23 avril 2016
AA 2/12 Les Lumières et le ballet d'action
Ce billet fait partie d'une série de compte-rendus sur Apollo's Angels, de Jennifer Homans.
« C'est précisément parce que le ballet était un art de la cour par excellence et semblait incarner à tant d'égards le style aristocratique français qu'il est devenu une cible pour les hommes et les femmes qui aspiraient à créer une autre société, moins rigide dans sa hiérarchie. » Le ballet s'est étendu dans toute l'Europe et les tentatives de le restructurer viennent de partout. On cherche à lui insuffler un nouveau dynamisme en empruntant à des formes plus populaires telles que le mime et la pantomime. On veut faire de cet art des dieux (le Roi-Soleil est Apollon, remember) un art plus proche des hommes, et l'émotion est perçue comme le moyen de contrer tout ce que la belle danse peut avoir de factice.
En Angleterre : à la recherche du ballet anglais
Les conditions qui ont permis au ballet d'émerger sous la forme qu'il a connue en France ne se retrouvent pas en Angleterre : la noblesse est dans ses campagnes ; il n'y a pas de cour vivace ; et ce qui vient de France est forcément un peu soupçonneux. Charles I essaye de copier la cour de Versailles sans succès ; Cromwell est trop puritain pour le vouloir ; et les rois qui suivent ne sont pas très doués avec l'étiquette. Bref, la belle danse n'est pas trop leur tasse de thé ; ils préfèrent un style plus comique, plus vivant, influencé par la commedia dell'arte.
C'est dans ce contexte pas hyper encourageant que John Wearer, maître à danser et auteur de plusieurs traités sur le sujet, tente de promouvoir la danse comme un art qui peut réguler les passions, « a social glue » qui permette d'apaiser les tensions entre les gens. L'idée n'est pas, comme c'était le cas en France, d'accentuer les hiérarchies sociales, mais au contraire de les lisser. Pour faire de la danse un art respectable et pour ainsi dire moral (pas français, quoi), John Wearer relie le ballet non pas au ballet de cour, mais à la pantomime de l'Antiquité (ah, la vertu des Anciens…). Bref, il veut imposer le ballet à l'anglaise, bien policé. En 1717, il monte The Loves of Mars and Venus, qui est un succès… jusqu'à ce qu'un théâtre concurrent en monte une parodie - « pantomime reverted to clowning ». Fail. Revanche de l'histoire : si, sur le moment, ses idées ne prennent pas, elles ont fini par définir le style anglais, encore reconnaissable aujourd'hui (on parle des Deux pigeons, right ?).
En France : rivalité Opéra / Opéra comique
En France, pas de mélange des registres hauts et bas comme en Angleterre : seul l'Opéra a le droit de représenter des tragédies lyriques et des opéras-ballets. La pantomime se présente alors pour les autres troupes comme un moyen de contourner cette restriction, tout en exploitant le goût croissant pour la comédie italienne. L'Opéra comique, créé en 1762, devient ainsi un rival sérieux pour l'Opéra, en perte de vitesse du fait même de son privilège.
Cette tension est pour ainsi dire incarnée par Marie Sallé et sa rivale Marie-Anne Cupis de Camargo (la dernière entrée ferme la porte). Marie Sallé, danseuse d'opéra et de mime, qui s'est produite à Londres, mélange les genres pour raconter une histoire en transmettant des émotions (mal dit comme ça, on se croirait sur le plateau de Danse avec les stars, mais bon, faut se rappeler que la belle danse n'était pas vraiment portée sur la narration ni l'épanchement sentimental). Pour ce faire, elle abandonne les robes de cour pour des tenues à la grecque, qui dévoilent le corps (d'où l'émotion ?). Contrairement à beaucoup d'autres, la « cruelle prude » n'est pas courtisane, mais elle marque tout de même la transition du style français de la cour au boudoir, i.e. du publique à l'intime ou encore de l'héroïque à l'érotique.
Marie-Anne de Cupis de Camargo, quant à elle, mise tout sur la virtuosité technique, en s'appropriant la batterie (les sauts) normalement réservés aux hommes. Elle fait raccourcir ses jupes pour qu'on admire le travail de ses pieds (peut-être des fétichistes parmi ses nombreux amants ?). Les deux rivales annoncent le XIXe siècle, où la danseuse supplantera le danseur. Ah, les filles d'opéra… La zone trouble entre l'art et le demi-monde est un thème récurrent dans l'histoire de la danse. Il faut dire que les danseuses, au service du roi, étaient indépendantes ; elles n'avaient pas à remettre leur salaire à leur père ou mari… et l'augmentaient en travaillant comme courtisane. Du coup, forcément, la renommée était autant affaire de talent que de vie privée.
