01 mai 2015
Caresses de couleurs
Pour parler des toiles de Bonnard, j'ai commencé à écrire toiles de bonheur. Ce lapsus éclaire un peu le titre mystérieux choisi par le musée d'Orsay pour l'exposition Peindre l'Arcadie – un peu mystérieux dans la mesure où ce lieu de l'âge d'or, le peintre ne le peuple pas de créatures mythologiques, mais de ses proches, à commencer par sa femme Marthe, qu'il a souvent prise pour modèle. C'est sûrement à cause de ce goût prononcé pour l'intime que je m'étais arrêtée devant ses toiles lors de précédentes visites à Orsay et que j'avais retenu son nom, sans en trouver d'autres échos parmi mes pérégrinations artistiques (certes assez spartiates).
Des neuf salles aménagées par l'exposition, celle qui a été intitulée « Et in Aracadia ego » et manifestement pensée comme une apothéose censée justifier le titre de l'exposition est celle qui me plaît le moins ; pour parler franc, ces grands tableaux conçus comme panneaux décoratifs me paraissent même plutôt laids. Il faut se rendre à l'évidence : Bonnard est un dessinateur assez moyen. Ce qui fait de lui un peintre fascinant, c'est son sens de la mise en scène et surtout, surtout, son incroyable sens des couleurs. La salle intitulée Histoire d'eau (haha), centrée autour de la toilette féminine, révèle un coloriste hors pair. L'influence de Gauguin, qui n'était pas franchement manifeste dans la première salle, où le texte la mentionnait, devient évidente devant Harmonie jaune et le dos d'or de cette femme, où les vertèbres jettent des ombres violettes et la hanche flamboie, soulignée d'un trait orange vif – un corps-coucher de soleil absolument splendide. Évidemment, aucune reproduction ne rend justice aux couleurs : il faut aller voir les tableaux sur place, voir à quel point ils sont chatoyants et ressentir la caresse des couleurs comme une caresse du soleil sur la joue.
Ne jugez pas un livre à sa couverture, ni un tableau à sa reproduction. Celles qui suivent, vaguement reprises dans l'ordre de l'exposition, sont uniquement là pour vous donner envie d'y aller, et conserver une trace des surprises et des âneries qu'ils nous ont inspirées, à Melendili et moi.
Un « Nabi très japonard », salle 1
Surtout parce que ça rime avec Bonnard. Le format du quadriptyque exposé dans la première salle m'évoque moins l'estampe que Mucha. Je fais par à Melendili de ma préférence pour l'automne (l'orange, le manteau porté avec un charme klimtien...) avant de me rendre compte que les quatre femmes représentées ne personnifient absolument pas les quatre saisons (même si le chemisier à pois rouge fonctionne bien comme l'été et que les deux panneaux plus verts et plus pâles pourraient être interprétés comme l'hiver et le printemps).
Bonnard a un problème avec les carreaux : non seulement il en met partout, sur les chemisiers comme sur les nappes, mais il aligne les traits comme si jamais l'étoffe ne bougeait. Le peintre, remplissant son tableau d'un motif qui n'appartient plus à son sujet, détrône le couturier et procède à des raccords qui feraient pâlir d'envie Palpatine.
Bonnard est également obnubilé par les boules de poil : nul doute que cet homme à chats serait aujourd'hui un adepte des LOL cats.
Faire jaillir l'imprévu, salle 2
La référence du texte introductif à Alfred Jarry nous arrache une grimace (Ubu roi est un peu à la littérature ce que le bleu Klein est à la peinture : une brillante arnaque), mais ni Melendili ni moi ne la voyons nulle part justifiée, et je prends un véritable plaisir à laisser les formes de la Femme assoupie sur un lit ou L'Indolente infuser devant moi.
J'aime ce corps qui, confondu avec les ombres et le pied du lit semble prendre racine, et m'amuse du détail du pied-serre qui se gratte la cuisse. Melendili repère le chat qui se cache dans la chevelure de la femme, et la critique nous informe de la présence humaine qui se cache dans la couverture repoussée au pied du lit : ce tableau n'aurait pas dépareillé dans l'exposition Une image peut en cacher une autre, présentée il y a six ans au Grand Palais.
