14 juillet 2008
And the looser is…
Je me réveillais tous les matins, entre 5 et 7h avec ce charmant rythme binaire en tête : « Et si j’intègre ? et si je n’intègre pas ? , qui devenait bientôt un rythme quaternaire « Et si j’intègre et la Vates pas ? et si je n’intègre pas et le Vates, si ? » pour ensuite atteindre un rythme non classifié « Et si on khûbe tous les deux, est-ce que Melendili khûbe avec nous ? Et si je khûbe et le Vates pas, est-ce que Melendili khûbe aussi ? Et si je khûbe toute seule, est-ce que je khûbe vraiment ? Et si… ». Heureusement, le soir, je tombais comme une masse et m’endomrais aussi sec. Un rêve idiot : le Vates intègre, moi pas, je pleure comme une madeleine en pleurnichant « non, mais je suis contente pour toi, ça en se voit pas, mais si, hein, je suis contente pour toi ». A côté, les feux de l’amour n’est jamais mélodramatique. Un autre rêve idiot, mais pas le mien, cette fois-ci : « L’autofiction est-elle républicaine ? » à traiter en philosophie. Pourquoi pas.
Un niveau d’angoisse jamais atteint, et c’est psycho khâgneuse qui vous parle. Normalement, en concours de danse, je mangeais comme un ogre le matin, le coup de dent rageur dans le Nutella a du bon. Et là, l’envie de vomir à l’idée d’un vrai repas équilibré (remarquez, j’avais peut-être bu un peu trop de chocolat chaud).
Alors les résultats…
On a parcouru cette pauvre liste de deux pages en quelques secondes, puis relu plus lentement pour vérifier qu’il n’y avait aucun de nos deux noms. La première chose qui m’est venue à l’esprit et conséquemment à la bouche, c’est « ah non, il va falloir khûber ». La déception. Parce que même si c’est déjà une chance inouïe d’être admissible en khârré, même si c’est extrêmement rare d’intégrer en khârré, même si la formation ce n’est pas hypokhâgne, khâgne, mais hypokhâgne, khâgne, khâgne, même si l’essentiel ce sont les progrès intellectuels qu’on a pu faire pendant l’année, même si je me souvenais du « admissible, peut-être, admise, non » de mon professeur de philosophie, on est quand même déçu. C’est idiot mais on commençait à y croire. Là, on n’y croit plus et on n’en croit pas non plus nos yeux quand on a enfin accès à nos notes (d’oral mais aussi d’écrit). « Je ne pensais pas que ce serait autant… enfin autant... dans ce sens-là ». J’adore mes professeurs. Mais c’était tellement bas que ça en devenait presque comique. Je veux dire, ce n’est pas tous les jours qu’on fait le grand écart entre 2 et 12. Une expérience… 2, je n’avais jamais eu ça autre part qu’en thème latin en HK. Ca m’amuse beaucoup plus que le 6,5 en commentaire anglais. Même si sur le coup, je n’avais pas du tout l’air de m’amuser. Et que je n’avais pas comme le Vates un 18 en écrit de français auquel me raccrocher (avouez que c’est tout de même la classe internationale – j’attends avec impatience le rapport pour le voir dedans).
Il m’a fallu une certaine concentration pour essayer de garder une tête à peu près convenable, puis pour retrouver une tête convenable avant la confession. J’aimerais d’ailleurs savoir qui est censé se confesser : le candidat ou le correcteur ? Moments instructifs, tant au point de vue des exigences (il faut lire du latin couramment -là j’ai eu envie de rire de bon cœur, mais je me suis retenue) que des admissibles non admis des grandes prépas. Je ne sais pas si la majorité est comme cela (et la khârré d’HIV une exception) ou si c’est juste l’amertume qui les rend ainsi, mais certaines étaient tout simplement imbuvables : « non, mais je ne comprends pas, machine a eu 19, j’ai seulement eu 15, alors que d’habitude, j’ai toujours la plus haute note. » La montagne dorée, mes amis, c’est du plaqué or qui s’effrite rapidement. Je ne sais pas comment certains recalés trouvaient encore le moyen de se vanter quand, même quand on sait raisonnablement que etc., le sentiment qui domine est quand même celui de l’échec. Une bonne claque dans la gueule qui devrait leur rendre un peu d’humilité. Eh bien non, ils sont déjà en croisade pour l’année prochaine. S’ils pouvaient décourager quelques khûbes potentiels, ce ne serait pas de refus. De quoi vous redonner envie de khûber, et dans votre khâgne de semi-province. Même si sur le moment, énervée, épuisée
– vidée-
j’ai sérieusement songé à aller en fac. Ecrit et oral, au final, cela fait deux concours qui vous achèvent gentiment. Ce n’est pas tant d’être collé que la perpective des efforts à fournir qui est déprimant. Se méfier de l’envie d’avoir plus le concours que l’école proprement dite.
