23 février 2011
Se gaufrer à Bruxelles
Souvenir de voyage
Ce week-end, j'ai mangé une pomme. Inutile de déguiser, elle avait le même goût que d'habitude. Il a plu, j'ai eu froid, j'en avais assez d'avoir l'air d'un sac à patates, je suis partie en jupe, j'ai eu très froid, la batterie de mon appareil photo s'est révélée n'être pas compatible avec celle du modèle précédent de Palpatine, j'ai râlé, j'ai eu froid, je lui ai piqué son appareil, la section moderne du musée des Beaux-arts était fermé pour rénovation, je n'ai pas vu les tableaux de Khnopff, qui comptaient pour un tiers de ma motivation (gaufre et Magritte pour les deux autres), je me suis fait avoir avec les contingents de place du musée Magritte, je n'ai eu qu'une heure pour le visiter, j'ai encore eu froid, la nuit tombait tôt sur la brume et la bruine, la ville n'est pas très souriante en-dehors de son centre, j'ai eu froid et j'ai été épuisée.
Pourquoi faudrait-il toujours réussir tout de son voyage ? Quadriller la ville pour avoir tout vu et surtout rien loupé ? Aimer ce qu'on découvre plutôt que la découverte ?
De ce week-end, j'ai peut-être préféré le voyage à la destination / la fin d'après-midi et la fin de la nuit à l’hôtel dans les coussins adossés au miroir / la chemise à boutons de manchette de Palpatine / le brunch au saumon, fabuleux œufs brouillés, thé orangé et brioche aux morceaux de sucre, partagé avec Ariana / ce plaisantin rêveur de Magritte / le livre un peu daté mais enfin sur Khnopff / l'attente d'une averse musardée dans une boutique de Cds classiques, musique religieuse, et juste en face, les vitraux d'une église / feuilleter les dessins de Khnopff dans une salle commune de l'hôtel / attendre sur un fauteuil-caisson que l'opéra d'Ariana et Palpatine se finisse et les achève, tandis que je somnole en toute bonne conscience de touriste épuisée, entre les voix qui traversent les murs et les ouvreurs comme des garçons de café qui s'ennuient.
Je suis pessimiste, dit Palpatine et je trouve ça curieux quand on parle du passé immédiat (perfectionniste, plutôt, lorsque le moindre détail peut défigurer l'ensemble). Mais il suffit qu'il s'éloigne un peu (le passé immédiat, pas Palpatine) pour que je puisse dire qu'il est bon de se gaufrer à Bruxelles et que c'est rendre hommage à cette ville que d'imiter sa spécialité1.
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La Belgique, aller et retour
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Gaufre de Bruxelles
Mais non, je ne vous ai absolument pas floués avec le titre de ce post : ne voyez-vous pas les alvéoles carrées de la gaufre dans toutes ces fenêtres à petits carreaux des façades de la Grand Place ?
N'ayez aucune crainte pour ma santé mentale morfale, je n'ai pas manqué de manger une vraie gaufre ; il ne va pas neiger, c'est déjà fait :
Gaufre au sucre, donc. Croustillante à l'extérieure, brûlante et à peine cuite à l'intérieur, comme un de ces chichis qu'on ne trouve qu'à Sanary, parce que "chez Noune, les chichis ont un goût de paradis". Les madeleines peuvent aller se rhabiller.
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17 février 2011
Caligula, es-tu là ?
Je suis allée voir Caligula à l'Opéra, et j'ai entendu les Quatre saisons. Pas même écouté, le bruit de pas des danseurs était trop présent (l'estrade était-elle pensée comme caisse de résonance ?) pour que je puisse me convaincre qu'une place à 8€ fait une belle place de concert. J'ai essayé aussi de regarder mon quart de scène comme si c'était des photos d'Anne Deniau, en admirant la lumière qui coulait le long des courtisanes noblement agenouillées, mais un photographe choisit toujours son angle de vue, et les profils immobilisés tous orientés dans la même direction m'indiquaient qu'on devait y danser. De dépit, je me suis rassise sur ma chaise, avec vue imprenable sur les rangées attentives du parterre, et je ne sais pas si je pleurais de rage ou de la beauté de la musique de Vivaldi. Probablement que la transcription qu'en donnait Nicolas Leriche me soit dérobée. Quand on vous raconte une soirée à laquelle vous n'étiez pas et que l'on vous dit « Tu ne sais pas ce que tu as manqué », c'est très vrai, on ne sait pas ce qu'on a loupé et par conséquent cela ne nous manque pas plus que ça. Mais là, j'en voyais juste assez pour voir (ce) que je manquais et c'est assez atroce pour que je m'abstienne la prochaine fois de me rabattre sur de telles places (probablement la loge la plus pourrie de Garnier, après les places des stalles, qui ne sont jamais vendues) ; plutôt ne rien apercevoir que d'amputer.
J'étais en train de débattre en moi-même pour savoir si j'allais partir à l'entracte qui s'est avérée ne pas exister quand Palpatine m'a secouée du bout du pied en me faisant signe de reprendre la séance d'observation plus tordue que tordante ; évidemment, c'est que les personnages étaient l'un sur l'autre. Jusque là, j'avais laissé Palpatine devant parce qu'il sait se réjouir d'un quart de scène pourvu qu'il s'y trouve une danseuse en tenue fort aguichante, et autant en avoir un de content et une frustrée plutôt que deux insatisfaits. Quand j'ai entendu le début de l'hiver, joué à toute vitesse par rapport à la version sur laquelle j'ai dansé, j'ai changé d'avis et pris la meilleure position (et non la place, évidemment, on est debout) pour ne plus la quitter jusqu'à la fin : de là, le quart s'élargissait à la moitié et cela devenait intéressant. Cela n'a pas été assez pour que je puisse me faire une idée de l'interprétation de Stéphane Bullion mais parfait pour hennir de plaisir devant Audric Bezard en étalon (petite pensée pour Inci – et après son doublement bien nommé manège, cette sortie d'une tape sur l'arrière-train pour qu'Incitatus parte au galop...) et pour rester rêveur face à Muriel Zusperreguy, aux formes pleines comme la Lune, non pas éthérée mais charnelle, qui se déhanche aérienne sur ses pointes. Elle serait moins sensuelle qu'elle pourrait danser avec les compagnies américaines. Son pas de deux avec Bullion, comme une grande partie du ballet, se déploie dans une atmosphère lunaire, à la fois désertique et habité (comme hantée, moins les fantômes), dans une lumière rasante qui jamais ne se lève ni ne décline.
L'hiver est la saison de Vivaldi que je préfère et je l'apprécie d'autant plus qu'on devient plus intime à danser dessus, avec ceci de particulier à cette musique que chaque orchestration nous rappelle qu'elle ne peut jamais vraiment devenir familière. J'ai été surprise de constater que le deuxième mouvement, sur lequel j'avais imaginé un corps de ballet en demi-cercle et des mouvements cycliques, était chorégraphié en manège, comme si la musique contenait cette idée de rondeur ; et stupéfaite de découvrir que le portée qui clôture le troisième mouvement est sensiblement ressemblant à celui qui terminera notre pièce dans quinze jours, parce que les changements de costumes exigeaient un réaménagement ponctuel (et ce porté est précisément ce qui m'en a un peu consolée). Vraiment, cette musique... je vais essayer d'y retourner demain pour voir quelque chose, en attendant de lancer une compagne de déforestation des feuilles d'acanthe qui grossissent encore les colonnes.
22:40 Publié dans La souris-verte orange, Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : danse, ballet, garnier