Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18 février 2009

Tuer Catherine

[Ceci est un trip, un très long trip, un trop long trip, sur un très bon roman. Si vous n’avez pas envie de (tout) lire, vous pouvez toujours sauter de paragraphe en paragraphe comme un cabri, ne lire que les passages en gras, aller trouver le lien vers le blog de l'auteur, ne pas lire du tout. Mais le mieux reste quand même d’acheter le bouquin.]

-Par où commencer ?

-Par où tu veux. Même in media res, un commencement sera toujours un début, alors commence donc par le début du livre, c’est un bon début pour débutant.

-Mais ce livre est une suite de débuts sans fin.

-Réalise le fantasme des anciennes éditions de folios junior « Et si c’était par la fin que tout commençait… ». Commence par la fin.

-D’accord : Catherine meurt.

-Bah ça commence bien.

-Merci pour le spoiler.

-En même temps, vu le titre, on pouvait s’en douter.

-D’ailleurs, elle ne meurt pas vraiment.

-Allons bon.

-Je vous signale qu’on est en train de dévoiler le milieu, là.

-Bon. Allons, procédons avec ordre.

-Mais l’ordre de l’un est le désordre de l’autre.

-Bouh, vile spinoziste !

-Je ne comprends rien.

-A Spinoza ?

-Non, à ce qu’on dit. Filez-nous la quatrième de couv’ !

- Laquelle ?

-C’est malpoli d’embrouiller le lecteur, même numérique. Voici :

« Minable héroïne de seconde zone, Catherine est un personnage de fiction sans œuvre fixe qui a eu l'indécence d'élire domicile dans mon corps. Au départ, je m'étais faite à l'idée d'être deux : je suis partageuse, comme fille, moi. Mais le problème, c'est que la présence de Catherine est parfaitement incompatible avec la vie saine que je m'efforce de mener : elle est obsessionnelle, monomaniaque, hystérique, et j'en passe. Aussi ai-je décidé de l'éliminer. Définitivement. »

-Qui est je ?

-Révise tes conjugaisons !

-Eh, l’autre ! Arrête Rimbaud !

-Je persiste : qui est je ?

-La narratrice.

-Une cinglée.

-Un personnage d’auteur.

-Un imposteur.

-Une logorrhée cérébrale.

-Une voix.

-Et nous ?

-D’accord, des voix.

-C’est nous !

-Des mots, des phrases, un rythme sans virgule un souffle garanti haleine fraîche avec tictac seulement 2 calories par bonbon.

* *

*

Les mises en abyme me fascinent, faire une synthèse non synthétique sur la Modification de Butor m’éclate, dévorer en miettes et reconstruire, les structures désossées, les legos littéraires, le roman dans le roman, le théâtre dans le théâtre et le comique de l’illusion… alors forcément, Tuer Catherine, avec ses mises en abymes de mise en abyme de mise – métatexte puissance innombrable- était destinée à me plaire.

C’est bon comme un millefeuille* de 250 pages (ou plus si vous aimez les croûtes). Et ça se mange pareil : à l’arrache. On ne distingue pas les couches de narration, méta texte, commentaire de commentaire de commentaire de machine enrayée, on enfourne tout et sans être écœuré, encore. L’humour est très digeste. Acide à souhait.

Lorsque la narratrice hésite à faire profession de bonne foi, c’est qu’on risquerait par là de suspecter qu’elle a quelque chose à cacher (agent secret), mais de le dire, c’est aussi prendre le risque de passer pour quelqu’un d’insignifiant voulant faire l’être mystérieux (dame pipi) ; mais alors, pourquoi ne serait-elle pas un agent secret se faisant passer pour une dame pipi se faisant passer pour un agent secret ? Elle ne sait plus quoi redouter, « être prise pour un agent secret triplement double ou pour une dame pipi polyaffabulatrice ? » Ca, c’est le délire paranoïaque de la voix simple.

