25 mai 2008
Aristote pour les nuls
Un petit article pour présenter ce que nous a fait vivre l’auteur de la Physique, ce qu’il est pour moi (merci de garder pour vous la conclusion du syllogisme qui s’impose naturellement à votre esprit) – mis à part un emmerdeur de première. Attention, risque d’ennui mortel (expression qui n’est malheureusement pas ici à prendre comme une litote). Que ceux qui en ont déjà marre donnent quelques coups de molettes de souris pour trouver la sortie de secours.
Aristote est siphonné. [copyright Monkeyz, évidemment]
Que l’humour aristotélicien est non-étant
Aristote est grec, je ne vous apprends rien. Mais on sent dans le choix de ses exemples qu’il est un pochtron pieux fidèle de Bacchus : « On appelle un soit le continu, soit l’indivisible, soit les choses dont la formule de l’être essentiel est la même et unique, comme jus de la treille et vin. » Le vin essentiel à la compréhension de la Physique, d’où peut-être une certaine ivresse de la tortue lorsqu’elle a enchaîné les envolées lyriques :
- sur une aporie : « Et c’est là qu’Aristote est génialement gêné. » Et quand c’est à nous de l’expliquer et d’y trouver une raison suffisante, nous sommes juste médiocrement mauvais.
- peu après « Et là le vide arrive, comme Zorro. »
En parlant des films à grosse production, je vous recommande également Aristote et ses exemples à haute teneur en effets spéciaux pour un peu d’inspiration : IV 8 « En effet, l’air est quelque chose, pourtant on n’en a pas l’impression ; de même en serait-il pou l’eau, pour les poissons s’ils étaient en fer. Car c’est par le toucher que se fait la discrimination du sensible. » Cherry on top, la note en bas de page : « Ce paragraphe ne semble lu par aucun des commentateurs, mais figure bien dans les manuscrits » Tu m’étonnes… j’adore l’humour de Pellegrin (moins sa traduction, d’ailleurs « remaniée » pour le sujet du concours et où on avait peine à retrouver la traduction d’origine).
Logique de l’absurde : un texte en puissance de signifier quelque chose
« L’être est, le non-être n’est pas. » Cette petite phrase de Parménide, qui n’a l’air de rien, nous avait bien fait rire l’année dernière. Plus jaune cette année, car Aristote y est fidèle. C’est un homme qui aime tant la logique qu’il poursuit les développements absurdes des philosophes qu’il réfute… logiquement. Par exemple, en I 4 187b 35 (que diable, il faut des références précises, nous serine la tortue), il réfute Anaxagore qui pose que, puisqu’une chose ne peut pas venir du néant, tout doit déjà être là, tous les éléments doivent se trouver les uns dans les autres. Aristote « simplifie » l’idée en pensant deux éléments que sont la chaire et l’eau, et s’emploie joyeusement à prouver qu’on ne peut extraire l’un des éléments de l’autre : « En outre, si, d’une part, tout corps devient nécessairement plus petit quand on en a soustrait quelque chose, et que, d’autre part, la quantité de chair est limitée en grandeur ou en petitesse, manifestement aucun corps ne pourra être extrait de la plus petite partie de chair. En effet, il sera moindre que le minimum. » Mais ce que je préfère, c’est la fin du paragraphe : « Mais c’est déraisonnable. » Merci du commentaire.
Amusez-vous ensuite à trouver la logique de l’absurde dans ce raisonnement plein de vide : IV 8 « Même pour qui le considère pour lui-même, ce qui est appelé vide apparaîtra comme vraiment vide. En effet, de même que si l’on plonge un cube dans l’eau, un volume d’eau égal à celui du cube sera déplacé, de même en est-il aussi dans l’air. […] Mais cela est assurément impossible dans le vide (car il n’est pas un corps), mais il faudrait qu’une extension égale à celle du cube, laquelle était auparavant dans le vide, ait passé à travers le cube, comme si l’eau, ou l’air, n’avait pas changé de place avec le cube de bois, mais l’avait pénétré dans toutes les directions. » C’est beau comme de la poésie surréaliste. Le problème, c’est que l’on ne peut pas se draper d’hermétisme et déclarer que la musicalité nous a fait rêver. Cauchemar d’articulations boiteuses et parfois inutiles : en « mais », fais ce qu’il te plaît.
