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14 mai 2016

Bas-fonds forestiers

(Les potentiels spoilers ont été repoussés en bas de page.)

Le Japon est un pays où il fait décidément bon mourir. Après les falaises de Tojinbo dans Le cœur régulier, Gus Van Sant plonge Arthur, le personnage principal de The Sea of Trees, dans la forêt d'Adokigahara. Le problème d'aller se suicider à l'endroit donné comme première réponse par Google à la requête Perfect place to die, c'est qu'on n'y est pas le seul : Arthur croise un homme hagard et perdu qui, après s'être entaillé les poignets, a changé d'avis. En lui venant en aide, il se met en peine de repousser la mort qu'il est pourtant venu chercher, en apnée dans un océan d'arbres et de roches accidenté qui semble ne jamais devoir finir.

Des images de sa vie passée surgissent alors que sa vie présente est en danger, mais elles sont bien trop développées pour que l'on puisse les assimiler au film qu'on rembobinerait au moment de mourir. Ces scènes domestiques en plein survival movie, assez déconcertantes, sont en réalité exactement l'inverse : concertantes, à faire peu à peu converger des éléments épars, jusqu'à ce qu'ils fassent signe, symbole et enfin sens. Une alliance, une orchidée, un mot traduit au hasard d'une conversation… le signe est toujours délicat parce qu'il est à peine un symbole, toujours un détail qui peut en rester un, poussé en avant par le flux de l'histoire1 et aussitôt emporté dans son reflux, dans un sourire. On pourra mettre plein de gros mots dessus : culpabilité, purgatoire, fantastique2, rédemption ; on ne fera qu'occulter la délicatesse et la force de cette histoire qui ne se laisse pas résumer. Il faut l'éprouver dans les traits de Matthew McConaughey : même en professeur d'université, l'acteur conserve une âpreté que les cinéastes ont envie, et on les comprend, de frotter au rugueux de l'existence – écorce d'une forêt japonaise ou boue du Mississippi, peu importe, un matériau brut au contact duquel aviver nos souvenirs3.


1
J'aime beaucoup la manière d'attirer l'attention sur un détail, par exemple sur l'alliance, seul bout de métal qui reste lors du passage sous les portiques de sécurité à l'aéroport…
2 Le vrai bon fantastique : celui qui se laisse rationnellement expliquer point par point, mais qu'on ne peut s'empêcher de préférer dans sa globalité. Le seul élément qui m'a semblé « forcé » ne relève pas de l'histoire mais du récit : je trouvais que c'était d'une rare impolitesse ethno-centrée que de si peu s'intéresser à l'histoire de l'homme japonais, sous le prétexte que l'on ne pouvait pas comprendre sa culture… Le souvenir de Real qu'a déclenchée son apparition aurait dû me mettre la puce à l'oreille plus tôt. ^^
3 Nos souvenirs n'est certes pas une traduction idiote une fois que l'on a vu le film, mais c'est d'une platitude…

27 avril 2016

AA 3/12 La Révolution française dans le ballet

Ce billet fait partie d'une série de compte-rendus sur Apollo's Angels, de Jennifer Homans.

 

Ballet bluette, ballet pompier

À la fin des années 1770, la rivalité de la comédie italienne est alarmante ; l'Opéra traverse une crise financière. On n'y donne plus de nobles pantomimes dans le style de Noverre, mais des vaudevilles-pantomimes, sortes de ballets fleur bleue mettant en scène de jeunes paysannes (parfois émaillés de quelques sous-entendus politiques, les rosières pouvant faire écho à Marie-Antoinette). Le chorégraphe Maximilien Gardel travaille avec des compositeurs qui recyclent des chansons populaires : le public en connaît les paroles, c'est un moyen efficace pour rendre la pantomime compréhensible. La danseuse-phare de ces ballets est Madeleine Guimard, une « bâtarde au grand cœur », ai-je écrit dans mes notes, ce qui me fait un peu douter de moi. La miss danse les rôles de paysanne avec noblesse et les rôles de dame noble avec simplicité, mais bon, ça reste de la bluette.

