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26 juin 2016

Folles de tristesse

Beatrice (Valeria Bruni Tedeschi) est une bourgeoise extravagante – certes mythomane et bi-polaire. Elle s'amourache amicalement de Donatella (Micaela Ramazzotti), une mère grunge – et dépressive – à qui l'on a retiré son fils. Ce duo improbable s'échappe de la villa psychiatrique dans laquelle il est traité, ivre de joie et de psychotropes, pour découvrir, au terme d'un périple qui nous aura dévoilé leur histoire, que l'on ne peut guère échapper à soi-même. Exit l'euphorie hystérique, bonjour tristesse : c'est là que commence la joie. Et l'émotion : il faut attendre que les personnages nous aient épuisés de comédie pour nous sentir empli d'une humanité partagée avec ceux que l'on qualifie un peu trop vite de fous, qui ont peut-être simplement plus souffert que nous. La scène aquatique avec Donatella, où la mort disparaît dans une promesse d'éternité, est magnifique d'empathie : Paolo Virzì nous fait épouser sa vision, comprendre son geste, et rachète ainsi la volubilité quelque peu pénible de Beatrice. Les filles de tristesse, même Folles de joie, il faut se les coltiner.

25 juin 2016

Lui, Paul Verhoeven

Elle s'ouvre sur des cris équivoques : lutte ? ébats amoureux ? La caméra tourne, nous allons être renseignés… mais nous nous retrouvons face au chat, miroir de notre propre questionnement. L'animal se désintéresse assez vite du spectacle, que l'on suppose alors banal, et c'est à ce moment précis que l'on est catapulté sur la scène… du viol – avec du sang et des éclats de vaisselle que la victime s'empresse de balayer une fois tout terminé. Elle : Isabelle Huppert, la bourgeoise masochiste de La Pianiste. À qui d'autre confier le rôle d'une femme que sa profonde indifférence aux autres et à elle-même, engendrée par un père serial killer, fait à la fois garce et figure stoïque ? Elle a l'hébétude pragmatique. Il lui pleut devant comme derrière, jusqu'à l'incongruité, jusqu'au rire.

J'ignorais qu'on pouvait rire devant un thriller (le pull de Palpatine attestera qu'il s'agissait quand même d'un thriller) : sous cape, parce que ce n'est pas drôle, sous forme d'un hoquet sonore avec le reste de la salle, parce que ce n'est pas drôle mais quand même, secousses partagées avec Palpatine jusqu'aux fronts qui s'entrechoquent, puis chacun recalé dans son siège, les mains retournées dans le vide, mais what ? plaquées contre la bouche, sérieusement ? index qui reste en travers de la bouche, majeur et pouce qui enserrent la mâchoire, moue mi-perplexe mi-admirative de la perplexité dans laquelle on est plongé, fascination mi-amusée mi-horrifiée, et mon nez à nouveau dans le cou de Palpatine, torse martelé, bras malaxé, parce que je suis une petite nature et que c'est violent. Inattendu, en réalité.

19 juin 2016

Julieta

À en croire les critiques, Julieta ne serait pas un vrai Almodóvar : pas assez exubérant, pas assez loufoque, pas assez comique. Un drame, forcément… Et pourtant : des années 1980 flamboyantes, des femmes complexes, fortes et fragiles, lumineuses, aux sourcils épais, qui bouffent l'écran, des prénoms qui se prononcent avec la langue qui vient taper sur les dents ou rouler au fond de la gorge, Julieta, Antía, mère et fille, mer et père, mort, filiation et abandon, la tragédie grecque aux couleurs ibériques. Même dans le drame (surtout dans le drame ?) Almodóvar conserve son style, qu'il sait parfaitement abstraire de ses tics (il faut qu'il en soit conscient pour s'être auto-parodié dans la joie et la bonne humeur des Amants passagers). Son dernier film est sans doute pour beaucoup trop aldmodovarien et pas assez almodovaresque. Je trouve pour ma part splendide la manière dont il met en sourdine son extravagance stylistique pour laisser libre cours à celle de la vie, des destins qui s'y dessinent, et peint le drame en couleurs vives, étoffes rouges, villes et visages lumineux dans les remords et la joie. 

Mit Palpatine

MILF's day

Joyeuse fête des mères : totalement dispensable, tout à fait délectable. Même rouillés, les ressorts de la comédie romantique polyphonique fonctionnent toujours.

On notera toutefois que, pour masquer la rouille, on a un peu abusé de vernis : il n'y a rien qui dépasse, ni les coupes de cheveux ni les pelouses à la Desperate Housewives - pas même la barbe d'un papa-Ken ou la tignasse poivre et sel d'un FILF (une MILF au masculin, quoi). La maladresse, qui fait tout le charme de la comédie romantique, paraît de plus en plus organisée, cadrée, millimétrée, tout juste tolérée. Mais curieusement, cet aspect kitsch n'empêche pas des thèmes plus durs d'affleurer, avec une fille adoptée, un père veuf de sa femme soldat ou des parents racistes et homophobes (il n'est d'ailleurs pas improbable que le kitsch esthétique soit la conséquence de ces thèmes : il faut un maquillage à la truelle pour masquer cette merde). On guette vainement chez Julia Roberts le sourire de Coup de foudre à Notthing Hill ; c'est clairement Jennifer Aniston, avec son air de mom next door, qui s'en tire de mieux (et Kate Hudson, Juno-like).

(Quand j'étais ado, les personnages de comédies romantiques étaient adultes, sans enfants ; maintenant que je suis adulte, ils ne sont plus nullipares mais n'ont toujours pas, hommes, femmes, le mode d'emploi.)