Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08 février 2009

Fait d'hiver

Une rose même pas dépiautée de son plastique, plantée dans une bouteille d'eau décrétée vase, et les cheveux laqués  ; je sors d'un spectacle de danse, la première de ma/notre chorégraphie sur l'hiver de Vivaldi. Les lumières... changements de coulisses...  grands jetés... bustiers blancs et mousselines en mouvement... Même essoufflée, je n'ai pas vu passer les dix minutes. Quelques secondes et une poignée de grandes gamines à se presser en cercle pour regarder sur caméra ce que ça donnait.

[Photos quand j'en récupère]

31 janvier 2009

Recueil : la voix qui laisse sans vie

 

(un atome atone)

 

Les Confessions d’un Anglais qui n’a pas encore mangé d’opium sont parasitées par une voix qui vient de derrière et ajoute sa misère à celle du narrateur. Celle-là est importune, qui s’invite dans la rame ; elle émane d’un corps un peu gros, écroulé sur un siège – jugement défavorable d’un coup d’œil. Celui-là, brillant helléniste qui se trouve plongé dans une grande misère – vous comprenez- avale les miettes de pain qu’il recueille en guise de repas – ce n’est pas toujours facile- survit parmi les rats avec une enfant – je donne des cours de soutien de physique et de chimie- et finit par perdre de vue la péripatéticienne qui lui a sauvé la vie en sacrifiant sa paye en un verre de vin épicé pour le faire revenir à lui. J’ai également perdu sa trace – proton- puis celle du narrateur – c’est un atome chargé positivement- et j’ai finalement rangé le livre, gênée puis bientôt captivée par ce nouveau roman - ou sa diction Nouveau Roman, diction de poème ou de théâtre, sans théâtralité aucune.

 

La voix importune dépose des phrases de physique nucléaire dans la rame, les dates des grandes découvertes avec la conviction d’un guide usé mais néanmoins soucieux de son métier. Il a enseigné au lycée et au collège. En IUT aussi, c’était très intéressant. La voix est monocorde et vibre de façon monotone : un timbre sans phrasé. Recherche scientifique aussi ; il a eu de la chance ; des expériences dangereuses ; un collègue ; une explosion ; a impressionné les élèves ; un éclat de verre dans la main ; il l’a vu la dernière fois, en asile psychiatrique ; l’explosion ; d’ailleurs il (le collègue) s’était fait tatouer une explosion sur le bras gauche. Son cerveau (la voix) a dû lui aussi un jour exploser silencieusement, et la voix balaye les cendres qui sont retombées, atone. Il a quatre sœurs, son beau-frère est décédé. Il essaye de s’occuper tout seul. Là, il va à Versailles, au cinéma. Toutes les connexions sont encore là dans son cerveau, mais définitives, re-parcourues sans la moindre étincelle. Il a vingt minutes pour aller jusqu’au Cyrano. Oui, peut-être, place du marché. Une autre voix, inaudible, relance régulièrement cette parole, donne des questions pour que la voix énumère sa vie. Quel âge avez-vous ? – vingt ans. Curieusement, j’ai entendu cette réponse de l’interviewer, un peu trop jeune pour supporter la voix ; mais pas ses questions, posées en sourdine et comme destinées à être coupée au montage. Je suis à la prise de son ; discrètement mon oreille d’aplomb, le cou ankylosé par cette captation attentive à filtrer les rires intermittents et parasites de jeunes touristes étrangères. La voix vibre toujours : après le cinéma, il rentrera chez lui, il y sera vers six heures et demie. Le samedi soir, il va au cinéma, puis il rentre. Le dimanche matin, il fait la grasse matinée. Je ne comprends pas pourquoi j’écoute. Il passera acheter du lait demi-écrémé, qui apporte du calcium, du magnésium et d’autres choses encore qu’il lit de mémoire sur l’étiquette de la bouteille. C’est son petit-déjeuner, cela fait un quart de bol. Il ira acheter son lait après le cinéma. Il rentrera et il s’occupera seul. En fait, si, je sais, je la recueille, c’est cette voix qui dit de même façon un cours de physique nucléaire et son petit-déjeuner routinier, les bons moments de sa carrière, la mort de ses proches et son devoir de divertissement. Qui récapitule une décadence déjà passée. Très intéressant. Son métier l’a sûrement passionné autrefois, mais il ne lui en reste plus qu’un intérêt passif. Versailles arrive bientôt. Il va descendre, il remercie qu’on lui ait parlé, qu’on l’ait écouté. Comme un vieux livre reconnaissant qu’on l’ait fait revivre le temps d’une lecture. Comme un vieil album désormais rempli, reconnaissant d’avoir été feuilleté. Et puis la voix est partie sous son béret, au terminus.

31 décembre 2008

36 décembre 2008

Le 31 décembre a beau revenir régulièrement et être donc par là prévisible, c’est toujours la loose. Il est 17h00 passé, je suis toujours en pyjama avec le cheveu gras (mais les mains très douce pour cause d’essorage de tomates séchées – ce qui, à dire, a l’air bien plus classe que l’essorage des carottes rapées à la cantine, mais qui l’est en fait beaucoup moins à faire). En général, on sait la veille ce que l’on fait. Cette année, on l’a su bien plus tôt, et pour compenser cette belle organisation, mon *boulet power* m’a poussée à me proposer pour faire des cakes salés. Cela paraîtra basique à tout le monde, mais j’adore les céréales et le fromage en plat unique, j’idolâtre le micro-ondes et je rends un culte à Picard - je fais la cuisine tous les 36 du mois, en somme. Même des crêpes s’avèrent challenging pour mon incapacité notoire ; la dernière fois, j’ai dû faire disparaître les preuves compromettantes et je suis arrivée au dîner déjà bien calée. Définitivement, il y a deux types de personnes : celles qui font les gâteaux et celles qui les mangent. Les premiers peuvent également faire partie des seconds mais ces derniers sont totalement dépendants des premiers.

