15 février 2015
Grande messe un peu morte
Au premier balcon de la Philharmonie, je retrouve l'esprit des images de synthèse diffusées pour communiquer sur le lieu, sans l'impression de gigantisme qu'elles donnaient (si ça se trouve, c'est comme Bastille, qui paraît immense vue de la scène et d'une taille plus raisonnable depuis la salle). Avec le plafond du second balcon au-dessus de nous et les volumes vides qui contournent le renfoncement du balcon blanc sur le côté, on se croirait à l'intérieur d'une contrebasse. Du coup, je comprends mieux le choix des couleurs, que je persiste à trouver un peu tristounettes : les bois des instruments ont quelque chose de plus chaleureux ; il n'y a qu'à voir celui de certains violoncelles, qui tire sur le rouge.
Le jaune tristounet déteint un peu sur la Grande Messe des morts de Berlioz, alors même qu'un choeur immense emplit l'arrière-scène et que l'Orchestre du Capitole Toulouse est dirigé par un Tugan Sokhiev qui dépote. Contrairement aux solistes de la veille, le choeur s'entend, mais il ne touche pas ; on ne sent pas le grain des voix, ce grain qui d'habitude suffit seul à me mettre en transe. Plus réjouissant sont les cuivres disposés aux quatre coins de la salle (de chaque côté de l'arrière-scène et du premier balcon, où je me trouve heureusement), qui croisent le son comme on croiserait le sabre laser. J'hallucine des diagonales de Willis dans le volume vide au-dessus de l'orchestre.
Parmi les plus beaux moments, il y a cette espèce d'effroi blanc, moment où l'horreur se dit dans un murmure du stupéfaction. Passé l'effet saisissant, je remarque que c'est une construction récurrente : comme pour un sauvetage en mer, les femmes d'abord, les hommes ensuite – de la stupeur au tremblement. Sauf qu'on ne tremble pas. Ou, si vous préférez, selon l'expression palpatinienne consacrée, le frissonomètre ne décolle pas. Tout se passe comme si, pour clarifier le son, on l'avait épuré de tout ce qui le rendait vibrant. Aussi étincelante soit-elle, à l'image de ses cuivres formidables, la messe est aussi morte que ceux qu'elle célèbre.
23:09 Publié dans Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, concert, berlioz, philharmonie
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