Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19 avril 2014

Tabac rouge

Il y a un bon mois, James Thierrée faisait un tabac rouge au théâtre de la Ville. Un bon mois que je me refrène de faire ce jeu de mot pourri je ne sais pas par quel bout le prendre. C'est très dur à chroniquetter, les spectacles en il y a. Soit on énumère toutes les images étonnantes dont on se souvient (et l'on est toujours frustré d'en oublier), soit on avance de grands thèmes si larges qu'ils recouvrent forcément ce qu'est le spectacle – et ce qu'il n'est pas : la maladie, la tendresse, la décrépitude, la révolte et finalement la mort sont bien trop vagues pour les gestes si précis de James Thierrée et de ses acolytes – si précis mais si peu circonstanciés qu'ils ne miment jamais une action univoque. Dans le monde de James Thierrée, il n'y a pas d'histoire ni d'abstraction, il y a des images décalées, oniriques, des bestioles étranges, des poutres métalliques qui ne résistent ni ne cèdent jamais là où on les attend, là où on les secoue, une couturière avec un abat-jour à franges en guise de chapeau chinois, une gymnaste araignée collante comme un morpion de compagnie, un lieutenant et une armée de jeunes filles intransigeantes et zélées, une machine à écrire et une à recoudre les lettre déchirées, des relations de cause à effet totalement désordonnées, un beau visage déterminé que je verrais bien faire la révolution en Amérique du Sud et un vieil homme qui commande à tout le monde sauf à son corps et qui finira enseveli par les sables mouvants du lino (pour avoir trop fumé de tabac et craché, rouge sang, ses poumons ?). Il y a, il y a, il y a, il y avait tant de saynètes drôles et furieuses qu'on ne les retrouvera pas toutes à moins de revoir ce spectacle à la couleur « à la fois noire et rutilante, où la nuit abat le jour (le mot « abat-jour » a d’ailleurs donné, par anagramme, le titreTabac rouge)1 ».

Mit @JoPrincesse (Palpatine s'est fait une séance de rattrapage en peu après)
À lire, une interview de l'artiste.

 

 

1 « Au bord de l'ivresse », Lorène de Bonnay. Bien vu, aussi, vers la fin : « On assiste à une sorte de transe du clan autour de la machine miroitante, devenue un astre tournant truffé de miroirs brisés :on célèbre avec une joie dionysiaque le totem bientôt abattu ; et le roi finit englouti. »

06 janvier 2014

Giselle fait le dos rond


 photo Giselle-de-Mats-Ek

 

La danse classique repose, aujourd'hui plus que jamais, sur les jambes, accompagnées, contrebalancées ou agrémentées par les bras. Le tronc, au milieu, même s'il s'épaule, est surtout là pour tenir l'ensemble, encaisser les levers de jambes en se cambrant et assurer la stabilité des équilibres. Tout est affaire de lignes, toujours plus étirées. Quelle n'a pas été ma surprise lorsque j'ai découvert Mats Ek : pour ainsi dire tout passe par le dos ! Rien à voir avec les ondulations d'un Wayne McGregor, qui continuent de propager des lignes d'autant plus étirées qu'elles ont été ramassées avant d'exploser. Carmen ou Giselle, chez Mats Ek, tout est courbe : les bras de Giselle qui répliquent la trajectoire en cloche d'un saut, le désir qui la pousse à s'imbriquer contre le corps d'Albrecht, les gros œufs que les paysans traînent comme des meules de foin et qui font écho au rêve de ventre rond de Giselle, les haut-le-cœur de tout ce qu'elle refuse et vomit... Il y a quelque chose de reptilien, de viscéral dans ces dos ronds, comme dans les haricots et boyaux de Dali ; quelque chose d'inquiétant mais d'une force vitale extraordinaire. Peu importe que Giselle soit l'idiote du village, c'est elle qui a la pulsion de vie. À l'inverse, les lignes droites qui le restent trop longtemps sont de mauvais augure : c'est la raideur aristocratique et tranchante de Bathilde et des siens, qui va séparer Giselle d'Albrecht à la fin du premier acte ; c'est la vie détraquée des filles enfermées à l'asile, qui crient leur colère en grands jetés au second acte.

