09 mai 2007
Rien que d'y penser, ça me fait rêver...
... non, pas Disneyland Paris, s'pèces d'intoxiqués du slogan (d'accord, il est problable que je le sois deux fois plus que vous, mais peu importe).
... ce soir, première répétition sur scène. Je vais vraiment avoir du mal à me montrer froide, hautaine et autoritaire comme prévu. Non que ma grâce de pachiderme digne des hippopotames de Fantasia puisse infléchir mon bon naturel (une paire de pointes neuves ressemble facheusement à une paire de sabots- et les danses paysannes ne se trouvent qu'au premier acte, où je ne danse pas. Loi de la tartine beurrée. CQFD) Mais le prince dont je suis censée demander implacablement la mort s'avère être un danseur de l'opéra tout ce qu'il y a de plus... opéra. Vous savez, ces grandes silhouettes élancées qui ne comptent les pirouettes que par 5, oublient fréquemment de redescendre de leurs sauts et qui, quand ils marchent négligemment ont plus de disctinction que vous pourrez jamais en avoir, même en vous efforçant de toutes vos forces. Vous imaginerez sans problème le reste de l'esquisse. Etant soliste, je ne suis pas obligée d'observer exactement les mêmes poses et en biaisant un peu (et en me dévissant le cou - là impossible de dire qu'on n'a pas vu le profil autoritaire de mâdâme Myrtha) j'ai pu l'observer à loisir. Mais je suis censée être impitoyable et le toiser de toute ma grandeur chaque fois qu'il vient me supplier. Et c'est là que le bat blesse, parce que, comment vous dire ? Au lieu de mimer "toi, oui toi, mon coco, tu vas retourner danser et plus vite que ça", je penserais plutôt "vous.. euh... pourriez-vous danser encore un petit peu, s'il vous plaît ? " et de me fendre d'une large quatrième révérencieuse en lieu et place de ce geste d'impatience que l'autorité réserve à son subordoné.
***
Et aussi : pointes neuves... Le mari de ma prof, sur le ton de *j'te l'avais bien dit* : "Jamais moins de trois semaines avant le spectacle, pour faire ses pointes ! " ..." m'enfin l'avantage, c'est que ce soir, tu n'auras pas besoin d'éclairer : 500 kwatt d'ampoules." Pas une seule ! *grâce soit rendue aux embouts en silicone roses, même s'ils ne sentent plus la fraise*
On régle les saluts. Notre professeur-Giselle : "Ne comptez pas sur moi pour faire un discours, j'aurai le souffle coupé, je ne pourrai pas dire quoi que ce soit." Et son mari de proposer que j'écrive un petit discours entre deux révisions... Je ne suis pas absolument certaine que tous apprécieraient de subir mes traumatismes divers, aqueux, hégéliens, intertextuels... (on passera sous silence cette fabuleuse correction de dissertation où chaque contre-exemple était tiré de ma copie.)
22:35 Publié dans Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (10)
06 mai 2007
Giselle gît-elle ?
Vous l’avez certainement déjà rencontré, cette histoire d’une fille qui rêve tant au prince charmant qu’elle en donne le label au premier venu, qui bien évidemment est vite détrompée –même si l’ersatz de prince est vraiment charmant-, mais par-delà ses cruelles désillusions soutient l’homme imparfait mais cependant aimable lorsqu’il entreprend de se fourrer dans une situation impossible.
Dans cette perspective, Giselle pourrait apparaître comme le précurseur de je ne sais quelle série télévisée. Transposition au XIX ème siècle où le prince en a vraiment le titre et où l’on n’avait pas encore démystifié le romantisme en naïveté. Théophile Gautier a composé l’argument pour Carlotta Grisi qu’il admirait éperdument et dont il épousa la sœur (si mes souvenirs sont bons). Il y a bien sûr un certain côté poussiéreux à la chose, la petite paysanne, la chaumière, les fantômes peuplant les forêt (et d’un point de vu tout chorégraphique, la pantomime, pas toujours lisible pour le non initié)… mais non dépourvu de pittoresque et de charme. Surtout quand on accepte de se laisser emporter par le ballet, ce qui est inévitablement le cas lorsque vous le dansez et que la musique vous rentre dans la peau. Que vous identifiez un personnage à son thème musical – « Bon, ce n’est pas compliqué les filles, sur les hilarions, vous faites un temps levé vers l’intérieur » dixit notre professeur-répétitrice-Giselle. Je vous entends d’ici… temps levé ? hilarions ? pas compliqué ? à côté Hegel est limpide.
