01 février 2011
Hooked on books
Balletomane et littéraire, je considère avoir été taguée par Amélie.
Le point de départ : Have you read more than 6 of these books? The BBC believes most people will have read only 6 of the 100 books listed here. Instructions: Bold those books you've read in their entirety. Italicize the ones you started but didn't finish or read only an excerpt.
Alors, mes agneaux, comme je passe désormais mes journées à rétablir le code typographique dans les interprétations originales et variées qu'en font les universitaires, je ne peux pas laisser un titre en romain. Pour que ça ne me démange pas de les souligner rageusement et d'écrire it. en rouge dans la marge, je laisserai en italique tous les titres et je soulignerai ceux dont j'ai lu des extraits.
1 Pride and Prejudice - Jane Austen
J'ai eu envie de claquer Elizabeth mais comme j'ai parfois aimé ricaner avec le narrateur, j'en lirai certainement d'autres un jour.
2 The Lord of the Rings - JRR Tolkien
On m'a fait regarder l'intégrale des films en version longue en VO d'une traite (jusqu'à trois heures du matin : « mais, il n'était pas censé être mort, lui ? - il a une aussi une barbe blanche, mais ce n'est pas le même que tout à l'heure. - Ah. »), mais malgré les soupirs d'extase de Dre, je n'ai jamais ouvert les bouquins.
3 Jane Eyre - Charlotte Brontë
Je croyais l'avoir lu gamine mais j'ai découvert que c'était une version abrégée, chose que j'abhorrais déjà à l'époque ; je me suis sentie un peu flouée sur le moment mais du coup cela fait un titre de plus sur ma liste à lire virtuelle.
4 Harry Potter series - JK Rowling
Il faut mettre en gras ET souligner si on les a beaucoup relu, qu'on dit « accio dico » quand on ne veut pas se lever pour l'attraper et qu'on regrette de ne pas avoir de retourneur de temps ?
5 To Kill a Mockingbird - Harper Lee
A. me l'a offert, il attend son tour sous la table basse.
6 The Bible
Cela manque gravement à ma culture et je vais peut-être penser à programmer ce chantier pour cet été. En français, hein, mais si un jour j'en lis des passages en anglais, je prendrai la King James' version (c'était pour mister From-the-Bridge si jamais il passait par ici).
7 Wuthering Heights - Emily Brontë
J'aimerais le relire en anglais, vu le bon souvenir que j'ai gardé de la traduction- bonifié encore par Kader Belarbi ^^
8 Nineteen Eighty Four - George Orwell
Doubleplusbon. Sa critique est un des rares points que je n'accorderais pas volontiers à Kundera.
9 His Dark Materials - Philip Pullman
Je ne connaissais même pas le titre original, ce qui ne m'a pas empêchée d'être fascinée par cette trilogie, à laquelle je ne reprocherai que la toute fin, un peu mièvre par rapport au reste. J'ai longtemps rêvé d'avoir cette espèce de boussole grâce à laquelle Lyra ne voit pas le futur mais la réalité telle quelle est, la vérité (et ce mélange d'érudition et d'intelligence innée avec lequel elle s'en sert me ravit – c'est un peu le syndrome Hermione Granger), je me suis demandé quel serait mon daemon et j'ai pensé à la poussière dès que j'en voyais voltiger dans un rayon de lumière. Ça y est, j'ai envie de le relire.
10 Great Expectations - Charles Dickens
Je n'ai lu qu'Oliver Twist mais tellement aimé que j'en lirai d'autres. Avant d'en étudier des extraits en cours d'anglais, j'y voyais un Zola anglais mais aucun misérabilisme ne résiste à l'ironie british.
11 Little Women - Louisa May Alcott
12 Tess of the D’Urbervilles - Thomas Hardy
13 Catch 22 - Joseph Heller
14 Complete Works of Shakespeare
Not yet.
15 Rebecca - Daphné Du Maurier
16 The Hobbit - JRR Tolkien
17 Birdsong - Sebastian Faulks
18 Catcher in the Rye - JD Salinger
19 The Time Traveler’s Wife - Audrey Niffenegger
20 Middlemarch - George Eliot
21 Gone With The Wind - Margaret Mitchell
Lu sur la pelouse à la pause déjeuner, au soleil, à Châteauroux, lors de mon premier stage de danse.