Noverre et la pantomime
La commedia dell'arte, l'opéra italien, les pièces jésuites, la pantomime de John Weaver… l'idée que l'on puisse raconter une histoire avec le corps aussi bien, voire mieux, qu'avec les mots est dans l'air du temps. Elle prend forme autour de Noverre, le maître de ballet le plus célèbre de l'époque, auteur des Lettres sur la danse (1760) et d'environ 80 ballets diffusés en Europe. Il commence sa carrière à l'Opéra comique (tiens donc) et entretient notamment des liens avec Garrick, un acteur anglais qui a réformé le théâtre de la même manière que Noverre souhaite réformer le ballet : en ôtant les masques et en recourant à une diction/gestuelle moins grandiloquente. Tel qu'il est, sur le déclin, le ballet lui semble vide de sens ; Noverre voudrait que la danse parle à l'âme, qu'elle émeuve… et le moyen d'y parvenir, selon lui, c'est la pantomime.
Exit le ballet de cour, place au ballet d'action. Enfin d'action, c'est vite dit ! N'allez pas vous imaginer un ballet de cape et d'épée… Le ballet d'action raconte une histoire, ok (par opposition à des divertissements ou des numéros), mais comme ce n'est pas évident de suivre qui trahit qui et pourquoi untel tue untel (Noverre veut sortir le ballet du merveilleux pour aller sur le terrain de la tragédie), la narration prend la forme de tableaux successifs, des fresques, quoi – un peu ironique pour un ballet d'action, je trouve. Il n'empêche, on se débarrasse des masques et des vêtements encombrants ; il y a un réel effort d'expressivité et de sincérité. Sous-jacente est l'idée que, contrairement aux paroles, le corps, lui, ne ment pas. Le ballet d'action va de paire avec l'idée utopique d'un monde pré-social, qui ne serait pas encombré de conventions. Rousseau voit même dans la pantomime un bon compromis entre une danse trop primitive et le langage trop policé.
L'ironie, dans l'affaire, c'est qu'à l'étranger, Noverre est embauché en tant que maître à danser français et, à ce titre, continue à enseigner les danses nobles en réaction auxquelles s'est définie la pantomime. Le client est toujours roi, et le client veut le maître à danser de Marie-Antoinette. Sept ans à la cour de Stuttgart laissent une empreinte superficielle ; à Vienne, la pantomime doit être tempérée avec des ballets français pour obtenir le succès ; et à Milan, ça ne plaît pas du tout…
De retour à Paris, Noverre ne résiste pas aux intrigues de l'administration de l'Opéra. Ses œuvres se perdent peu à peu au profit de pièces plus populaires, plus comiques, en comparaison desquelles la pantomime paraît raide. Aigri, Noverre qualifie ses lettres de rêves de jeunesse idéalistes… Son erreur est de s'être attaché à la pantomime sans s'interroger sur la manière dont bougent les danseurs. Si la pantomime ne suffit pas pour raconter une histoire – du moins, pas sans un (conséquent) livret d'intention –, elle permet néanmoins au ballet de gagner son indépendance, d'être reconnu comme un art auto-suffisant, capable d'expression. Les Lumières françaises ont ainsi amorcé le passage, actualisé au XIXe siècle, du ballet comme divertissement à une forme artistique indépendante.
16:40 Publié dans Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : danse, ballet, histoire de la danse, ballet d'action, noverre, appollo's angels, jennifer homans
21 avril 2016
AA 1/12 - Les rois de la danse
Ce billet fait partie d'une série de compte-rendus sur Apollo's Angels, de Jennifer Homans.
Dans ce chapitre, le ballet dont il est question est l'ancêtre du ballet tel que nous le connaissons aujourd'hui : de la danse que l'on ne dirait pas classique, donc, mais baroque. (Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant.)
Aux origines du ballet (danse spirituelle)
Les origines du ballet remontent à l'arrivée de Catherine de Médicis à la cour française (lorsqu'elle épouse Henri II en 1533) : elle importe avec elle une tradition italienne de danses sociales, marches rythmiques pratiquées lors de bals ou de cérémonies (occasionnellement rehaussées de pantomime). Ces balli et balletti ont donné le ballet.