Quoiqu’il en soit, j’ai le regret de vous annoncer que vous aurez encore à supporter mes geignements pendant un an. Préférez ne pas imaginer ce qu’il se passerait si jamais je n’étais pas de nouveau admissible. Non plus lamentations² mais lamentations³.
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Des chevaux, des profs et du chocolat chaud
L’avantage de notre prépa, c’est qu’elle est à cheval (et pas seulement géographiquement) sur les prépas parisiennes et celles de province. Dans les premières, les professeurs se fichent éperdument du qui intégrera, puisque si ce n’est pas untel, ce sera untelle, sa voisine de classe, et l’honneur des statistiques sera sauf. Dans les khâgnes de province, les professeurs peuvent difficilement accompagner leurs poulains, parce que ça ferait cher en stalle. « Tu n’as pas l’impression d’être une pouliche sur qui les professeurs misent ? » me demande le Vates. Peut-être, mais vise un peu le fourrage, canasson.
On a été chouchoutés, indeed. Coachés par sms, par mail, de vive voix, à 8h du matin, au déjeuner, au goûter, et à d’autres repas qu’on a inventés exprès pour l’occasion. On a passé la semaine avec notre professeur de français et celle d’espagnol du Vates, rejoints un peu plus tard par celui d’anglais. On a fait le tour de toutes les boulangeries du quartier et décerné des prix d’originalité : petit pain aux figues, petit pain à la framboise et au chocolat, croissant à la cannelle, chausson aux pommes sans pommes mais avec des figues, et un sans titre mais avec des épinards, du raisin, des pignons de pain et du sucre. On a fait la typologie de tous les chocolats chauds possibles et imaginables – mais où ranger celui de Dalloyau, si chocolat fondu qu’ils ont presque oublié d’y mettre du lait ?
Invités à chaque fois. Notre professeur de français doit économiser chaque année pour cette cagnotte concours. Peut-être a-t-on profité du budget des années entières moins chanceuses en admissibles ? Non. De la générosité. Des livres offerts, dont Moderato Cantabile, son saumon et son canard à l’orange. Et les appariteurs qui n’en revenaient pas. Encore là pour soutenir vos élèves ? Fierté réciproque. Complicité avec la Bacchante (professeur de français) comme avec une grand-mère que ne comprendraient pas les parents de ses petits-enfants (les autres professeurs). Vannage en chassé-croisé auquel elle fait semblait de nous ficher des coups de canne puis sur l’air de *vous ne perdez rien pour attendre*, se rappelle qu’il ne fallait pas « casser le matériel de travail ». Lequel matériel va devoir encore durer un an.
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La vie d'admissible : instantanés dans les couloirs
Les chaises étiquettées par matière. Et des candidats qui attendent dessus, l’épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Une candidate auréolée d’ « histoire » tâche de reprendre le contrôle de sa respiration.
Les appariteurs vont et viennent, arpentent les couloirs, flanqués d’un candidats, proposent du jus de fruits et des gâteaux secs.
La salle de préparation où on étouffe. Les piles de brouillon de toutes les couleurs servent d’éventail. Le surveillant est très IIIème République. Il veille à la mauvaise graine – sachez que le Littré n’est pas un dictionnaire de français.
