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15 avril 2007

(desert theatre street)

           Samedi matin. Depuis que le portable a égrainé le réveil, tout a été pris dans une spirale d’activité routinière. Quelque soit l’heure de la sonnerie, les dernières minutes sont toujours une course contre elles-mêmes. Le manteau : attrapé et enfilé dans la cavalcade silencieuse des escaliers. La porte du hall s’ouvre avec un décrochement sonore, le détecteur de mouvements a à peine intimé à la lumière de s’allumer que j’ai déjà la main sur la poignée dorée de la porte d’entrée. Quittant l’agitation, j’entre en coulisse. La porte s’est refermée sur la lumière, calfeutrant le bruit de son acolyte en verre. Je suis entrée dans le silence et m’avance à la dérobée. Mes pas ralentis sont furtifs parmi les façades cartonnées qui les guident. Le labyrinthe est limpide – désert même. La toile monochrome met en scène la solitude urbaine. Désert habité. Au coin de la rue le lampadaire marque la sortie de secours. Un bruit passe dans le rougeoiement de deux veilleuses, emportant d’hypothétiques acteurs, personnages esseulés d’un décor abandonné. Sous un projecteur blafard, la boîte aux lettres fait le pied de grue. La laissant à son solo, je continue en travelling. Vision chaotique d’une chaussure qui recule toujours devant l’autre – rembobinage de l’absurde. Déjà la monotonie est rythmée par l’écho du macadam. J’entends que les techniciens finissent de plier la toile de la nuit dans son carton, elle file au dépôt dans un crissement de rails. Quand mon pas s’est accéléré, le théâtre des gens s’est installé, mon œil public s’est glissé derrière le rideau. Quand je suis arrivée au bout de la rue, les coulisses s’étaient évanouies. 

 




14 avril 2007

Je me jette à l’eau (douce)

             Pas de grand secret à vous avouez, ni aucune tentation de concurrencer l’inconnue de la Seine. Je me suis simplement jetée dans l’étude ô combien passionnante de l’eau douce. Douce mais pas tendre ; me le rappelle la liste des ouvrages à étudier, réduite à son minimum il va sans dire. Quinze livres. Non mais, est-ce que j’ai une gueule d’assoiffée ? Décidant qu’il n’était plus temps de me noyer dans un verre d’eau en envisageant l’addition salée que représenterait une absence de sueur étudiante, je suis allée à la bibliothèque pour emprunter quelques-uns de ces ouvrages, et les lire, le cas échéant. Pas de cas de conscience à avoir dans le choix, il n’en reste plus que trois. Je me suis plongée dans la lecture de celui qui paraissait le moins effrayant. Un folio ne saurait être totalement mauvais. Titré d’un subtile jeu de mot comme je les aime : La ruée vers l’or, de Roger Cans. En collaboration avec le Monde ; ça fait tout de suite plus sérieux. Mais c’est surtout la promesse (tenue) d’une écriture journalistique, assez éloignée du jargon des géographes [ mais pourtant, la reproduction sociale et le périproductif, ça a tellement de charme ! De la poésie à l’état pure… et vous la reniez ? –Sans vergogne.] Même si les analyses sont truffées de hauteurs de barrage, diamètres da canalisation, kilomètres d’étendues, mètres cubes  d’eau, débit des fleuves et *mode Timon on* j’te raconte pas l’prix des travaux (en francs mais pour ce que ça gêne… les sommes versées à droite et à gauche ne représentent plus rien quand elles sont exprimées en milliards) … j’ai bien du mettre de l’eau dans mon vin et avouer que certains passages se boivent comme du petit lait (vous noterez la modalisation, je n’ai pas encore attrapé d’insolation).

