Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19 décembre 2010

Des démonstrations pas si démonstratives

Mon professeur de danse m'a proposé de récupérer pour l'après-midi la place qui lui avait permis de voir deux de ses élèves pendant la matinée ; j'ai évidemment sauté sur l'occasion, d'autant que la journée va crescendo et que l'après-midi est réservé aux grandes divisions. La troisième a beau être réservée aux moins de 16 ans aux dires du programme, il s'agit vraiment d'un âge limite car les élèves en paraissent bien moins que cela. C'est une division où il fait bon avoir des origines étrangères : se détachent, chez les garçons, un asiatique techniquement à l'aise ; chez les filles, une petite métisse qui fait plaisir à voir. J'ai été surprise de voir que toute trace de maladresse n'avait pas encore disparu : le travail du bas de jambe est évidemment très propre mais certains garçons ont des bustes un peu gauches et les bras des filles manquent clairement de souplesse, avec des mains façon pelle à tarte quand l'exercice demande une grande concentration. Ce n'était pas une vue de l'esprit puisque lorsqu'ils sont revenus pour le caractère, Roxana Barbacaru a insisté pour que les filles tiennent leur bras et ne laissent pas pendre leurs mains. Et d'ajouter, faisant rire la salle, que plus on est petit, plus on danse grand. C'est aussi là, filles et garçons mélangés, qu'on se rappelle qu'ils sont très jeunes ; quoiqu'ils ne s'économisent pas dans ces pas librement inspirés de Napoli, leur danse manque encore de caractère, les filles comment à entrer dans le jeu (de séduction) tandis que la fougue affichée de certains garçons ne prend pas toujours sur leurs traits de gamin. Même s'ils manquent encore individuellement d'ampleur, il n'empêche que ce travail de corps de ballet est déjà très agréable à regarder.

C'est avec les deuxièmes divisions que cela commence à danser. Avec l'augmentation de la difficulté technique, les garçons mettent du temps à se synchroniser mais les filles sont très ensemble et leurs exercices s'enchaînent avec fluidité, le tout étant agréablement chorégraphié par Francesca Zumbo, une des seules parmi les professeurs des filles à sembler entretenir le dialogue avec ses élèves (au lieu d'une présentation rigide, elle s'amuse de ce que les pirouettes sont ce qu'elles préfèrent ou souligne leur mérite dans tel ou tel exercice). L'exercice de piétinés qui ouvre leur démonstration me fait justement piétiner d'envie (d'en voir certaines boitiller pour courir me rassure un peu) : d'emblée, l'accent est mis sur l'artistique et même si les jambes s'envolent au plafond, c'est la rapidité des changements de direction et des entrepas qui surprend, le style opéra de Paris en somme, qui n'a pas ici le côté mécanique que sa difficulté engendre parfois – bref, c'est dansant, on en oublie un peu de se demander qui est la meilleure (inévitable tentation de ce genre de manifestation).

Je repère une fille avec une grande bouche dont le seul défaut résiderait dans cette bouche parfois plus ouverte que réellement souriante, ainsi qu'une autre, pas du tout le type liane cette fois-ci : c'est la moins fine du groupe (mais je vois rassure, je suis encore plus épaisse qu'elle – exception faite de la poitrine et en avoir est suffisamment rare pour être identifiant) mais j'aime beaucoup son style, son allure, de jolis épaulements qui n'ont rien de chichiteux. Même si les physiques ne sont pas harmonisés, l'ensemble est harmonieux et le niveau peut-être plus homogène que chez les garçons. Ils sont dans l'âge ingrat, certains de juvéniles gringalets, d'autres avec déjà pas mal de musculature, l'un encore petit garçon, l'autre plutôt jeune homme, avec du beau gosse en puissance (il y avait un qui avait un peu un visage à la Ganio mais sans son côté tête à claque – je confonds peut-être avec la division précédente : contrairement aux filles, la tenue des garçons de change pas de couleur d'un groupe à l'autre, c'est moins facile à mémoriser).

