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13 mars 2010

Once in a Blue Lady

 

Pour un article court très bien écrit, exempt de mes élucubrations récurrentes (même si j'espère vaguement que c'est plus ou moins pour cela que vous me lisez ou pas), jetez un œil à la troisième page du dossier de presse.

 

 

De Carolyn Carlson, je ne connaissais qu’un solo extrait de Signes, dansé cette année au concours de l’opéra de Paris par Caroline Bance, et cette photo,

 

 

devant laquelle nous nous sommes souvent désarticulées au conservatoire, sans qu’aucune ne parvienne à mettre son bras à la parallèle de sa jambe. C’est donc avec curiosité et sans a priori que j’ai découvert Lady Blue hier soir à Chaillot, un solo que la danseuse a transmis, ce qu’elle fait once in a blue moon. Transmis à Tero Saarinen, un homme.

En soi, la transposition n’est pas une révolution, c’est aussi le cas pour le soliste du Boléro de Béjart, par exemple, qui prend une signification différente selon qu’il est dansé par une femme séductrice ou un homme sensuel. Curieux néanmoins pour une pièce chorégraphiée au moment de sa maturité de femme. Mais plus curieux encore, les costumes féminins ne sont pas dérangeants. On oublie une ligne de paillettes sur une jupe noire, le décolleté des robes qui amplifient le mouvement comme le chapeau qui accompagne la robe bleue – un canotier unisexe, qui plus est, sous lequel Tero Saarinen sculpte une galerie de figures expressives lors d’une séance de poses devant un immense store vénitien aux lamelles closes et éclairées.

 

 

Angoisse sénile, désinvolture enfantine, coquetterie masculine ou vieillesse recroquevillée, rien d’humain ne lui est étranger. Tout est d’une fascinante étrangeté, pourtant. Notre interprète n’imite pas Carolyn Carlson, il ne se travesti pas, sinon comme une sorte de Geisha, aux petits pas invisibles – silhouette noire que sa pose pourvoit d’un chapeau chinois à partir d’un couvre-chef tout ce qu’il y a de plus occidental.

 

 

 

Cet univers poétique à part semble pourtant prendre part à toutes les cultures, traversé par quantité d’évocations variés, quoi qu’il ne s’agisse probablement jamais de référence : piétinement invisibles des courtisanes japonaises, comme je le disais, qui font de la silhouette un fantôme, négatif noir de Myrtha (oui, j’ai réussi à avoir une pensée pour Giselle en plein milieu d’une chorégraphie de Carolyn Carlson) ; avancées espagnolisantes, pas vraiment flamenco ; passages très faunesques (je me demande si c’est la transposition femme/homme qui les fait percevoir) ; mouvement de balancier des bras (les mains remontant vers les épaules, puis les coudes s’abaissant avec un petit à-coup lorsqu’elles sont à leur niveau, et détente vers le bas) - je me demandais dans quoi j’avais vu ça quand, eurêka ! dans Amoveo, bien sûr !

 

Ce patchwork que créé la description verbale n’existe pourtant pas dans la danse ; tout est d’un seul tenant, particulier, personnel. Au point qu’il a été difficile à Tero Saarinen de s’approprier ce « riche échantillon de mouvements qui lui sont naturels » - son style, en somme, sa manière d’être dans la danse. « Carolyn Carlson ne voulait pas du tout que je l’imite » ; comment être soi dans la danse à la manière d’un autre ? Le changement de sexe n’est alors que la partie immergée de l’iceberg : comment définir le mouvement ? qu’est-ce qui fait partie de l’interprète, que celui-ci devra abandonner en tant que chorégraphe ? transmet-il un mouvement visuel, une intention, une direction, une sensation ? C’est là toute l’ambiguïté du geste, qui se retrouve par deux fois, dans la gestuelle de la chorégraphe par rapport à celle d’autres chorégraphes et à d’autres interprètes : le style reste identifiable au travers de ceux qui l’interprètent, et en dépit de gestes potentiellement commun à des styles très divers. (Une question ardue que je n’ai pas tenté aux oraux l’année dernière, quand bien même l’alternative promettait (et à tenu ses promesses) de n’être pas brillante – Palpatine me disait que B#2 maniait bien le sujet, je ne serais pas contre un petit développement du style au-delà de sa manifestation littéraire.)