Donc cake salé. Il faut imaginer le roquefort qui colle aux doigts, les câpres dans la passoire, l’hésitation sur le nombre de tours de moulin à poivre, l’épluchage des poires (amélioration à peine visible par rapport aux pommes de la tatin de l’année dernière), l’angoisse devant le cake qui n’est pas cuit à l’heure dite, alors que la lame de couteau doit ressortir sèche, que le dessus a passé le cap du doré et que le roquefort bave des petites bulles à la surface. Tension indépassable entre pas assez cuit à l'intérieur/ cramé dessu. Ne parlons pas du démoulage avec un moule qui accroche - avant que le cake soit refroidi, puisque le second attendait avec le cri désespéré de la câpre noyée dans un océan de gruyère. Le roquefort-poire-noix n’a pas apprécié d’être expédié et nous a fait un petit abcès sur le côté. Après avoir mis le dernier monstre au four, je me suis fait un thé, parce que bon, hein. Et puis mangeons à même la nappe plastique, je nettoierai tout après. Je préfère ne pas penser que mon shortbread avait un vague arôme de tomate séchée. A présent, monstre II fait le même caprice et joue au dur à cuire – alors que lui ai donné un coup de couteau, ça lui apprendra. Bref. Le faire part de décès du deuxième cake ne va pas tarder à arriver. Je vais vous laisser pour aller finir de me flinguer le dos en me lavant les cheveux. Parce qu’on ne peut pas faire la cuisine quand on est grande, les plans de travail sont trop bas. J’ajouterai cela à mes récriminations vaines où figure déjà les fauteuils de train faits pour les gens bossus, affalés, ratatinés et hautement inconfortables pour les autres.

Voilà, si mes cakes ne le sont pas, du moins grâce à eux (comparativement) l’année à venir devrait être bonne.

30 décembre 2008

Ce n'est pas un Scoop

           Pas un scoop que les romans Anglo-saxons peuvent avoir un humour plus décapant que les nôtres. Quand en français on essaye l’humour pince-sans-rire et bien justement, ça ne fait jamais rire. Cela devient même rapidement très agaçant, comme un disque rayé – répétition d’une recette dictée par une grand-mère mourante et qui n’avait plus toute sa tête quand à la proportion de farine – on est roulés dedans par les mêmes tics d’écriture, des sous-entendus et des antiphrases ironiques rarement cinglantes. Il n’y a guère qu’en anglais que l’understatement est un clin d’œil complice – et pas une grimace de garçon de café vaguement empreinte de gauloiserie. « Les Anglais sont plus drôles quand même », tranche en toute impartialité From-the-Bridge à la conclusion d’un commentaire de Tristam Shandy, which was seminal and whose influence could be found in the Nouveau Roman, for instance.

 

            Pas un scoop véritable dans le roman éponyme d’Evelyn Waugh, que From-the-Bridge m’avait offert en juillet dernier. Entamé puis laissé de côté pour causes de lectures philosophiques (ou pire, pour mauvaise conscience de ne pas faire ces lectures philosophiques), je l’ai repris au début des vacances, reprise peut-être encouragée inconsciemment par la mention de l’auteur dans Lost in Translation (j’aurais également pensé, à tort, qu’il s’agissait d’une femme…). Difficile d’esquisser un résumé pour la simple et bonne raison qu’il ne se passe pour ainsi dire rien : à la suite d’une erreur, un journaliste de la rubrique pêche et chasse (pas vraiment cela, je n’ai toujours pas cherché ce qu’était une great crested grebe, mais c’est l’idée) est envoyé dans un pays d’Afrique couvrir une guerre, qui n’a pas lieu. C’est plein de cocasseries truculentes et de quiproquos occasionnés par le bon sens du personnage central, heureusement pour nous peu partagé de ses collègues journalistes. Je suppose que c’est ce qu’on doit entendre par « a romping comedy of errors ».

Tout à fait le genre de lecture pour retrouver le plaisir égoïste d’une lecture gratuite. Here are some that made me laugh (pour être honnête, il s’agit surtout de ceux que j’ai pu retrouver) :

 

  •  Mr Salter’s side of the conversation was limited to expressions of assent. When Lord Copper was right he said, ‘Definitely, Lord copper’; when he was wrong, “Up to a point’.
    ‘Let me see, what’s the name of the place I mean ? Capiral of Japan ? Yokohama, isn’t it ?’
    ‘Up to a point, Lord Copper”.
  •  (Présentation encyclopédique d’Ishmaelia)  As there was no form of government common to the people thus segregated, nor tie of language, history, habit, or belief, they were called a Republic.
  • (Sur place, au bureau de presse, pour obtenir des papiers d’identité). They were small orange documents, originally printed for the registration of prostitute. The space for thumb-print was now filled with a passport photograph, and at the head the word ‘journalist’ substituted in neat Ishmaelite characters.