Vivre d’amour et d’eau fraîche

                  ...va devenir de plus en plus sportif, et pas seulement à cause du prince charmant planqué dans ses comptes contes. Le ressource en eau est constante, mais le double effet de la pollution et du « boom démographique » complique l’équation. D’autant plus que l’on est victime des caprices du ciel : « L’ensemencement des nuages à l’iodure d’argent n’a jamais donné de résultats probants. Les danses et les prières non plus. » Je pourrais peut-être chanter, en revanche. Non ? Alors plus question de gasillage… in some times, you won’t say « to spill money like water » unless it is… for water.

Versailles ? Ca coule de source !

               Combien d’autre vous savent comment le Roi Soleil a fait en sorte que ses magnifiques rayons puissent se refléter dans le Grand Canal ? – Ne dites pas tous, ça pourrait me contrarier. Le roi a fait venir son architecte et lui a dit que, ma foi, la Seine n’était pas fort éloignée, et qu’il n’avait qu’à l’apporter. Car tel est mon bon plaisir. « Mansart, fin courtisan, lui répondit : « L’eau montera jusqu’au ciel s’il plaît à Votre Majesté. » » Toujours est-il que Mansart réussit à dégoter un Néerlandais dégourdi des méninges et qui lui a construit une immense machine à Marly, qui fournissait 5000 tonnes d’eau par jour et coûta la bagatelle de 8 millions de francs-or. Le pouvoir discrétionnaire a parfois du bon. Surtout pour aller bronzer à la pièce d’eau des Suisses.

Mimi cracra l’eau elle aime ça…

               L’eau, ce n’est pas seulement une molécule chimique, un enjeu géopolitique, une ressource sacrée. C’est aussi les stations d’épuration (mais si vous avez l’occasion d’en éviter la visite, vous ne vous en porterez pas plus mal, soit dit entre nous) ; les micro-organismes anaérobies qui sont injustement moins connus que Packman, alors qu’ils nous évitent le « péril fécal » (amis d’Afriques noires, bonsoir !) ou encore les égouts, sans lesquels Les misérables ne seraient pas tout à fait ce qu’ils sont. L’eau et ses dérives forment un grand mythe littéraire. Oui, bien sûr, il y a non solum Moby Dick, Le vieil homme et la mer, et ses 20 000 lieues en dessous… sed etiam La Fontaine qui n’a jamais si bien porté son nom : «  Car chacun a de bonnes raisons d’estimer que l’eau qui coule sur son territoire lui appartient, ou d’agir comme si. Alors que chacun sait, sans avoir lu la fable du Loup et l’agneau, que l’eau courante appartient à tout le monde. »
Pour le côté mimi. Pour le côté cracra, la politique lave son linge sale devant vous, c’est la « tentation de la corruption » comme dit très correctement R. Cans. Navigation en eaux troubles ; l’eau n’est pas toujours limpide : les versements non plus. Après on s’étonne de ses déboires. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin, elle se casse.

… tant pis si ça mouille, elle fait des patouilles !

              Et puisque la guerre de l’eau n’aura pas lieu (tout de suite), procédons à la bataille (corse ?) !

«  Cette menace d’inondation en cas d’orage ou de pluies exceptionnelles, et donc de pollution par le débordement des égouts, n’est pas une vaine phobie. […] Pour les enfants des rues de Phnom Penh, ces débordements sont une aubaine car cela permet de patauger à loisir et de capturer à la main les poissons-chats sortis des égouts. »

«  On comprend que l’inventeur américain du jeu de Monopoly ait mis les compagnies des eaux en bonne place sur la parcours du capitalisme triomphant. C’est un métier sûr, où l’on ne connaît jamais la faillite et où les revenus sont assurés. » Tout est rentré en réflexivité… faites vos jeux !

Méfiez-vous de l’eau qui dort

              « On ne fait pas la guerre pour l’eau, mais la goutte d’eau qui manque peut faire déborder le vase de l’indignation et déclencher les hostilités. » « un élément universel simplissime, composé d’une molécule d’oxygène et de deux molécules d’hydrogène, peut, par une étrange alchimie, se transformer en or. » Sublimes métaphores finales.