 

Bien sûr, je ne me suis pas fait cette réflexion sur le moment, mais j’en ai eu confusément conscience, l’attention comme dirigée par un arrière-plan kundérien : « Si notre planète a vu passer près de quatre-vingt dix milliards d’humains, il est improbable que chacun d’eux ait eu son propre répertoire de gestes. Arithmétiquement, c’est impensable. Nul doute qu’il n’y ait eu au monde incomparablement moins de geste que d’individus. Cela nous mène à une conclusion choquante : un geste est plus individuel qu’un individu. Pour le dire en forme de proverbe : beaucoup de gens, peu de gestes. » (l’Immortalité). C’est peut-être en vertu de cela que la danse classique a eu la sagesse de répertorier un certain nombre de gestes en « pas » d’école, que les contemporains, dans leur folie enthousiaste, tentent de dépasser pour les réincorporer dans un mouvement insécable, mais qui ne font peut-être que répertorier de nouveaux pas, inventer un nouveau vocabulaire (en témoigne ce mouvement qu’on retrouve dans Amoveo).

 

Il n’en reste pas moins que ces nouveaux pas restent indiscernables tant qu’ils ne sont pas repris et restent simplement pris dans un mouvement moins continu qu’insécable. La gestuelle de Carlson installe en effet plein de suspensions dans ce qu’un aurait tendance à considérer comme le continuum d’un seul et même geste. Celui-ci n’en est pas pour autant fragmenté, mais bien plutôt démultiplié par chaque suspension, qui n’a rien d’une pause rendant le mouvement saccadé. On serait plus proche du mime que de l’automate avec ce corps rempli de tensions sans crispation (dichotomie à l’honneur au cours de barre à terre de ce matin, où nous nous sommes particulièrement focalisés sur la respiration ; croyez-moi ou non, j’ai un mal fou à respirer quand je danse, et y penser me fait perdre toute coordination), tensions toute d’intensité, qui parfois ne va plus que dans un sens et se déverse sur scène dans une diagonale soulevée, une course effrénée, une giration rythmée ou un tournoiement recroquevillé (pas de « tour » au sens classique de pirouette, d’ailleurs, ou une ou deux désaxés, tout au plus, en une sorte d’attitude). « L’école de Nikolais l’a accoutumée au mouvement perpétuel », souligne Tero Saarinen. Un mouvement qui ne s’arrête jamais, toujours relancé de son propre mouvement, sans volonté apparente, par rebond, qui s’entraîne – un peu comme chez Trisha Brown, à ceci près que c’était beaucoup plus fluide chez cette dernière (on compare avec ce qu’on peut ; bien qu’ayant souvent croisé son nom, je ne connais pas Nikolais). Chez Carlson on est par instant proche de la vieille vidéo : en visionnant les archives d’elle dansant son propre solo, qui étaient diffusées avant le début de la performance, j’ai d’abord cru que le film était passé au ralenti, avant de comprendre que c’étaient ses gestes mêmes qui donnaient l’impression d’un débit inégal dans la succession des images…

 

 

 

Pourtant, nulle impression de lenteur dans ce spectacle qui ne semble faire au contraire que s’accélérer. Tero Saarinen occupe la scène et nos esprits pendant les quelques quatre-vingt minutes que dure le solo (les rares et brefs moments où il se retire en coulisses sont motivés par des changements de costume et ne lui laissent tout au plus que quelques secondes de répit). Une performance, sans nul doute. Le haut de la robe est trempé, mais il ne faiblit pas ; son énergie folle et l’écarquillement bleu de ses yeux lui font une figure d’insensé. Le regard égaré, il ne s’aide même pas d’un point fixe dans ses girations ; il y a quelque chose du derviche tourneur. Il se démène. Il est la femme que rien ne définit, la personne âgée, veuve à la canne-parapluie à l’automne de sa vie (de petites feuilles sont tombées autour du tronc de palmier auxquelles elles n’appartiennent pas –tronc sans branche, qui tient bien plus du pilier – dansons tant que le ciel ne nous tombe pas sur la tête), elle, lui ou un autre, « un humain [seulement] qui traverse différents aspects de la vie », à la proue de l’humanité (pas la foule, la sensibilité). De côté jardin à court, étirant un fil tissu rouge, il avance et toute l’avant-scène porte la trace du mouvement, amplifié, rougeoyant, palpable. Celui-ci, pourtant fugace de nature, est rendu dans sa durée grâce au tissu semblable aux traits utilisés en BD pour suggérer la vitesse. Le corps est à la fois aspiré en arrière et projeté vers l’avant, de même qu’il est pris dans le geste auquel il donne corps.

 

 

Cela part parfois un peu dans tous les sens et je n’en ai pas trouvé à tous les éléments du décor : le tronc en arrière-scène, les immenses stores vénitiens à travers lesquels on scrute la scène au début et parfois ensuite (des jalousies, aurais-je dit spontanément à cause du roman de Robbe-Grillet qu’on étudie à la fac en ce moment – et qui laissent effectivement apercevoir une intimité qu’elles dévoilent cependant moins qu’elles ne la créent – spectateur compagnon et non voyeur), la lune qui se décroche et flotte un instant, montgolfière dans le ciel non pas en haut mais au fonds, belle mais (parce que, dirait Baudelaire) improbable… Mais qu’importe finalement, c’est assez fascinant pour ne pas avoir à se mettre en quête du sens retors qui dans certaines œuvres bien peu esthétique (le sens à même la forme) sauve seul de l’ennui. Et contrairement à l’amie japonaise de Palpatine, la musique répétitive de René Aubry ne m’a pas endormie, mais m’a placée un peu plus au centre de la spirale des mouvements et du cycle de la vie dans lequel ils s’inscrivent. Grisant jusqu’à l’immobilité (l’éternité ?) : plénitude.