L'érosion du style noble correspond à une réalité sociale. Louis XVI, moins porté sur l'étiquette (et ce n'est pas Marie-Antoinette qui va lui remettre les pendules à l'heure), se rend peu souvent à l'Opéra. Le réflexe de se tourner vers le roi et les grands de ce monde pour connaître leur avis (forcément le bon) tend à s'estomper. On vient de moins en moins pour être vu et de plus en plus pour voir, si bien que lorsque l'opéra est détruit dans un incendie, on en reconstruit un plus axé sur la visibilité que la sociabilité (ce n'est pas le palais de Chaillot non plus, hein).

L'Opéra est aussi agité que la nation. Les danseurs sont de moins en moins contrôlables et se livrent à des mutineries qui en envoient certains en prison. Auguste Vestris, danseur qui compte davantage sur la virtuosité que son père Gaetan, refuse de se produire pour la reine, ça par exemple ! Le 11 juillet 1789, la foule investit l'Opéra et s'empare des accessoires qui ressemblent à des armes – la chronologie nous préserve heureusement d'une prise de la Bastille avec des pistolets à eau.

Exit les ingénues de Guimard, place au ballet héroïque ! Pierre Gardel chorégraphie en 1790 Télémaque dans l'île de Calypso et Psyché (même si je ne vois pas trop ce qu'il y a d'héroïque dans Psyché, hormis de le jouer 560 fois en 3 ans). Ces deux ballets constituent un compromis entre l'ancien, avec des histoires bien connues, et la nouveauté, essentiellement vestimentaire et féminine. Le ballet adopte en effet la mode grecque de la Révolution (bah, ouais, Sparte, quoi !) : les tenues grecques permettent de dénuder les danseuses en tout bien tout honneur (pas comme ces nobles vicelards). Et comme Gardel s'est aperçu que cela plaît au public, il renforce les effectifs féminins sur scène, au point de faire presque disparaître les hommes, qui ne sont plus que 2 dans Télémaque, entourés de 32 femmes. Bref, le ballet héroïque habille de grandeur une pantomime vaudevillesque ; ce n'est pas ça qui va revitaliser le genre.

 

Allons danseurs de la patrie

En 1792, alors que la Révolution entame sa phase radicale, les productions théâtrales se politisent (L'Offrande à la liberté est chorégraphiée sur La Marseillaise). L'Opéra échappe à l'épuration : une liste d'artistes royalistes a bien été établie, mais il semblerait que l'homme chargé des arrestations aimait trop être diverti. En 1794, Gardel s'engage à abandonner le répertoire de l'aristocratie viciée au profit de productions républicaines décentes (en toges grecques, donc). Ce n'est pas pour rien que Gardel restera directeur de l'Opéra pendant 42 ans, passant au travers des régimes successifs…

Les festivals révolutionnaires fleurissent sur les parvis : plus que de mettre en scène, il s'agit de revivre les moments marquants de la Révolution et, par là même, de les créer comme mythes. La foule n'est pas uniquement là pour regarder, comme c'était le cas pour les ballets du roi : elle est invitée à participer. Il y a interaction entre la scène et la place publique : des danseurs et maîtres de ballet sont impliqués dans ces événements, dont les thèmes vont en retour durablement marquer le ballet, même après la fin de la période révolutionnaire.

Les festivals révolutionnaires mettent en scène des groupes de jeunes filles habillées de blanc – des jeunes filles d'extraction modeste censées incarner la pureté, la vertu républicaine. Quoiqu'elles ne dansent pas, leur chœur silencieux est l'ancêtre de corps du ballet. Jusque là, en effet, il n'y a sur scène que des personnages, des couples – pas d'entité clairement définie. Il faudra attendre La Sylphide et Giselle pour voir apparaître le groupe en tant que tel ; les Romantiques le concevront candide et féminin, à l'instar de ces groupes de jeunes filles habillées de blanc.

 

Tout envoyer valser ?