Reste une interrogation sur la vapeur qui prend la cheville et va de la couette jusqu'au sexe : nuée mythologique ? Réminiscence des tissus au drapé aussi savant que pudique ?
Les volutes reviennent dans un autre tableau, comme fumée cette fois-ci. Je mets un temps infini à voir la main qui tient la pipe et ajoute un troisième personnage, invisible, à la scène. Il faut laisser à la fumée le temps de se dissiper et laisser le tableau prendre forme, jusqu'à ce qu'il craquèle nos certitudes et qu'on ne puisse trancher : ces traits sont trop régulièrement reliés pour être pure fumée, mais comment diable le motif du papier peint pourrait-il déborder sur le cadre du tableau en arrière-plan ? Le cerveau qui fume et le sourire qui se relève en coin, je conclue au réseau de neurones.
Faire jaillir l'imprévu, c'est aussi nous servir un tableau de danse ! Le corps de ballet y est vu en surplomb et les ombres qui tremblotent sous le corps de danseuses assurent le mouvement bien plus que les danseuses elles-mêmes. Curieusement, cela me fait moins penser à Degas qu'à une photo de Giselle prise par Anne Deniau (je crois), où l'on voyait toutes les marques laissées par les pointes sur le sol.
Intérieurs, salle 3
La lumière et les ombres surtout me font curieusement penser aux Mangeurs de pomme de terre de Van Gogh. La suspension méduse, qui fait presque une coiffe folklorique à l'adulte du fond, nous prend dans ses tentacules et l'on risque de rester prisonnier du dédoublement qui donne en miroir deux enfants comme si l'un était le reflet de l'autre – ou son frère ?
Histoire d'eau, salle 4
Devant ce corps qui apparaît dans la chambranle d'une porte se mire/s'admire comme devant un miroir, on ne sait plus très bien où l'on se situe, ni lui ni nous – la nudité nous aurait-elle déstabilisés ?
Le Nu dans le bain est l'Harmonie jaune de Melendili, qui voit dans le dallage bleu une peau de sirène, tandis que les reflets jaunes me font penser à la pluie d'or fécondant Danae. À nous deux, je ne vous raconte pas ce que deviennent les tableaux !
Clic-clac Kodak, salle 5
Les photos confirment que Bonnard ne sait pas peindre les fesses : Marthe ne les a pas du tout plates.
Elles révèlent également que le peintre en est pourvu d'une belle paire.
@Melendili J'y ai pensé en voyant les miennes dans le miroir ce matin, puis j'ai oublié. #HistoiresDeFesses
— la souris (@grignotages) April 24, 2015
* J'y ai pensé, évidemment
Portraits choisis, salle 6
Non, vraiment, je préfère les photographies de Bonnard à ses autoportraits.
Le jardin sauvage : Bonnard en Normandie, salle 7
Un peu trop de verdure à mon goût mais, au milieu, un tableau incroyablement lumineux. La Salle à manger à la campagne réussit à inverser intérieur et extérieur, illuminant la pièce d'une chaleur et d'une lumière qui devraient en toute logique émaner du soleil et assombrir par contraste ladite pièce.
Ultra-violet, salle 8
Biberonnée à l'impressionnisme, la Côte d'Azur en peinture me donne une impression de déjà-vu. Sauf pour L'Atelier au mimosa où la couleur fait vibrer les formes comme le vent les feuilles des arbres (et puis, ce n'est pas un paysage sans médiation, c'est une nature qui se donne à voir, cadrée-quadrillée par les carreaux de l'immense fenêtre).
Et in Arcadia ego, salle 9
Sed non longe, parce que cette salle, c'est un peu le gâteau sur la cerise. Le bonheur se communique mieux dans l'intimité que la grandiloquence.