 

 

Et puis des saluts qui saluent autant le public que l'interprète, la chorégraphe, et celle-ci, celui-là. Tero Saarinen amène en effet Carolyn Carlson sur scène (maigre, tête de mort mais visage souriant, le dos rond lorsqu'elle se courbe sous l'ovation) et lorsque les applaudissements du public se trouvent et forment enfin un rythme, ils se lancent dans un court duo initié par l'interprète qui a ramassé le chapeau pour la chorégraphe, dansent d'un même style. Le public bat la pulsation des mouvements de ceux qui sont sur scène ; les applaudissements voudraient éclater devant une complicité si jubilatoire, mais se contiennent pour conserver l'unisson et s'accélèrent jusqu'à prendre de vitesse nos danseurs qui laissent alors leurs gestes s'effilocher comme les applaudissements s'éparpiller.

 

Once in a (blue) Lady, les gestes sont maintenant en un homme qui en est tranquillement hanté, re-visité par this lady, comme le solo l’a été par la chorégraphe. Une chose est sûre : en sortant du spectacle, you won’t feel blue – unless you feel like a blue lady.

 

 

21:22 Publié dans Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : danse

08 mars 2010

Chausson et compagnie

 

Samedi, la mauvaise troupe -mais bonne compagnie- s'est mise en route pour le festival de danse de Verneuil-sur-Avre, dans le cadre duquel nous avons dansé une pièce sur l'Hiver de Vivaldi. Cela a plu, apparemment, et on l'a trouvée « bien construite » (hé, hé, ça, je prends pour moi, j'ai fait la choré – enfin mon double « Aurore », mon prénom ayant été, comme souvent, écorché). C'était agréable de danser sur une scène de cette dimension, où l'on ne risque pas de se gêner, où les mouvements peuvent prendre de l'ampleur et nous, de l'assurance. Il faut dire aussi que le noir ne nous laissait pas même deviner le public, et nous y a rendu d'autant plus présent. Et puis, nous n'avions que cela à danser, il est plus aisé de ne pas passer d'un registre à un autre en quatrième vitesse. C'est heureusement moins gênant pour le public, qui a eu droit à des choses très variées.

 

Parfois, je me demande si j'aurais encore plaisir à aller voir un spectacle (pas un gala d'école, les attentes ne sont pas les mêmes) de danseurs amateurs tel que notre compagnie en propose – appréhension devant tout ce qui n'est pas la grande culture, reconnue comme telle, gage de qualité. Crainte idiote, j'ai beaucoup apprécié ce que j'ai vu du spectacle ( de la seconde partie, après notre passage). Par-delà quelques maladresses (soit des danseurs, soit des chorégraphies), j'ai toujours trouvé un petit quelque chose à grignoter avec enthousiasme : un saut qui fait particulièrement d'effet en groupe, le brouhaha riant qui succédait au silence dansé, lui-même enclavé dans une séquence musicale,  un titre évocateur, Élégie pour une idylle (ça criait * Kundera power * en moi, et j'ai été très heureuse de découvrir une construction cyclique, en boucle), le travail d'un style, celui des ballets russes (le travail de Yannick Stephant avec ses élèves du CNR de Chartres est remarquable ; toutes ne sont pas douées de qualités physiques innées et pourtant, leurs bras n'ont rien à envier aux pré-pro du CNSM, étrangement déliés quand ils sont en général le premier indice de la gaucherie, et leur ensemble l'est vraiment ; c'est simple mais dansant, de cette simplicité que peut avoir le bon goût. Non, vraiment... je m'étais déjà fait la même remarque il y a plusieurs années, lorsqu'elles avaient présenté une pièce en hommage à Isadora Duncan), une intention, un porté particulièrement bien imbriqué, un pas...

