19 novembre 2006
C’est un nouveau roman, ce n’est pas une belle histoire
… c’est une écriture d’aujourd’hui. Génération zapping avant l’heure. Imaginez que vous êtes assis dans votre canapé avec deux amis ayant chacun une télécommande et des goûts très différents. Ils n’arrêtent pas de se battre, de changer continuellement de chaîne. Un grand plan de bataille de péplum dérive en un regard larmoyant d’un baiser bien mélo. Et au moment où les deux bouches allaient s’unir, vous vous faites agresser par un zoom sur le dard d’une espèce rarissime de scorpion qui habite dans le désert sous les touffes de cram-cram. Alors que vous commenciez à vous intéresser malgré vous aux vertus piquantes de ces boules sèches, vous entendez la question fort épineuse de qui veut gagner des millions. Vous n’aurez pas le dernier mot, Louis de Funès est déjà en train de vous seriner que Monseigneur, il est l’or, l’or de se réveiller. Et effectivement, sursaut musical de Simple plan dans la pub de Citroën. Ce n’est pourtant pas compliqué, le mobile du crime ne peut être que l’héritage. 25 cm la minute et 150 SMS offert pour le premier mois de souscription. Un mois, c’est la durée de gestation du scorpion. L’autre pleureuse du mélo est maintenant en train d’éplucher son horoscope – ascendant agaçante.
Très amusant à écrire. Moins à lire, surtout quand cela s’étale sur une vingtaine de pages. Les images se succèdent, s’impriment, se fondent les unes aux autres, et au final, vous avez passé la soirée dans un puzzle d’images dont on imagine les manques et que l’on colle tant bien que mal à la suite en un nouveau scénario. L’entremêlement des voix tisse un récit et noue l’intrigue, mais là, c’est étourdissant. Il me tourne la tête. Il est épuisant. Il faudrait des conjonctions de coordinations. Des conjonctions de subordination seraient les bienvenues. Il faudrait vraiment. Ce hachis en pages grammage 90g, 12 cm par 19 cm, sur 476 pages, c’est beaucoup. C’est amusant pourtant. C’est étourdissant. Assourdissant. S’il vous plaît, monsieur Claude Simon, ne voudriez-vous pas demander à Kant de vous prêter quelques mots de liaison ? Vous n’êtes pas liés tous deux ? C’est fâcheux. Tentez Hegel, alors. A lui non plus, ça ne lui fera pas de mal d’apprendre en retour à arrêter le fil de sa pensée de temps en temps. Sur ce, filons. A l’anglaise si cela vous chante. Et si cela vous enchante, tant mieux. Le désenchantement n’est jamais bien loin.
- Les Géorgiques, Claude Simon, éditions de minuit
- Pas de connaissance précise de la gestation du scorpion, ni de l’opérateur à contacter pour l’offre mobile. Et je sais encore moins si la mélo a réussi à ne pas pleurer à son mariage. Quant à Louis de Funès, pas d’inquiétude, sa cassette est toujours bien gardée.
- PS après quelques pages supplémentaires de lecture : en fait, on s'y fait. On se fait au fait d'être dans l'incertitude. Puis l'écriture est assez virtuose. Affaire à suivre.
21:20 Publié dans Souris de laboratoire, Souris de médiathèque | Lien permanent | Commentaires (7)
05 novembre 2006
Qui en pince pour Hegel ?
Lire Hegel, c’est comme manger du crabe.
Déjà, le menu annonce la couleur. Le repas ne se commande pas, il s’annone… Phéno mais non mais non magie ? La fée mène au logis de l’esprit… Il faut déjà être un habitué pour lâcher d’un air assuré La préface de la phénoménologie de l’esprit et deux couverts (c’est plus digeste). Et quand après mûre réflexion, l’on crie « Chaud devant ! », préparez-vous aux sueurs froides : vous allez déguster !