12:48 Publié dans Souris de médiathèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée, orsay, exposition, peinture, bonnard
29 avril 2015
Pantelante Penthesilae
« Orchestralement, la violence n’a peut-être jamais aussi bien rendue en musique, grâce à une orchestration extrêmement variée »
La Lettre du musicien
Ne connaissant pas l'opéra de La Monnaie, @_gohu et moi avons réservé des places à 12 €, au dernier rang de l'amphithéâtre ou presque. Il restait du choix et il y aurait moyen d'obtenir des places de dernières minutes, apparemment, en achetant une carte jeune. Bref, on verrait sur place. Sur place, la peau du ventre bien tendue par une gaufre et son supplément chantilly, on n'a plus très envie de se compliquer la vie : l'opéra n'est pas complet, nous demandons à l'ouvreur s'il est dans la politique de la maison de se replacer. Oui da. Nous descendons d'un étage, passons le nez par la porte d'une loge : pas à cette étage, nous répond l'ouvreuse, qui semble avoir fort à faire, même si l'on ne voit pas grand monde autour. Nous redescendons encore d'un cran, au niveau du premier balcon et interrogeons l'ouvreuse de l'étage : il y a des places de côté mais, si nous voulons être de face, nous n'avons qu'à attendre un peu plus loin, il se peut que des places se libèrent. Nous attendons. Deux hommes derrière nous font de même. Quelques minutes avant l'heure, un ouvreur nous signale que cela va pouvoir se faire : « Comme vous avez déjà vu cela avec ma collègue, les deux places de devant, pour le roi et la reine », nous indique-t-il en s'effaçant, ajoutant à l'intention des deux messieurs qu'ils peuvent investir l'autre duo de places, pas loin derrière. Nous nous installons ainsi en plein milieu du premier rang du premier balcon : effectivement, c'est royal ! La vue est dégagée sur la scène ainsi que sur les deux prompteurs, en flamand à gauche, en français à droite – dommage pour les étrangers qui ne parlent qu'anglais, mais très confortable pour le spectateur parisien habitué à l'empilement des langues à Garnier ou Bastille. En face de nous, une image étrange apparaît, projetée sur un rideau-écran en avant-scène, sombre où l'on devine de la peau, des cheveux, peut-être, ou quelques fibres dont se détachent lentement des gouttes d'eau. On ne parvient pas à identifier le sujet, mais cette noirceur est de toute beauté. Je suis prête à être subjuguée.
Et je le suis : par la musique. Elle est telle que j'oublie d'en être déçue par la mise en scène, franchement laide1. La peau, les cheveux que l'on devinaient étaient en réalité des peaux de bêtes et la mise en scène ne fait que filer cette métaphore : les chanteurs rampent les chanteurs, des carcasses se font plus ou moins écorcher en vidéo, on jette du sel sur du cuir fraîchement découpé ensuite entreposé à l'arrière-scène (je soupçonne également les grandes structures coniques en métal utilisées comme abri ou boucliers d'être des supports pour la découpe ou le séchage, mais vu ce que je risque de trouver dans Google image, je préfère ne pas chercher à infirmer ou confirmer mon intuition). Cette laideur ne prend sens qu'à la fin de l'opéra, <SPOIL> lorsque Penthesilae, entrée dans une transe érotico-meurtrière2, déchiquète Achille comme un animal en dévore un autre </SPOIL>. Seul ce moment paroxysmique justifie une métaphore qui, tout au long de l'opéra, enlaidit la scène pour une bien pauvre illustration des instincts contradictoires agitant l'héroïne. Allez... les Amazones qui rampent révèlent leur cœur de hyènes et le sel jeté sur la peau ravive les blessures avec le souvenir des supplices d'autrefois, où le sel prenait le relai du fouet sur la peau à vif.
