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24 novembre 2015

Irrational joy

"Just what the world needs, another book about Heidegger and fascism."

Même si le nombre de ses films que j'ai appréciés doit commencer à équivaloir voire dépasser le nombre de ses films qui m'ont horripilée, je continue de partir du principe que je déteste Woody Allen. Il ne peut ainsi y avoir que de bonnes surprises : Midnight in Paris, Magic in the Moonlight et maintenant, poursuivant la logique allitérative, Irrational Man.

Alcoolique, débraillée, désabusée, la philosophie a sous les traits d'Abe Lucas une sale gueule. Les simplismes auxquels on s'attendait de la part d'un personnage de professeur de philosophie en deviennent paradoxalement assez savoureux - plaisir de junk-food que ces "McNuggets of Wisdom™" et "fortune cookie versions of the wisdom of Soren Kierkegaard, Jean-Paul Satre, and Simone de Beauvoir1". Du nawak en barre, juste assez spécifique, cependant, pour que la qualification de la philosophie comme masturbation intellectuelle soit moins perçue comme mépris que comme auto-dérision. Woody Allen n'essaye même pas : plutôt que d'allonger la longue liste des films présentant des cours de philo qui sonnent faux, il fonce direct dans la parodie, entraînant le personnage de Jill Pollard avec lui. La belle et brillante étudiante tombe donc instantanément amoureuse de son professeur à la réputation sulfureuse et aux paroles éblouissantes, peu importe que ses idées soient plus brouillonnes qu'hétérodoxes et qu'il bande mou (de toutes façons, les couilles molles, ce n'est pas ce qui manque chez Woody Allen).

Emma Stone prête des grand yeux de merlan frit à l'étudiante et n'hésite pas à déformer ses traits jusqu'à la laideur lorsque celle-ci finit horrifiée par son maître à penser – une expressivité qui peut attirer des critiques contradictoires : à la fin de la séance, une femme déplore que l'actrice mise tout sur sa plastique, tandis que je ne sais plus qui m'a dit la trouver laide. Je le vois davantage comme une beauté protéiforme, que rien, pas même les miroirs déformants d'une fête foraine, ne peut entamer – rions-en un coup et reprenons.

Woody Allen met en place le cliché narratif de l'étudiante amoureuse de son prof de philo... pour mieux le laisser tomber. Pas le twister ou le revisiter, non, non, le laisser tomber, comme une vieille chaussette, de côté. Car ce n'est pas de Jill que vient l'électrochoc qui va tirer Abe de sa dépression de philosophe alcoolique blasé, mais d'une conversation entendue par hasard en sa compagnie, l'histoire d'une femme désespérée parce qu'elle se voit retirer la garde de ses enfants par un juge véreux, ami de son ex-mari. Et là, Abe décide de tuer ledit juge. Comme ça. Pour le fun – qu'il recommence enfin à sentir. Et d'aller étrenner sa capacité renouvelée à bander avec la prof qui lui court après depuis un moment. C'est seulement après, après la résolution meurtrière, qu'il cède aux avances réitérées de Jill, quand l'intrigue amoureuse a été reléguée au second plan par la préméditation d'assassinat. Meurtre 1 – philosophie 0.

<spoiler intégral> Non seulement Abe commet le meurtre, mais il n'en éprouve pas une once de remord. Persuadé que, mieux que les idées qu'il a toute sa vie maniées, cet acte redonne sens à sa vie, il en profite pleinement. Si angoisse il y a, c'est uniquement de se faire attraper. Lorsqu'elle comprend qu'il est l'auteur du crime, Jill écoute son instinct, comme le lui demande Abe, mais, contrairement à lui, son instinct ne lui dicte que répulsion ; horrifiée, elle rompt avec Abe, sans toutefois le dénoncer. Instinct, impératif catégorique, justice, éthique... alors que, devant ce déballage contradictoire, le spectateur s'apprête lui aussi à devoir choisir un camp dans la question de savoir si cet meurtre est ou non moralement justifiable, Woody Allen lui coupe l'herbe sous le pied : Jill menaçant finalement Abe de le dénoncer pour blanchir le suspect retenu par la police, Abe s'apprête à la tuer, mais au moment de la balancer dans la cage d'escalier, il glisse sur la lampe torche qu'il lui avait gagné à la fête foraine et tombe à la place de sa victime. Premier meurtre moral ? Immoral ? Hop, seconde tentative de meurtre actée ; la question est réglée ; le jugement, suspendu. </spoiler intégral>

