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24 juillet 2008

Psycho khâgneuse is back

      L'ennui guette. Pour détourner l'attention de ce redoutable espion, je me livre à toutes sortes d'activités allant de l'écoquillage d'escargot à la lecture d'un ouvrage de philosophie.  Je vous réserve mes découvertes d'héliciculture pour une autre fois et passe directement Du monde clos à l'univers infini de la bibliographie philosophique estivale. Je ne compte pas vous faire un exposé sur le bouquin lui-même, vous êtes tout de même en vacances (ou pire en vacances studieuses ou laborieuses) et j'en serais de toute façon incapable - Vade retro, satanée fiche. En fait, je me disais juste que ce que j'adore, c'est la mauvaise foi des philosophes. Toujours à s'envoyer des piques et à pianailler sur le vocabulaire pour ne pas admettre que la thèse de leur adversaire est plus juste. Alexandre Koyré, sans vraiment faire exception à la règle en est néanmoins conscient, et c'est doublement délicieux pour le lecteur qui, en plus des formulations dudit Koyré, a droit à quelques formulations malheureuses heureusement soulignées (des auteurs qu'il cite). Du coup, outre les traditionnels encadrés, soulignés, traits dans la marge et autres vaguelettes un peu lassées, il prolifère des petits ^^ amusés. Quelques extraits pour le fun (il y en a d'autres, mais 1° je ne les retrouve pas 2° je suis loin d'avoir fini le livre):

"Giordano Bruno, j'ai le regret de le dire, n'est pas un très bon philosophe."

A propos de Gassendi : "c'est un esprit assez timoré"

A More, Descartes répond "sur un ton étonnament moderé et courtois".

Mon préféré, c'est tout de même la prise de position (qui est en fait une belle esquive) de Descartes sur un problème épique de l'époque relatif à la finitude ou l'infinité du monde, à savoir ce qui se passerait si une épée traversait la paroi du bout de l'univers (presque aussi tordu que l'histoire du cube d'Aristote dans le vide). En gros Descartes répond que cette supposition est idiote parce que cela revient à considérer le "vide" comme un espace et à plaider pour l'infinité. Commentaire de Koyré : "Il est rare qu'un philosophe réussise à en persuader un autre : inutile de dire que More ne fut pas convaincu."
Je me suis prise à rire (pas à sourire, non, à rire) à celui-ci. Et je me suis dit que finir par se marrer pour de tels trucs, assise dans une chaise longue, c'était a little bit flipping. Psycho khâgneuse is back !

Back², même :
 *interruption des programmes due à un pote de mon frère qui ne peut plus faire redémarrer sa mob et, ayant la chance inouïe d'avoir le permis, je suis bonne pour le ramener at home*
*ayant la chance inouïe d'avoir un papa qui a oublié de m'assurer pour la conduite de sa voiture, l'interruption aura été de courte durée*

20 juillet 2008

La Jeune Fille à la perle

        Celle de Vermeer, évidemment. Celle du film, comme une évidence. L'évidence du mystère. Le film nous présente en effet une genèse du tableau, mais une genèse imaginée à parti du tableau lui-même, si bien qu’il est moins une explicitation du tableau que la mise en scène de son mystère.
 

 

            Jamais l’histoire ne tombe dans la minutie fastidieuse d’une reconstitution historique, ni dans le cliché romanesque. Griet, entrée comme bonne au service de la famille Vermeer est bientôt remarquée par le peintre pour la sensibilité qui perce sous son effacement presque mutique. Il y a la vieille bonne qui la rabroue un peu mais discute avec elle et la met peu à peu au courant des affaires de la maison ; la maîtresse de maison un peu sèche et sa sale gosse, mais aussi le peintre qui la prend sous son grenier d’atelier sinon sous sa protection ; le mécène pervers qui souhaiterait être peint avec Griet pour lui en faire voir de toutes les couleurs, mais aussi Vermeer qui s’y oppose, sans pour autant que ce maître d’œuvre soit maître en toute choses. Il n’est pas vraiment libre de faire ce qu’il veut, ligoté qu’il est par les commandes que lui passe son mécène et qui doivent lui permettre de faire vivre sa famille.