 

Amateurs, nous l'étions tous au vrai sens du terme, si bien que mon esprit critique ne s'est réveillé que lors du passage du CNSM. Des élèves certes jeunes, mais aux prétentions professionnelles et dont on est à ce titre en droit d'attendre - davantage que des chignons impeccables qui les rendent repérables à des kilomètres à la ronde, et dont nous avons en vain tenté de nous coiffer (déjà, avec ma longueur de cheveux, je dois utiliser un faux-chignon et me renverser le port de gel fixation béton sur la tête, alors ce n'est pas fait). Quelques bons éléments, mais pas de quoi s'extasier non plus, pas d'allure folle (même s'il y a une petite Black qui dépote, scénique à souhait), on ne les sent pas très sereins dans les adages de pas de deux (euphémisme inside) et j'ai été surprise de vérifier depuis le profil des coulisses que leurs arabesques sont décroisées jusqu'à la seconde. Jalouse ? Je ne crois pas, ces critiques tatillonnes sont plutôt appelées par leur apparence très sûre d'eux – pas forcément antipathique (on a échangé quelques mots avec l'une des filles – la plupart sont immenses, d'ailleurs, cela me faisait bizarre de ne pas dépasser, pour une fois), mais d'abord un peu hautain.

 

Je garderai bien cependant de terminer sur ces réserves le compte-rendu d'une bonne soirée qui a le mérite d'offrir une scène, de donner à voir ce qui se fait ailleurs – chaque groupe était d'ailleurs annoncé avec sa ville d'origine (S. n'a pu s'empêcher de faire la comparaison avec Interville) et de favoriser les échanges (et une nouvelle date, une !, en plus de la confirmation de la programmation en octobre prochain).

 

 

 

Dimanche soir, après une bonne répétition, j'ai abandonné mes chaussons pour leur homonyme singulier, Chausson, et à sa suite Vierne, en compagnie de Palpatine, à Garnier. Comme d'habitude (pour la musique avec Palpatine, pour les bouquins avec le Vates), je ne connaissais pas, mais je dois dire que je ne regrette pas ce concert, pardon, « salon musical » au débotté (remplacement de dernière minute de la Pythie). Pour ceux à qui cela dira quelque chose, la soirée a débuté par le quatuor à cordes en ut mineur, ce que j'ai préféré, je crois (j'aime le rendu des cordes, ce chuintement sensible et nerveux – et en orchestre, la contre-basse me fait bien triper – oui, oui, je sais bien qu'il n'y en avait pas, je ne suis pas en train de faire une confusion plus grosse que l'instrument). Pour ne rien gâcher, on était excentrés mais proches de la scène (et de la très belle violoniste blonde vénitienne pour Palpatine – je veux bien récupérer sa robe, d'ailleurs, une fois que tu la lui auras arrachée ^^).

 

Suivait Chanson perpétuelle, sur le poème éponyme de Charles Cros, dont je ne suis pas certaine, contrairement au blabla introducteur (rien à faire, je suis réfractaire aux contextes, historiques ou biographiques, ça me rentre par une oreille et ressort par l'autre au mieux, par les yeux au pire), qu'il soit d'une grande simplicité, plein d'étoiles, de rossignols et de joncs verts, ces derniers assortis à la robe de la soprano. Mignonnet cependant :

« Mes regards étaient pleins d'aveux.
Il me prit dans ses bras nerveux
Et me baisa près des cheveux.

J'en eus un grand frémissement.
Et puis je ne sais plus comment
Il est devenu mon amant. »

 

(J'adore le « je ne sais plus comment », jolie ellipse d'abandon.)

 

Après une courte pause et prière de ne pas applaudir entre les mouvements (pour se défouler , faire un tour chez un râleur émérite – en même temps, je me fais l'avocat du diable et de tous les incultes dans mon genre, pour qui le terme de « mouvement » n'a que depuis peu un sens musical concret), on enchaîne sur le quintette pour cordes et piano en ut mineur, de Vierne. J'ai un peu plus de mal, non pas que cela me plaise moins, mais j'ai plus de mal à avoir quelque prise sur ce morceau qui va constamment là où on ne l'attend pas. Souvent, une atmosphère s'impose à l'écoute, j'imagine un décor d'où surgissent quelques images ; impossible, ici, mes glaçons dans un verre à whisky sont entrechoqués par un homme d'allure ancienne, dans un bâtiment très moderne, mais au bord de la mer, que je déménage à l'écoute dans une nature urbaine. Aucune cohérence dans le flux et reflux de mes divagations, la musique se dérobe avant d'avoir pris forme dans mon oreille. Puis au bout d'un moment (mon regard a dérivé des musiciens), je me suis mis à voir (et non pas inventer ou imaginer) une chorégraphie qui s'improvisait dans mon esprit mais devant moi, et j'ai pu écouter la musique qui se refusait à toute entente avec moi. Palpatine a tourné la tête (sûrement un touriste à fusiller du regard), j'ai senti le mouvement et je me suis alors aperçue que je contemplais fixement le rideau de scène (pendant le premier Chausson, je rebondissais avec les reprises sur les broderies d'un des pans du rideau en trompe-l'œil, je ne sais pas si c'est beaucoup mieux), comme si l'on y dansait effectivement ; les musiciens sur la fosse comblée, oubliés. Pas d'inquiétude, je m'en suis souvenue pour les applaudir aussi bien que je pouvais (ils ont bénéficié de la nette amélioration du niveau sonore de mes applaudissements depuis que mes mains ne sont plus gercées à en saigner).