Et méfiez-vous de l’eau tout court, il y a un moment où la goutte d’eau fait déborder le vase. J’imagine que s’étant trop mouillé dans son travail, l’auteur a tout balancé par-dessus bord.  « A première vue, l’eau est une matière qui a tout pou décourager l’appât du gain. […] Elle ne suscite aucun effet euphorisant, à la différence de l’alcool ou de la cocaïne. » Relié à quelques remarques sur la bière, on pourrait se demander si l’auteur ne pourrait pas se lier d’amitié avec le spécialiste d’Afrique noire – et de ses débits de boisson.

 
           Je ferme le robinet des pleurs, finalement, ce n’était pas la mer à boire. Seulement dommage que je ne sois pas un végétal chlorophyllien, parce qu’avec tout ce que j’ai absorbé comme eau sous le soleil torride du mois de mai, je serai devenue une belle plante. Quant à savoir si cette eau douce est bénite, rdv après le concours blanc.

 

 

12 avril 2007

Aurélien Aragon

 
 
En ouvrant sur le mystère de cette fenêtre, j'ai retrouvé le goût de la lecture - le plaisir de tourner et pages et non plus des pages tournées. 
 
..."Les fenêtres" de Baudelaire...
... the prince of Aragon in The Merchant of Venice...
... rêverie onomastique...
... j'aime bien la lettre A (pure narcissisme direz-vous), et les prénoms en -ien...
... pas alien non plus... 

Arte s'encanaille

          
        Arte, la plus culturelle de nos chaînes, comme il convient de l’appeler,  a du exploser son record d’audimat avant-hier soir avec les Liaisons dangereuses !... et John Malkovich. Cette adaptation est aussi géniale que le livre, ce qui n’est pas peu dire. La cinquième est sortie de son rôle d’écolier sage pour s’offrir un pupitre un peu plus libertin. 

Preuve s’il en est qu’Arte ne diffuse pas que :
-         des reportages sur les horreurs de la guerre en bilingue français-deutsch. On a d’ailleurs pu constater que le bilinguisme d’Arte n’est efficace que dans ces deux langues : le franglais des Liaisons dangereuses était inaudible tant que l’on n’avait pas bidouillé tous les boutons de la télécommande. Et quant à enregistrer le film, il ne faudrait pas non plus trop en demander.
-         Les secrets du désert arctique. Et d’abord, mon frigo en fait très bien le vent des steppes d’Asie centrale.
-         Les animaux de la savane. Le roi lion non inclut, nous sommes sur une chaîne culturelle.

 Arte, c’est aussi merveilleux pour :
-         les ballets, la seule chaîne à les diffuser. Et quand on a Lucia Laccarra en gros plan, je vous prie de croire qu’on peut bien souffrir que le rôle des femmes peules dans le nord Cameroun soit inscrit au programme. [private joke LS1, puisque c’est un des passe-temps de notre professeur d’histoire.]
-         un reportage sur la restauration des statues du château de Versailles, trouvé au hasard de la zappette, un soir de grande solitude, à manger un bol de céréales devant la télé. Enchaîné avec un reportage sur un groupe de musicien qui remontaient un opéra de Marc Antoine Charpentier. Je ne suis pourtant pas fan de ce genre de musique baroque, mais en se laissant emporter, c’est tout de même assez beau… En fait le côté crispant des petites notes que semble tirer un archet de vos nerfs disparaît quand on plonge dans la musique, et que l’on ne se tient pas au bord de l’oreille, à se faire éclabousser par le clapotis de l’eau.

      En fait, je crois que le plus grand problème de la chaîne, ce sont les voix off qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom que sur la 5 : on les dirait à l’agonie. Ou alors c’est l’émotion face à l’étendue du désert. Ou la sensualité du trait de telle peinture, filmée en travelling – enfin, on travel surtout en esprit, puisque le ralenti est devenu le rythme normal. Ce doit être la patience du concept - aussi long que de séduire la Présidente de Tourvel, en fin de compte.

 
 
Ce n'est pas leur faute.