Plus complexe s’avère celui de la composition florale chorale des voix. Une sorte de dialectique mentale pulvérisée en agora informe, comité de surveillance des intellectuels antifascistes de la rédaction du Roman de Catherine. Auquel vous n’aurez pas accès, parce que vous ne croyez tout de même pas que l’on va vous donner une base solide sur laquelle vous reposer. Le lecteur n’est pas fait pour cela, debout bande de badauds. L’infini de la mise en abyme se fait aussi en aval : est-ce que l’on donne la raison d’un prétexte (serait-ce celui d’un livre) ? Merci de ne pas répondre, cette question était rhétorique – navrée. Vous pouvez toujours vous en prendre aux voix boucs émissaires de discussions de sirènes. Rien ne sert de compter ces bestioles mythologiques et composées : elles sont le nombre qu’il faut pour se contredire. Après avoir essayé pendant approximativement 5,7 répliques d’établir une alternance binaire puis ternaire, j’ai laissé cela à la fonction de mon humeur – de ma marrer ensuite de voir mon intuition confirmée rassurée : [le chœur décide de prendre ses mesures par le vote] « - Un tiers d’entre nous avait tout de même voté pour, je te signale.

-Et un tiers contre.

-Taisez-vous, ils vont savoir qu’on est en nombre divisible par trois.

[…]

-Vous n’avez rien compris. Le chiffre n’est pas secret. Il n’existe pas. C’est très différent. »

* pour les becs salés, nous vous proposons la « fiction-gruyère ». Et dans le gruyère, le meilleur, ce sont les trous. Les trous idiosyncrasiques du gruyère ont toujours été sous-estimés.

* *

*

-C’est bien gentil de s’éclater sur sa dernière lecture, mais on ne comprend pas grand-chose, là.

-Mais vous lisez toujours.

-Qu’est-ce que tu en sais ?

-On ne peut pas me contredire sinon.

-C’est ça, joue au chat et à la souris, toute mimi que tu es.

-En attendant, je donne ma langue au chat.

-Ouais, et Catherine ? C’est qui ?

-Pourquoi on la tuerait d’abord ? C’est peut-être une personne charmante.

-C’est vrai, ça. Et puis si ce n’est pas vrai, ça l’est quand même un peu, puisqu’on cloue facilement le bec à un personnage fictif.

-Mais si c’est un personnage, ce n’est pas une personne.

-Chipote !

-Pris comme un bleu à l’illusion référentielle.

-« willing suspension of disbelief »

-Plagieur !

-Coleridge !

-Shut up !

-Mais c’est qu’on est polyglotte dans le coin.

-Et alors, si ça se trouve Catherine est une tsarine russe.

-Ils parlaient français à la cour du tsar.

-Vous êtes un peu à l’est, là.

-Y’a rien de nouveau.

-Faut revenir à l’ouest. Catherine n’est pas russe.

-Si. Même que c’est une poupée.

-Une mise au point s’impose.

* *

*

Niveau 1 : Catherine est un personnage de fiction qui squatte le cerveau de la narratrice.

Niveau 2 : Catherine est une part de la narratrice, puisqu’elle est dans son cerveau.

Niveau 3 : Catherine est celle que la narratrice veut zigouiller (2+3= la narratrice est maso)

Niveau 4 : Catherine est l’anti-héroïne du roman de la narratrice qui prévoit de la réifier dans ses mots.

Niveau 5 : Catherine est le sujet du Roman de Catherine, dont discutent les voix.

Niveau 6 : Catherine est l’auteur du Roman de Catherine (5+6= Catherine est égocentrique)

Niveau 7 : Catherine est le complément d’objet direct de Tuer Catherine.

Niveau 8 : Catherine est le prétexte de Tuer Catherine.

Niveau 9 : Catherine est suicidaire. (7,8,9 dans mon panier neuf)

Niveau 10 : Catherine est une emmerdeuse.

Niveau 267 : Catherine est insaisissable.

Niveau 268 : Catherine est comme Dieu, présente partout, présente nulle part.

Niveau 269 : Catherine est l’auteur. ( le syllogisme 268- 269 suppose Flaubert comme mineur(e) )

Niveau 342 : Catherine est un nom.

Niveau 343 : Catherine est des mots.

Niveau 467 : Catherine est vous.

Niveau 469 : Catherine est une vaste supercherie.

Niveau 1873546 : contribution de Valéry, le verbe être a fait une grande carrière dans le néant, Catherine n’est plus, félicitations, vous avez épuisé toutes ses vies, vous avez tué Catherine, (vous avez épuisé toutes vos vies, vous êtes Catherine).

GAME OVER.

* *

*

-C’est long.

-Va voir ailleurs si elle y est.

* *

*

Livres que l’auteur a lu ou du lire :

- Sterne

- des critiques littéraires.