Et puis là, pas d’idée de titre parce que c’est une partie poubelle (une troisième partie, quoi)
Aristote est également mauvais joueur. Une petite caricature de l’adversaire, et hop, réfuté. Un sacré prestidigitateur. L’un de ses tours de passe-passe les plus réussis est en effet de montrer comme un étant peut changer tout en demeurant toujours lui-même. Pour ce tour de magie, vous aurez besoin d’un substrat, de deux attributs contraires, et d’une aspirine. Un étant est toujours composé d’un substrat qui demeure et de quelque chose qui provient de son contraire (sans en être issu, sinon ce n’est pas drôle). Socrate illettré n’est pas le même que Socrate lettré, et pourtant c’est toujours la même personne ; seulement, l’apprentissage des lettres reconfigure l’ensemble de l’être. Ouais, c’est beau. La tortue nous l’a expliqué comme ceci (attention les yeux, extrait de prise de notes) : ex. du khâgneux qui devient normalien. Il y a passage d’un opposé à l’autre et un sujet qui devient puisque il y a bien qq qui est passé de khâgneux à normalien. Le khâgneux est l’absence de la forme normalienne. Le normalien advient du non normalien. On passe à la figure normalienne depuis l’absence de normalien (khâgneux) et depuis soi (Pierre, Paul ou Jacques, identité qui reste) [une chance infinie pour vous, vous échappez aujourd’hui à Perrette, autre doux nom chéri par la tortue] blablabla, d’où que l’on ne vient pas d’un non-être absolu mais relatif : le khâgneux n’est pas un non étant [quoique…] : il est en puissant d’être normalien. Cependant, l’absence de figure n’est pas indétermination : il serait contradictoire qu’après khâgne lettres, on réussisse Normale maths. Pas en puissance de cela. [Démonstration de l’anthropocentrisme normalien : on notera le contre-exemple extrêmement exotique – pas même hec ou polytechnique, non, normale maths.].
Lorsqu’il ne sait pas comment introduire sa petite thèse perso, Aristote l’attribue à l’opinion commune et s’en réclame. C’est peut-être pour cela qu’il est récupéré par le marketing. A chaque fois que la tortue répétait que devenir, c’est demeurer le même tout en changeant, je ne peux pas m’empêcher de penser Kangoo !! Mais si, rappelez-vous cettepublicité pour un véhicule utilitaire, avec Wallace et Gromit au contrôle technique : « C’est le même, mais en différent. Kangoo ! » Ou comment faire du neuf avec du vieux. Du marketing aristotélicien. C’est dingue, non ? ou alors c’est moi qui le suis devenue – possible… puisque je suis en puissance de le devenir.
* sortie de secours : parce que le plaisir de piétiner les grandes thèses n'est pas le privilège des playmobils, des BD parodiques sur les philosophes, que m’a fait découvrir le Vates, et qui m’ont bien fait rire. Parmi mes préférées, la 1, la 16, la 40, la 45... presque toutes en fait.
17:25 Publié dans Souris de laboratoire | Lien permanent | Commentaires (4)
15 mai 2008
Le khônkhôurs
La ratp annonce la couleur « Laplace – maison des examens ». Maison. Un immense immeuble qui va bientôt se remplir de la nuée de khâgneux qui grouille entre la sortie de la station et les grilles. Attention, khâgneux méchant. Bon, ça c’est la théorie, parce que tout le monde discute, ramassé en groupe. Un univers à part et des galaxies de khâgneux. Il se forme rapidement un petit cercle La Bruyère. Quelques satellites des ex-hk qui ont changé d’orbite et qu’on n’a pas revu depuis un an – une révolution. On interroge ceux qui débarquent d’une autre planète, parachutés en un passage de comète des concours d’écoles de commerce à celui de l’ens. Gardons les pieds sur terre et grimpons dans les étoiles – 7ème ciel, le khâgneux dont le nom de famille est compris entre G et M se doit d’être en pleine forme. Chacun cherche l’astéroïde qui lui est échue et s’y échoue. Elaboration de la carte du ciel : un k versaillais à l’est, une connaissance au nord, les toilettes au sud, à l’ouest, rien de nouveau. Le micro grésille : je ne comprends rien à la numérotation des pages et les interminables interdictions de calculatrices résonnent à des années lumières.
