'avec Knacki ball, c'est bon d'avoir les boules.

 

 

 

Se mettre en boule sur une boule rebondissante -
en velours bordeaux, nous sommes au Belvédère s'il vous plaît !
J'avais très envie de repartir avec une sous le bras,
mais outre le peu d'assise (une boule roule par définition),
cela n'aurait pas été très discret.

 

19 août 2010

Faire Grinzing des dents

La visite au cimetière de Grinzing, à partir d'une bourgade fort pittoresque, a été une belle promenade. La tombe de Gustav Malher, qui en était le prétexte, n'avait rien de morbide : c'est à peine si l'on pense qu'un homme y est enterré, tant fleurit, en roses rouges, le mythe qui y est enraciné.

 

 

Le caveau comme fosse commune familiale ou
les poignées comme les fers d'une bague de mariage.

Je ne sais pas si je trouve belle et forte cette éternité partagée,
ou si elle me fait simplement horreur.

 

Avant de trouver le compositeur, pourtant, nous avons erré dans d'autres secteurs et croisé des âmes en peine, en chair et en os : des petites vieilles, surtout, déséquilibre démographique entre les sexes oblige, qui, coup d'œil aux stèles et soustractions, ne feront peut-être pas de vieux os. On ne meurt pas très âgé, dans ce cimetière, et même jeune parfois, comme c'est le cas de l'homme enterré en face de Malher. Peut-être détestait-il le compositeur. Peut-être ne le connaissait-il pas. Ce serait alors d'un inconnu qu'il récupérerait quelques échos de l'attention portée au musicien lorsqu'une passante comme moi se retourne pour voir ce qu'il y a derrière la célébrité et prend la première stèle pour la jeter à cette vaine immortalité.

 

 

La photo rappelle une dernière fois un visage avant qu'un ange passe (la babiole kitsch, devant) et n'efface ses traits par le silence. Pas de briquets pour Kurt, des photophores pour celui qui a vu le jour. C'est très humain un cimetière. Très calme, presque idyllique avec son clocher en arrière-plan. Pourtant, Palpatine et moi ne pouvons nous empêcher d'engager une étude démographique, nominale, sociologique et esthétique, ni de plaisanter du mauvais goût des uns et de l'orgueil des autres.

 

 

Alors pendant que j'ai encore mon mot à dire, je vous en prie, pas de stèle démesurée, pas d'angelots à la cellulite plastique et au rictus de marbre, pas de couronne, ou alors en petite monnaie, et surtout, par pitié, pas d'italiques. Va pour le doré, mais pas d'italiques. Tout sauf ça. Bon, et si à la place des chrysanthèmes, je pouvais avoir des coquelicots ou mieux encore, des fleurs tropicales oranges, ce serait parfait... enfin, achevé, surtout.

De son côté, Palpatine prévient : « celui qui me met une croix, je reviens le hanter ». Il préfèrerait une tombe boudoir sur laquelle on viendrait s'envoyer en l'air. Si jamais des questions de décence et d'outrage publique à la pudeur rendaient ses volontés malaisées à exécuter, à défaut de petites morts, il se contenterait d'une vivante très sculpturale, une version lascive et féminine de cette petite chose légère légère pour clore sa vie comme Chateaubriand ouvre ses mémoires.

 

 

A en croire leur tombe où la date de naissance n'est pas suivie de celle de la mort, certains ont pris les devants. Pas de plus belle vanité que de s'attaquer à l'éternité, s'en rendre compte permet de redescendre sur terre : pourquoi, dès lors, la mention d'une fonction politique sur la stèle serait-elle moins risible que le gynécologue qui a choisi d'y faire graver son métier ? On fleurit les tombes sans voir le florilège des statues sociales de l'éternité – ciel, quelle vanité pour des espoirs décomposés.

 

 

(Tout ceci pour expliquer pourquoi le quart de mes photos viennoises ont été prises au cimetière.)