- Le Mythe de Sisyphe

- Madame Bovary

- Lady Chaterrlay

- des tragédies antiques

- Anna Karénine. Capital.

- Tu ne l’as pas lu.

- Certes.

- Mais alors tu ne peux pas avoir tout saisit.

- Certes.

- Tu te fous de nous.

- Certes non. Ca montre que ces clins d’œil littéraires ne sont pas entièrement nécessaires pour apprécier Tuer Catherine.

* *

*

-C’est long.

-On est revenus.

-Par pitié, de la synthèse.

* *

*

Tuer Catherine c’est tuer Catherine. La lecture même détruit le stéréotype du personnage romanesque. C’est pour cela que l’on assiste à son enterrement mais que l’on ne sait pas quand elle meurt : quand le roman s’est-il désagrégé pour devenir la narration de la genèse d’un roman qui n’existe pas ? quand le Roman de Catherine est-il devenu Tuer Catherine ? quand arrêteras-tu de nous saoule avec tes questions à la noix ?

Le meurtre est tout à fait épuisant. Le récit s’épuise, le lecteur aussi. Parce que cher lecteur, Tuer Catherine, tu es Catherine. Tu dois te tuer toi-même à la tâche de lecture. Tu t’appelles Claire, Marie, Paulette ? Tu es Catherine, tu es cette amoureuse romanesque qui s’attache au personnage de Catherine dans le roman éponyme. Ne nie pas, tu es Catherine, sinon tu ne rirais pas à un tel passage : « […] impossibiliser toutes mes histoires d’amour afin que Catherine puisse pleurer toutes les larmes de mon corps devant sa passion perdue avant de rater son énième suicide, parce que naturellement la SNCF est systématiquement en grève les jours où elle choisit de s’allonger sur les rails du TGV munie de son petit panier osier doublé carreaux vichy contenant son testament écrit au sang de hamster écrasé, n’est pas héroïne de seconde zone qui veut ». (précaution d’emploi : ne pas boire du thé en même temps – si la couverture de mon exemplaire est miraculée, elle n’a dû sa sauvegarde qu’à une heureuse synchronisation qui fait que j’avais quasi dégluti ma gorgée de thé au moment où j’ai explosé de rire) Lecteur, tu ris, tu es Catherine, et c’est pour ça que le livre peut parfois t’agacer : c’est très agaçant de devoir se tuer soi-même. Serait-ce pour les beaux yeux de Nina Yargekov.

* *

*

- Tu vas nous lâcher, maintenant, Anorak Yeving ?

- Surtout que tu n’es pas drôle. Nina Yargekov, elle, l’est. Son premier roman est plein de second degré.

- Second ? Y’en a au moins 90° : ça décape, ce roman.

- On sent qu’elle s’est éclatée à l’écrire.

- Ca se voit, il y a des morceaux partout.

- Je n’ai pas trouvé l’orteil gauche, j’aurais peut-être dû regarder derrière le rayon.

- Arrêtez ce commentaire de roman autocommentaire, sinon on ne va pas s’en sortir.

- Je ressuscite Catherine.

- Mais elle est enfin morte !

- Pas pour ceux qui ne l’ont pas encore lu.

- On ne s’en débarrassera donc jamais ?

- Comment elle a fait Nina ?

- Comme ça.

[Le premier qui laisse un commentaire ressuscite Catherine et le fait à son péril.]

 

16 février 2009

Revolutionary Road

 

Où l’on tourne en rond, ronde effrénée, jusqu’à prendre la tangente

 

Remarque préliminaire : Melendili a raison, la traduction est pourave (c’est un vrai mot, pourave ? l’ordi ne le souligne pas). A part ça, awesome.

 

 

Le couple de Titanic qui vieillit dans une banlieue américaine des fifties, je trouvais ça louche. Genre un 2 qui ne s’avoue pas comme tel, mais qui aurait un vague goût de sauce rallongée à l’eau. Darlings, il n’en est rien.

D’abord, la déploration couple-rongé-par-le-quotidien est un peu courte – c’est loin d’être aussi caricatural. Frank et April ne s’y sont jamais vraiment installés : il n’y a pas à proprement parler de dégradation effilochement ruine progressive, plutôt une inadaptation chronique qui devient aigüe au fil du temps. D’où l’on ne voit pas l’ « avant » installation, si ce n’est sous la forme d’une brève scène de rencontre, et de la visite avec l’agent immobilier, et encore, cette dernière est insérée en flash-back explicatif.