Le découpage du ballet reprend en effet celui de la version originale, à la différence près que la scène de la folie mène à l'asile et non à l'au-delà des Willis – on s'y croise quand même comme des folles furieuses. La transposition est pertinente même si le final, où Albrecht se trouve mis à nu sans que l'on comprenne trop pourquoi, me fait trouver plus convaincant le premier acte. Mats Ek est d'autant plus fidèle à l'histoire qu'il s'est totalement approprié la musique, confiant par exemple à Hilarion le morceau de la variation de Giselle. La tentation de superposer les deux versions pour les comparer s'estompe vite et l'on se laisse aller en suivant le regard hallucinant de Giselle / Elsa Monguillot de Mirman, qui m'a rappelé l'interprète de Camille dans le Rodin de Boris Eifman – peut-être à cause de la thématique commune de l'asile ou de la puissance expressive des deux chorégraphes, quoique de style très différents. Il faut voir Giselle regarder tour à tour Albrecht et Bathilde, dans les bras l'un de l'autre, avant que tout se mette à tourner. Les yeux luisants de douleur, de colère et bientôt de folie, elle reste immobile tandis que le monde s'écroule autour d'elle. Bientôt, la camisole de force remplacera la corde avec laquelle Hilarion a tenté de la retenir près de lui (beauté et pitié d'un amour qui s'était résigné à aimer sans comprendre, et de son échec). La position d'attente dans laquelle se place à plusieurs reprises Giselle, jambes pliées, échine courbée, qui n'est que soumission à l'autorité d'Hilarion, devient soumission amoureuse au désir d'Albrecht. Et il faut voir sa joie aussi lorsqu'il la transporte à bout de bras du bord jusqu'à l'arrière-scène, les jambes en écart et les pieds flex de plaisir. Ce sont en tous cas les images que j'emporte, ravie d'avoir été placée au troisième rang, si près des corps en sueur et des visages de danseurs tous magnifiques (tant pis pour les auréoles de transpiration – revoir la matière du costume ?– et la proximité de l'enceinte qui m'a obligée à me boucher l'oreille gauche pendant un bon bout du spectacle).

 

 photo Giselle-Ek-acte-II_zpsd65c2a29.jpg

 

Mit Palpatine, Romain, le Petit Rat et Impressions danse

23 décembre 2013

Les enfants perdus

À la file indienne, indienne, indienne, tous à la file indienne... Ce n'est pas parce que vous avez aimé le Disney ni même le roman de James Barrie, où chacun en prend pour son grade, que vous apprécierez le Peter Pan du Berliner Ensemble mis en scène par Robert Wilson.

L'arrivée, déjà, n'est pas de bon augure : Wilson a récidivé avec sa putain de rampe lumineuse en néon. Dans la fosse créée par le retrait des rangées où Palpatine et moi nous trouvions pour The Old Woman, un des musiciens arbore des lunettes de soleil ; même s'il a grave le groove, je ne suis pas entièrement certaine que cela soit uniquement pour une question de style.

En moins de deux minutes, on est reparti sur l'humour clownesque, qui ne m'a jamais fait rire. Les servantes Nana aboient, le temps passe. Lentement. Je dois avoir perdu mon « âme d'enfant », comme on dit. « Quand on est un enfant et que l'on sait encore à peine parler, on comprend parfaitement le langage des poules et des canards, des chiens et des chats. Ils parlent tout aussi clairement que père et mère. » Sur cette bonne parole d'Andersen, on présente donc un spectacle en allemand et anglais, surtitré en français (tu ne sais pas encore lire ? Draußen !) et en anglais (pas encore en 5e, pas d'anglais LV1 ? Go to hell.). Les lost boys ne sont donc pas seulement sur scène : dans la salle, les parents s'improvisent interprètes – la magie des paillettes ne fait pas tout. La poudre de fée de Clochette, en revanche... Je n'ai pas manifestement pas été arrosée mais ça avait l'air d'être de la bonne.