Histoire
Le facteur religieux dans l’évolution du monde contemporain 1920 – début des années 1990
Un rire nerveux en pensant à Melendili qui, grâce soit rendue à l’ordre alphabétique, est juste devant moi : « la papauté, non, pas besoin de lire ce poly ». Et moi d’acquiescer. Après décorticage de la chrono de trois pages, pleins de notes au stylo orange qui s’éclatent toutes dans leur coin. Je lance un filet, on verra bien ce qui restera de la prise.
J’avais emmené assez de cartouches pour ravitailler tout le centre d’examen, mais un seul effaceur. Bien évidemment, il m’a lâché. Bien évidemment, j’ai multiplié les bourdes. Blanco. Puis le réécriveur m’a lâché. Mélange de crayon à papier et d’encre bleue. Sur les copies d’examen à petits carreaux en feuille buvard (pour que les boucles des lettres soient noyées). Le papier Pléiade, chers administrateurs de l’éducation nationale, ne vaut que parce qu’il passe à l’imprimerie. Et que l’autorité de l’auteur est établie. Cela ne dérange donc pas le lecteur de lire trois pages à la suite. Le correcteur, j’ai plus de doutes. J’ai donc rendu un petit chef d’œuvre. Avec effets de texture au Blanco (Word m’intime une majuscule, alors j’obéis), hachures primitives et dégradés de couleur. Cradissime. Oui. J’adore exagéré. Un oubli bête et méchant se transforme en une véritable épopée (ne me dites pas que vous n’avez jamais roupillé un peu sur quelques vers de Virgile ou d’Homère). Puis c’est si drôle de se plaindre. Je me demande bien comment on fera l’année prochaine. Peut-être s’agit-il d’une motivation des khûbes – à creuser (pour l’enterrer).
Là où l’on découvre que le khônkhôurs porte bien son nom, c’est qu’on y court. Un véritable marathon. Temps trop court. Pas le temps de penser à avoir mal au poignet. Pas le temps de se faire craquer le dos. Penser à aller aux toilettes. Pas le temps de croquer un carré de chocolat. Pas le temps adéquat, il fait un peu trop chaud. Course contre le temps. Pas le temps de penser à manger. Pas le temps de… pas le temps de penser à manger ? Pour un estomac sur pattes comme moi, on entre dans une dimension khôsmique (prière de ne pas enlever le « s »). A 1h30, je me dis que deux gâteau depuis 6h40 ce matin, c’est trop peu. 4 gâteaux supplémentaires. Gratte, gratte (la plume, le nez, le dos). A chaque partie je revois mes ambitions à la baisse. Mais le sujet est assez génial quand même. Christianisme… dynamitage de la basilique Saint-Sauveur à Moscou… islam… islamisme. Le sous régime commence à se faire sentir : une grande rasade de yaourt à boire pour rétrograder et attaquer la côté finale. « Il vous reste quinze minutes ». Et un tiers de troisième partie, épurée de toutes ses subtilités. A quelle heure précisément cela finit-il ? Les lunettes m’annoncent 15h08. Huit minutes pour une conclusion. La sonnerie marque le big bang : les planètes sont renvoyées dans leur galaxie. Tremblante à la sortie. Retour à la réalité. Et un grand sandwich au poulet gare de Montparnasse. Le goûter est sacré, on ne se refait pas.
Philo
L’égalité
J’ai bien pensé à me pendre avec mes spaghettis, mais je me suis dit qu’après cette journée d’effeuillage de classeur de français, je ferais tout aussi bien de vous raconter l’épreuve d’hier.