03 mars 2010

L'amante en chair et en mouvement

 

Aurélie Dupont.

Aimée par Manuel Legris dans la Dame aux camélias.

L'aimant dans le pas de deux du Parc, appuyée sur sa bouche. Tendue dans la détente de l'abandon.

 

Et aussi son fils et Jérémie Bélingard, mais ce n'est pas le propos. Entre l'élève et les adieux à la scène – de son compagnon de scène- Cédric Klapisch dresse le portrait de l'interprète, pas de l'étoile plantée au haut de la hiérarchie comme la décoration filante au sommet du sapin (pas de visite du palais, pas d'explications, pas de plans interminables sur les pieds, c'est sa bouche qui en dit le mal), ni de la femme danseuse (sa vie privée le demeure). C'est juste magnifique. Elle, est magnifique. Les chorégraphies sont à tomber par terre. Ils tombent d'ailleurs souvent par terre, parce que pour une fois, on les voit au travail. Pas à celui, mécanique et musculaire, de la barre : à celui de l'interprétation qui ne se surajoute pas à l'exécution technique, mais réside dans le moindre mouvement, même celui de se mettre correctement à genoux (humour de la gamine par terre, qui se rit de la danseuse à terre – déséquilibre ou épuisement- : « il a fait beaucoup de choses dans sa carrière, mais ça... »). Elle se frotte les mains dans l'angoisse de s'échapper à elle-même, de ne pas maîtriser le parcours de l'intention dans son corps. Une courte scène d'une répétition du Lac, on lui fait remarquer qu'elle ne repousse pas son partenaire ; en effet, « Je ne l'ai pas fait, je ne savais pas si je le repousse » (et non pas « si je dois le repousser ») : elle sait ce qu'elle fait, ce qu'elle fait est pétri de sagesse.

 

C'est juste magnifique. Elle est magnifique. Les chorégraphies le sont aussi. C'est superbement filmé. D'une façon si juste, qu'elle déborde du cadre, prend la clé du hors-champ. Pas de gros plans sur des piétinements pour se hausser de quelques centimètres vers le haut. Lorsque les pieds sont filmés, c'est dans l'immobilité de l'équilibre, piédestal éphémère. La caméra remonte toujours, à la source du mouvement, dans l'intelligence de sa naissance, de l'émotion, vers son visage à partir duquel ses mouvements irradient et vers lequel toute sa danse converge, se ramasse et nous ramène. C'est la main et le doigt retenus dans Raymonda. C'est l'étreinte du corps de Legris dans le Parc. C'est l'absence qui la décompose dans la Dame aux camélias, et qui la fait s'évanouir hors du cadre à la fin du documentaire.

 

Au lieu de lever de grands yeux admiratifs devant l'étoile, Cédric Klapisch prend de la hauteur, embrasse depuis les cintres des corps déjà en prise l'un à l'autre et qui échappent au saisissement, il parvient à toucher ceux qui nous touchent, à rendre sensible la chair sous la main qui caresse en le cambrant le buste de l'autre, réconcilie l'abandon et la prise, et dépose le couple sur le lit de la scène – où meurent les personnages et où se délimitent les artistes. On ne nous entraîne pas dans les coulisses, on nous laisse observer depuis les coulisses, là où l'interprète se fait dans la fusion du personnage et de celui qui l'incarne. Qui ils sont ailleurs, ou après, c'est leur affaire, leur inquiétude. Hors temps. Ce qui nous importe, nous emporte, c'est le présent (qui n'exclut pas la durée de la maturation, de la recherche perpétuelle), le présent de la présence, de la densité et de l'intensité. Incarné, un instant dans l'espace. L'espace d'un instant. Dimension de l'espace où l'on évolue, portée du geste. Cela donne juste superbement envie. De danser, de sentir, de recommencer, de ressentir, de s'attacher, de caresser, de vivre, de désirer. Envie.

Auréliiiiiiiiiie.