Inadaptation chronique, donc – à la vie, de façon générale, et l’un à l’autre en particulier.  April doit laisser de côté ses rêves de comédienne, non tant que l’ambiance familiale soit à la femme au foyer (lors de leur projet d’aller vivre à Paris, ce serait lui, l’homme entretenu), mais she’s not up to it. Elle n’en sait pas moins ce que c’est de vivre pour ce qu’on aime, et décide de secouer son mari pour qu’il trouve sa vocation, et à travers lui, sortir leur couple de l’image d’Epinal des perfect Wheelers, foyer en tous points conforme à l’American dream. Tout en apparences, ou plutôt en reflet, comme avec au départ, l’approche de Frank dans le rétroviseur rutilant de sa voiture ou, plus tard, le visage désespéré de la voisine dans la glace. 

 

 

Faire en sorte que ces reflets ne soient pas le seul brillant (dans toute sa dureté) de leur existence terne (malgré le soleil qui fige le tout dans un glaçage de pelouses tendres, de fleurs zet papillons, il fait bon ne pas vivre). Et donc, partir pour Paris, avec les enfants, et peur, mais sans reproche.

Which seemed a good idea. The point is: Frank hasn’t got the guts to do it. Bien sûr, il décide de partir, il l’annonce à tous ses voisins, mais une offre de promotion dans une boîte qu’il déteste vient à point nommer pour attraper une bonne excuse que lui fournit April bien malgré elle, enceinte d’un troisième. Rien ne sert de courir, il ne partira point. Lâcheté ? Yes… but no, would have said my English teacher, as it is his customs. April a le courage de l’optimisme du désespoir – s’accrocher à n’importe quoi pourvu que. Le projet est a bit irrealistic, comme ne cessent de le répéter les voisins, inquiets que l’on puisse avoir la force de partir en les laissant dépérir dans leur vie forcée – et sourire colgate qui ne va plus de soi.  Peut-être, après tout, April ne fait-elle que déplacer le problème : la période du changement euphorique passée, qui dit qu’une nouvelle routine ne s’installera pas ? Quand on lui demande ce qu’il fera de son temps, à Paris, Frank répète qu’il cherchera sa vocation, qu’il se cultivera, qu’il lira ; alors que la maison est pleine de livres jamais ouverts, parfaitement alignés dans la bibliothèque.

Il faut du courage pour changer de vie, mais il en faut également pour continuer vaille que vaille (quelque chose qui ne vaut pas grand-chose mais coûte beaucoup). Si April paraît d’abord beaucoup plus vigoureuse que son mari, son mari la rattrape ensuite peu à peu jusqu’à une égalité nulle. Il la trompe le premier, so does she. Elle a le courage d’essayer, de partir, lui de continuer, de rester. Il n’a pas celui de partir, elle n’a pas celui d’envisager une possible défaite, que the European dream soit aussi nightmarish que chez eux, simple renversement du point de vue car de l’autre côté de l’Atlantique. Rien à faire, il y a entre les deux quelque chose de brisé, un navire titanesque qui a sombré dans une vie antérieure – et la main du voisin sur la vitre quand ils font l’amour, la voiture garée au bord de l’eau (je me suis bâillonnée avec mon écharpe pour ne pas exploser de rire dans une salle alors silencieuse devant cet appel de phare à la légèreté de clin d’œil de garçon de café). La lâcheté de Frank, ce n’est peut-être que de ne pas prendre le risque de constater un nouvel échec, de préférer les regrets aux remords – il reste toujours le conditionnel, après tout, l’Europe ne s’envolera pas.