Deuxième jour : on se la joue un peu vieux loups de mer. Tout le monde à son poste, avec sa petite étiquette de bord de table comme bouée signalétique. On jette l’encre et remplit les cartouches (une visualisation de moi faisant l’idiote en mimant le cartouche égyptien est ici possible, mais non recommandé) en deux temps trois mouvements, et j’ai enfin compris comment fonctionne la numérotation des pages (pas de ma faute si, avec les révisions, mon unité de valeur était devenue la copie double. J’ai vite compris mon erreur quand j’ai entendu tout le monde dire qu’il avait fait douze pages). Tous sur le pont en temps et en heure, à part deux passagers qui ont bien failli ne pas embarquer et ont traversé le ponton sous des regards désapprobateurs. Les dix dernières minutes sont les plus terribles. Tous les regards sont dirigés vers l’horloge. Le micro grésille des recommandations qui sont les mêmes qu’hier, mais tout aussi inaudibles. On ne doit pas avoir le vent en poupe. 08h58 : un blanc, rire. 08h59 : fermeture des écoutilles. Rire franc. Tous dans la même galère. Avec des agents des capitaines à la Men in black. Notre rafiot doit être un porte-avion. Comme les conseils de sécurité sont incompréhensibles, on les a refait à notre sauce avant d’embarquer : les sorties de secours se trouvent à l’avant, sur les côtés, à l’arrière * les deux mains exécutent le geste de croix des hôtesses de l’air*, in case of emergency, please follow the line on the floor, en cas de dépressurisation, les masques à gaz tomberont automatiquement devant vous (this last one revient au petit génie). Je m’égare dans le cérémonial, nous en étions à la fermeture des écoutilles de 08h59. Et là, la magie de l’harmonie pré-établie a fait passer la pendule à 09h00. Ouverture et distribution des sujets. Apné en retournant la feuille. Sujet notion ; la tortue avait raison, c’est lassant. Gravée comme sur un fronton de mairie : L’égalité. A traiter sans liberté ni fraternité. Mais c’est égal. Nonobstant mon voisin de gauche qui semblait écrire sous la dictée, tant les vagues ont couvert ses brouillons à la vitesse de la marée remontant autour du Mont Saint-Michel, je me jette à l'eau. Les miens seraient plutôt de l’ordre du petit étang, à la limite de la stagnation. Réifié, comme dirait l’autre. Les correcteurs se plaignent de ne lire que du bien-pensant, mais m’est avis qu’ils tendent le bâton pour se faire battre. Remarquez, ce n’est pas comme si l’on ignorait qu’ils étaient tous maso – ils ont été khâgneux avant nous. Enfin, chacun écope comme il peut pour ne pas se noyer. Stylo humide en l’air, je n’étais pas la seule à chercher d’où pouvait venir le vent. Une petite brise d’idées tranquille m’a fait trouver mon rythme de croisière. Rires lointains, sept étages plus bas (mais il est bien connu que la joie est céleste), foultitude de gâteaux, douce chaleur du neurone en ébullition (du soleil aussi, mais avec deux cent khâgneux dans la même salle, c’est tout de suite moins glamour), carrés de chocolats, moments où l’on a envie de conclure abruptement : l’égalité ? ça m’est égal. J’espère que la propreté des copies l’est tout autant aux correcteurs. Ce papier Pléiade doit être le seul au monde où un effaceur un peu trop insistant efface recto et verso. Plusieurs stratégies :
1 écrire sur les mêmes lignes recto et verso à feuille d’aspect relativement propre mais de lecture un peu malaisée
2 écrire en décalé le verso par rapport au recto à lecture aisée mais ça vire au torchon. S’il pouvait ne pas essuyer de mauvaise note, ce serait formidable.
Bref, on a navigué à vue et, à part quelques-uns qui ont pris les canots de sauvetage hors-bord pour ne pas avoir à ramer, l’équipage a mené le navire à bon port et a pris ses quartiers sous terre (métro oblige). Le dernier mot au moussaillon Melendili : « C’était terne ».