22 février 2010

La grande Dame aux camélias

 

désir d'aimer / d'avoir une place

 

Bouton

 

Aurélie Dupont, Jiří Bubeníček. En voyant cette distribution, j'ai failli m'étrangler. Puis comme cela devait sûrement être très complet, j'ai eu envie d'étrangler quelqu'un pour récupérer sa place. J'aurais plaidé le crime passionnel. Quand j'ai appris que Palpatine avait une place pour cette distribution de rêve, je me suis limitée à une crise de jalousie (il allait voir Aurélie - quand il ne s'y rendait que pour Mathilde), me disant qu'on ne tue pas à la légère sa poule aux œufs d'or. Grand bien m'en a pris, parce qu'il a invoqué B#5, qui, avec ses grands yeux et son visage calme, a tout d'une bonne fée. Elle m'a dégotée un fond de loge de face et, coup de chance, ma voisine devant rester debout pour filmer (pratique normalement interdite, mais commandée ici par les danseurs aux-mêmes, pour pouvoir retravailler ensuite à partir de l'enregistrement), j'ai pu me décaler au milieu des deux rangs de deux fauteuils. Très exactement au milieu de la scène, visible dans toute sa largeur (et pour la profondeur et les sourires ou les regards qui menaçaient de s'y perdre, j'avais mes jumelles). Une bonne fée. Sortie de cours à 19h, je n'ai plus eu qu'à prendre le métro (j'étais tellement obnubilée par l'idée de me dépêcher que j'ai passé mon trajet habituel en accéléré, et pris le métro en sens inverse), et à rembourser ma bienfaitrice – manque de chance, elle n'avait pas de monnaie, j'ai été obligée d'acheter le programme pour avoir le compte rond. Le rayon de ma bibliothèque, qui leur est réservé, est complet, je sais bien, mais c'était un cas de force majeure.

 

J'avais déjà vu ce ballet de Neumeier. Il avait fallu supplier le guichetier de me vendre une place -sans visibilité, vous n'allez pas voir, c'est aux stalles, le poulailler de côté, n'importe je prends, donnez-moi, je vous dis- et je n'ai pas regretté mon torticolis (soulagé par un replacement au deuxième acte – initié par ma mère, il faut bien le préciser, au vu de mes pauvres performances de ninja). J'y avais découvert Aurélie Dupont – ma mère aussi, qui de ce jour n'a plus douté du caractère dramatique de la danse ; des gestes si évidemment significatifs qu'on aurait cru du théâtre. Du flux de conscience en mouvement, en somme.

Cette petite analepse devrait faire comprendre l'hystérie de départ. Ajoutez à cela la perspective de revoir Jiří Bubeníček qui avait dansé cet été, au gala de Roberto, à Florence, un duo sublime avec son frère jumeau... C'est tout de même autre chose que Mathieu Ganio, qui aurait presque rendu le spectateur (de mauvaise foi – moi, par exemple) heureux que Marguerite renonce à Armand.

 

 

Éclosion

 

Le ballet est tiré du roman de Dumas, que je n'ai toujours pas lu. Je n'avais par conséquent qu'un vague souvenir de l'histoire, un amour rendu impossible par la condition de courtisane de la dame, qui finissait par mourir – de langueur, de tuberculose, c'est tout un. Lire le programme au lieu de s'amuser de la coïncidence qui nous rendait visiblement assortis, Palpatine et moi – ma chemise et mes collants rouges collaient à son nouveau chapeau, et plus encore, à ses lacets (ça crée des liens) ; performance déjà réalisée sans concertation en violet, mais plus inattendue encore en rouge, compte-tenu de nos garde-robes respectives- m'aurait permis de comprendre que la scène initiale que j'avais prise pour une prolepse était en réalité le point d'ancrage d'une narration toute en flash-back. Ce qui explique pourquoi monsieur Duval est resté posé sur sa chaise en avant-scène une bonne partie du spectacle, destinataire de l'histoire qui n'en devient un personnage qu'à un seul moment, lorsqu'il se souvient être allé demander à Marguerite de cesser tout contact avec son fils (pour son bien, évidemment – quelle nuisance que la réputation), ne se doutant pas alors quel amour véritable il détruisait. Hop, ma cocotte, bas les pattes, reprends ta vie de courtisane, des rivières de diamants, un amant grisonnant.

 

 

Le parallèle de l'histoire de Marguerite et Armand avec celle de Manon et des Grieux est intégré sous forme de mise en abyme (non, ne partez pas !) qui, comme toute mise en abyme digne de ce nom, donne lieu à des perturbations entre le récit enchâssé et son cadre (à la fin du ballet, retour de Manon et des Grieux comme spectres et non plus comme acteurs/danseurs), qui irriguent de sens l'histoire principale (identification de Marguerite à Manon, d'Armand à des Grieux, lors d'une rencontre en miroir, à l'avant-scène). Cet écho au roman de l'Abbé Prévost accompagne le couple de la dame aux camélias ; par sa préfiguration du dénouement tragique, il renforce l'effet de prédestination créé par le récit rétrospectif. L'héroïne est déjà morte avant d'être apparue, en témoigne son portrait, jeu d'absence et de présence, posé sur scène avant que ne débute le spectacle. « Avant le lever du rideau », n'en déplaise aux adeptes du style substantif, n'est pas possible puisque la scène s'offre au regard du spectateur dès son entrée dans la salle.