Tout cela, finalement, est bien moral – comme peuvent l'être, quelques part, les contes de Rohmer, où les décisions des personnages coïncident a posteriori avec la morale telle que le sens commun l'imagine a priori ; non pas parce que cette morale constituerait la raison à laquelle ils retourneraient, enfin raisonnables, mais parce qu'elle s'offre in fine comme le chemin qui leur permettra d'augmenter et de persévérer dans leur être. Pas une seule de leur errance n'est considérée comme telle : c'est une part du cheminement, qui, à ce titre, ne saurait être reniée ni considérée comme immorale. Abe en donne une preuve par l'absurde, tandis que Jill retourne auprès de son petit ami initial. Tout cela est bien moral, c'est-à-dire : tout cela est amoral ; l'art reprend ses droits.

Remember : « There is no such thing as a moral or an immoral book. Books are well written, or badly written. That is all. » En arrêtant de fanfaronner avec ses héros immoraux sans remord (Match Point) ou de larmoyer sur son exact opposé (Le Rêve de Cassandre, une daube qui m'a excédée), Woody Allen remet la création au centre, avec ses fausses pistes et ses échos narratifs qui miment et raillent à la perfection les coïncidences et les hasards de l'existence. L'art, mes enfants, l'art. Le reste n'est que littérature, ou philosophie – films précédemment cités compris. Forcément, je jubile et trouve ça génial : le réalisateur est d'accord avec moi pour dire contre lui que Woody Allen, c'est un peu pourri. Melendili, dépitée, a trouvé ce dernier film « tout moisi ». Normal, les fans ont de quoi se sentir un poil vexés. Woody Allen est détestable. CQFD.

Mit Palpatine

1 Marcus Hedahl dans « Philosophers on 'Irrationnal Man' », sur le site Dailynous, août 2015. L'article dans son ensemble est savoureux. 

 


Edit

Melendili m'a pris flagrant délit de mauvaise foi intellectuelle. J'étais tellement de bonne foi dans ma mauvaise foi que j'ai mis un certain temps avant de comprendre… que j'avais objectivé mon ressenti et, qu'en attribuant au film ce qui relevait de ma perception, je faisais passer les fan de Woody Allen tous films confondus pour des gens peu regardant sur la qualité artistique. Alors que ce n'est manifestement pas le cas (sauf pour Le Rêve de Cassandre, quand même, faut pas déconner). Je citais Melendili parce qu'elle me semblait une amatrice au sens noble du terme. Je dois avouer regarder avec un peu d'envie les amateurs capables, contrairement à moi, de ne pas s'arrêter à la caractérisation morale des héros et à l'envie subséquente de leur coller des baffes. D'ordinaire, les personnages de Woody Allen me font le même effet que Julien Sorel : j'ai beau savoir que la boulette-attitude du héros de Stendhal est créée par un procédé de distanciation permanent, je me prends la dissonance narrative de plein fouet et ma détestation du personnage s'étend au roman. Je déteste Le Rouge et le Noir à cause de Julien Sorel, que je n'ai qu'une envie : étrangler. Cette détestation est pourtant une marque flagrante de la réussite de l'auteur : si j'ai envie d'étrangler un personnage de papier, c'est qu'il a réussi à le rendre plus vrai que nature ; son entreprise romanesque est un succès… que je suis incapable d'apprécier. Idem avec Woody Allen. Je vous laisse remettre dans mon texte des modalisateurs là où il devrait y en avoir ; le biais de cette chroniquette en dit autant que sinon plus que son raisonnement claudiquant (et puis, flemme oblige, les seules preuves que je prends soin de faire disparaître sont les crêpes ratées).