Dans les grandes lignes, donc, voici l’histoire : Giselle, une petite paysanne qui adore danser tombe amoureuse d’un charmant jeune homme dont elle vient à apprendre le vrai visage : ce n’est pas un simple paysan, mais le prince Albrecht, déjà fiancé à la princesse Bathilde. Giselle en perd la raison et finit par mourir de déraison (c’est beau, romantique et lyrique, vous en rêvez déjà, non ? – toute irone mise à part, la scène de la folie est vraiment un moment génial). Après tant de joyeuses danses, c’est la tragédie, tout le monde pleure, le rideau se baisse. Vient l’acte blanc, où l’on retrouve Giselle, qui en tant que jeune femme fraîchement morte intègre les Willis. Ces jeunes femmes mortes avant leur mariage hantent les forêts et piègent tous les hommes qui viendront se prendre dans leurs filets – pas de pitié, ils danseront jusqu’à la mort. Une sorte de Corpse bride dansé, mais sur la musique d’Adolphe Adam. Vous pourrez toujours venir vous plaindre que c’est mièvre, vous serez reçu, je peux vous l’affirmer. En tant que reine des Willis, je soussigné, Myrtha, déclare avoir tout pouvoir discrétionnaire et tout loisir de me montrer froide, haute, distante, méprisante et par conséquent de vous envoyer bouler danser quand tel sera mon bon plaisir. Ce rôle est un délice. Donc quand Hilarion, amoureux de Giselle (au sens classique du terme) ramène ses pénates sur notre territoire, ni une ni deux, notre nature de mouche reprend le dessus et nous nous jetons sur lui jusqu’à la précipiter dans le lac. Un cas pour l’exemple en quelque sorte, Myrtha n’ayant aucune envie de penser le mal, penser la peine. Naturellement, lorsqu’à son tour Albrecht vient sur la tombe de Giselle, je lance une seconde offensive. Mais la petite nouvelle ne s’en laisse pas compter et tente d’intercéder auprès de moi en sa faveur. Niet. Bien entendu. Mais elle implore et gagne du temps, soutient son cher et tendre dans son épreuve de Marche ou crève Danse et crève, tant et si bien qu’elle parvient à la sauver. Non que je me sois laissée abuser, il ne faut pas abuser des bonnes choses. Mais le gong a retenti sous la forme de trois petits coups de carillon égrainés depuis le village le plus proche : les Willis sont des êtres nocturnes, comme tous les fantômes et le jour les disperse. Giselle a réussi à sauver Albrecht. Ils ne se marièrent point et n’eurent point d’enfants. The end. Enfin un conte qui finit bien.
Le paradoxe dans le rôle d’un Willis, c’est de devoir donner d’impression d’immatérialité, de légèreté et d’évanescence tout en vous sentant terriblement matérielle dans vos pointes. Le long tutu blanc vaporeux ne suffisant manifestement pas à donner l’impression de légèreté tant recherchée, Myrtha passe sa vie à sauter. A la nuance près que Myrtha ne saute pas comme un petit cabri folâtre mais comme l’être désincarnée qu’elle est. Quand sur la version de l’Opéra de Paris (grâce soit rendue à Arte) vous remarquez que Marie-Agnès Gillot est essoufflée, vous blêmissez. Vous avez déjà la pâleur, c’est un bon point. Et lorsque vous vous mettez à répéter, alors là, vous êtes tout à fait dans le rôle : morte. Défunte élégante et non pas cadavre rigide cependant : nous sommes en plein romantisme, pas dans le feuilleton du jeudi soir à la morgue. Même s’il ne vous est désormais plus possible de mourir de honte, vous vous conduisez avec classe et dignité, sans rire – même quand votre fleur-baguette ponctue à contretemps votre geste aimable pour donner quelque ordre. Cette baguette peut donner lieu à des scènes fort comique à réserver uniquement au making-of de la chose. A un moment de ma variation, je cours de chaque côté de la scène pour lancer mes rameaux magiques dans les coulisses. Mais selon les deux principes qui veulent qu’il n’y ait pas de coulisses dans un studio de danse, et que l’on se dirige toujours dans la direction vers laquelle on porte son regard, j’ai attaqué une des mes consœurs Willis à coups de fleurs. Toujours dans la catégorie bonus du making-of, vous avez :
- le doux bruit des pointes neuves qui vous donne l’immatérialité d’un éléphant rose lors même que vous êtes censée ne pas toucher terre. Comme quoi, le monde immatériel des idées est bien bas.
- Hilarion qui saute toujours de désespoir au milieu de la ronde infernale des Willis… mais de profil au public.
- Dans le premier acte lorsque Giselle passe montrer à ses amies le collier que viens de lui offrir Bathilde et que les petites jouant les amies en question regarde d’un air au mieux interrogateur, au pire morne, le collier en perles de rocailles que Giselle leur montre avec un air extasié : « Je sais que vous demandez ce qu’elle fiche là à nous montrer toujours son même collier. Mais il faut jouer la comédie. Sur scène on aura quelque chose d’un peu plus voyant, mais il faut imaginer. Là, je vous montre un truc incroyable ! Bathilde vient de me donner un véritable joyau ! jouez la comédie, ayez l’air un peu étonnée ! je ne sais pas moi, imaginez que c’est une rivière de diamant de chez Cartier ! »
Et j’étais sur le point d’oublier l’élément central de notre dernière répétition : les bandeaux. Non pas des bandeaux comme dans le lac des cygnes, non. Des bandeaux de cheveux ; les cheveux qui masquent les oreilles avant d’être ramenés en un chignon de gouvernante puritaine. Avec le bout des oreilles qui dépasse façon Mr Spok, c’est totalement sexy ! Et que dire de cet ornement délicieusement désuet lorsqu’il est oxymoriquement combiné avec une tunique de danse d’un design assez moderne et d’un chauffe difforme ? Nous n’avons donc pas manqué de nous payer notre propre tête. Néanmoins, il faut reconnaître à cette coiffure seyante le mérite de nous plonger de suite dans la peau d’une jeune fille angélique et pulmonaire du siècle dernier (enfin avant dernier pour être exact). On se consolera en pensant à Virginia Woolf.