Frank se constitue prisonnier (magnifiques ombres des barreaux de la fenêtre ou des rideaux) et préfère vivre dans le mensonge, même lucidelet’s be spinozistes, nous ne sommes pas libres du seul fait que nous soyons conscients de nos actes. Je crois que c’est ce qui évite au film de tomber dans le cliché. La frontière entre courage, lâcheté, force et résignation s’en trouve brouillée. Cela me fait mieux comprendre rétrospectivement cette tension qu’il y avait dans le Parc de Duras (I know, j’ai les rapprochements élastiques). Je n’aurais jamais pensé qu’il puisse y avoir une forme de force à persévérer dans ce qui ne nous plaît pas, dans la reconnaissance que nous ne sommes pas géniaux, pas différents des autres, pas faits pour la vocation dont on rêvait. Et qu’au final, le rôle le plus difficile, ce n’est pas celui de la scène auquel April renonce, c’est celui qu’elle endosse après une dispute terrible (filmée caméra au poing, genre thriller April-Frank-cible-du-destin-dans- le viseur-d’un-fusil-muni-d’un-silencieux), celui d’épouse qui s’intéresse aux ordinateurs pour la vente desquels son mari est promu (pas encore totalement dans on rôle : la ménagère parfaite aurait hurlé en le voyant dessiner au bic sur une serviette en tissu, tu te crois au restaurant, peut-être ?). Le jeu de papa-maman-dans-une-belle-maison contre lequel s’insurge le fils fou des voisins, qui à la première visite dérange les parents mais comprend la tentative de révolte du couple (mise en place de sa crédibilité) et à la deuxième balance leur échec à la tête en gros plan d’April (tentative pour refouler tout ça, qu’il retourne dans son asile). Le philosophe (mathématicien, ça fait mieux de nos jours) est toujours pris un fou quand il dit la vérité – simple renversement de la caverne -des intestins humains- et du soleil -éternel du bonheur factice-. 

 

 

 

Il faut du talent pour éviter l’écueil de la médiocrité à la dénoncer (regardez la géniale maîtrise de Pérec dans les Choses – incomparable, mais le rapprochement s’opère de lui-même dans mon petit crâne de piaf vacancier). D’où je suis ressortie étrangement de bonne humeur de ce film que l’on n’a pas spécialement intérêt à voir si l’on se sent déprimé. Combien de personnes dans la salle repartent chez elles en se disant qu’elles ont vu un bon film, avec de bons acteurs, bien mis en scène, pour ne surtout pas y penser ? et étouffer les mêmes problèmes à coup de télé ? (impossible de situer un tel film à notre époque, la télévision offrant des possibilités de plans visuels beaucoup plus restreints que les cigarettes et l’alcool qui coule à flot). Comme l’impression que disséquer annoter commenter désosser désarticuler remonter reconstruite fragmenter analyser et paraphraser sont les seuls moyen d’éviter cela, quand bien même cela virerait à la maniaquerie.

p.s. Mes excuses pour l'abus d'italique - ne nuit cependant pas à la santé

p.p.s. L'affiche française est aussi peu représentative du film que le titre. Je préfère largement l'affiche que j'ai trouvé sur le net et qui suggère déjà l'incompatibilité entre deux tentatives différentes pour sauver la vie en train de se noyer dans le quotidien et sentir, vivre intensément. J'arrête l'interprétation délirante.

30 décembre 2008

Ce n'est pas un Scoop

           Pas un scoop que les romans Anglo-saxons peuvent avoir un humour plus décapant que les nôtres. Quand en français on essaye l’humour pince-sans-rire et bien justement, ça ne fait jamais rire. Cela devient même rapidement très agaçant, comme un disque rayé – répétition d’une recette dictée par une grand-mère mourante et qui n’avait plus toute sa tête quand à la proportion de farine – on est roulés dedans par les mêmes tics d’écriture, des sous-entendus et des antiphrases ironiques rarement cinglantes. Il n’y a guère qu’en anglais que l’understatement est un clin d’œil complice – et pas une grimace de garçon de café vaguement empreinte de gauloiserie. « Les Anglais sont plus drôles quand même », tranche en toute impartialité From-the-Bridge à la conclusion d’un commentaire de Tristam Shandy, which was seminal and whose influence could be found in the Nouveau Roman, for instance.

 

            Pas un scoop véritable dans le roman éponyme d’Evelyn Waugh, que From-the-Bridge m’avait offert en juillet dernier. Entamé puis laissé de côté pour causes de lectures philosophiques (ou pire, pour mauvaise conscience de ne pas faire ces lectures philosophiques), je l’ai repris au début des vacances, reprise peut-être encouragée inconsciemment par la mention de l’auteur dans Lost in Translation (j’aurais également pensé, à tort, qu’il s’agissait d’une femme…). Difficile d’esquisser un résumé pour la simple et bonne raison qu’il ne se passe pour ainsi dire rien : à la suite d’une erreur, un journaliste de la rubrique pêche et chasse (pas vraiment cela, je n’ai toujours pas cherché ce qu’était une great crested grebe, mais c’est l’idée) est envoyé dans un pays d’Afrique couvrir une guerre, qui n’a pas lieu. C’est plein de cocasseries truculentes et de quiproquos occasionnés par le bon sens du personnage central, heureusement pour nous peu partagé de ses collègues journalistes. Je suppose que c’est ce qu’on doit entendre par « a romping comedy of errors ».