D'une manière générale, les classes de garçons sont plus détendues, comme s'il y régnait une sorte de camaraderie sportive (même si la compétition y reste évidemment présente) ; c'est peut-être à mettre en relation avec le fait que les garçons nous présentent plus des tours de force techniques que de la danse (sauf dans la révérence où de simples pas marchés permettent de deviner des danseurs sous les acrobates) alors que les filles sont en plein processus de ballerinisation.

Le processus est achevé en première division : un bataillon de filles longilignes, graciles, aux mouvements déliés. Toute en blanc devant le cyclo bleu, on ferait bien d'en garder quelques-unes pour Apollon musagète. D'un coup les physiques sont harmonisés – mais pas nécessairement harmonieux : en première division, on ne mange plus (une seule exception, une fille au visage très doux, avec une jolie présence). Alors que les deuxièmes divisions, toutes roses, commençaient à être féminines, les premières ont achevé d'être délavées (la troisième division était en rouge) et de femmes en puissance sont devenues des danseuses, éternellement filles. Ces brindilles en font des tonnes, la métamorphose est assez spectaculaire, j'ai été vraiment surprise de la marche qu'il y a a d'une division à l'autre. Le niveau de la classe est si homogène que je suis bien en peine d'imaginer qui pourrait être engagé dans le corps de ballet.

Il y a plus de différence chez les garçons (un rouquin, un brun et un blondinet sont pas mal – y'en aura pour tous les goûts), quoique chacun y ait ses points forts et ses points faibles et qu'aucun ne soit vraiment au-dessus du lot. Côté physique, l'évolution est encore plus surprenante que chez les filles non devenues femmes : ils sont si baraqués qu'ils semblent danser la tête dans les épaules. Quoiqu'il en soit, dans le bouquet final de la classe de pas de deux, filles et garçons forment de beaux couples de danseurs prêts à être intégrés au corps de ballet – jusqu'aux personnalités qui se sont, semble-t-il, un peu émoussées.

 

J'en suis ressortie avec l'envie de faire d'infinies séries d'échappés et de retirés (la batterie ? - sans façon, je la leur laisse), tirez-en les conclusions que vous voyez. Pour rappel, si les démonstrations désignent bien l' « action de montrer concrètement au public en quoi consiste tel art ou tel sport », elles sont aussi (pourraient aussi être) le « signe extérieur qui manifeste les sentiments qu'une personne éprouve ou feint d'éprouver, ou ses intentions ».

12:24 Publié dans Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : danse, garnier

18 décembre 2010

Casse-Noisette

Arrivée au théâtre depuis la gare sans m'être cassé la figure sur les trottoirs glissants, je peste néanmoins contre ce temps de merde. - Mais non, pas un temps de merde, me corrige le mari de ma prof de danse : le temps rêvé pour danser Casse-Noisette.

Même si le froid ne facilitait pas l'échauffement et la sortie de la répétition générale s'est avérée assez épique - avec, dans le rôle du chevalier servant, notre photographe savoyard sachant conduire sur le verglas- c'est avec plaisir que j'ai floconné, arabisé et fleuri.

 

Photobucket

 

Une arabesque complément ouverte, je sais, mais croyez-moi, c'est toujours mieux que des piétinés sur pointes molles, en dedans et décroisés à cause de cuisses-jambonneau. Les six mois sans barre se font sentir, je n'ai plus de répondant dans les jambes, ça manque de nervosité. Mais j'avais une tiare , ferait remarquer Pink Lady.

 

Photobucket

Autant je lutte dans les flocons, autant dans la danse arabe, je suis chez moi.
Mode *J'occupe la scène, regardez-moi*

 

Photobucket

Je me gargarise si je veux.

 

Photobucket

Photobucket

 

Dos au public, je vois la drôle de tête de Clara et Casse-Noisette et je me dis que la sensation de relâchement que j'ai ne doit pas être qu'une impression : mon haut s'est dégrafé. Je me suis instamment déclarée pour le port du voile. 

Malgré les débuts de strip-teaseuse qu'il m'a involontairement fait faire, j'adore ce costume : violet, bustier court façon la Bayadère (s'il y a bien un costume qui me fait rêver, remisez les tutus, c'est celui-là), et pantalon bouffant qui fait croire que les cuisses sont du même acabit que le ventre. Et on respire vachement mieux que dans le tu-tu te'ment ser-ré qu'on se d'mande comment 'va pouvoir danser 'vec alors qu'on asphy-xie déjà au repos.