23 novembre 2015

Les Suffragettes

Les Suffragettes est une épopée droit-de-l'hommiste typique : grandiose au risque d'être grandiloquente, mais bien ficelée, efficace. Une piqûre de rappel ne fait jamais de mal, surtout lorsque le casting comporte de fortes et belles gueules : Meryl Streep fait une courte apparition en Emmeline Pankhurst, tandis qu'Anne-Marie Duff et Helena Bonham Carter (Bellatrix Lestrange dans Harry Potter) incarnent des suffragettes convaincues qui rallient à leur cause l'héroïne, pas revendicatrice pour un sou au départ. Carey Mulligan, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, porte le film non sur ses épaules mais sur son visage : la commissure des lèvres qui se relève, chez elle, n'est pas un sourire, c'est une hésitation entre la joie, la douleur, la timidité, le regret, l'amour et autres nuances musculaires. On la suit volontiers et avec elle, la vie de ces femmes qui, en réclamant le droit de vote, semblaient moins réclamer un changement politique que social – le droit à ne pas subir un destin de misère au moins autant que celui de ne pas dépendre d'un père, d'un frère ou d'un mari. Le film montre d'ailleurs bien l'imbrication des mécanismes de domination patronale et patriarcale : si son mari (jamais violent) met Maud à la porte, c'est aussi parce qu'elle est la seule sur laquelle il peut exercer et évacuer la domination que lui-même subit de la part d'un patron (le grand méchant, capitaliste et pervers) qui, de Maud, n'a pas exploité que la force de travail (histoire de mettre de l'huile sur le feu et d'attiser la reproduction de la domination par la fierté du mâle blessé).

On grimace lorsque les gardiens de prison entubent de force Maud après cinq jours de grève de la faim, et l'on s'efforce de ne pas penser à Guantánamo et autres perpétuations modernes de pratiques barbares. Le générique final commencera par faire défiler les dates auxquelles les femmes ont obtenu le droit de vote dans le monde ; le brouhaha léger de l'assistance, essentiellement féminine, souligne que 1944 tarde à arriver. L'Arabie Saoudite, où le droit de vote a été promis pour l'année à venir vient clore la liste, qui comprend tout de même des pays dont on est en droit de se demander s'ils comptent vraiment dans l'avancée des droits de la femme : les hommes y attendent toujours le droit de vote, ironise Palpartine à côté de moi – égalité dans l'absence de démocratie.

 

25 octobre 2015

Carnet de lecture : pèlerinage murakamiesque

L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage. L'impression d'avoir déjà lu ce roman. De lire à chaque Murakami le même roman :

  • une comparaison improbable dès l'incipit,


À cette époque, il lui paraissait pourtant plus aisé de franchir le seuil qui sépare la vie de la mort que de gober un œuf cru.

Haruki Murakami, L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, 10/18, p. 7

 

  • un leitmotiv musical,


Ici, les Années de pèlerinage de Liszt ; dans 1Q84, que je n'ai jamais réussi à finir, c'était un quatuor de Janáček...
Et, en plus de ce leitmotiv, quelques références disséminées ici et là :


Durant les quinze minutes environ que dura son attente, il mémorisa tous les modèles de Lexus proposés à la vente. Il nota qu'elles ne portaient pas un nom qui les distinguait comme « Corolla » ou « Crown », mais qu'on les distinguait seulement par un numéro. Comme les Mercedes ou les BMW. Ou comme les symphonies de Brahms.

p. 156

(Il y a forcément une thèse qui a dû être écrite sur le sujet.)

 

  • un mystère autour duquel on mène une enquête mystico-philosophico-poético-psychanalytique,


Pourquoi Tsukuru Tazaki a-t-il été, du jour au lendemain et sans aucune explication, rejeté de son groupe d'amis, liés comme les cinq doigts de la main ? Seize ans plus tard, sa nouvelle potentielle petite amie lui demande d'élucider ce mystère ; elle sent qu'il y a quelque chose entre eux.