Composition française (mais j’ai marqué « français » dans tous les cartouches)
« Il n’y a guère que les paroles qui semblent d’abord inutiles qui comptent dans une œuvre. » Maeterlinck
Une journée formidable, d’une part parce qu’on nous a épargné la lecture des consignes mais surtout parce que c’était le dernier devoir en six heures de notre vie (pas de pitié pour les futurs khûbes ni pour les aspirants agrégés). La moitié des épreuves passées et plus de la moitié en heure. Le théâtre, comme une évidence – une expression culte de notre professeur de français que nous avons quasiment tous recasée. Pathétique. Mais comique de voir mon voisin de gauche ne pas se précipiter sur son brouillon. Un peu d’égalité ne nuit pas. Comique de répétition pour orthographier l’auteur de notre cornélien dilemme. Ironie tragique, le théâtre était à peu près ce que nous avions le moins travaillé, mais en exploitant ses textes comme des esclaves condamnés à mort pour notre survie, on donne au correcteur l’illusion d’un sérail bien nourri. Je suis à présent aussi vidée que les extraits que j’ai pressés jusqu’à ce qu’ils ne disent mot. Mon estomac prend l’habitude de goûter entre dix heure et midi, de déjeuner à quatre heure et en profite pour réclamer des carrés de chocolat aux noisettes dès le début de l’épreuve. Comme dirait le petit génie (décidemment, je vais finir par le citer autant qu’Aristote) sur nos horaires décalés : on est réglés sur Tokyo. Seule condition pour que les sujets ne nous semblent pas du chinois.
A la sortie, le khâgneux se déplace en troupeaux, serre les coudes pour ne pas se faire attaquer par un des loups aspirant science-poteux bac+1 qui ont provoqué une affluence telle que cela bouchonnait ce matin pour sortir de la station du rer. On prend les couloirs de métro en mode pilotage automatique – on commence à bien connaître ces coulisses. Sur scène, le khâgneux parle fort pour ne pas s’endormir. A l’illusion qu’il va réviser sa grammaire latine. Qu’il saura son texte. Mais le khâgneux est un grand improvisateur dans l’âme. Et de retour se livre à des didascalies inavouables : lit Cosmo (à ma connaissance uniquement valable pour la khâgneuse), traîne sur dailymotion, découvre qu’une khâgneuse est l’auteur de trois livres et regarde la Nouvelle Star. Le khâgneux is a neeeeeeeeew souuuuuuul in this straaaaange woooorld.
Je vous rappelle que seules les paroles inutiles comptent. Mon blog doit être une œuvre dramatique qui s’ignore. Peut-être quelqu’un sera-t-il tenté par la mise en Seine.
Version latine
Elégies, de Tibulle
Plaignons-nous !
Felix et moi avions passé un accord tacite : dans les transports, c’est moi qui le porte à bouts de bras, pendant l’épreuve, c’est lui. Possible que l’inertie de mes neurones m’ait rendue plus lourde. Enfin, égalité, équité, on ne va pas chipoter. Tout le monde avait son Gaffiot ou son Bailly dans les bras : une flopé de nourrissons dans des mains débiles. Allongés sur les tables, cela faisait des clones à perte de vue. Felix dans le meilleur des mondes. Un cauchemar sous anesthésie. Il y avait du feu, un écueil rocheux et épineux tout à la fois, le Soleil et la Lune à décrocher. Un Gaffiot a tenté le suicide dans la salle ; il faut bien rendre à César ce qui a appartient à Tibulle, la version n’était pas de l’ordre du veni, vidi, vici.
Anglais
Fitzgerald
On est un peu chez nous maintenant. On ne cherche plus notre place, mais on s’assoit directement à notre table, qu’une petite étiquette fait entrer en notre possession. Plus besoin de casser une rangée de chocolat avant l’épreuve pour ne pas faire de bruit pendant : à force d’être trimballée dans le sac, la tablette est prédécoupée. Et l’étonnement as you’re looking as unobtrusively as possible le voisin de gauche sortir ses Babibels est moindre – qui par le temps qu’il fait doivent être d’un mou record, sans parler de la cire rouge qui doit avoir une certaine tendance à apposer son sceau aux copies – qui sont, à présent que l’on n’écrit presque plus, d’un grammage supérieur à 5g.