 

Photobucket

Je vous salue Clara pleine de grâce.

 

Il n'y a que des photos de moi, c'est bien observé : d'une part,  ces photos ne sont pas les miennes  et il revient à chacun d'autoriser les photos qu'il veut bien voir publiées (en plus du photographe, n'oublions pas les modèles, ici quasiment tous mineurs) et d'autre part, c'est un comportement typique de tout danseur (amateur, du moins) de se chercher en priorité dans les enregistrements des spectacles et, une fois qu'il s'est trouvé, de chercher tous les défauts qui lui feront écarter les trois-quarts des photos (qui font encore moins de cadeau que les vidéos), au grand désespoir du photographe qui, lui, était ravi par l'effet du tissu ondulant et n'avait pas prêté attention au pied pas tendu, à la jambe en dedans ou au bras raide façon salut hitlérien. Comme dit mon médecin : les danseuses sont des chieuses ; pas parce qu'elle sont chiantes, hein, parce qu'elles sont exiiiigeantes, perfectionnistes... Nul besoin de s'arracher les cheveux, de toutes façons, j'ai un postiche :

 

Photobucket

En coulisse, il y a eu l'odeur de la laque, la pose des perruques, le maquillage où il n'y a pas à craindre d'avoir la main lourde, les pleurs des lentilles qu'il m'a fallu un bon quart d'heure à mettre, la métamorphose de la prof en vieille dame à coups de crayon pour les rides et de blanc dans les cheveux, la moustache à fixer sur la lèvre de la danseuse qui faisait le père (un rôle de travesti que je n'ai pas endossé, c'est assez rare pour être souligné - on n'est pas grande pour rien), la maman de la prof qui finissait de baguer les tutus et de coudre les juponnages des fleurs, la boîte de biscuits Delacre et la redécouverte des Délichocs, les changements rapides, les petites souris qui ont toujours envie d'aller faire pipi quand ce n'est plus le moment, les mouvements pour se garder chaud et s'étirer, les sautillés pour accélérer le rythme cardiaque et se libérer le tract, le retour de la musique en loge et surtout, surtout, derrière les pendrillons de velours noir, entre admiration et cohésion chaleureuse, l'enthousiasme de ceux qui attendent leur entrée pour ceux qui sont sur scène, l'interminable équilibre arabesque de la fée Dragée, le beau développé tenu d'une fleur, ou celui de T. qui boitait encore il y a trois semaine, bah ça va, on s'emmerde pas, qu'on souffle en souriant de l'aisance de nos jeunes solistes.

16 décembre 2010

Les cadeaux qui n'en font pas

Anniversaires passés, Noël à l'approche : le sujet est actuel et je peux le traiter sans paraître désigner aucun présent. Offrir des cadeaux est une tâche affreusement difficile que j'aime de moins en moins. Il est très rare d'être satisfait d'un cadeau et je parle là pour celui qui l'offre bien davantage que celui qui le reçoit. Les magazines, les magasins, les zinzins nous fournissent bien des « idées » mais c'est déjà mauvais signe lorsqu'on en cherche. J'aimerais n'avoir à faire de cadeau que lorsqu'une chose me fait subitement penser à quelqu'un ; mais allez offrir un cadeau à une seule personne ou hors de toute occasion lorsque les anniversaires, Noël et autres fêtes en tout genre sont assez nombreuses pour nous faire sécher. Halte-là ! on garde notre idée sous le coude et on n'offre pas de cadeau pour rien – ce qui est tout de même contrevenir au principe même du don et risque de faire basculer son équilibre (les anniversaires, à tour de rôle) en économie (tous dans les magasins pour faire sa fête au père Noël).