 

  • des récits en abyme,


Ici, un homme qui, au seuil de la mort, acquiert une vision d'une extrême acuité sur le monde.

 

  • un onirisme érotico-fantastique qui me semble de plus en plus identifiable comme nippon (cf. Le Bras),


Vocabulaire cru comme le poisson des sushis, qui passe pourtant comme une lettre à la poste.

 

  • et des vérités dont la temporalité lente du roman se charge d'évacuer l'aspect sentencieux qu'elles revêtent une fois extraites : 


Pour chaque chose, il faut un cadre. Pareil pour la pensée. On ne doit pas craindre le cadre exagérément, mais il ne faut pas non plus craindre de le casser. C'est ça le plus important pour trouver la liberté. Respecter et détester le cadre. Les choses qui comptent le plus dans la vie d'un homme sont toujours ambivalentes.

p. 74


Tsukuru réussit alors à tout accepter. Enfin. Tsukura Tazaki comprit, jusqu'au plus profond de son âme. Ce n'est pas seulement l'harmonie qui relie le cœur des hommes. Ce qui les lies bien plus profondément, c'est ce qui se transmet d'une blessure à une autre. D'une souffrance à une autre. D'une fragilité à une autre.

p. 299 

*** 

Comme c'est le même mystère qui se rejoue encore et encore, on pourrait arrêter de lire n'importe quand, mais on continue à tourner les pages, au détour desquelles on trouve parfois une peinture un peu trop vive, un peu trop réaliste, du monde dans lequel on vit. Parfois amusante...


Tout dans cette pièce était simple et cohérent. Il n'y avait rien de superflu. Chaque meuble et chaque élément étaient des articles haut de gamme mais, à l'inverse du luxe déployé dans le show-room Lexus, tout ici avait été conçu pour rester discret. « Ruineux anonymat » : tel semblait être le concept de base de ce bureau.

p. 180


… et parfois moins, quand on s'y retrouve (pour le coup, je vois rouge – du nom du personnage) :


Je n'étais apparemment pas fait pour être salarié, poursuivit Rouge. De prime abord, rien ne l'indiquait. Moi-même, jusqu'à ce que je sorte de l'université et que je travaille, je ne m'étais pas aperçu que j'avais ce caractère. `

p. 185


C'est un autre personnage qui parle :


Je veux juste continuer à m'exercer à la pensée pure et libre. C'est tout. Néanmoins, j'admets volontiers, au fond, que pratiquer la pensée pure, c'est comme créer du vide.
- Il est bien possible que le monde ait aussi besoin de gens qui créent du vide.

p. 60


Dans cette conversation, il est question de penseurs académiques, mais on se demande plus tard si ça ne vaudrait pas autant et même plus pour les auteurs du bullshit managerial. Cela devrait plaire à Palpatine :


J'ai donc essayé de dresser la liste de tout ce que je n'aimais pas, de ce que je ne voulais pas faire, de ce que je ne souhaitais pas que les autres me fassent. À partir de cette liste, j'ai conçu un programme grâce auquel on pourrait former efficacement des employés à obéir aux ordres venus d'en haut et à travailler avec méthode. Enfin, « j'ai conçu », c'est peut-être exagéré, étant donné que j'ai puisé ici ou là. Mon expérience de stagiaire dans la banque m'a été très utile. J'y ai ajouté des techniques issues du développement personnel ou des mouvements sectaires. J'ai aussi étudié les programmes vendus par certaines sociétés qui font un tabac aux États-Unis. J'ai lu des tas d'ouvrages de psychologie. Et je me suis servi des manuels destinés aux nouvelles recrues de la SS ou chez les marines. [...]