La couverture carapace la substantifique moelle de la Pensée. C’est dur, et ça sonne creux. Le plateau est posé devant soi ; instruments de torture de découpe disposés autour, et c’est parti. Il y a à boire et à manger. On passe des heures à déchiqueter, casser, concasser, marteler. J’arrache une pince, je la passe au casse-noix. Miracle ! Un bout de chair apparaît… un paragraphe entier lu sinon compris, et d’une traite encore. Tout de suite après, ça se complique : la chair est arrimée. Et toujours cette carapace de mots. Le problème, c’est qu’Hegel n’a pas habillé son idée avec des mots, il l’a taillée dans le roc du langage. C’est brut, c’est aride… aïe, je viens de m’écorcher sur un mot déterminité, y’a pas idée aussi (enfin si, y'en a trop). Le crabe pince ; et sa bordure est crantée, ciselée, affûtée. Travail laborieux. Il faut bien une petite pause, pour boire un peu et reposer ses tempes paumes endolories. Puis on s’y remet. Puis on continue. Au bout d’un moment, on s’aperçoit qu’on gratte alors qu’il n’y a plus rien… chair blanche contre intérieure de carapace… le sens des mots a coulé avec l’encre. Evaporé ! Pfft ! Il reste juste des petits signes noires cabalistiques. La carapace est épuisée, vous aussi. Certes le mets est raffiné, mais vous restez sur votre faim. Il y aura toujours le sel de l’addition…
La prochaine fois, vous prendrez un hamburger plein d’acides gras saturés, ça ira beaucoup plus vite. Vous le mâcherez négligemment en repoussant du dos de la main cette quatrième de couverture qui commence ainsi :"La longue et opaque préface de la phénoménologie de l’esprit n’est pas une décoction rétrospective destinée aux (non)-lecteurs pressés" , parce que justement, vous êtes pressés de vivre. Et enclins à rêver. Tellement opaque la préface, que cela réfléchit parfaitement vos pensées… vous ne soupçonniez pas la diversité de pensées que peut susciter Hegel…vraiment pas…^^
Bref, c’était une expérience, ne serait-ce que pour savoir ce que cela fait de ne RIEN comprendre. La prochaine fois, je lirai Hegel en allemand ; je ne comprendrai pas moins, mais j’améliorerai peut-être mon accent…
20:50 Publié dans Souris de laboratoire | Lien permanent | Commentaires (8)
21 octobre 2006
Broyer de l'Afrique noire
Cet article présente deux niveaux de lecture : la majeure partie s’adresse à tous les fous en mon genre et les [ ] délimitent des espaces temps de private joke spécial LS1. (Vous m’avez compris ?) [à moins que vous n’ayez fait le sacrifice de l’intellect].
Aujourd’hui, c’était l’aboutissement d’une semaine de marathon, à se dire qu’on n’aura jamais le temps de finir, juste celui de s’endormir en cours pour s’être couché à 12h30, à exploser de rire nerveux au CDI, à énerver tout le monde en tressaillant nerveusement, à se dire qu’on est tous des cinglés et se plaire à le savoir. Reprenons [vous attendiez le that non ?] . La semaine marquée d’une pierre blanche, d’une pierre tombale pour l’Afrique, de cet objet de toutes les craintes, les plaintes, les peurs, les énervements, les critiques, les sourires et coin, les remarques acerbes et/ou (mais plus souvent et) stylistiques. Un carré géographique. Mais rectangulaire comme tout bon ? livre qui se respecte. 255 pages instructives, à suivre à la lettre… à la fiche même. Beaucoup de sang a coulé, ça dégoulinait de stabilo partout, les séquelles vont être longues à se résorber. Parce que j’adore le mise en abîme abyme et l’étude de l’étude, voici pour vous la petite satire d’Afriques noires !
C’est fou le nombre de compétences qu’il faut avoir pour être géographe…
Etre géographe, c’est être… [oui je sais qu’après Pantagruel, vous en avez assez des listes… I don’t care the least] :
- géologue : « L’architecture du continent s’organise ainsi autour de môles précambriens aux surfaces d’aplanissement inégalement soulevées et déformées, et de cuvettes comblées par l’empilement de sédiments marins et continentaux. » Le premier qui trouve une définition convenable de « môle » dans le Larousse lève le doigt. Je sais, je sais, il faudrait que je fasse de l’œil à Robert pour qu’il accepte de venir vivre chez moi…
- physicien : « On ne parle plus aujourd’hui de sols « latéritiques », dont l’étymologie latine évoquait la brique, mais de sols « ferrallitiques », c’est-à-dire à forte concentration en fer et en alumine. » Personnellement, je n’en parle pas du tout… Tiens, mon ordi fait danser des petites vaguelettes rouges sous « ferrallitiques ».
- météorologue : « Les basses pressions qui règnent en général sur les régions proches de l’équateur ( l’équateur climatique africain se localise à quelque 5° au nord de l’équateur astronomique) favorisent les mécanismes thermodynamiques de formation des nuages dans des masses d’air chaudes, humides et instables. » Y’a pas que les nuages qui sont instables…
- puis présentateur météo : « En juillet le gris est souvent de mise à Kinshasa, tadis q’un ciel bleu lumineux règne sur Lubumbashi et que de fortes pluies s’abattent sur Kisangani. »
- pétri de culture latine : cf ci-dessus. Quelques mots : « terrae incognitae » (là, on félicite l’accord pluriel) ; « pax colonica ». Il y a de si beau balancements à faire… du rythme binaire digne du non solum… sed etiam. (qu’est-ce que c’est que cet ordi inculte qui me fait de la vaguelette rouge sous du latin ? un peu de respect, diantre !) : « la question démographique ne peut pas être éludée, lorsque le choix se pose crûment entre le préservatif et la kalachnikov. » On ne crachera pas non plus sur quelques petits rythmes ternaires : « désertification, déforestation, dégradation » (les caractères gras ne sont même pas de moi!)