Aucune envie de remettre en cause l'existence des cadeaux, ils font indéniablement plaisir – reste à savoir à qui :

« Supposons que vous ayez un ami qui aime Schumann et déteste Schubert, alors que vous aimez Schubert à la folie et que Schumann vous assomme. Quel disque offrirez-vous à votre ami pour son anniversaire ? Du Schumann dont il raffole, ou du Schubert dont c'est vous qui raffolez ? Du Schubert, bien entendu. En offrant du Schumann, vous auriez la désagréable impression d'être insincère, de donner à votre ami une sorte de pot-de-vin pour lui complaire, dans le désir presque mesquin de conquérir sa faveur. Après tout, quand vous faites un cadeau, c'est par amour, c'est pour offrir une partie de vous-même, un morceau de votre cœur ! Aussi donnerez-vous L'Inachevée de Schubert à votre ami qui, après votre départ enfilera ses gants, crachera sur le disque, le prendra entre deux doigts et le jettera à la poubelle. » L'immortalité, Kundera, p. 154

C'est ce qu'a fait ma grand-mère à la Noël dernière en offrant une télévision gigantesque à ma mère (pour situer, elle adore celle qu'on a, petite et plus vieille que moi) et on a frôlé le conflit diplomatique en allant la rendre – parce qu'une télévision, contrairement à un disque, cela ne se jette pas (ça se recycle en gourmette Hermès, avec rajout de matière première). Il y a pas mal de personnes à qui offrir un appareil ménager ou audiovisuel équivaut à une punition ; je ne connais que Palpatine pour bondir de joie à l'idée de recevoir une centrale vapeur (c'est sûrement d'imaginer bien repassées ses belles fringues-de-riche). Je ne sais pas pour vous, mais de manière générale l'aspect utilitaire d'un cadeau me rebute : un don, c'est comme pour l'art, c'est encore meilleur quand ça ne sert à rien (bon, après, c'est parfois bien pratique quand on ne peut pas investir soi-même, mais c'est là une question de moyen et non plus de principe). Je pourrais dire par exemple que je n'aime pas qu'on m'offre des fringues, mais ce ne serait pas exact : je n'aime pas les fringues utilitaires, celles qu'on met parce qu'on ne va pas aller cul-nu (quand bien même je ne m'en séparerais plus ensuite), mais ai pu rêver à un nouveau chauffe de danse alors que pourtant, dieu que ce n'est pas glamour pour qui ne connaît pas le confort de ces espèces de grenouillères en polaire, accessoire incontournable et prisé des stages de danse à l'époque où j'en faisais encore (bah ouais, quoi, tu ressembles à rien mais t'as l'air tout de suite plus cool qu'en tunique à jupette et collants roses – l'allure grunge danse, cherchez pas). Bref, offrez-moi l'image, pas la fringue, à moins que celle-ci ne donne celle-là ; c'est d'ailleurs tout le principe de la marque... mais je m'égare, nous en étions aux cadeaux qui font plaisir à celui qui l'offre et pas à celui qui le reçoit.

La formule inverse, quoique Kundera l'écarte en un tournemain, s'avère assez souvent pratiquée car moins dangereuse. On demande une idée à l'autre qui n'est pas autre pour rien et nous donne une idée qui nous est étrangère mais dont on note soigneusement les références, tout étrange qu'elle nous paraisse. On finit par passer à côté de l'autre mais on est quand même soulagé d'avoir pu lui refiler la patate chaude le cadeau au passage. Vous n'écoutez que du classique et vous offrez du jazz sans même tenter de l'écouter, c'est un peu médiocre mais on s'en contente, car on n'a pas vraiment le temps si surtout l'envie de trouver meilleur compromis. Arrive néanmoins un moment où la politique du moindre mal rencontre ses limites : on ne vous demande plus le disque d'un obscur jazzman mais celui de Schumann qui, rappelez-vous, vous assomme (vous pouvez remplacer par Beethoven si vous voulez, je ne vous en voudrai pas). Une fois, mon frère m'a demandé un film qui ne m'inspirait que du mépris. Contrairement au fan de Schubert, je n'avais pas de cinéaste préféré à refourguer à tout prix ni même un film qui plairait aussi à mon frère (exit The eternal sunshine of the spotlesse minde) et qu'il n'aurait pas déjà, alors, faute de temps et d'envie, toujours la même chose, j'ai acheté le DVD : j'ai eu l'impression de proclamer une superbe ignorance, non tant de ne pas connaître les goûts de mon frère que de l'ignorer, lui, comme si je passais sur son existence ou qu'elle me passait par-dessus la tête. Vraiment une charmante impression. Heureusement, comme il ne s'agissait là de rien de délibéré, il n'y avait que moi pour être gênée et son cadeau lui a fait plaisir. Je préférerais cependant ne pas réitérer cette désagréable expérience.