Tout ça pour dire que si le cœur vous en dit, venez nous voir samedi et dimanche prochain au théâtre de Fontenay-le-Fleury.
18:24 Publié dans Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (9)
03 mai 2007
Resne publica tacenda ?
Voici ce que je viens de trouver en ouvrant mon compte Blogspirit. Quelqu'un peut-il m'expliquer l'origine et la raison de cette loi ? Ne pas influence qui que ce soit ?... ce me semblerait une raison bien légère...
"Elections présidentielles
A compter du 4 mai 0h00, la publication, la diffusion et les commentaires des sondages d'opinion sont interdits jusqu'à la clôture du scrutin, dimanche 6 mai, à 20 heures. Cette période vise « tout sondage d'opinion ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum, une élection présidentielle ou l'une des élections réglementées par le Code électoral ainsi qu'une élection des représentants au Parlement européen » (L. 19 juillet 1977 modifiée par la loi du 19 février 2002). Toute infraction expose à une peine d'amende de 75 000 euros (C. électoral, art. L. 90-1).
En conséquence, blogSpirit demande à ses blogueurs de s’abstenir de publier toute tendance, anticipation, rumeur sur les résultats du vote avant le 6 mai à 20 heures, conformément à la loi.En tant qu’éditeur du blog, nous vous rappelons que vous êtes légalement responsable du contenu publié sur votre blog, y compris les commentaires. A ce titre, blogSpirit se réserve la possibilité de poursuivre individuellement tous les auteurs de blogs qui enfreindront la législation."
21:37 | Lien permanent | Commentaires (6)
01 mai 2007
Le proverbe réifié tu fluidifieras.
... ou Mens insana in corpore insano.
Quelques vérités générales à glisser dans le trousseau de l’hypokhâgneux (eh oui, l’esprit hypokhâgneux, ça s’épouse – et je pressens que le divorce sera douloureux) :
Ne remet jamais à aujourd’hui ce qui était pour hier.
Ce qui est fait n’est plus à faire. Juste à refaire.
10 de perdu, 1 de retrouvé. Quand ce n’est pas 0.
Abondance de biens ne nuit pas. Vous étudierez la valeur polysémique du terme en italique.
A l’impossible, nul n’est tenu. Mais tu essayeras tout de même, c’est le principe du jeu.
L’appétit vient en mangeant. En travaillant aussi, ton corps l’apprendra à tes dépends.
Après la pluie, le beau temps. Ou l’orage, faut voir. Et les moussons peuvent durer.
Beaucoup d’écrit pour rien. Le brouillon tu ne compteras pas.
Bien mal acquis ne profite jamais. On attend donc tous avec impatience que l’énergumène préparant ses khôlles avec une heure d’avance ET le Gaffiot ET la grammaire ET la traduction se tôle au concours blanc.
Chose promise, chose due. Un élan enthousiaste pour éviter une désignation de volontaire à ses camarades peut se regretter. *également disponible : chose promise, chose sue.
Comme on fait son lit, on se couche. Et justement, on n’est pas près de dormir.
L’eau va à la rivière. Prévois une gourde. En souvenir d’Hussein.
Alea jacta est. A se répéter après tout devoir rendu. Advienne que pourra.
La fin justifie les moyens. Au regard des statistiques des admis à Normale, la réciproque ne l’est peut-être pas.
Les grands esprits se rencontrent… et vous laissent souvent en dehors de la discussion.
L’habitude est une seconde nature. De ne pas travailler, tu culpabiliseras. Tout tu analyseras.
Heureux au jeu, malheureux en amour : l’hypokhâgne est très ludique.
Redde Caesari quae sunt Caesaris. Tes citations toujours tu expliciteras.
Le mieux n’est plus l’ennemi du bien.
Mieux vaut tard que nocturne.
L’oisiveté est la mère de tous les vices.
Qui ne dit mot consent. Ou n’a rien compris.
Toute peine mérite salaire. Vous vous demanderez pourquoi il y a des communistes ^^
A glisser dans la trousse de secours de l’hypokhâgneux :
La littérature française, du XVIème siècle à nos jours.
Un paquet de Granola.
De l’anticerne.
Un blog.
15:57 | Lien permanent | Commentaires (11)