Pas question d'imposer un remède de cheval. Ce serait un moyen d'obtenir des résultats spectaculaires, certes, mais temporaires ; à long terme, cela ne marcherait pas. […] Notre objectif n'est pas de créer des espèces de zombies. C'est dans l'intérêt de l'entreprise que nous formons des travailleurs qui croient penser par eux-mêmes.

p. 185-186


Le plus dur, quand on a cessé de croire, c'est de s'illusionner.

 

***

Pour la route, parce que cela m'a rappelé l'étude des Méditations métaphysiques de Descartes, où l'on est coincé si l'on n'admet pas un certain nombre d'idées – et notamment l'idée de Dieu :


Il existe pourtant des exemples concrets que l'on est contraint d'accepter ou pas, de croire ou pas, sans possibilité intermédiaire. Autrement dit, il faut accomplir un bond spirituel. La logique, dans ces cas-là, ne pèse d'aucun poids.
- En effet, c'est à ces moments précisément que la logique cesse d'opérer. Il n'existe pas de manuel qui indiquerait à quels moments employer la logique. Mais peut-être est-il possible de l'appliquer après coup.
- Après, cela risque également d'être trop tard.

p. 90

Accomplir un bond. Non pas Je pense donc je suis (rationalisation a posteriori de La Méthode) mais Je pense, je suis.

18 octobre 2015

Great age

À Rome, dans une discussion au creux de la nuit, s'est dessinée avec insistance l'idée que l'on passe sans doute une grande partie de sa vie à se défaire de ce que l'on a appris-absorbé-amalgamé au tout début, en quelques années. Apprendre à lâcher prise pour apprendre à mourir et finalement à vivre. Alors pourquoi pas intituler Youth un film qui voit la vie d'une station thermale par le prisme de deux amis âgés. Après tout, la sagesse nous envoie à l'enfance. Paolo Sorrentino se joue des tragédies, des drames et des tracas de la vie ; il n'appuie sur rien – les masseuses sont là pour ça – lui effleure et tout affleure : l'amour, le comique, les rancoeurs, l'amitié... tout déjà passé, tout à rejouer dans cette station thermale où les personnages secondaires ne le sont jamais vraiment, figurines de chair et d'affects dans les cases d'un calendrier de l'avent – avant la fin. (Je me demande si cela ne crée pas un genre film de station thermale, parce que Youth m'a fait penser à The Grand Budapst Hotel alors que l'esthétique n'est pas du tout la même).

Autour du réalisateur qui n'en finit pas de réaliser des films et du chef d'orchestre qui refuse de reprendre la baguette, fusse pour la reine d'Angleterre, orbitent une jeune masseuse aux oreilles décollées, qui masse consciencieusement les corps décrépis avant d'agiter le sien devant l'écran de sa console ; Miss Univers, pas née de la dernière pluie ; un acteur qui, las de n'être reconnu que pour le robot qu'il a joué, traîne la moustache hitlérienne de son prochain rôle jusque dans le restaurant de l'hôtel ; une star de rap obèse, qu'on dirait plutôt bedonnant pour le plaisir de l'allitération bête et bedonnant ; un petit garçon qui essaye de jouer du violon ; un alpiniste emprunté comme un nain de jardin et la fille du chef d'orchestre, qui continue à se soucier de lui en dépit de la surdité qu'il a manifestée envers elle et sa mère par le passé1. Une vraie galerie de personnages, croqués avec tendresse mais sans concession, au milieu de laquelle on déambule en souriant, sans avoir besoin de savoir où l'on va (puisqu'on ne le sait que trop bien : la vie, en général, quand ça finit, c'est que ça finit mal). C'est fin, jusque dans la caricature, et extrêmement malicieux – aussi malicieux que le regard noisette de l'ami berlinois de Palpatine, qui, à soixante-dix ans passés, semble toujours prêt à faire les quatre cents coups.

Mit Palpatine

 
1 La fille fait part de ses griefs à son père alors qu'ils sont immobilisés côte à côte... dans un enveloppement de boue. D'une manière générale, dans Youth, les corps donnent l'impression d'être risibles – sûrement parce nos petits tourments le deviennent lorsque le corps nous rattrape (et il nous rattrape toujours).