 

Pour en avoir distingué les enjeux, le problème n'en reste pas moins et rares sont les cadeaux où l'équilibre est atteint et où le plaisir du donateur ne se résume pas uniquement à la consolation d'avoir suscité celui de la personne qui reçoit. C'est déjà bien, vous me direz, c'est que le cadeau fait plaisir ; l'entente risque pourtant de n'être que cordiale sans cette complicité qui se noue autour du plaisir partagé, sans la connivence entre celui qui savait qu'il allait faire plaisir et celui qui est surpris d'avoir été si bien deviné. Finalement, il n'y aurait qu'à nos amis que nous pouvons faire des cadeaux ; on se doute qu'on ne va pas en faire aux voisins qu'on ne peut pas saquer – je ne désigne personne mais je lève les yeux au ciel- mais il reste la famille dans l'entre-deux, ces personnes auxquelles nous sommes liées sans les avoir choisies par affinités et avec qui nous n'en avons pas nécessairement ou pas toujours développées. Après, je ne dis pas, il y a certainement des personnes chez qui l'amour du prochain leur fait prendre d'amitié des gens avec lesquels ils n'ont rien en commun sinon le fait d'être des êtres humains, et je ne doute pas que ceux-là puissent être véritablement heureux par le plaisir qu'ils procurent (et non par incomplète procuration, qui laisse un goût – ou un écho s'il s'agit du morceau de Schubert- d'inachevé) ; je doute seulement que cet idéal d'amitié chrétienne concerne grand monde et il nous faut avoir les pieds sur terre, c'est là qu'est planté le sapin.

En effet, s'il n'y a qu'à nos amis que nous pouvons offrir des cadeaux, cela ne veut pas dire que ceux à qui nous n'en offrons pas ne le sont pas : il y a ces amis de longue date aux caractéristiques si claires à nos yeux et si présentes à nos esprits que ce sont presque toujours les mêmes objets qui nous font penser à eux. Je ne peux pas voir des boucles d'oreille originales sans penser à Melendili mais Melendili a peut-être reçu assez de boucles pour ses deux oreilles et voudrait peut-être que d'autres choses me fassent songer à elle (autre qu'un carnet violet, un stylo violet, du chocolat à la violette, des bonbons à la violette, des éclairs à la violette, le purple mood n'étant pas un état d'esprit permanent).

Ce genre de cadeaux en série pourrait même finir par être blessant à toujours sembler nous restreindre à une partie de nous-même (si vous ne connaissez pas Melendili, n'ayez crainte, ses oreilles sont de taille tout à fait standard et ne subsument pas toute sa personne). Parce que si le cadeau offre une image ('du rêve', comme on dit) au-delà de l'objet, encore faut-il que cette image plaise à la personne et qu'elle puisse s'y retrouver. Je veux dire, c'est à Inci, qui réussit ses macarons du premier coup, qu'on peut offrir des bouquins de cuisine, pas à moi, toute morfale que je suis : à moins que les images présentent des mélanges étonnants propres à m'allécher (à tout hasard du peanut butter et du nutella), il n'est pas exclu que je le prenne comme un léger reproche. En découvrant le cadeau que Miss Red m'a concocté pour mon anniversaire et qui m'est arrivé à l'improviste il y a deux semaines (je croyais qu'elle avait oublié et sans m'en formaliser le moins du monde, j'étais curieuse de ce qu'elle avait pu imaginer qui, avait-elle dit par-dessus le gâteau, lui prendrait du temps), j'ai été amusée de voir l'image qu'elle se faisait de moi et que je n'aurais pas pensé dégager, quelqu'un de très à l'aise dans ses cuissardes if you see what I mean. Puis, maintenant qu'on a dérivé du côté de la réception autant continuer, il y a ces cadeaux improbables qu'on n'a jamais pris en considération parce qu'ils se situaient hors de notre champ de vision ou plutôt d'imagination, et qui sont de véritables surprises. Jamais je n'aurais pensé qu'on m'offrît une grande photo de New York encadré ; cela ne m'empêche pas de beaucoup l'aimer, tout en longueur, accrochée un peu en décalé (à l'image de son cadrage), au-dessus de la lampe, à côté du monstera, dans le salon – pas dans ma chambre, ça ne cadre pas (une vraie jolie surprise, vous dis-je).