Tout commence lorsque tout finit, que les acheteurs potentiels inspectent le mobilier de la défunte, et que les déménageurs roulent les tapis et partent avec sous le bras, soulèvent, déplacent, emportent ce qu'il reste. Le décor n'est pas planté, mais le ton est donné, déliquescence d'une histoire et d'une vie jusqu'à la mort, vécue chaque instant sous le mode de la nostalgie, dans l'horizon d'une perte irrémédiable qui ne peut manquer de se produire (dans le récit) puisqu'elle a toujours déjà eu lieu (dans l'histoire). [Le séminaire sur la « mise en intrigue » me met les neurones en vrac, vous risquez de croiser beaucoup de « récit », de « sens » et de « signification », ici, qui n'en auront peut-être pas toujours beaucoup.] Anouilh avait raison, le vrai suspens, c'est de connaître la fin – il n'y a qu'à partir de là que se construit le sens, suspendu à la forme de l'œuvre – dans le cas de la danse, suspendus aux gestes comme l'on peut être pendu à des lèvres. On croirait les entendre parler, Armand et Marguerite, tant leur intériorité est extériorisée avec finesse. Transposition délicate, pourtant, où se perd souvent l'imperceptible de la nuance.


Avec Manuel Legris - impossible de trouver des photos avec Bubenicek.

 

 

Floraison

 

Aurélie Dupont. J'en ai assez de recommencer à chaque fois, allez donc la voir danser. Il n'y a qu'elle qui puisse me fasciner même immobile, d'un regard, alors qu'on danse plus près, sur scène, qu'on s'agite, loin d'elle. Cela n'a rien à voir avec une quelconque beauté plastique, une séduction facile et affichée (ce qui fait tout le charme d'une Mathilde Froustey, par exemple – je vais voir s'il a lu, tiens). Bien sûr il y a les robes, lourdes, qui dénudent les épaules... mais. Un geste seul suffit : la main puis le bras qui descend le long du corps, par la main, ni ouverte, ni serrée, qui ne retient rien qu'un souvenir, laisse glisser entre ses doigts, comme les cheveux entre les dents du peigne, laisse glisser la retenue à ses pieds, se dévêtit de l'espoir, à main nue, les doigts repliés, la main dénouée, et le bras lentement.


Hors contexte, mais une petite photo tout de même.

 

Jiří Bubeníček (*tchèque power*) a une sensibilité assez proche de sa partenaire, un peu la même façon de tenir les arabesques dans la déséquilibre. S'il était un mouvement, il serait l'homme prostré, prosterné, consterné, au sol, à genoux, dos arrondi, les bras projetés encore en avant, quoique posés au sol, suspendus par ces mêmes mains, dans l'ébauche de la femme saisie ou échappée. Ou cette contraction des bras, qui ne lui en tombent pas, mais dont l'élan se brise, ramenés aux côtes par des coudes assassins, à la réception des sauts.

L'un avec l'autre sont encore mieux que l'un et l'autre. Silhouettes harmonieuses ensemble, quoique un peu atypique l'une comme l'autre, elles se dessinent sous la même impulsion du mouvement. Ils dansent intensément – loin d'être une crispation, la tension1 est chez eux retenue. Du geste, juste. De l'émotion, pudique.

Retenue. Alors que. La Dame aux camélias pourrait être facilement dégoulinante, pleine d'abandons, d'effusions de larme ou de passion, de sentiment dans tous les sens, mais sans grande signification autre que l'exaltation du lyrisme. C'est pour cela que je crains un peu de voir Isabelle Ciaravola dans le rôle (enfin je crains... sans billet, en même temps, il n'y a pas grand risque ni grande chance) ; d'après son rôle de Manon, tout indique qu'elle serait sublime, éthérée, infinie comme ses jambes, d'une fluidité sans heurt... Mais justement : si elle sera (est, dans Manon) « assez souple [...] pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie», je doute qu'elle soit « assez heurtée pour s'adapter […] aux soubresauts de la conscience », ce dans quoi Aurélie Dupont excelle en toute simplicité. Il n'en demeure pas moins que le rôle de Manon lui convient parfaitement, qu'elle peut dans le cadre du théâtre en abyme donner cette quintessence du mouvement, trop pure pour m'enivrer, mais belle néanmoins. Je serais peut-être surprise, comme par ce geste au dernier acte, où Manon, terrible, écarte des deux mains dilatées le voile qui masque le futur de Marguerite.

 

 

Je veux être fascinée. Tension, retenue, densité. Le soucit pour seule émotion, pièce maîtresse de toutes les autres. Et, comme le faisait remarquer le programme à propos de la musique de Chopin, Aurélie Dupont échappe à toutes les catégories – non pas au-delà, dans un idéal romantique, mais entre, toujours à côté de ce qu'on attendrait, à louvoyer. Pas un peu de tout en alternance, il ne s'agit pas d'une recette de cuisine ; elle est pleinement chaque qualificatif, et en même temps, ou passe si rapidement de l'un à l'autre que c'est tout comme.