Tout à fait le genre de lecture pour retrouver le plaisir égoïste d’une lecture gratuite. Here are some that made me laugh (pour être honnête, il s’agit surtout de ceux que j’ai pu retrouver) :

 

  •  Mr Salter’s side of the conversation was limited to expressions of assent. When Lord Copper was right he said, ‘Definitely, Lord copper’; when he was wrong, “Up to a point’.
    ‘Let me see, what’s the name of the place I mean ? Capiral of Japan ? Yokohama, isn’t it ?’
    ‘Up to a point, Lord Copper”.
  •  (Présentation encyclopédique d’Ishmaelia)  As there was no form of government common to the people thus segregated, nor tie of language, history, habit, or belief, they were called a Republic.
  • (Sur place, au bureau de presse, pour obtenir des papiers d’identité). They were small orange documents, originally printed for the registration of prostitute. The space for thumb-print was now filled with a passport photograph, and at the head the word ‘journalist’ substituted in neat Ishmaelite characters.

29 décembre 2008

Arrêt sur lecture

Plutôt corne ou marque-page?

Question d’hérétique ! Une corne ! S’il y a une chose sur laquelle je suis d’une maniaquerie hystérique, c’est bien l’aspect du livre. Lorsque j’ai vu l’état dans lequel les Stoïciens II est arrivé, j’ai failli faire une crise d’apoplexie. La couverture pliée en trois, de manière assez violente à plier également la majeure partie des quelques 700 pages de ce pavé. Pire encore lorsque la pliure se trouve à l’endroit où l’on tient le livre, cela peut aller jusqu’à me distraire de ma lecture – en même temps, il ne faut pas grand-chose pour être diverti de la Physique d’Aristote. Pas de corne, donc, pas non plus d’accent circonflexe échoué par terre (ou alors le temps d’attraper une tasse de thé) – j’ai déjà tendance lors de ma lecture à ne pas ouvrir complètement le livre pour ne pas marquer la tranche… Vous comprendrez pourquoi j’ai dû m’éduquer aux étiquettes jaunes de Gibert : de grands progrès ont été fait, puisque j’ai déjà acheté un livre surligné. Mais revenons à nos questions : pas de corne, mais souvent pas de marque page non plus, tout au plus un bout de papier ou un ticket de caisse qui traîne dans les parages. Le plus souvent, j’essaye de me souvenir du numéro de la page et 8 fois sur 10, je dois feuilleter un peu avant de la retrouver.

As-tu déjà reçu un livre en cadeau ?

Oui. Réponse succincte contrebalançant l’excès de la réponse précédente.

Lis-tu dans ton bain?

Ravie de voir à cette question que je ne suis pas la seule à m’adonner à cette pratique. Il suffit de choisir un livre assez léger et de remettre de l’eau chaude toutes les demi-heures. =D

As-tu déjà pensé à écrire un livre?

Ce n’est de toute façon pas plus avec des pensées qu’avec des idées que l’on peut en écrire un.

Que penses-tu des séries de plusieurs tomes?

La trilogie est souvent une bonne formule –même si l’on se demande parfois s’il ne s’agit pas uniquement d’un procédé commercial pour faire du 1 en 3 (la preuve qu’on ne vend pas un livre comme du shampoing). Au-delà, cela a tendance à s’essouffler, la connivence avec les personnages devient plutôt une lassitude (on supporte déjà les tics de notre entourage, s’il faut en plus avoir celles de la caractérisation dans nos lectures…). Cela dit, tout dépend de ce qu’on entend par série : celle des Hercule Poirot (que je préfère à Miss Marple), où le lien entre les livres est secondaire à l’intrigue, n’a rien à voir avec… avec quoi, d’ailleurs ? Je suis en train de dire ce que « je pense des séries en plusieurs tomes », mais je n’en ai pas lu tant que ça au final. Je parle de tendance à s’essouffler, mais j’ai adoré Harry Potter (l’essoufflement dans l’épilogue ne compte pas), Artemis Fowl, le Livre des étoiles et garde un bon souvenir de la saga d’Anne (au Pignons verts), de Lucy Maud Montgomery. Bon voilà, je ne pense plus.