            Dans cette palette en demi-teintes, une étrange relation se tisse entre Vermeer et Griet. Le premier devine par instinct l’intelligence et la sensibilité de a seconde qui, émerveillée, demeure en admiration devant les tableaux. Pourtant la confiance tacite qui s’instaure (Griet se place sous sa protection, Vermeer lui confie le soin de la préparation des couleurs, tout aussi précieuses que difficiles à obtenir) n’est pas entièrement dépourvue de défiance. Pas de méfiance que le qui-vive. Une défiance latente qui fait parfois sursauter Griet lorsque le sensible glisse vers le sensuel. Lorsque Vermeer applique ses mains sur les siennes afin de leur imprimer le mouvement juste pour broyer le pigment. Lorsque appliquées tous deux, côte à côte, à la préparation des couleurs, Vermeer suspend son mélange et le gros plan de la caméra sur sa main fait ressentir l’absence d’un mouvement qui aurait pu se produire – tressaillement désireux de couvrir la main figée de Griet.

Vermeer a bien des gestes tendres et sensuels pour celle qu’il choisit secrètement pour modèle, se met dans une rage folle (mais froide) lorsqu’elle est accusée à tort d’avoir dérobé un peigne en corne, et lui fait don à la fin des perles qu’elle a portées pour poser, mais jamais le désir n’est entièrement contenu dans le registre physique. Il y a pour cela les taquineries de la vieille bonne sur les rêveries de Griet qu’elle suppute orientées vers le jeune boucher, amoureux puis bientôt amant de la petite bonne. Il y a pour cela le mécène lubrique. Il y a pour cela les pleurs de sa femme jalouse qui ne peut pas comprendre et que Vermeer doit néanmoins accepter. Il y a pour cela d’ingénieux contrepoints. Le désir (longing)  qui baigne Griet et Vermeer est aussi dense et nuancé que la lumière de ses tableaux – aussi délicat et réel. Le désir de l’art, peut-être.

 

 Tout le film est là pour nous y rendre sensible. A travers sa propre mises en scène, ses éclairages étudiés, son cadrage, son montage. A travers également des indices égrainés comme les cailloux du petit poucet. On ne cherche pas en effet à entrer par effraction dans l’esprit du peintre (et tout juste l’ose-t-on dans son atelier) : celui-là est toujours en retrait, comme pour signaler que l’on a affaire au personnage social et que l’artiste doit être cherché autre part, dans ses tableaux. On nous fait bien plus entrer dans le monde de Vermeer, suivant le point de vue émerveillé de Griet. Le spectateur ré-apprend l’étonnement et la surprise devant des toiles qui ont finit par s’incruster aux décors publicitaires. Comme Griet, on découvre sans jamais apprendre la couleur des nuages (blanc ? du jaune, du bleu et du gris), l’élaboration d’un tableau (par aplats successifs de couleurs, comme des calques sous Photoshop), la matière des couleur (le préciosité du bleu en lapis-lazuli), la composition et l’importance que peut prendre une chaise ou le reflet essentiel qu’introduit une perle dans le coup d’un portrait.

           

        La perle : cet élément indispensable dans la composition du maître l’est tout autant dans celle de l’intrigue. Entre l’esthétique et le social, elle réunit dans sa boucle le portrait et le bijou (appartenant à la femme du peintre, qui ne doit rien savoir de cet emprunt) et murmure à l’oreille du spectateur des vagues inaudibles mais cependant assez nombreuses pour composer peu à peu l’arrière-plan de tout une époque. Et au-delà de leur dédoublement réel-représenté dans le moment de la peinture, ces perles sont également, lorsque, renvoyée, Griet les reçoit néanmoins en souvenir, le trait de (dés)union entre la simple bonne qu’elle demeure et l’univers bourgeois qu’elle a côtoyé, à qui semblait réservé le privilège de la peinture, lors même que d’autres auraient été plus à même de l’apprécier comme œuvre d’art.
            La perle, enfin, nous sort de cette merveilleuse fiction en redevenant une note distante mais aiguë dans le tableau de Vermeer que nous pouvons contempler aujourd’hui au Rijskmuseum (transcription phonétique des plus approximatives). Ouvert sur un titre de légende, le film se referme sur le tableau puisque, si stimulante soit-elle pour l’imagination, l’œuvre est indépassable. Laissant l’histoire derrière lui, prête à être oubliée, le spectateur peut alors entrer dans l’univers d’un artiste. 

 

16 juillet 2008

Figuration narrative

               En cherchant des reproductions de tableaux pour dire quelques mots sur cette exposition, je suis tombée sur tout un tas d’articles qui rabâchent les mêmes étiquettes incertaines. Cousin européen du pop art, mais non pas tourné vers la glorification de la société de consommation, une volonté de raconter quelque chose en réaction à l’art si abstrait qu’il en est devenu conceptuel, un non-mouvement méconnu exposé à bouts de bras et dont on ne sait pas très bien quoi faire. Balancez, balancez, cela évite de regarder.