22 The Great Gatsby - F Scott Fitzgerald
23 Bleak House - Charles Dickens
Seulement l'incipit en khôlle. Palpatine, ne me laisse pas entrer dans une librairie ce week-end à Londres.
24 War and Peace - Leo Tolstoy
25 The Hitch Hiker’s Guide to the Galaxy - Douglas Adams
Acheté lors de mon dernier week-end à Londres, lecture imminente.
26 Brideshead Revisited - Evelyn Waugh
27 Crime and Punishment - Fyodor Dostoyevsky
28 Grapes of Wrath - John Steinbeck
29 Alice in Wonderland - Lewis Carroll
Une version tricky m'a donné envie de le relire en VO.
30 The Wind in the Willows - Kenneth Grahame
31 Anna Karenina - Leo Tolstoy
Par un concours de circonstances (i.e. bouquins à lire pour les cours), je me suis trouvée interrompue après environ 50 pages, juste le temps de commencer à apprécier. S'il y a bien un livre que je ne renoncerai pas à lire, c'est celui-là < L'Insoutenable Légèreté de l'être, Murakami, Boris Eifman.
32 David Copperfield - Charles Dickens
33 Chronicles of Narnia - CS Lewis
34 Emma -Jane Austen
35 Persuasion - Jane Austen
Là, je suis en train de m'attirer le mépris de toutes les blogueuses buveuses de thé.
36 The Lion, The Witch and the Wardrobe - CS Lewis
37 The Kite Runner - Khaled Hosseini
38 Captain Corelli’s Mandolin - Louis De Bernieres
39 Memoirs of a Geisha - Arthur Golden
40 Winnie the Pooh - A.A. Milne
Je préfère porcinet, d'abord.
41 Animal Farm - George Orwell
« All animals are equal but some are more equals than others. »
42 The Da Vinci Code - Dan Brown
43 One Hundred Years of Solitude - Gabriel Garcia Marquez
44 A Prayer for Owen Meany - John Irving
45 The Woman in White - Wilkie Collins
46 Anne of Green Gables - LM Montgomery
Et comment ! Toute la série achetée trimestre par trimestre chez France Loisirs, et galère pour compléter la série avec le premier tome qu'il me manquait et que j'ai fini par trouver en gros caractères pour malvoyants. J'avais alors un a priori négatif pour les romans courts et un amour démesuré pour ceux qui l'étaient aussi -démesurés (donc les séries). C'est l'époque où j'ai regretté de ne pas être rousse (aux yeux verts) avec des tâches de rousseur, et où j'ai admiré la grâce des peupliers.
47 Far From The Madding Crowd - Thomas Hardy
48 The Handmaid’s Tale - Margaret Atwood
49 Lord of the Flies - William Golding
50 Atonement - Ian McEwan
Je viens de finir On Chesil Beach et ne compte pas en rester là.
51 Life of Pi - Yann Martel
52 Dune - Frank Herbert
Palpatine m'a fait regarder le film avec la chevauchée des vers de terre géants, ça compte ?
53 Cold Comfort Farm - Stella Gibbons
54 Sense and Sensibility - Jane Austen
55 A Suitable Boy - Vikram Seth
56 The Shadow of the Wind - Carlos Ruiz Zafon
57 A Tale Of Two Cities - Charles Dickens
58 Brave New World - Aldous Huxley
La première partie, en particulier, avec sa description des êtres programmés de l'alpha à l'epsilon, qui a ennuyé tant de mes camarades, m'a longtemps hanté, plus que l'histoire proprement dite qui suivait.
59 The Curious Incident of the Dog in the Night-time - Mark Haddon
60 Love In The Time Of Cholera - Gabriel Garcia Marquez
61 Of Mice and Men - John Steinbeck
62 Lolita - Vladimir Nabokov
One day. Une édition sans fourrure à poils roses, de préférence.
63 The Secret History - Donna Tartt
64 The Lovely Bones - Alice Sebold
65 Count of Monte Cristo - Alexandre Dumas
On me l'avait offert mais je déteste les Pléiades, je n'arrive pas à lire dessus et je l'ai revendu.