N'ayant aucun moyen de planer, je me suis retrouvée le cul entre deux chaises, entre le pays imaginaire du personnage et l'humour bien réel de l'auteur. Pareillement écartelées, les voix des comédiens ne cessent de dérailler vers le rire faussement enjoué. Cette mue de l'adulte qui fait l'enfant qui fait l'adulte ne laisse que peu d'instants de répits : on entend alors, trop brièvement, le timbre clair de Sabin Tambrea, aussi pur que ses traits. Ces derniers m'ont donné quelques idées pour faire grandir ce garçon qui sursaute dès qu'on l'effleure – idées qu'entretient manifestement aussi le capitaine crochet et qu'il dévoile dans une scène où, se demandant quoi faire de son ennemi, son unique ami, il s'avise de ce qu'il en ferait bien un homme. Ajoutez à cela le passage où Peter Pan annonce préférer l'aventure de la mort (une autre forme d'éternité) à celle de la vie, qui le forcerait à grandir, et celui où le capitaine crochet s'inquiète de ce que le réveil avalé par le crocodile s'arrête et sonne l'heure de sa mort : voilà pour l'interprétation ! Le reste n'est que littérature en chanson.

Et la jungle fait : boum, boum, boum ;
Et le crocodile fait : tic, tic, toc ;
Et la jungle fait : boum, boum, boum ;
Et le crocodile fait : tic, tic, toc ;

Et la souris fait : pff, pfff, pffff.

Ni les visuels de Wilson, ni les magnifiques costumes (regrets éternels de Palpatine d'avoir laissé passer une veste semblable au perfecto so gay and so sexy de Peter Pan), ni les cheveux orange des garçons perdus ne parviennent à faire oublier que le spectacle n'est ni drôle ni intelligent. Je vais finir par croire que Pelléas et Mélisande était un gros coup de bol, et compte sur Einstein on the Beach pour m'en détromper.

Heureusement que Noël est là avec ses guirlandes lumineuses pour m'assurer que je peux encore m'émerveiller d'un rien.

22 décembre 2013

Danse et cinéma

Après une semi-éternité pour retrouver les vidéos présentées ou des équivalents, voici le compte-rendu de la conférence de Sonia Schoonejans au théâtre de la Ville. À l'exception du premier paragraphe, tous les liens renvoient à des vidéos : faites péter les onglets et entrez dans la danse !

 

Identité, altérité, complémentarité

Une caractéristique essentielle de la danse est que le corps est présent. Son hic et nunc, qui fait partie de sa beauté, la différencie de l'image cinématographique, reproductible à loisir (tous en chœur : Walter Benjamin !). Mais danse et cinéma ont aussi nombre points communs, à commencer par le souci du rythme (du montage) et du mouvement (de la caméra), et chacun des deux arts a emprunté à l'autre.

Pour le cinéma, la danse s'offre comme alternative au texte, qu'il s'agisse de faire passer une émotion ou de prendre le relai de la narration (en incarnant la musique dans les comédies musicales, notamment). Pour la danse, le film est à la fois un outil pour conserver sa mémoire (cf. Pina de Wim Wenders) et accroître sa popularité (cf. les comédies musicales – et l'initiative récente des lives au cinéma, j'aurais envie d'ajouter). Filmée, la danse prend une nouvelle dimension s'il est vrai que « grâce au gros plan, c'est l'espace qui s'élargit ; grâce au ralenti, c'est le mouvement qui prend de nouvelles dimensions1 » (j'ai tout de suite pensé à ce clip de Polina Semionova). En retour, certains chorégraphes ont adopté des méthodes propres au montage : il y a chez Pina Bausch un travail qui ressemble au découpage cinématographique et Maguy Marin utilise des noirs entre ses tableaux (je vais croire Sonia sur parole parce que d'après JoPrincesse, ce n'était pas beau à voir).

Partant de cette mini-analyse introductive, Sonia Schoonejans nous a brossé un petit historique des relations entre les deux arts, en une heure trente et quelques extraits vidéos.

 

Les débuts du cinéma

Les pionniers du cinéma avaient en commun une passion pour le mouvement. Loïe Fuller et ses imitatrices ont été parmi les premiers sujets filmés par Edison et les frères Lumière – il faut dire que les danses serpentines rendent plutôt pas mal à l'écran. Cet attrait du mouvement a conduit à la constitution d'archives pour les danses traditionnelles, dont certaines ont aujourd'hui disparu. On compte dans le lot le premier documentaire sur la danse classique mais ce n'est pas le kiff du cinéma, qui se veut à ses débuts un art de l'image qui danse autant que sa mise en scène. C'est sûr que si on prend l'esthétique du Cake-walk infernal de Méliès (1903) comme référence... 