  La première salle m’a fait quelque frayeur, parce que quasiment aucun des tableaux ne me parlait (Jeanne d’Arc laisse le soin aux agrégatifs de philosophie de se demander si les images nous parlent).  A part un, dont je n’ai évidemment pas retenu le nom de l’artiste, et qui était une impression de corps à même la toile – une sorte de présence radiographiée.

             Mais l’intérêt est allé crescendo (soit que cela soit voulu par les commissaires d’exposition, soit que j’aie mis un peu de temps à prendre le rythme – ralentir après les derniers jours chaotiques). La scénographie était plutôt pas mal faite du tout, avec les petits pictogrammes autour du panneau principal à l’entrée de chaque salle. Le Grand Palais pour une fois nous a épargné les murs oranges assez peu flatteurs pour les tableaux (et pourtant, je n’ai pas l’habitude de mégoter sur cette couleur). Il ne leur reste plus qu’à comprendre que n’ayant pas organisé l’exposition nous-même, nous ne connaissons pas les textes par cœur, et qu’il serait par conséquent judicieux que la taille de la police dépasse le 18. Le zoom avant, zoom arrière, cela allait bien parce qu’il n’y avait quasiment personne. Séquence récrimination terminée. Suite de la visite.

            Les détournements de toiles célèbres m’ont beaucoup amusée. Je n’ai pu retrouver qu’une toile d’Arroyo, Le Premier Consul franchissant les Alpes au col du Grand-Saint-Bernard, où Napoléon a (in)visiblement perdu la tête, noyé dans l’apparat de sa cape rouge et où l’espèce d’hippogriffe mi-saint-bernard mi-cheval a fait perdre quelque peu de panache à ce dernier.

 

Arroyo

 

Dénonciation du franquisme, s’empresse-t-on d’ajouter. Plus explicite, il y a cette toile-ci,

amusant inventaire d’une assez horrible réalité. Superbe illustration de nos polys d’histoire regorgeant d’ « homme à la moustache ».

    Toujours dans la série des détournements, il y avait la métamorphose d’une laitue dans lequel apparaissait progressivement un visage, un couteau en guise de pinceau en bas de la toile. Voyons, Arcimboldo, ne nous racontez pas de salade !

 

            La dernière salle du rez-de-chaussée est occupée par tout une série qui met en scène le meurtre de Duchamp et marque la réinstallation de son urinoir en bonne et due place (4). Certains ne se sentent plus (pisser), c’est la mort de l’art conceptuel blabla. Je suis peut-être un peu simplette, mais j’aime bien juste regarder, me faire avoir par l’irréalité (2) qui se dégage de cette représentation si « réelle », un peu effrayante (et l’ombre sur le mur glaçant - 7). 

 

            Mais, témoin d’un meurtre, on cherche à vous supprimer. Une roue gigantesque, suspendue à l’entresol, s’apprête à dévaler les escaliers pour vous écrabouiller comme un toon débutant. Je pensais que c’était fait exprès. Je suis naïve, vous disais-je. Que nenni. Tant pis, on se raconte les films qu’on veut – c’est le droit le plus strict du spectateur et sa roue de secours. En haut de l’escalier, nous revoilà sur les rails, ou plutôt sur la route. Je mets un peu de temps à distinguer ce qui est projeté sur le mur. La ligne continue déroule pendant un quart d’heure les lignes de « marquages au sol » (une pensée émue pour tous les amoureux du code) filmées à vive allure. Ligne blanche qui avance franchement, carrefours complexes qui dérivent à l’écran, ligne blanche un peu fantomatique qui ralentit en pointillés (restez à votre place, spectateurs, ne doublez pas, un peu de patience), ligne jaune, blanche, ligne jaune encore qui glisse sur le côté pour laisser apparaître le sillon noir qui sépare les voies – on croirait voir un vieux disque noir faire tourner ses sillons. La bande-son est particulièrement adaptée, les percussions scandent le défilement du macadam, ma-ca-dam, ma-ca-dam-ma-ca-dam-ma… Idée bizarre ainsi décrite, mais au final, une belle hypnose graphique.
 

            Après avoir fait route, on arrive dans le « politisé » et, tout de suite, on sent la critique plus à son aise. Mai 68, c’est son rayon – particulièrement dévalisé en cette année de consommation commémoration. Rouge sang, rouge communiste, voire les deux à la fois. C’est une belle couverture le rouge. Celle qui borde Marx, Freud et Mao est plutôt amusante : tous dans le même lit, tous dans la même galère. Sur des ruines Tétris (si, si regardez à droite, c’est typiquement une forme de Tétris).