66 On The Road - Jack Kerouac
Ma cousine me honnirait si elle passait par ici.
67 Jude the Obscure - Thomas Hardy
68 Bridget Jones’s Diary - Helen Fielding
Ma mère riait tellement dans sa chaise longue que j'ai commencé par le deuxième tome.
69 Midnight’s Children - Salman Rushdie
En cours, en khôlle, et cette année à nouveau : avec une telle insistance, je ne vois pas pourquoi je résisterais à l'humour présent dès l'incipit.
70 Moby Dick - Herman Melville
71 Oliver Twist - Charles Dickens
Cf. 10
72 Dracula - Bram Stoker
73 The Secret Garden - Frances Hodgson Burnett
Un de mes premiers bouquins en anglais.
74 Notes From A Small Island - Bill Bryson
Only an excerpt from Notes from a big country.
75 Ulysses - James Joyce
Lu une cinquantaine de pages à la BU pour voir. Quand j'aurai fini la Recherche, vielleicht.
76 The Inferno – Dante
77 Swallows and Amazons - Arthur Ransome
78 Germinal - Emile Zola
Au nom du cours d'histoire et des dissertations à rendre vivantes, j'avais essayé de m'y remettre nonobstant ma détestation féroce de la Bête humaine, mais je n'ai même pas eu le temps d'avoir envie d'aligner tous les personnages pour les tuer et abréger mes souffrances.
79 Vanity Fair - William Makepeace Thackeray
I had such fun, commenting it in class... je devrais créer une vraie PAL pour ne pas l'oublier.
80 Possession - AS Byatt
81 A Christmas Carol - Charles Dickens
82 Cloud Atlas - David Mitchell
83 The Color Purple - Alice Walker
84 The Remains of the Day - Kazuo Ishiguro
Il me fait régulièrement de l’œil à Gibert...
85 Madame Bovary - Gustave Flaubert
J'ai de loin préféré L’Éducation sentimentale.
86 A Fine Balance - Rohinton Mistry
87 Charlotte’s Web - E.B. White
88 The Five People You Meet In Heaven - Mitch Albom
89 Adventures of Sherlock Holmes - Sir Arthur Conan Doyle
90 The Faraway Tree Collection - Enid Blyton
Mais j'ai lu plein de Fantômettes.
91 Heart of Darkness - Joseph Conrad
92 The Little Prince - Antoine De Saint-Exupery
Le chapeau-boa ; la planète lampadaire ; le comptable d'étoiles, et la première fois que j'ai rencontré la formule « je bois – pourquoi ? -pour oublier – pour oublier quoi ? - pour oublier que je bois ».
93 The Wasp Factory - Iain Banks
94 Watership Down - Richard Adams
95 A Confederacy of Dunces - John Kennedy Toole
96 A Town Like Alice - Nevil Shute
97 The Three Musketeers - Alexandre Dumas
Athos, Portos, Aramais et d'Artagnan ! Je croyais que les romans de cape et d'épées n'étaient pas pour moi, et j'ai enchaîné sur Vingt ans après et le Collier de la reine.
98 Hamlet - William Shakespeare
99 Charlie and the Chocolate Factory - Roald Dahl
Mouais. Y'a du chocolat, quoi.
100 Les Misérables - Victor Hugo
Il était dans le programme de khôlle et en bonne psychokhâgneuse, je l'ai lu pendant des vacances de deux semaines, dans l'ordre, juste après Polyeucte de Corneille : checked ! Bein c'est passé beaucoup plus vite, une valse sur du rythme ternaire bien martelé ; j'ai dévoré, me suis baladé dans les égouts et ai gardé une fascination particulière pour le passage du couvent.
À l'arrivée : more than once, it dates back ; j'ai plus lu que je ne lis. Et remarque qu'on est très chauvin dans nos lectures : une majorité de bouquins anglophones dans cette liste de la BBC et quasiment que des œuvres françaises dans l'ouvrage sur le roman, que je suis en train de relire. La Weltliteratur est une bonne raison de se kundériser.
Et comme je ne suis pas une gentille journaliste, j'accuse : Inci et Bambou (je serais curieuse de voir ça chez Mo aussi mais on se connaît moins, je propose seulement).