As-tu un livre culte?

L’adjectif numéral étant trop restrictif et ma capacité à faire des choix limitée, je refuse de répondre à cette question.

Aimes-tu relire?

Hormis Rousseau, oui (mais je suis de mauvaise foi, pour relire Rousseau il faudrait déjà que je l’aie lu). On redécouvre toujours un petit quelque chose, une expression à savourer, et les procédés d’écriture deviennent plus visibles et relancent avec l’intelligence de la lecture la curiosité. Mais, avec tout ce que j’ai à lire, je prends de moins en moins le temps de relire.

Rencontrer ou ne pas rencontrer les auteurs de livres qu'on a aimé?

D’une manière générale, j’aime une œuvre et me fous pas mal de son auteur- surtout que dans la plupart des cas il est mort, et que rendre visite à sa tombe n’apportera pas un discours très enrichissant. Le seul auteur que j’ai « rencontré », c’est Daniel Pennac au salon du livre, ayant cédé à la curiosité de savoir qui pouvait être le créateur d’un bouc émissaire professionnel : deux yeux noisettes rieurs, et un crayon que ça démangeait de dessiner. Une image sympathique.

Aimes-tu parler de tes lectures?

Oui, even though je ne sais pas nécessairement bien en parler.

Comment choisis-tu tes livres?

Bibliographie et cadeaux obligent, je n’ai pas choisi de livre depuis une éternité. Pas au hasard du moins : j’ai tendance à me diriger vers les auteurs que je connais. Avant, le titre, la couverture, la collection… l’épaisseur aussi, un temps où j’affectionnais particulièrement les pavés.

Une lecture inavouable?

Question vouée à rester sans réponse : ou bien ce n’est pas le cas, ou bien on ne l’avoue pas.

Des endroits préférés pour lire?

Le bain ou un endroit silencieux. Tout ce qui est confortable et ne ressemble pas à une table. Le problème principal, en fait, c’est la position : être avachie est fort agréable - jusqu’à ce que survienne l’engourdissement. Assise sur mon lit, le dos calé contre le mur - les 2/3 du dos contre le mur – les épaules adossées au mur… crampe… allongée sur le ventre… mal au creux du dos… sur le côté… plus de sang dans la main qui soutient la tête… sur le dos… le livre cache la lumière… (éventuellement en grand écart par terre) et rebelote… assise sur mon lit… etc.

Un livre idéal pour toi serait:

Un livre auquel je ne m’attends pas et que je ne peux donc pas décrire.

Lire par dessus l'épaule?

A part les cartes postales, non. On n’a jamais le même rythme de lecture (ma mère lit au rythme de ma lecture en diagonale, par exemple) Et quoi de plus agaçant que d’attendre au bas d’une page, en clignant des yeux comme un curseur clignotant ? Ou inversement, que de se faire dérober la fin d’un paragraphe ?

Lire et manger?

Boire du thé, surtout. Mais comme le thé vaut d’abord pour les gâteaux qui l’accompagnent… lire et manger, certainement, du moment qu’on n’a pas les doigts gras ou qu’on ne laisse pas tomber des débris copeaux de chocolats entre les pages.

Lecture en musique, en silence, peu importe?

En silence.

Lire un livre électronique ?

La revue des blogs me bousille déjà assez les yeux. Et je doute qu’un livre électronique diffuse une odeur d’encre.

Le livre vous tombe des mains : aller jusqu'au bout ou pas?

Oui. Quitte à le reprendre une autre fois. Mais du moins l’on peut ainsi critiquer en connaissance de cause.

Par curiosité, je rajouterais bien quelques questions, histoires de savoir si je suis ou non la seule à ne pas sauter de paragraphe (quitte à songer pendant ce temps au dîner et ne pas vraiment me souvenir de ce dont il est question), si vous faites des pauses au milieu de votre lecture pour imaginer telle attitude, comprendre telle chose ou imaginer telle autre, ou encore si les livres sont votre principale mine de cadeaux. Je tag ou re-tag (pour ceux qui ne se sont pas encore soumis à la question) Melendili, Yannick, Bamboo, Sarah, V.