Marx, Freud, Mao


    Je préfère les rouges de Fromanger. Toute une série de tableaux a priori monochromes sur lesquels les gens sont réduits à des formes rouges. J’en ai retrouvé deux dont Tout doit disparaître et sa velleité de table rase soldée. Pouvoir de la masse mais aussi dissolution de l’individu dans la masse, comme l’indique le commenataire miniature – sans être pour autant une idée capillotractée. On peut voir que le policier se fond dans le décor ; le rouge est contre lui.

Tout doit disparaitre


           
    Tant de rouge… J’allais oublier Monory, dont les toiles bleues sont parfaitement glaçantes. Couvertes de glace aussi, comme dans deux tableaux de meurtre où le miroir est criblé de traces de balles qui vous passent au travers du corps (je suis évidemment la seule idiote à m’amuser à trouver une position cambrée pour éviter les balles)– de toute façon, avec les miroirs coupés, vous finissez décapité voire tronçonné au niveau du bassin. C’est chouette ce macabre sans sang.

Velvet Jungle n13
   

   
    Monochrome bleu également pour la Velvet Jungle. Les fines lignes qui cataloguent les différents protagonistes les font apparaître comme des cibles – un doigt qui se promène sur la droite n’a plus qu’à appuyer sur un bouton pour éliminer les différents numéros. Pas que du bleu – aussi une toile où le bleu se noie dans un coucher de soleil, un paysage allongé que viennent barrer en diagonale des lampadaires tous retournés. Un sujet retourné par la photo souvenir d’un visage, sur la droite ? Si quelqu’un réussit à mettre la main dessus… je n’arrive pas à retrouver ne serait-ce que le titre de ce tableau.  

            J’ai passé sur plein de choses (en même temps, je n’ai pas vocation à remplacer un catalogue d’exposition). Juste pour garder une petite trace. Ca m’a fait du bien cette expo, ça faisait longtemps. Réapprendre à regarder sans chercher à retenir ou décortiquer (une praxis ? oui, oui, Aristote, si ça peut te faire plaisir), un rythme de contemplation, c’est reposant sauf pour le dos.

14 juillet 2008

C'est la fin des haricots mais pas seulement

Abandon des neurones pour l’estomac

    Tout cela s’est conclu par un dîner chez la prof d’espagnol où l’on a bien ri et délicieusement mangé. Où j’ai taché ma robe, reçu un nouveau livre de mon professeur d’anglais, fait face aux assauts philosophiques de notre professeurs qui a tellement enfoncé le couteau dans la plaie qu’il a obtenu une magnifique charpie tout ce qu’il y a de plus épique (et donc hyperbolique), mangé des tapas, offert des macarons qui avaient été aussi secoués que moi toute la journée durant, vanné ma prof de français, écouté les déboires de la prof d’espagnol, fait la bise à mon professeur de philosophie, constaté que je n’étais pas la seule boulette à ne pas réussir à faire la bise à quelqu’un qui a aussi des lunettes, fini les plats et fignolé les dossiers de ma future fonction de maître chanteur.

Séquence émotion

    Oui, la même qu’aux oscars quand une fois la statuette en main, on dit merci à tant de monde qu’on aurait plus vite fait d’énumérer ceux que l’on ne remercie pas. Sauf que je n’ai pas la statuette, mais elle n’est qu’un prétexte, là ne réside pas l’essence de la séquence émotion. Vous êtes prêts ? Merci à tous ceux qui m’ont supportée (que cela soit au sens anglais ou français du terme, mais malheureusement pour vous et heureusement pour moi, vous êtes souvent bilingues) : famille, professeurs (qui je l’espère bien ne tomberont jamais ici), le jury (seulement si l’on peut penser qu’ils risqueraient d’avoir l’idée sotte et grenue d’atterrir dans mes pâquerettes), correspondants msn et amis. Parce qu’on a beau dire qu’on reconnaît ses amis dans le malheur, je trouve que c’est plutôt lorsque l’on trouve quelqu’un pour partager sa joyeuse hystérie. Il n’y a vraiment que des amis (mes amis même, je dirais en tout égoïsme) qui, si envie il y a, réussissent à ce qu’elle ne dégénère pas en jalousie, et sont contents avec vous et pas seulement pour vous selon la formule toute faite, à consommer sur place et certainement pas à emporter. J’ai peur de me faire virer chez Skyblog, alors, même si je n’ai pas de chat et que je n’écris pas de toutes les couleurs, je vais tout de même m’arrêter là. Au risque de paraître ingrate. ^^

Et maintenant, je vais m'appliquer de toutes mes forces à ne rien faire. Parce que l'année prochaine commence dans un mois et demi.