22:27 Publié dans D'autres chats à fouetter | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : livres, lecture, questionnaire
30 janvier 2011
Les intermittences de la mort
[Comme d'habitude, il se peut que je tue le suspens]
Lu par intermittence également. Mais cela n'est nullement dérangeant, puisqu'il n'y a pas à proprement parler d'histoire - plutôt une hypothèse : que se passerait-il si l'on cessait de mourir ? Toute l'intelligence de José Saramago consiste à ne pas partir dans une utopie métaphysique mais à inscrire cette hypothèse farfelue dans le monde qui est le nôtre et continue de fonctionner normalement. La suspension de la mort est circonscrite à un seul pays et les élus à la vie éternelle n'en continuent pas moins de vieillir, si bien que pour éviter l'entassement des maisons de retraite et pour ne pas s'occuper ad vitam eternam d'estropiés qui auraient été assassinés en d'autres temps, les familles commencent à faire passer clandestinement leurs morts encore vivants de l'autre côté de la frontière, la mafia ayant tôt fait de s'emparer de ce nouveau marché noir.
L'hypothèse de la suspension de la mort apparaît de moins en moins farfelue à mesure qu'elle permet d'analyser tous les rouages de la société : les pompes funèbres font faillite avant d'exiger que l'enterrement des animaux de compagnie devienne obligatoire ; les assurances-vie se reconvertissent en épargne pour la retraire ; le gouvernement, dépassé par la gestion de ce qui tourne rapidement à la crise, tente néanmoins de faire de la vie éternelle un élément de propagande ; quant à l' Église, elle doit revoir son eschatologie qui ne lui donne plus aucune prise sur la société... On ne sait jamais très bien à l'initiative de qui, mais tout s'enclenche ; le style de Saramago est particulièrement efficace à faire paraître le « on » de la société, qui fait naître et grossir les rumeurs : peu de points pour de longues phrases dans lesquelles s'insèrent les dialogues et leurs répliques à la file, enchaînées par les virgules, le changement de locuteur étant marqué par une majuscule. On a l'impression d'y perdre en lisibilité au début, mais une fois acceptée l'idée de distinguer des interlocuteurs plus que des personnages, on se fait vite au rythme de ce style où le discours indirect libre est partout mais visible nulle part, comme la mort.
Lorsque cette dernière reprend du service, c'est presque un soulagement et c'est alors que le roman bascule dans sa seconde partie et délaisse la société pour un individu isolé, un violoncelliste qui a échappé à la législation de la mort et que cette dernière se doit de faire rentrer dans le rang. Une histoire se noue alors avec ou entre la mort et l'artiste, dont elle finit par devenir intime, jusqu'à ce que la phrase qui avait ouvert le roman vienne le clore : « Le lendemain personne ne mourut. » Autrement dit, toute rationnelle qu'elle soit dans la régulation de la société, la mort n'en demeure pas moins inacceptable pour une personne particulière, avec sa vie, son talent et ses manières humaines, qui nous font l'aimer et rêver pour elle à une exception de la mort, quand bien même la réalisation de ces rêves accumulés tournerait au cauchemar.
Pris au milieu de ces contradictions, l'homme ne peut que rire ou pleurer et le lecteur ne rira peut-être jamais autant, n'éprouvera peut-être jamais autant le besoin de rire qu'à ce récit de l'imperfection suprême de l'homme : sa finitude. Quelques extraits exhumées pour lesquelles on peut être mort de rire :
« […] L'église, monsieur le premier ministre, a tellement pris l'habitude des réponses éternelles que je ne puis l'imaginer en train d'en donner d'autres, Même si la réalité les contredit, Depuis le début, nous n'avons fait que contredire la réalité et nous existons toujours [...] », p. 24
« Il était trois heures du matin lorsqu'il fallut emmener de toute urgence le cardinal à l'hôpital à cause d'une crise d'appendicite aiguë qui nécessita une intervention chirurgicale immédiate. Avant d'être aspiré par le tunnel de l'anesthésie, dans cet instant très bref qui précède la perte totale de la conscience, il pensa ce que tant d'autres ont pensé, qu'il pourrait mourir pendant l'opération, puis il se souvint que ce n'était plus possible et enfin, dans un dernier éclair de lucidité, son esprit fut encore traversé par l'idée que si malgré tout il mourait, cela signifierait que, paradoxalement, il aurait vaincu la mort. Emporté par une irrésistible soif de sacrifice, il allait implorer dieu de le tuer, mais il n'eut plus le temps d'ordonner les mots comme il convenait. L'anesthésie lui épargna le sacrilège suprême de vouloir transférer les pouvoirs de la mort à un dieu plus généralement connu comme donneur de vie. », p. 25.