Heureusement, le livret de Kleist et la musique de Pascal Dusapin nous plongent à eux seuls dans les entrailles de Penthesilae. La reine des Amazones brûle pour Achille, écartelée par ce qu'elle ne peut ni admettre de se soumettre à un ennemi ni aimer un homme qu'elle aurait vaincu. De ce dilemme que Corneille dilapiderait en d'interminables atermoiements, l'honneur, non, l'amour, non, l'honneur, Kleist tire une incroyable tension, au point que tout l'opéra n'est que l'attente dilatoire de la confrontation, forcément fatale, entre Achille et Penthesilae. L'amour ne s'oppose pas à l'honneur, pas plus que le désir à la mort ou la femme à la guerrière ; tout revient, comme le sang, au cœur, le courage, l'excitation, la rage, les pulsions d'abord sourdes et lancinantes, qui fermentent, s'échauffent et enflent jusqu'à la démesure, jusqu'à ce que l'oxymore éclate dans une effusion de sang, une effusion de chair, où Penthesilae embrasse, mord et dévore à pleine bouche à pleines dents celui contre lequel elle a lancé ses chiens. Ce sont des déflagrations sonores, des fulgurances, des silences haletants, sifflants, une myriade de vibrations qui vous résonnent dans tout le corps, les os, les tendons, l'épiderme qui frissonne, caresses, gifles, morsures, la dent qui entame la lèvre, la gorge qui se serre, les entrailles qui se nouent, les yeux qui se ferment et les oreilles qui se bouchent, aussi, parfois.
L'opéra de La Monnaie n'est pas bien grand ; le son n'a pas la place de se dilater comme dans le poumon de la Philharmonie ; il nous atteint plus directement : on est davantage touché... et moins protégé. J'ai donc à quelques reprises imité ma voisine, relativement âgée, et appuyé sur mon tragus pour moduler le volume sonore. En jetant un œil à la ronde, je me suis aperçue que nous étions les seules à le faire – oreilles fragiles, sûrement, car la musique de Pascal Dusapin ne donne pas l'impression de saturation que l'on peut avoir avec les extases métalliques de Scriabine ou les rouleaux compresseurs vagues sonores de Chostakovitch. La voix de Marisol Montalvo (Prothoe) était également limite de ce point de vue – impressionnante mais trop stridente à mon goût. Je dois également avouer avoir préféré Karen Vourc'h, entendue dans la suite, à Natascha Petrinsky, qui tenait le rôle principal dans l'opéra – après, vingt minutes de récital dans une belle robe et une heure et demie à ramper, ce n'est évidemment pas la même chose du point de vue de l'endurance, et Natascha formait avec Georg Nigl (Achille) un duo décapant. Décapée, donc, ai-je été.
1 Je ne sais qui il faut incriminer ; toujours est-il que j'éviterai à l'avenir Pierre Audi (mise en scène), Berlinde De Bruyckere (décors) et Mirjam Desvriendt (vidéo).
2 Pas si étonnant, à la réflexion, que, ces derniers temps, je me sois retrouvée à psalmodier sous la douche Ich will den Kopf des Jochanaan.
23:02 Publié dans Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, opéra, dusapin
27 avril 2015
Cosmopolitisme new-yorkais
La Perse, la Russie, Vienne et le Bronx... le New York Philharmonic nous aura tout fait.
J'aime beaucoup Esa-Pekka Salonen à la direction ; il semblerait que cela soit également le cas à la composition. Pour son Nyx, j'ouvre grand les oreilles comme on ouvre grand les yeux dans le noir. A cause de l'homophonie avec le ptyx de Mallarmé, je me mets à imaginer un aboli bibelot d'inanité sonore posé dans le noir sur le manteau d'une cheminée ; la musique rôde autour, dans la pièce endormie, comme un chat qui se faufile entre des objets qu'il n'est pas censé côtoyer ; quelques notes dégringolent, patatra, et c'est la présence d'un escalier qui est révélée, au fond de la pièce, saturée de présence et d'obscurité au point qu'on se demande qui l'on aurait bien pu réveiller, qui n'aurait pas choisi de veiller pour entendre ce qui allait arriver.
La Shéhérazade de Joyce DiDonato ne m'aurait pas fait tenir 1001 nuits. Passée l' « Asie » initiale, sa diction devient du chinois – ou du persan, si vous préférez. J'ai beau m'être replacée au parterre en contrebande avec Palpatine (tout au fond, certes), sa voix me parvient mais ne me touche pas ; la découverte de cette mezzo-soprano aurait mérité une autre salle. À défaut d'avoir senti son grain de voix, j'aurai été témoin de sa générosité envers le public parisien, qu'elle salue d'un beau Morgen straussien en bis.
Après l'entracte, je me rassois à ma place usurpée et m'en fais déloger à la dernière seconde par son propriétaire légitime. C'est le jeu des chaises musicales : j'ai joué, j'ai perdu. Ce que j'ignorais, c'est que le propriétaire de la place n'était autre que Serendipity, lui-même délogé de celle qu'il avait occupée pour gagner quelques rangées. L'arroseur mélomane arrosé, l'ironie est assez savoureuse, il faut bien l'avouer. Après ces guignoleries qu'on avait bien cherchées, que dire des Valses nobles et sentimentales de Ravel ? Qu'elles sont aussi dansantes et qu'avec les fesses posées par terre sur l'escalier, ce n'était pas gagné ! (Avec ses mains papillon et ses pas de côté, le chef Alan Gilbert m'a rappelé les variations free movement1 de mes premières années de danse classique.)
À quelque chose malheur est bon : replacée en vitesse au huitième rang pendant le précipité, j'apprécie la suite du Chevalier à la rose comme je ne l'aurais pas pu derrière. Enfin, cela vibre ! La musique résonne en moi comme si j'étais la caisse des contrebasses auxquelles je fais face (le frisson lors de leur magnifique ploum ploum !). La musique de Strauss, cet opéra en particulier, m'émeut toujours autant. On croirait entendre le cœur de la Maréchale s'arrêter de battre puis, en l'absence de crise cardiaque, reprendre, entraîné par la valse qui bientôt se suspend à nouveau, la dissonance au bord des lèvres, et reprend inexorablement sa cadence. Étourdie et blessée par les amoureux, la Maréchale n'a plus qu'à s'effacer, dans une dégringolade répétée de vents, qui scintille encore du bonheur auquel elle a contribué et dont elle se voit privée.
La valse de l'acte I du Lac des cygnes est un délicieux bis à nous offrir. Non seulement la nostalgie de cette valse regorgeant de superbes regrets fait parfaitement écho à celle du Chevalier à la rose, mais le New York Philharmonic, jouant comme un seul homme, tourmenté à souhait, lui donne sa dimension tragique. Pas un instant la balletomane qui sommeille en moi ne regrette pas l'absence de ballet. Elle se met en revanche à danser lorsque l'orchestre américain offre sa spécialité et qu'un mini-jazzband cuivré commence à swinguer. On rit lorsque les musiciens se mettent à la queue-leu-leu et, lorsque le trombone a coulissé pour la dernière fois, on applaudit pour en redemander : le chef, mimant d'une main l'assiette dans laquelle l'autre vient chercher quelques bouchées puis délaissant la fourchette pour porter à sa bouche une main-gobelet, nous fait signe que c'est assez. J'espère qu'ils ont bien ripaillé après nous avoir régalé.
1 C'est une dénomination de la Royal Academy of dancing, entre le classical ballet et la character dance (§ Graded syllabus ; j'ai dû obtenir le grade 6 ou 7 avant d'entrer au conservatoire).
23:05 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, concert, philharmonie, ravel, strauss, salonen
26 avril 2015
Week-end à Brussels
Lampadaire à la fenêtre. So Magritte, vous ne trouvez pas ?
« Ah ! Mais ici, c'est différent. On n'a pas un président, on a un roi. On n'est pas en France », précise d'un air moqueur le restaurateur1 après que je lui ai demandé une carafe d'eau – concept qui n'existe pas toujours à l'étranger, et pas en Belgique, donc. En Belgique, il y a un roi et des gaufres. Et des speculoos. Et le dernier opéra de Dusapin à la Monnaie, qui motivait ma venue et qui est presque devenu un prétexte une fois sur place, avec @_gohu.
Hugo, aka le lapin, est un scientifique qui n'aime pas l'Art Nouveau parce que ce n'est pas assez carré, et te fait un cours d'optique dans le Thalys pour t'expliquer le maniement de son super appareil photo2 (je pense rester admirative et vaguement envieuse des gens qui savent faire de la photo – trop de calculs et d'ajustements existentiels pour moi). C'est aussi un gentleman qui te prête sa veste parce que le personnel du musée n'a pas voulu te laisser entrer avec ton manteau (encore une question de sécurité – ça mériterait de devenir un sujet de philo à l'ENS, tiens !) et se relève pour aller masquer la lumière du chargeur de téléphone, qui rend la pièce toute verte. Et un sommelier à tisanes qui a raison : le tilleul, c'est très bon (je vous dirai pour les autres ; j'ai embarqué tous les sachets à l'exception de la verveine).
Cette photo ne présente aucun intérêt autre que de partager mon étonnement de voir des feuilles de menthe fraîches dans un thé à la menthe (le sachet de thé vert était servi à part pour laisser l'infusion à discrétion). Pour 3,50 €. Avec un speculoos. Pourquoi est-ce que j'habite Paris, déjà ?
Reflets Art nouveau dans le-super-appareil-photo, au dernier étage du musée de la Musique.
Ce n'est pas toujours évident, en voyage, d'être synchro niveau rythme et envies, mais le binôme lapin-souris s'est révélé une réussite. On était raccord : pour prendre des photos bizarres (les bulles de ta limonade sont assorties aux gouttes de pluie, vas-y, shoote-les !) ; pour repérer les ornements phalliques dans les balustrades en fer forgé des balcons ; pour sécher l'audioguide au musée de la musique et faire des blagues devant des instruments aux formes tarabiscotées (quand on a des ocarinas, il faut laver ses draps avec de l'eau très chaude – j'ai pouffé) ; pour prendre le même plat au restaurant italien (pâtes à la ricotta et cœurs d’artichaut, ça aurait plu à Palpatine) ; pour s'exclamer « Lapin ! » dès qu'on voyait deux longues oreilles dans une vitrine (entre la proximité de Pâques et la densité des chocolatiers à Bruxelles, autant dire qu'Hugo a beaucoup crié au lapin) ; pour embarquer tous les gels douche (Hermès !) de l'hôtel, petits flacons bien pratiques pour la danse et la piscine ; ou encore pour faire un comparatif très sérieux entre la gaufre de Bruxelles et la gaufre de Liège chez Dandoy, supplément chantilly à l'appui3.
Après la montre molle de Dali, le violon, mesdames et messieurs. À sa droite, celui de Picasso.
(J'ai aussi une photo visant à prouver que certaines flûtes sont appelées flageolets.)
On a vu des lapins, mais par esprit de contradiction, je vous mets ces adorables canards en meringue. Encore une victoire de canard !
Il y avait aussi des balcons sans forme phallique, hein.
Je situe la gaufre idéale entre les deux : plus moelleuse que la gaufre de Bruxelles, au damier croustillant, mais plus légère que la gaufre de Liège, dense et caramélisée. Il n'est pas impossible que la boule de glace aux speculoos accompagnant la seconde gaufre ait induit un biais dans cette très sérieuse étude. Mais comment ne pas y goûter chez le spécialiste du speculoos ?
Rideau de soleil chez Dandoy (premier rayon du week-end).
Les pauses gourmandes ne sont même pas des pauses, à Bruxelles ; elles font partie intégrante de la douceur du week-end. La capitale belge a pour un Parisien des allures de ville de province : elle me fait passer la frénésie de tout voir et tout visiter (le musée de la bande dessinée reste un prétexte valable pour une prochaine visite), si bien que j'en garde l'image d'une ville où il est doux de s'ennuyer.