En 1794, l'Opéra reprend le répertoire d'avant la Révolution (plus Télémaque et Pysché), mais il ne s'agit pas pour autant d'un retour à l'ordre établi, plutôt d'une mise en pilotage automatique : les ballets sont repris comme les rediffusions à la télé. La dynamique est ailleurs, dans les bals parisiens, où dansent les (femmes) incroyables et les (hommes) merveilleux, dans d'extravagantes tenues. L'Opéra accueille ainsi des bals masqués, témoin de la nouvelle danse à la mode : une valse qui n'a rien de viennoise. On se tient par la taille, on s'enlace… c'est chargé d'érotisme. Et surtout, transposé sur scène, c'est la naissance du pas de deux : les partenaires n'évoluent plus côte-à-côte, comme c'était le cas dans le menuet, mais face-à-face, les corps en prise l'un avec l'autre, qui font contrepoids.

En 1800, après des années de vache maigre chorégraphique, Gardel présente La Dansomanie. Si le protagoniste de ce ballet peut rappeler monsieur Jourdain par sa folie sociale (il refuse de marier sa fille sous prétexte que le beau parti n'est pas bon danseur), La Dansomanie n'a plus l'aura de la cour qu'avait Le Bourgeois Gentilhomme. Il ne s'agit pas d'une comédie-ballet mais d'un « rien », selon le chorégraphe lui-même, conscient de ne pas faire dans la finesse de la satire, mais dans la pure farce.

 

Mise au pas

L'arrivée de Napoléon signifie retour à la cour, la hiérarchie, l'étiquette… et les maîtres de ballet. Ce n'est pas pour autant un retour au passé : si la hiérarchie est prônée comme valeur, elle se fonde désormais sur le mérite (et la fortune, quand même) plutôt que la naissance.

L'Opéra est mis sous surveillance : les ballets sont soumis à la censure, et les danseurs ne sont plus autorisés à modifier les pas ou à reprendre la chorégraphie d'un ballet dans un autre - caprices aristocratiques que cela. Alors qu'ils ont participé à la Révolution, les danseurs se retrouvent paradoxalement à défendre leurs privilèges de l'ancien temps. Envie de faire le malin ? Quatre jours de prison.

L'école de danse est elle aussi mise au pas : on bat le rappel des élèves qui s'entraînent chez des professeurs particuliers et les garçons sont dotés d'un uniforme. C'est l'émergence du ballet comme une discipline moderne, au style militaire.

 

Auguste Vestris et le mélange des genres

Jusque là, le ballet est divisé en trois genres : noble, demi-caractère et comique. Cette catégorisation va de paire avec une certaine croyance dans le bien-fondé de la hiérarchie : « les rois et les nobles étaient, par la grâce de Dieu, supérieurs aux autres, et ils dansaient d'une manière qui le prouvait. » Reproduisant cette hiérarchie, les danseurs sont spécialisés dans l'un des trois genres. Auguste Vestris, lui, est formé au genre noble, mais horreur et damnation, il se permet de tous les mélanger. Non seulement ses tours et ses sauts sont à l'opposé de la retenue requise par le style noble, mais cette virtuosité laisse entrevoir un travail qui contredit le don et partant l'ordre "naturel" - la grâce physique et divine.

Il ne s'agit pas de quelques écarts à mettre sur le compte de l'impétuosité de la jeunesse ; la remise en cause est profonde et constitue une véritable rupture dans l'histoire du ballet. La violence que certains spectateurs perçoivent dans les "gesticulations" de Vestris est (aussi) une violence qui s'exerce contre le genre noble, dé-naturé, refondé dans un ensemble plus vaste, dont il n'est plus qu'une facette. Les trois genres fusionnent en effet en une seule et même technique : le style noble se retrouve dans les parties d'adage ; le demi-caractère, dans les pas rapides et la batterie (les sauts) ; et le comique, dans pas plus athlétiques encore. C'est beau comme du Lavoisier.

Même des danseurs a priori nobles se laissent séduire par cette nouvelle manière de danser et l'un deux, Antoine Paul, pousse plus loin encore les outrances de Vestris. Il en va aussi de leur carrière : si les puristes se lamentent, le public en réclame. Alors, vulgaire ou spectaculaire ? Il suffit de penser à Ivan Vassiliev, Daniil Simkin ou François Alu, par exemple, pour constater que cette tension entre virtuosité et pureté technique est encore d'actualité (sans même parler des galas et de leurs fouettés à foison, qui déclenchent généralement des comparaisons circassiennes).