Merci Bambou.
18:25 Publié dans Souris de médiathèque | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : livre, lecture
29 janvier 2011
Les Fiançailles au couvent comme un poisson dans l'eau
Prokofiev fait chanter en russe des personnages espagnols sur un livret anglais tiré de Sheridan, mais le mariage est un régal à consommer. Un père cherche à marier sa fille Louisa à un gros poisson un marchand de poisson, lequel sexy comme son produit finira marié à la nourrice pendant sa protégée aura filé épouser son Antonio et que son amie Clara aura fait de même avec le frère (le 2 en 1, c'est plus vendeur et ça fait plein de bouteilles pour les moines). Bref, une histoire d'elopement avec sa dose de vieux barbons, de jeunes amoureux, de travestissements et de quiproquos pour que tous retombent sur leurs pattes, enfin, sur leurs écailles, sonnantes et trébuchante comme des ducats.
Les péripéties sont attendues mais les chanteurs nous attendent au tournant, avec leurs yeux outrés ou pétillants, leurs moues dégoûtées ou mutines, et autres mimiques impayables qui leur vaudraient d'être nommés comédiens aussi bien que chanteurs. Même nos deux vieilles barriques ont un jeu de scène terrible, et ne reculent pas devant quelques pas de menuet fort bien menés. Ils n'ont pas cet air emprunté qui créer un fossé avec les danseurs, lesquels se distinguent surtout par leurs costumes, en particulier ceux avec des tissus fluo en langues, oreilles et crêtes pour un mélange de chats (qui miaulent à la fenêtre de poisson Louisa) et de dinosaures radioactif- seul point discutable du spectacle. J'ai tout bonnement adoré la variation solo du poisson géant, habillé en argent de tête de hareng en cape, comme sur les programmes de l'Opéra comique : aussi bon qu'une dorade royale.
Aucune arête dans la gorge des chanteurs mais des réparties saillantes pour quelques scènes désopilantes, au nombre desquelles le numéro de charme que la nourrice fait au vieux barbon qui la trouve laide puis pas si laide que ça quand elle prétend avoir toujours rêvé d'un mari avec une telle barbe, « elle manque seulement un peu de beauté ». Elle chante ensuite pour lui, et annonce qu'avec elle, la jeune fille qui baisse les yeux devant celui qui la courtise, moins d'un an plus tard ne rougit plus de rien et ne joue plus avec son châle mais avec la barbe de son époux.
La scène où le marchand de poisson séduit le père en lui apprenant à voir des ducats à la place des écailles est une autre de ces drôleries : l'homme se prend à caresser un poisson comme si c'était un chat, avant de l'embrasser sur la bouche puis de (se faire) serrer la pince à une écrevisse (faut croire que l'écrevisse est un ressort comique connu des dramaturges, parce que je me souviens d'un véritable fou rire lors du Timide au Palais). Puis c'est au tour du marchand de frétiller à la description que le père fait de sa fille (ah, la fossette !), incapable de dire autre chose que « la friponne ! », façon Orgon qui ne peut que plaindre « le pauvre homme ! » -Idéfix. Il n'a peut-être pas tort, en même temps, à en juger par les mines ennuyées ou amusées que Louisa fait lorsque son amie Clara lui raconte que son frère (à Louisa) lui a outrageusement manqué de respect parce qu'il l'a... embrassée.
On pourrait reprendre ainsi de nombreuses scènes, parce que c'est réjouissant de bout en bout, malgré près de trois heures de spectacle qui transforment Palpatine en petit vieux plein d'arthrose. Évidemment, tout est bien qui finit bien, et le père célèbre le mariage de ses deux enfants en jouant du xylophone tandis que les danseurs habillés en serveurs, sur la passerelle en hauteur, miment un jeu de percussions avec des cuillères ; le coup de grâce. Si vous avez la possibilité d'aller voir ce poisson de janvier...