Quand bien même partir en expédition cadeau peut se révéler une vraie prise de tête lorsqu'on n'est pas satisfait des cadeaux que l'on fait (avec lesquels on fait, pour être exacte), je n'aimerais pas pour autant perdre les occasions de l'être et qui rendent presque euphorique. Pour l'anniversaire de Palpatine, mon vrai cadeau, c'était le gâteau ; du moins, c'est ce que j'ai ressenti et ce qu'il m'a semblé lorsque je l'ai vu exploser de rire en découvrant le gâteau-pingouin. Bon, après, j'avais oublié qu'on se ressemble parfois un peu trop, j'aurais du penser à mon ours de Pâques qui trône en sculpture sur la bibliothèque parce que le chocolat a tourné avant que je me résigne à le manger : le meurtre du pingouin a été plus douloureux pour Palpatine que pour le gâteau qui  n'a toujours pas perdu la tête. Il n'empêche, je suis soulagée d'avoir établi avec lui un statu quo pour Noël. Des cadeaux, oui, mais pas imposés ; au débotté, je préfère ; sur un coup de tête, parfois ; bref, se gâter sans gâter le plaisir.

15 décembre 2010

Les santons, mieux que les Playmobil

D'abord, il y a l'étable dans laquelle j'ai toutes les peines du monde à faire rentrer l'âne, Josef, Marie et la vache surtout, la vache qui doit réchauffer le divin enfant et qui regarde du même côté que l'âne et les moutons, dieu que c'est bête, c'est tout de même une étable, quoi ! Le curé masque la remarquable absence de Jésus ; je l'écarte et le remplace par une oie. A sa place, je le prendrais mal. Pour éviter la prise de bac, je place à côté de lui l'Arlésienne, assortie à la soutane avec sa robe noire et sa croix – qu'elle arbore certes tous seins dehors, pas très moral tout ça mais ma mère vous dirait que de toute manière la Vierge a fait un déni de grossesse. J'installe les trois rois mages sans me rappeler qui est qui, ils ont un petit liseré de paillettes à leurs vêtements, c'est suffisant pour les distinguer ; puis l'éléphant et le chameau, deux bosses c'est deux syllabes, c'est un chameau, qui ne regarde pas du côté qui m'arrange pour organiser la procession, qu'est-ce qu'elles ont ces bestioles à regarder du mauvais côté ? Je mets la gitane avec une autre mère, le pêcheur avec une cruche (la fileuse se retrouve seule mais du coup, c'est aussi une cruche), le boulanger avec les meuniers, dont l'un est caché au fond, parce que, s'il n'a pas été rejeté au casting des santons présentables (achetés au fur et à mesure au village d'Aubagne pour remplacer les lépreux), c'est uniquement qu'il a été peint par ma mère et qu'elle y est sentimentalement attachée. On verse un peu de farine pour l'absoudre. Pour ma part, j'avais commis un ange quand j'étais petite (yeux bleus, cheveux blonds, robe bleu ciel avec des plis argentés, parce qu'il y avait de l'argent en peinture acrylique, trop la classe – ma cousine l'avait éloigné le sien du stéréotype en le faisant dark, genre ange de la mort, un santon ado rebelle, selon toute évidence) ; j'aurais voulu le faire tenir sur le toit de l'étable, mais comme ce n'était pas encore une grange industrielle, le toit est un pente. Maman suggère de le pendre à une branche du sapin, juste au-dessus, ou de l'attacher au toit ficelé comme un rôti– ou comme une grosse mouche, j'imagine bien – c'est toujours mieux qu'une grosse merde, rétorque-t-elle. Finalement, l'Ange n'a pas fini exterminé dans les barbelés, on l'a couché sur le toit comme un soldat inconnu sur son lit de mort. Soyez sans crainte, il y a de la mousse pour amortir sa Chute.