On demande aux pratiquants d’une langue rare de se manifester les premiers – un en hébreu, deux ou trois russophones, un chinois ou japonais, je ne sais plus, et un grec moderne. Nous autres anglophones faisons évidemment partie du cahier commun. A la première lecture, je ne comprends pas grand-chose. Quelle idée aussi d’oublier l’ « earth » devant le « quake » ! Grand chambardement dans des studios de cinéma et les remaniements de mon brouillon. Des voix se croisent, des personnages dont on ne sait pas très bien qui ils sont pour les autres, et des cas de conscience comme « Papa » ou « Père ». Quelques passages quasi-poétiques avec une traduction à la sauce Breton. Reste à savoir si la traduction automatique aura deviné juste, ce n’est plus de mon ressort – d’ailleurs passablement raidi, à rester en tension sur sa chaise. On s’offre le luxe de quelques minutes le nez en l’air et c’est déjà fini.
Philo option
C'était Physique III 6 sur l’infini
J'aurais dû sentir qu’on arrivait en territoire hostile : changement de salle, tranchée philo versus lettres classiques, convocation à mettre à droite et non plus à gauche – on n’est plus chez soi. La preuve : avant de récapituler les consignes officielles, un micro qui ne mange pas tous les mots souhaite un bon anniversaire à un parfait inconnu. Et Aristote de venir troubler la fête.
Heureusement que les tortues sont protégées, parce qu’on a eu un moment quelques pulsions meurtrières envers la testudo philosophica. On revoit parfaitement sa petite tête avancée nous assurer que l’infini ne peut pas tomber - trop compliqué, pas un thème majeur- et l’unique copie double qui a expédié ledit thème. L’infini est tombé – comme un couperet. Comme le philosophe est sapiens, nous n’avons perdu la tête qu’au figuré. Deuxième douche froide de la journée ; du sens propre (avec une politesse haineuse envers la réception de l’hôtel et les grévistes de la sncf/ratp qui m’ont conduite à prendre une chambre dans le coin) ou du sens figuré, je ne sais pas ce que je préfère. Passé un rire vert tortue où l’on s’est dit que, même indigeste, la chaire de tortue serait bonne, on a réduit Aristote en chaire à pâté. Un plat unique, réalisé sans recette et relevé de tout ce qui nous tombait sous la main, un grain de Platon, une pincée de citations et quelques copeaux de temps, le tout remué à grand renfort de mouvement pendant que je cuisais au bain-marie. Aristote ne s’est pas seulement retourné dans sa tombe, on a dispersé ses vieux os aux quatre vents et il a du se sentir trahit jusqu’à ce que les normaliens du concours veulent nous faire croire de la substantifique moelle.
La sirène du premier jeudi du mois s’est déclenchée peu après neuf heures et passé le premier espoir la premières inquiétude de l’alerte à la bombe déclenchée à tous hasards par un optionnaire philo, une voix quelque part derrière moi s’est exclamée : « Non ! C’est déjà assez dur comme ça ! ». Rires d’approbations (oui, oui, cette catégorie n’est pas classifiée, mais c’est un grand tort, car je vous assure qu’on savait qu’il s’agissait de rires d’approbations). On a avancé à l’aveuglette – même pas à tâtons car il n’y avait pas grand-chose à tâter dans ce passage. Et croyez-moi que le sprint en pleine obscurité est assez éprouvant. Au bout de quatre heures, nous avons dérangé puis abandonné les lettres classiques de l’autre côté de la tranchée centrale. Nous n’avons reçu aucun Gaffiot – merci à Ovide pour avoir inspiré à ses traducteurs l’art d’aimer. Dehors. Sentiment d’irréalité. On a fini (par) l’infini.