 

Le début d'une technique moderne

La confusion des genres signifie aussi que les notateurs se mélangent les pinceaux. Le système Feuillet n'est plus adapté à ces nouveaux pas en constante évolution. Les croquis se multiplient en marge et finissent par déborder les tracés initiaux. L'invention d'un nouveau système de notation devient nécessaire, mais les différents essais ne sont pas très fructueux. Les sources les plus exploitables qui nous sont parvenues sont au final des exercices consignés par Bournonville (élève de Vestris) et Michel Saint-Léon (le père d'Arthur).

La nouvelle école telle qu'elle se devine dans ces notes se distingue par 180° d'en-dehors, des pieds complètement pointés (ce qui est rendu possible par des chaussures style sandales grecques) et une mobilité accrue du buste et des bras. Pendant la classe, les danses ne sont plus pratiquées comme des ensembles mais divisées en pas, lesquels sont exécutés dans un ordre de difficulté croissant, dans d'interminables séries. Les cours durent généralement trois heures et requièrent une énergie considérable. Rien que l'échauffement comprend 48 pliés, 128 grands battements, 96 petits battements, 128 ronds de jambe à terre, 128 en l'air, 128 battements sur le cou-de-pied… Le maître mot : répétition. Couplé à l'utilisation de machines pour forcer l'en-dehors, cet entraînement extrême entraîne une hausse du niveau technique et… du nombre de blessures.

Pour se rendre mieux compte de l'évolution : vidéo de la Royal Opera House sur la classe de danse à travers les siècles.

 

La fin du danseur masculin

La nouvelle école de Vestris met en place les fondements de la technique moderne du ballet mais, ce faisant provoque la perte des danseurs : sans danseur noble, il n'y a plus de place pour les hommes dans le ballet. Avec la fusion des genres en une seule et même technique, le danseur devient une page blanche qui n'est plus le reflet d'un ordre social défini. Ce danseur tout-en-un, incarné par Vestris, ouvre la voie au danseur d'aujourd'hui, qui doit pouvoir tout danser, mais, à l'époque, cette dé-spécialisation est perçue comme une perte, la corruption d'un art par des mouvements violents, heurtés.

À ce changement de paradigme technique s'ajoutent des considérations vestimentaires. Contrairement à leur public, les danseurs ne portent pas le pantalon (peu pratique pour sauter) ; ils ont gardé leurs collants. Cet accoutrement à l'ancienne les fait paraître précieux comme des dandys, héros ridicules d'un temps passé (les novices du ballet comprendront sans problème ; balletomanes trop habitués aux collants pour y avoir autre chose qu'une convention, visualisez deux secondes les costumes de Psyché, ça devrait vous aider). Vestris et compagnie réussissent ainsi l'exploit d'être perçus à la fois comme disgracieux (mouvements pas assez nobles) et efféminés (vêtements trop nobles) - alors que, bon, féminité et grâce sont d'ordinaire assez facilement associées.

En bref : la danseuse est l'avenir du danseur. La virtuosité masculine est écartée au profit d'un jeu féminin plus délicat, incarné par Émilie Bigottini dans Nina ou La Folle par amour (1813). Pas d'acrobatie : de l'expression, du mystère. La demoiselle est si peu virtuose qu'elle est à peine danseuse ; sa pantomime est celle d'une comédienne. Il faut attendre le romantisme pour battre Vestris et compagnie à leur propre jeu et atteindre un niveau d'expression supérieur par davantage de technique encore.

Prochain épisode : l'avènement de la ballerine romantique, qui prend la place du danseur (au point que les rôles d'hommes seront joués par des femmes en travesties - l'inversion est totale).