La kharré d’Henri IV toujours adorable et toujours en robe noire à points blancs. Simple et classe. Tenues de concours à dominante blanche et noire. Des pingouins et des tigresses. Un chignon spendide car cheveux crêpés. Le Vates avec une chemise rentrée dans le pantalon. Des aspirantes versaillaises. Un jeune homme qui est en alarme car son amie à qui il a prêté sa montre ne revient plus. Mais la montre à gousset en argent sera ponctuelle. Je vérifie à tout instant ma swatch. A la fin de la semaine je suis en overdose de chemise et pantalon. Sans parler du chignon banane qui vire chaque jour un peu plus au banana split fondu.
La cour aux Ernest et ses rebords où s’asseoir. Où chanter tout Vincent Delerm pour faire passer une petite crise d’angoisse. Où faire semblant de réviser ses fiches. D’où voir tous les normaliens qui s’attardent ici parce qu’ils passent l’agrég.
Les toilettes comme partout ailleurs taguées, mais ici à la sauce rabelaisiennes. Le chef vous conseille les propos torcheculatifs.
Les appariteurs adorables. Naïfs aussi : « Vous venez d’Henri IV ou de Louis le Grand ? ». Je prendrai le joker.
Des gens bizarres. Babibel, montre à gousset, mais aussi un bikha (il semblerait que ce soit lui) détendu quelques secondes avant de passer en histoire sur un sujet qu’il a évidemment déjà préparé : « Je te souhaite d’intégrer en khârré, parce que bikhâter, ça va, mais khûber, c’est chiant. » 3 ans à HIV, 1 à LlG (pour le dépaysement) ne vous laissent pas indemne. Je crois qu’on n’est pas assez cinglés singuliers pour rentrer dans cette école.
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Le parcours et ses épreuves
Soyons factuels avant de nous épancher.
Histoire : La mort en France au XXème siècle. Autant dire la mort à Ulm au XXème siècle. Vous trouvez que j’exagère ? J’ai eu 2. Vous me croyez maintenant ?
Le choix devait se faire instantanément devant le jury et avec « la collabrotion dans l’Europe » j’avais l’embarras du choix. Le jury : « eh bien, traitez les deux ». Je n’ai jamais aussi mal parlé de ma vie. La reprise a été un modèle de catastrophe : « On ne meurt pas que de la guerre mademoiselle ». Et les questions… que pouvez-vous nous dire des carrés juifs et musulmans dans les cimetières ? de quand date la laïcisation desdits cimetières ? (ne hasardez pas la loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, on vous répondrait que, paaaas du tout, c’est la loi des municipalités, c’est dans votre programme, vous devriez le savoir) et ma question préférée : inhumation… crémation… quand plutôt l’un que l’autre ?
Français : un extrait de Moderato cantabile de Duras (pas de Chénier, d’ambroisie et de miel, par pitié !). L’extrait était génial, le jury aussi. Le public un peu moins, mais dans l’élan d’enthousiasme, la sonnerie de portable ne m’a pas dérangée outre mesure. En revanche, la fille a manqué se faire fusiller par le jury. Cet épisode mis à part, on oublie complètement qu’il y a des gens derrière soi – à part en histoire, une fraction de seconde où je me suis dis que les pauvres devaient s’emmerder ferme.
Philosophie : L’imagination. Mon apparitrice était étonnée de mon enthousiasme. Un sujet traité en classe et que j’avais relu la veille. Imaginez un peu. Du coup, j’étais presque détendue.
Anglais : un extrait de The Hairy Apes, d’Eugene O’Neil. Pour moi cela s’était plutôt bien passé. Pas pour le jury visiblement, qui ne m’a pas mis la moyenne. Qu’est-ce qui m’a pris aussi de faire un commentaire linéaire quand leur marotte est du composé bien ordonné avec d’un côté la forme (des marins ivres qui jurent à tout bout de champ) et de l’autre le fonds (là, je cale) ?
Latin : un « beau texte » de Tite-Live sur les mariage mixtes. Si la beauté se mesure à l’incompréhension, sans aucun doute. La limitation des dégâts s’est soldée par un 2,5.
Option philosophie : texte de Leibniz avec les petites perceptions et le principe d’inquiétude. Impossible d’être plus précise, je n’ai toujours pas compris l’intérêt profond de cet extrait. Ni où le jury a trouvé 8 points à me donner.
16:02 Publié dans Souris de laboratoire | Lien permanent | Commentaires (1)