 

Le cinéma muet et la danse moderne

L'accointance du cinéma et de la danse moderne s'explique aussi par leur apparition concomitante. La Denishawn, l'école de Ruth Saint Denis et Ted Shawn (d'où sont sortis Martha Graham, Charles Weidman, Doris Humphrey, José Limon et Louise Brooks – la danse moderne américaine, quoi), n'est pas bien loin des premiers studios de Hollywood. Le lien s'établit à partir du moment où Griffith en devient l'un des principaux réalisateurs. Ruth Saint Denis exerce un rôle de conseil et la collaboration danse moderne-cinéma devient intense, alors qu'à la même période, l'univers du ballet reste lointain. On n'a par exemple aucun film documentaire (d'époque, s'entend) sur Diaghilev, qui se méfiait de la caméra et a toujours refusé qu'elle entre au théâtre. Le refus pourrait être motivé par le boucan de la machine et le problème de post-synchronisation de la musique et de la danse.

À la même époque, le muet n'empêche pas les cinéastes allemands ou d'origine allemande (comme Ernst Lubitsch) de tourner des scènes de danse. Fritz Lang fait ainsi danser une cabarettiste dans Le Docteur Mabuse (1922) et j'imagine qu'il y a aussi une scène de danse dans La Rue sans joie (1925) de Georg Wilhelm Pabst pour qu'il soit cité. Ce qui est certain, en revanche, c'est que sa Loulou (1929) est jouée par Louise Brooks, ancienne élève de la Denishawn passée par les Ziegfeld Follies. L'apprentissage de la danse donne une manière de bouger que n'ont pas les autres. Beaucoup de danseurs, de mimes et d'acrobates participent au cinéma muet, qui est un cinéma physique dans lequel les comédiens traditionnels ont plus de mal. Le cinéma burlesque, notamment, use de tout le langage du corps, lequel se trouve en constat déséquilibre chez Buster Keaton. Quant à Charlie Chaplin, il arrive même à danser assis dans The Gold Rush (1925). Il paraît que Cooks comporte une parodie de la danse de Salomé, où la tête de Jean-Baptiste est remplacée par un chou-fleur, mais à défaut de le trouver, vous aurez l'extrait passé lors de la conférence.

Tout cela a un petit côté Mickey Mouse, vous ne trouvez pas ?

 

L'âge d'or des comédies musicales

Le passage au parlant ne se fait pas sans résistances (et la poésie du geste, alors ?) mais comment résister aux jambes de Cyd Charisse et aux envolées de Fred Astaire ? Adaptant les comédies musicales à succès de Broadway, Hollywood met en place son usine à rêve. Danse et musique sont alors le sujet du film, le moyen de faire avancer l'action ou une simple ornementation au goût du jour. Les chorégraphes sont invités à venir travailler à Hollywood. La balletomane pense rapidement à Jérôme Robbins pour West Side Story (1957 au théâtre, 1961 au cinéma) mais il s'avère que Balanchine également a travaillé pour les comédies musicales et le cinéma, fait que j'ignorais complètement. Les parcours sont assez variés, certains danseurs ou chorégraphes passant même à la réalisation.

C'est le cas de Busby Berkeley (années 1930-1960) qui, de son séjour parmi les militaires, retient les alignements et réalise de véritables kaléidoscopes humains. Quelque chose de nouveau arrive avec lui : la caméra, mouvante, rentre dans la danse avec dans vues aériennes plongeant sur des grappes de filles. Décors, plateaux tournants à différents niveaux et miroirs démultiplient les effets, de sorte que le point central n'est plus le corps des danseurs mais l'œil de la caméra et donc du public. Je ne connaissais pas et dois dire que c'est assez impressionnant.

Fred Astaire, au contraire, souhaite replacer la danse au centre, qu'elle ne soit pas un simple motif mais fasse avancer l'action. Sa seule exigence est donc de décider où placer la caméra dans les scènes de danse, de manière à ce qu'elle soit le moins mouvante possible et ne prenne pas le premier rôle.

Pour une caméra dansante, il faudra attendre un peu et aller voir du côté de Bob Fosse avec All that jazz (1979) ou Sweet Charity (1969), le film à l'origine de la comédie musicale (bouclant la boucle de l'inspiration).

Et, pour le plaisir du who's who...

Gene Kelly est à Fred Astaire ce que Fanny Elssler est à Marie Taglioni. À la danse aérienne de Fred Astaire, il oppose une danse plus athlétique, plus sportive, ancrée dans le sol – ce qui n'empêche aucunement la poésie, comme vous pouvez le vérifier dans cette séquence de Cover girl (1944), où il danse en duo avec... lui-même.