J'en oublierais les autres, que l'on rassemblera en bouquet : Mathilde Froustey, pimpante et aguichante à souhait en Olympia, Ludmila Pagliero, à regret (cela s'appelle pécher par excès de Prudence) ; lors de la partie de campagne, le charmant joueur de jockey, qui en plus de m'avoir fait rire par son esprit cravache, pardon, bravache mais jamais potache était tout à fait à mon goût (qui était-ce, diable ?) ; en père d'Armand, Michaël Denard, formidable carrure artistique, dont la résistance exacerbait celle d'Aurélie Dupont et d'un même mouvement contraignait celle de Marguerite (qui évidemment obtempère pour le bien de son aimé – la contradiction entre sacrifice et bonheur ne choque-t-elle donc personne ?) à se rendre, à abandonner après s'être abandonnée. Complétés par Vincent Chaillet en Gaston Rieux, Eric Monin en duc, Simon Valastro en duc, Béatrice Martel en Nanine, et Isabelle Ciaravola et Jérémie Belingard (rien à faire, je le confonds toujours avec Stephane Bullion) en Manon et Des Grieux.

Je ne sais pas si les tentures des loges étouffent le son, mais j'ai trouvé que les applaudissements manquaient d'éclat pour une soirée qui en avait tant. On remerciera également le public de ne pas même saisir les nombreuses occasions offertes par notre héroïne tuberculeuse pour tousser au moment opportun et faire la bande-son.

 

 

 

Fanaison

 

 

Après le spectacle, B#4 (non, je ne me suis pas trompée de numéro, c'était rassemblement de balletomanes à l'entracte – dans l'immédiat, ça donnait un concours d'onomatopées : - waw - pfff -ralala – oui, c'est exactement le terme – ce n'est pas le même ballet que j'ai vu, etc.) et Palpatine ont voulu groupiser (verbe-valise signifiait faire la groupie), et nous sommes donc allés attendre à la sortie des artistes.

Mathilde s'est fait sauter dessus par Palpatine (chastement, au grand regret de ce dernier) qui a récolté « pleins de bisous ». « Pour Palaptine », parce qu'elle a demandé « c'est pour qui? », et l'intéressé, comme un gamin caché sous la table pour attribuer les parts de galette des rois en bonne et due forme hasardeuse, a répondu « c'est pour Palpatine! ».

Puis les stars arrivent au compte-goutte, et d'abord Isabelle Ciaravola, divine diva avec une grande gerbe de lys – ça colle tout à fait à l'étoile, je trouve- les traits du visage beaucoup plus marqués que je ne l'aurais cru, mais belle, précisément (LA preuve qu'il faut nous foutre la paix avec les antirides). Puis Michael Denard, qu'une habituée a trouvé « encore mieux » que les jours précédents, mais c'est normal, l'interprétation n'est jamais la même selon les partenaires avec lesquels on danse, c'est comme les mots qui « s'allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux », sous la rampe. Et vu que là, c'était Aurélie Dupont, il est donc tout à fait normal que tout le monde ait été « beaucoup mieux », quelques aient été les points de comparaison.

A ce point, je constate que, décidément, je n'ai pas l'âme d'une groupie. Palpatine et B#4 m'amusent à parler choix de stylo et technique de séchage. Rien à faire d'une signature, à la limite, elles dégradent les photos. Je range donc mon programme et mes stylos dans mon sac, cesse de me sentir idiote ; et lorsque Aurélie Dupont, apparue, est retenue par Palpatine, je la regarde benoîtement (ou béatement, si l'on désactive le mode *autodérision *), bien calée dans mon coin de marches. Le seul geste qui conviendrait -mais inconvenant hors-scène-  serait de reprendre celui du son personnage, que j'ai essayé de décrire un peu plus haut, et qui signifierait quelque chose comme la parole volontairement tue, les armes de la conversation baissées, les mots qui s'effacent devant la reconnaissance du geste, l'admiration pour une métamorphose qui n'est ni le personnage ni vraiment l'artiste. Un sourire qui ne montre pas les dents. Qui germe et ne fleurit pas. Aurélie. Un grand groupe d'amis l'attend, elle est épuisée et souriante, radieuse de fatigue. Signe et s'éclipse. L'invité d'honneur ne se montrera pas, sûrement retenu au dîner de l'arop. Hop, le métro.

 

 

 

 

1A propos du mime dans Macbeth, C. m'a raconté que ses cours de théâtre en comportait et que tout résidait dans la tension, consistait en la création d'une résistance. L'intention est dynamique, pas visuelle.