- botaniste (et toujours sataniste latiniste), écoutez comme cela sonne bien : « l’acacia albida » ; « Raphia vinifera » ; « Raphia textilis » ; « sapelli » ; « Rhizophoras et avicennias »
- communiste : Je ne retrouve plus le passage (la prochaine fois, je prendrais un surligneur spécial passage croustillants) ; en gros c’était sur l’appropriation pas très orthodoxes des terres, là où Marx et Rousseau sont encore d’actualité. Sur les plantations agro-industrielles : « Partout règne un ordre sans sans fantaisie, une rationalité spatiale garante de productivité : mariage de la science et du capitalisme. » Appréciez le pointillisme des guillemets (je vais me recouvertir en écrivain de notes pour le Lagarde et Michard) : « L’intervention cubain en Angola aux côtés du pouvoir « marxiste » de Luanda ».
- capable d’écrire une sorte de morse croisé avec un langage binaire (encore!). Totalement compréhensible cependant : « agro-industriel » ; « zone soudano-sahélienne » (mon ordinateur n’est pas ouvert au voyage on dirait) ; « les franges sahelo-sahariennes » ; « l’Orient arabo-musulman » ; « auto-construction » (mon ordi n’est pas débrouillard) ; « micro-commerce » ; « la crête Congo-Nil » (sans boîte de Quality streets ?) ; « Congo-Océan » ; « Afro-Américains » ; « Equato-guinéens » ; « septentrio-centrisme » [je vous jure, p.76]
- spécialiste des acronymes acrobatiques. Vous l’ignoriez, on nous l’assure.
UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine
UDEAC Union Douanière et Economique d’Afrique Centrale
SONACOS Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal
La CFDT s’est reconvertie en Compagnie Française pour le Développement des Textiles
IRCC que sans le savoir, vous adorez et encouragez de tous vos vœux : Institut de recherche du café et du cacao
- aventurier mais pas téméraire : « Les franges du Sahara se signalent par des touffes épineuses de cram cram ; la pince à épiler fait partie du nécessaire des Touaregs : le soir, à l’étape, l’extraction des épines fichées dans les jambes et les pieds accompagne le moment de détente où coule le thé sucré. » Ca sent le vécu… et c’est mon passage préféré ! ^^
- bilingue : (Ici commence le domaine de l’italique). Well, you’ll have to be able to read such words [ Non, il n’y a pas planification] : townships, civics, squatters, Mother City, bush ( I am not talking politics), grassfields ( non, pas Garfied, ce n'est pas l'heure de la sieste), sustainability, frontier, native reserves, homelands, suburb ; attention ça se complique : Communal Area Management Programme for Indigenous Resources. Puis ça devient vraiment du Chinois la tour de Babel quand on commence à plonger dans les dialectes : Kätäma, wax, nganda, niaye, chicouangue, attiéké…
- fin gourmet : je vous renvoie p.81 entre autres. Et amateur de bière : un paragraphe entier y est consacré, vous saurez tout sur les sigles cinglants de brasserie.
- Poète : malheureusement je ne retrouve plus la magnifique envolée lyrique sur le le mont mythique du Kilimandjaro. Ca me peine beaucoup.
Toute plaisanterie mise à part, il n’était pas inintéressant de nous faire travailler sur l’Afrique noire parce que nos connaissances s’arrêtaient globalement au Sahara. Je ne fais pas le procès d’un livre, encore moins d’un auteur, juste d’une mise en fiche (qui a fini en surlignage) intensive. Et puis de ne pas avoir de manuel soi-disant objectif oblige à réfléchir un peu. Pas plus que de raison tout de même.
Bon, j’ai découvert que l’on était tombé sur mon blog en tapant « Exercice sur la focalisation » : dois-je m’inquiéter ? (Celui ayant tapé « géographie » devrait s’admettre satisfait maintenant).
[La prochaine fois je vous parlerai peut-être du Caïé-textus…]
15:09 Publié dans Souris de laboratoire | Lien permanent | Commentaires (7)
17 octobre 2006
Ephéméride non éphémere
Mon agenda a des allures de tonneau des Danaïdes.
[ Dire qu'on touche le fond et qu'il n'existe pas...]
[ Philosophie finie... je file au lit ]
22:49 Publié dans Souris de laboratoire | Lien permanent | Commentaires (2)