Jack Cole, ex-élève de la Denishawn, est considéré comme le père de la danse jazz à Broadway. Si, comme moi, vous croyez ne pas le connaître, sachez qu'il a chorégraphié l'apparition de Rita Hayworth dans Gilda (1946) et Diamonds are a girl's best friend (1953) pour Marilyn Monroe.

Dans la catégorie des célèbres inconnus, nous avons également Marc Breaux et Dee Dee Wood, travaillant en couple pour Mary Poppins ou La Mélodie du bonheur. Les balletomanes retiendront le nom de Herbert David Ross, entre autres acteur, chorégraphe et mari d'une étoile de l'ABT, comme le réalisateur de The Turning point (1977 ), dans lequel danse Baryshnikov. Après avoir vu le trailer, qui vend du rêve, vous pourrez vous rincer l'œil avec White Nights.

 

Et après ?

Dans les années 1960-1970, l'épopée de la comédie musicale semble se terminer. En 1979, Miloš Forman adapte la comédie musicale Hair mais l'usine à rêve à vécu : le ton est plus désabusé, désenchanté ; la télévision commence à concurrencer le ciné... Cela n'empêche pas le genre d'être un succès de temps à autres : Saturday Night Fever en 1977, Grease en 1978, et, plus récemment, Moulin rouge (2001) ou Nine (2009). En France, le genre n'a jamais vraiment pris, à l'exception notable de Jacques Demy qui revisite avec tendresse la comédie musicale (Les Parapluies de Cherbourg, 1964 ; Les Demoiselles de Rochefort, 1967).

Pour trouver de la danse au cinéma, il faut soit se tourner vers d'autres genres soit vers d'autres horizons. Par exemple, on observera dans les westerns comment la danse des Indiens évolue du signe de sauvagerie à celui d'une culture propre (cf. Danse avec les loups, 1990). Puis pour un nouveau shoot de comédie musicale façon clip, direction Bollywood. Les studios sont plus vieux qu'on ne le croit : le premier film, muet, sort en 1913 ! La tradition indienne liant chants, danse et musique, c'est tout naturellement que le pays est venu à la comédie musicale, agrégeant toutes les modes à la danse indienne proprement dite, dans un melting-pot chorégraphique joyeusement kitsch. La censure de toute scène à caractère sexuel a pas mal encouragé le recours aux scènes dansées, qui font passer beaucoup de choses sur un mode onirique (c'est pas moi, c'est moi inconscient, d'abord). L'importance de ces scènes est telle qu'elles sont filmées par une équipe spéciale et les chorégraphes-réalisateurs sont en Inde de véritables vedettes. Et puis, moins connu que Bollywood : Hollywood on the Nil. Le cinéma égyptien s'est lui aussi frotté à la comédie musicale dans les années 1940-1960.

 

Tout une gamme d'émotions

C'est la partie thématique que Sonia Schoonejans n'a pas vraiment eu le temps d'aborder, à cause d'un quiproquo avec la salle et l'équipe technique – en fait de deux heures, il n'y avait qu'une heure et demie de prévue (ça craint un peu quand la conférencière a vingt-cinq minutes d'extraits à montrer à un public qui a payé sa place – peu cher, certes mais tout de même, c'est dommage). Les pistes données à toutes vitesse comportent, en vrac : la scène de bal de Fisher King où la danse est une métaphore du coup de foudre (les Jane Austiniennes et les fans de comédies sentimentales trouveront pleins d'autres scènes de bal très pertinentes, je n'en doute pas) ; Le Bal, d'Ettore Scola, où la danse se fait le miroir d'époques successives à travers un dancing du Front populaire aux années 1980 ; On achève bien les chevaux, où une certaine violence sociale prend corps ; Pulp Fiction, où la danse est le signal d'une violence physique à venir. Dans la débandade de la prise de notes, j'ai pris le temps de me faire un warning : Charles Atlas à éviter absolument. On ne sait jamais, ça peut toujours servir.

 

Sur ce, je vous laisse vous perdre dans les méandres de Wikipédia et YouTube. N'hésitez pas à poster les perles que vous trouverez, à l'image de cette rencontre improbable entre Méliès et le gangnam style.

 

1 Walter Benjamin, L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique