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23 juin 2011

Fête de la muse hic

Nouvel an, 14 juillet, fête de la musique... il va falloir que j'arrête de vouloir faire quelque chose. Le meilleur Nouvel an que j'ai eu, d'ailleurs, je l'ai passé enfermée dans une chambre d'hôtel avec une Currywurst. Les injonctions à se réjouir et les sorties à date fixe, ça a toujours quelque chose de loseux. Hier n'a pas fait exception. S'est d'abord vérifié le lien entre son musique et ciel pluvieux. – Mais qu'est-ce qu'ils ont tous avec ces musiques sans mélodie ? – Ça s'appelle du jazz, précise Palpatine. Depuis quelques temps, il se réveille au son de ce suintement de notes qui me ferait regretter la station de ouèch grâce à laquelle je n'avais absolument pas l'air d'une Versaillaise idiote en chantonnant « Regarde-moi ! Le chômage et la crise, c'est moi qui les combas, je vis au quotidien ce que tu ne comprends pas, ce que tu ne connais pas, juste en bas de chez toi... » (avec l'accent en plus : [Roeugarde-moua ! Le chau:mage et la kriz, c'moua ki le ko:m'ba...]).

All that jazz s'est évanoui aux Halles, remplacé par une boucherie de notes, si bien que le Paradis du fruit est devenu l'enfer du bruit. Mon ventre s'est associé à mes oreilles pour me contrarier et je n'ai rien avalé. L'estomac vide sur pattes s'est ensuite contrôlé pour ne pas devenir (trop) mal aimable et toute l'énergie qu'il me restait y est passée. Du coup, si je ne me suis pas endormie lors du concert donné par l'orchestre de Paris sous la pyramide du Louvre, il faut remercier les grandes dalles froides du sol, froides et inconfortables. J'ai eu l'impression de jouer au Tangram avec mes jambes et mon dos.

Autant vous dire que je n'ai pas été très attentive à Schumann. Davantage aux cornistes qui arrivent débraillés comme s'ils venaient de courir le cerf et, une fois n'est pas coutume, occupent le devant de la scène : j'adore leur manchon-pavillon, beaucoup plus classe que de la fourrure. Et comme un « morceau de concert » ne suffit pas à rassasier le mélomane, au Konzerstück succède une symphonie Rhénane. J'ai rhin retenu et surtout pas mon esprit, que j'ai laissé divaguer vers la Pyramide-planétarium. Les triangles de verre diffractent une lumière, un lampadaire peut-être, en une succession de lunes et de demi-lunes qui égrainent les différentes phases de son orbe. Tandis que la nuit tombe, les reflets dans les vitres s'intensifient : une planète rouge entourée d'anneaux apparaît. On y distingue des traces de vie, mers de partitions et cratères de cuivre. Un astéroïde s'en est probablement détaché, tombé dans le coin gauche de la pyramide-planétarium et, au milieu des étoiles, les flashs des curieux tentent de se faire passer pour des étoiles, mais je sais bien, moi, qu'ils survolent le concert à travers leur hublot. L'atterrissage a été difficile, une demi-heure de métro à dormir debout mais au moins, c'était avec Palpatine que je jouais au coude à coude.  

27 avril 2011

Images mentales

Des images de pensée. Non, il ne s'agit pas de figures de style ni d'IRM. C'est le nom qu'ont donné Marie-Haude Caraës et Nicole Marchand-Zanartu à tout un tas de griffonnages qu'elles ont collectionné. Ni gribouillage exécuté mécaniquement tandis que l'on téléphone ou se concentre sur autre chose, ni schéma à visée pédagogique, l'image de pensée est contemporaine de l'idée. Simultanée, même : comme d'autres réfléchissent à voix haute, il en est qui réfléchissent le crayon à la main. Un schéma de ce genre n'explique rien, sinon sa propre pensée à celui qui le produit. Il n'est pas destiné à être montré et le spectateur le demeure : il regarde sans voir. Dans cette profusion de flèches ou d'éléments qui font système, quelque chose se joue, prend forme, sans qu'on sache nécessairement quoi au juste, puisqu'on n'entre jamais dans la tête de l'autre. Et c'est précisément cela qui a fasciné les deux chercheuses : le mystère de l'origine de la pensée.

Bien qu'elles insistent sur le fait que ces schémas ne sont pas spécifiques aux esprits géniaux, et qu'elles en ont également récupéré d'anonymes, on aurait pu croire que leur collection d'images de pensée d'artistes ou de scientifiques célèbres –toujours des originaux– participait de l'étude génétique et sa curiosité effrénée pour les brouillons : l'idée même d'une architecture, bien avant le moindre plan ; le déroulement chromatique d'un roman de Claude Simon ; l'organisation d'une pièce de Cunningham (environ trois secondes après le début et jusqu'à ce que le livre en circulation arrive dans mes mains – sur la fin–, j'ai pensé qu'il devait y en avoir chez les chorégraphes ; spatialisation sur le papier, forcément) ; et même l'instant-papier où le chaînage de l'ADN prend forme (point de reproduction pour une question de droits). Les chercheuses se sont fait aider de spécialistes lorsqu'elles n'étaient pas compétentes dans le domaine et pourtant, n'expliquent rien à partir de ces images, comme si tout ce qu'elles avaient voulu se faire confirmer était que le spécialiste, pas davantage que le néophyte, ne peut pénétrer ces nébuleuses. Le surgissement de la pensée : voilà pourquoi il s'agit de fascination plus que d'intérêt, de collection plus que d'étude.

Alors que je sentais poindre la déception (au seuil, là, c'est un peu frustrant – parce que, oui, c'est excitant), m'est revenue à l'esprit la surprise que j'ai eue en découvrant le brouillon de Palpatine pour son essay (optique je Me Barre Ailleurs). Sous la consigne de « Give a candid description of yourself », l'espace blanc comme pour un dessin d'enfant (ou les digressions de Sterne, plutôt) était parcouru de flèches reliant des îlots de mots : la culture faisait la navette avec le luxe, quand je ne sais plus quel pôle était entouré de courtes flèches que je n'aurais pas été surprise de voir scintiller comme les panneaux convergents d'un Broadway de dessin animé ; c'est moi ! Ich bin's ! ; il y avait du blog et de l'informatique ; en marge du cadre dévolu à l'exercice, comme en dehors des frontières, se trouvaient listées quelques capitales européennes et, multiculturalisme oblige, un grand-père italien se tenait comme il pouvait à une branche de ce curieux arbre généalogique. C'est comme si je voyais circuler les globules rouges de ses multiples personnalités, celles-là même qu'il doit réunir pour la nomination de miss ouvreuse de l'année. On fréquente assidument une personne et on finit par oublier qu'elle nous reste étrangère – autre, à tout le moins. Et là, c'en était la révélation mnésique. Jamais je n'aurais procédé ainsi. Incrédule et amusée, j'ai regardé, sans lire, j'ai promené mon regard le long de ces drôles de flèches qui, contrairement aux lignes de vol d'une compagnie aérienne, mènent pourtant en des contrées familières. J'ai conclus à la déformation de l'informaticien qui a la patate et créé des systèmes from scratch. Mais finalement, ce serait tout simplement, tout mystérieusement, une image de pensée – mental, though.

11 avril 2011

Entrain-train

Ce matin, assise dans un de ces vieux train boîtes de sardine (carré, alu, anti-ergonomique, pas du tout sexy), j'ai compris pourquoi le train pouvait être fantasmé comme bête humaine et sexuelle. D'accord, c'est long et pénètre dans des tunnels par des trous noirs, mais surtout : le bruit des suspensions usées entre les wagons a tout du sommier grinçant où s'impriment de lents et lourds va-et-vient.

31 mars 2011

Rien eu, le voleur non plus

J'ai senti quelque chose, ou plutôt je n'ai plus senti de poids et je me suis retournée, dérobant mon sac - ouvert - à la main qui allait plonger dedans et qui, dépitée, s'est agitée au niveau de la tempe pour signifier que j'étais folle et mes protestations, de simples affabulations. On ne m'avait rien volé, que ma tranquilité. Prise de tremblements, j'ai vérifié l'hypothèse selon laquelle l'avoir est le prolongement de l'être.