Deuxième photo préférée du week-end, depuis le dernier étage du musée de la Musique.
Il pleut des cordes sur le génie / De la place / De la Bastille (de Bruxelles, certes).
J'ai beaucoup aimé les pommes de pin en fer forgé du musée de la Musique, et alors ?
On ne s'est pas trop fait violence, il faut bien l'avouer. Lorsque la femme de ménage a toqué à midi moins dix pour faire la chambre, on s'apprêtait seulement à partir.
– La femme de chambre est hyper mignonne, commenté-je spontanément une fois la porte refermée sur une jeune femme souriante.
– Tu ne peux pas dire ça.
– Pourquoi ?
– On est au Sofitel...
Je ne sais pas si c'est le Sofitel qui veut ça, mais le personnel arbore en permanence une mine contrite, comme s'excusant à l'avance d'un possible mécontentement. Au check-in, l'hôtesse d'accueil, nous prenant probablement pour un couple, fronce les sourcils en regardant la réservation, puis, relevant la tête, demande d'une petite voix : « Vous avez demandé deux lits séparés ? » On confirme, son visage se détend, pour se crisper à nouveau deux secondes plus tard : « il y a bien deux lits séparés, mais ils sont collés ; doit-on chercher et préparer une autre chambre ? » Elle attend notre réponse, sourcils froncés, et j'ai envie de lui dire, relax max ! C'est mauvais pour les rides, toute cette contrariété. En vacances, passé entre les gouttes, gâté de quelques rayons de soleil, avec du chocolat et un bel opéra, par quoi pourrait-on bien être contrarié ?
Ah, si ! Par la linguistique. Je me suis fait reprendre par Hugo à chaque occurrence de gaufre de Bruxelles, arguant qu'il fallait prononcer la ville comme Auxerre, avec deux « s ». J'ai protesté-persiflé à grands renforts de kss, kss, ksssss – en vain : les linguistes sont formels, on dit bien [brussel] et non [bruksel]. Autant Manneeken-pisser dans un xylophone, je retournerai à Bruxelles, kss, kss, ksss.
Coca-Cola-cariatides
Je dois avoir une photo de ce genre pour chaque ville où je suis passée, depuis Toronto, où j'avais été frappée par le contraste d'un building et d'une vieille vieille, ainsi que le reflet de celle-ci dans celui-là.
J'aime toujours beaucoup la lumière des vitraux - souvent moins leurs dessins, trop plein d'épines et de saints pour moi. Ces motifs géométriques m'ont ravie, et le fait que chaque vitrail ait le sien propre, sans qu'il y paraisse.
Même s'ils sont très prosaïquement enduits d'un revêtement protecteur, ces arbres en chaussettes blanches m'évoquent Magritte.
Partition pour pigeons
À prononcer à voix haute (je décline toute responsabilité en cas de soudaine envie de glace).
La rue de la Huchette locale
Trompe-l’œil de modiste
Arbre d'indécision anarchiste.
Rien à faire, j'ai l'impression que ce chevalier joue à Super Mario Bros (reste plus qu'à dessiner un niveau avec des gaufres à la place des briques).
Je vous laisse sur ma photo préférée du week-end, carte postale en contrejour.
1 Des Nourritures terrestres (même sans avoir lu le roman de Gide, j'adore), recommandé par @meliemeliie, que je n'ai pas pu rencontrer car elle était en vadrouille. Il faudra revenir (comme si je n'en avais pas déjà envie).
2 La preuve que le grand angle n'est pas fait pour les portraits a été faite à mes dépends – avec un plus gros nez qu'aucun membre de ma famille n'aura jamais. Si cette photo est diffusée, je fais du lapin à la moutarde et aux amandes.
3 Cette période me fait sentir un peu sale, très blogueuse-qui-écrit-à-l'infinitif-du-premier-groupe (@melendili comprendra).
19:20 Publié dans Souris des villes, souris des champs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bruxelles, gaufre, speculoos