15:03 Publié dans Souris de médiathèque, Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : opéra, théâtre
27 janvier 2011
Après Béjart, Gil Roman
Le titre du documentaire d'Arantxa Aguirre apparaissait à l'écran comme sous-titre pour « le cœur et le courage ». À croire que la citation de Cervantès n'est plus valable sortie d'Espagne et que tous les petits Français, qui ont pourtant répété (la bouche) en chœur « Rodrigues, as-tu du cœur ? », sont incapables de comprendre l'étroite relation que les deux termes entretiennent. On s'en doutait déjà pour avoir vu le best-of L'Amour la danse : le cœur n'est jamais mièvre chez Béjart et les danseurs ont même intérêt à l'avoir bien accroché. Car ce qui transpire rapidement de ce documentaire, après un premier temps d'hommage où les témoignages se succèdent en laissant un même écho sonore, « maître », « générosité », « humanité »1, c'est la force incroyable que le chorégraphe exigeait de ses danseurs et qu'il leur découvrait, à leur propre étonnement, au-delà de l'épuisement. C'est cet effort constant, constamment renouvelé, sans cesse repris et intensifié qui me touche, davantage que les effets de ralenti, de cadrage ou de lumière dont use la caméra pour jouer sur l'émotion. Les danseurs du Béjart Ballet Lausanne sont venus du monde entier (une des rares troupes à être si bigarrée – les interviews révèlent une vraie tour de Babel) pour être ses danseurs et c'est en continuant à danser avec le même acharnement qu'ils lui rendent hommage, bien plus que par leurs mots- mausolée.
Il s'agit toujours de recommencer : la compagnie, qui reposait sur un nom et doit à présent transmettre un style ; la création, par laquelle ce dernier sera perpétué et enrichi ; le mouvement, encore et toujours, au plus juste. Et Gil Roman de ne lever la séance de répétition que lorsque Elisabeth Ros, cette géante qui semble d'une solidité infaillible, s'étale de tout son long, fauchée par la fatigue, la pointe qui s'est dérobée. Cela pourrait paraître inhumain à certains, mais se reprendre tous les jours, prendre sur soi et reprendre sur soi le mouvement jusqu'à ce qu'il aille, comme un vêtement, cette volonté de puissance, c'est bien autre chose : c'est surhumain. L'humain qui travaille son imperfection, voilà le danseur. Et voilà Gil Roman, qui se retrouve soudain avec cette compagnie, à devoir justement se retrouver, avec ses doutes et son angoisse démultipliés en chacun des danseurs, et cependant s'oublier pour les faire progresser, pour que cela marche et que cela danse. Surtout continuer à avancer, surtout ne pas se retourner sur le passé, c'est ce que lui avait dit Béjart. S'éloigner du maître est nécessaire pour ne pas le trahir, mais douloureux. Il faut quitter les terres connues et naviguer à vue, en eaux troubles.
Alors qu'on le voit descendre facilement une cartouche de cigarettes en l'espace de quelques interviews (quelques jours ou quelques heures), le visage de Gil Roman se trouve pétri d'expressions humaines aussi nuancées qu'elles le sont d'ordinaire à travers le corps des danseurs ; appréhension, angoisse, abattement, remarques désabusées font rire malgré tout car jamais rien ne semble entamer l'espoir, pas même le désespoir d'un décor entièrement à revoir lors de la générale (c'est même seulement là qu'on peut savoir qu'il s'agit d'espoir). C'est à mon sens là tout l'intérêt de ce documentaire que de nous montrer un homme seul, seul depuis le début, et un peu plus encore maintenant, à présent que la Symphonie pour un homme seul, qui ouvre le film presque sur un baisser de rideau (l'entrouvre), se poursuit hors de la scène. Et si c'était par la fin que tout commençait... pourquoi pas.
1On pourra remercier Julien Favre de ne pas savoir bien s'exprimer qu'avec son corps.
22:13 Publié dans Souris de médiathèque, Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : danse, ballet, béjart, cinéma, film, documentaire