Et maintenant ?
Un peu désemparé on se demande ce que l’on faisait avant de penser à réviser / réviser / penser qu’il faudrait réviser / penser qu’on aurait dû réviser (nuances des quatre dernières semaines). On va pouvoir faire des tas de choses : des tas de cours par matière sur le bureau, manger aux heures réglementaires, dormir, et rien. Extrêmement dur de faire rien. Ne rien faire, c’était notre rayon, mais faire rien demande soit une extrême maîtrise de soi (pour s’arracher à la drogue dissertative) soit de se mettre en boîte. Nous avons choisi de vérifier la seconde hypothèse : rééquilibrage des neurones grillés par un corps à plat – de nouilles.
V-Idées.
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29 avril 2008
Dé-corps-tic et caetera
Je suis toujours surprise en émergeant de mes révisions de découvrir que mon corps ne se limite pas aux joues malaxées comme de la pate à modeler (à force de se prendre la tête, dans les mains ou non) et à la mèche de cheveux que je graisse consciencieusement (quoiqu’inconsciemment) de la main gauche (ne vous coupez jamais les cheveux avant une période de révision – côtoyer Kant est déjà une épreuve en soi, mais incarcérée derrière des barreaux de cheveux, ça l’est par (devant) soi). Je redécouvre que la colonne vertébrale, tout comme ses homonymes corinthiens, doriques, ioniques etc. a pour vocation d’être verticale – et si possible, pas en l’état des temples grecs. J’ai le fronton en surchauffe : y’en a ras le palimpseste, on ne peut plus rien graver. La culpabilité s’est fait prendre à son propre jeu, je ne l’entends même plus couiner sous les débris de raisonnements philosophiques. Pas d’inquiétude cependant, elle a délégué une remplaçante redoutablement efficace, et l'angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. Ce serait sympathique de sa part de ne pas transformer mon crâne en devanture d’ambassade, et de ne pas perforer ma mémoire à coup de drapeaux revendicateurs, parce que je ne m’appelle pas Baudelaire, et que sans Mnémosyne, je suis perdue.
17:45 Publié dans Souris de laboratoire | Lien permanent | Commentaires (2)
28 avril 2008
Candide et les loisirs de masse
Je révise activement et sélectionne pour cela avec soin mes loisirs. Je lis Tintin au pays des Soviets, et mon père m'a passé un magazine de BD sur Mai 68 - je finirai peut-être par savoir orthographier le nom de David Cohn-Bendit. On voit également que la période est aux révisions quand l'animateur télé demande quelle ligne fait face à la ligne Maginot, "duo, carré ou cash", je bondis "cash : Siegfried !". Le doute existentiel face au trou noir "Attends, attends, le pacte de Bagdad, quelle année ? ... attends... créé pour faire pièce à l'OTAN... c'est en... 50, OTAN... Bagdad : 55 !! C'est mon dernier mot, Jean-Pierre (Richard seulement avec une minuscule)". Devant Le monde sans Johnny, quand Luchini comprend que Johnny n'est pas devenu Halliday par un détail, que l'enchainement des causes et des effets est parti en free style et que du coup, il n'y a pas de Johnny dans ce monde-ci, je hurle "Leibniz". Ma monade sans porte ni fenêtre ne voit que par son oeil de Judas. Cette traitresse d'harmonie pré-établie me conduit à ma perte : j'engraisse mes neurones et symétriquement, mon corps imite l'âme et réclame sa dose de Nutella, crème de marron, gâteau aux noix, coca et confiture du jardin en tous genres. J'ai inventé le concept de la disharmonie pré-établie. Mais comme Dieu ne permet le mal que pour obtenir le meilleur des mondes, je ne doute point que le sacrifice de mes cinquièmes positions trouvera sa suprême raison d'être, et je m'en remets à lui pour intégrer normale. Si tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes et que Leibniz s'avère n'être qu'un Pangloss, ce sera la faute à Voltaire.
12:28 Publié dans Souris de laboratoire | Lien permanent | Commentaires (5)