21 avril 2016

Apollo's Angels

Pink Lady m'a mis dans les mains Apollo's Angels. Encore une histoire du ballet, me direz-vous. Oui, c'est d'ailleurs le sous-titre, et non : je n'en ai lu qu'une centaine de page, mais c'est largement assez pour constater que l'auteur va bien au-delà d'une histoire factuelle. Retraversant les époques et les noms bien connus des balletomanes, Jennifer Homans s'attache à restituer l'esprit du ballet et à comprendre son évolution dans les sociétés où il évolue. L'approche est aussi fine que le bouquin est épais. Du coup, je me suis dit qu'en faire des compte-rendus ne serait pas une mauvaise idée : d'une part, cela m'encourage à avancer dans ma lecture sans oublier ce que je lis au fur et à mesure, et d'autre part, cela rendra accessible (je l'espère) cette épopée du ballet, passionnante mais écrite dans un anglais relativement soutenu (et sans traduction française pour le moment). Voire vous donnera envie de la lire. (Oui, je sais, je ferais bien par commencer de la finir.)

Je mettrai ici les liens au fur et à mesure, des chroniquettes de film ou de spectacle étant fort susceptibles de s'intercaler entre les chapitres.
Évidemment, toutes les remarques pertinentes sont de Jennifer Homans ; les impertinentes, de ma pomme.


Première partie La France et les origines classiques du ballet

Chapitre 1 Les rois de la danseurs
Chapitre 2 Les Lumières et le ballet d'action
Chapitre 3 La Révolution française dans le ballet
Chapitre 4 Les illusions romantiques et l'essor de la ballerine
Chapitre 5 Orthodoxie scandinave : le style danois
Chapitre 6 Hérésie italienne : pantomime, virtuosité et ballet italien


Seconde partie Light from the East : world of art (je ne sais pas comment traduire ça sans l'avoir lu)

Chapitre 7 Les tsars de la danse : le classicisme russe impérial
Chapitre 8 East goes West : le modernisme russe et les ballets russes de Diaghilev
Chapitre 9 Laissé pour compte ? Le ballet communiste de Staline à Brejnev
Chapitre 10 Seul en Europe : l'épisode britannique
Chapitre 11 Le siècle américain I : les débuts russes
Chapitre 12 Le siècle américain II : la scène new-yorkaise

 

18 avril 2016

L'État contre Fritz Bauer

Der Staat gegen Fritz Bauer. À quel moment a-t-on jugé bon de traduire ce titre par Fritz Bauer, un héros allemand ? Non seulement c'est platement grandiloquent, mais c'est à la limite du contre-sens : au moment de l'histoire, le héros risque la prison pour haute trahison… Ses efforts pour retrouver et faire condamner les anciens dignitaires nazis se heurtent en effet aux anciens SS qui, plus de dix ans après la fin de la guerre, verrouillent encore le gouvernement et les institutions étatiques. Lorsqu'il apprend qu'Adolf Eichmann a été identifié en Argentine, Fritz Bauer prend ainsi la décision de contacter le Mossad - « parfois, il faut savoir trahir son pays pour le sauver ».

Outre de mettre un coup de projecteur sur le rôle de Fritz Bauer (Burghart Klaussner) dans cette affaire, le film de Lars Kraume a le mérite de reprendre l'Histoire en amont de sa réécriture univoque – parce que non, ce n'est pas en zigouillant les responsables de la solution finale que l'on remet en ordre la société dans laquelle elle a pu être mise en place… société qui, accessoirement, dans les années 1950-1960, traite encore les homosexuels comme des criminels – c'est là la petite histoire dans la grande, qui nous rend proche de ses protagonistes (même si Ronald Zehrfeld, dans ce rôle, n'a pas trop besoin de cela, jouant sur mon faible pour les armoires à glace à tête de nounours).

 

 

Épilogue, qui n'est un spoiler que si, comme la mienne, votre mémoire a fait un gloubi-boulga avec tous les noms nazis de vos cours d'histoire.
Adof Eichmann est capturé, mais l'extradition refusée : sous couvert de contrats commerciaux, l'État allemand a réussi à étouffer le scandale dont un procès aurait été l'assurance, le name-dropping nazi risquant de toucher des personnages aussi haut-placés que le bras droit du Président. Au lieu d'être jugé en Allemagne, Adolf Eichmann est pendu en Israël. Quelques années, plus tard, Fritz Bauer réussit à conduire les débats pour le procès de Francfort, second procès d'Auschwitz.