Il ne s'agissait pas seulement de divertissement : les arts étaient envisagés comme un moyen d'apaiser les passions, particulièrement exacerbées en ce temps de guerre des religions. L'Académie de Poésie et de Musique (1570), tout imprégnée de cet idéal, œuvre à l'élévation de l'homme. La musique, conçue comme beauté mathématique, et la danse, transposition visuelle de la musique, se voient confier comme mission de transformer les passions (physiques) en aspiration (métaphysique) – en un mot : d'éloigner l'homme de la bête et de le rapprocher de l'ange. En dansant, l'homme est censé se libérer des liens terrestres afin d'atteindre la transcendance spirituelle.
Les conceptions de l'Académie trouvent leur réalisation dans Le Ballet comique de la Reine en 1581, premier ballet de cour (et non pas de simples marches stylisées). Les pas sont guidés par la raison, la mesure, le sens de la proportion ; si la musique est mathématique, la danse est géométrique. Le tout avec noblesse d'âme. Précision géométrique et élévation spirituelle : telle est la base sur laquelle le ballet sera codifié près d'un siècle plus tard. Évidemment, sur le moment, ça râle (dépenser autant pour des spectacles, enfin) et les passions partisanes ne sont pas outre mesure calmées (Henri en fait les frais).
La danse de droit divin (danse politique)
Par la suite, le goût pour la danse se maintient à la cour de France, mais prend un tour un peu différent : il s'agit moins d'élever l'homme que le Roi (ouais, on n'est pas des anges). Heureusement pour les spectateurs, la démonstration de la grandeur royale n'est pas pompeuse et les spectacles sont émaillés de passages burlesques, érotiques, acrobatiques (du spectacle, quoi). Tout cela n'a pas encore lieu sur scène, mais au milieu des spectateurs ; il faut trouver une place en surplomb pour admirer les figures géométriques formées par les danseurs. Le déplacement vers le théâtre intervient dans un second temps et assoit le règne de l'illusion ou, peut-être devrait-on dire de la représentation, terme qui s'applique également à la sphère politique.
Le Roi-Soleil dans le rôle d'Apollon dans Le Ballet de la nuit
Louis XIV, enfant pendant la Fronde, n'a ensuite de cesse de mettre la noblesse au pas… ce qui s'entend de manière figurée mais aussi littérale. La danse devient une compétence clé sur le CV du courtisan, au même titre que l'escrime et l'équitation, et toute la vie est la cour est régie par une étiquette si stricte que les mouvements semblent chorégraphiés. Le mot d'ordre du Roi-Soleil pourrait être « away from battles and towards ballet ».
En 1669, Louis XIV crée l'Académie royale : être maître à danser devient un privilège, ce qui n'est pas vraiment du goût de la guilde qui s'occupait (et monnayait) l'accès à la profession (au sens large : danseurs, acrobates, jongleurs, comédiens…). L'essentiel pour devenir maître de ballet n'est plus d'être musicien (la plupart étaient violonistes) mais noble.
En position pour la belle danse ! (danse sociale)
Afin d'exporter les danses et de rayonner dans toute l'Europe, un système de notation de la danse est mis au point par Beauchamps, le maître à danser de Louis XIV. Ce système, depuis perdu, a été repris par Feuillet et, traduit en anglais et en allemand, a eu une grande influence sur les cours européennes. Le notateur s'est concentré sur la belle danse, des solos et duos dansés dans le style noble français, sans tours ni sauts, avec une entrée grave, lente et élégante – le tout, savamment dessiné dans l'espace, généralement une pièce rectangulaire tout autour de laquelle se trouvent les courtisans. Quoique les femmes dansent lors des bals et des spectacles de la reine, la belle danse reste l'apanage des hommes et les rôles de femmes sont joués en travestis.
Exemples de notation Feuillet. Très jardin à la française, non ?
Beauchamps a notamment codifié les cinq positions dont a hérité la danse classique. Les personnages nobles les observent, tandis que les autres, adoptant des postures à l'opposé de ces positions, trahissent leur appartenance à un rang social inférieur : ce sont des paysans, des ivrognes ou des marins (voire des marins qui ont trop bu). Ainsi, un homme mesuré ne lève jamais les bras au-dessus des épaules : c'est perdre le contrôle de soi, se livrer à la colère, la rage… un geste de furies, assurément. La noblesse se caractérise par sa retenue, sa maîtrise : l'en-dehors ne doit pas dépasser 45 degrés ; au-delà, ce n'est qu'exagération acrobatique (je n'ose imaginer la tête qu'ils feraient en voyant les 90° qui constituent aujourd'hui la norme – des contorsionnistes que ces danseurs du XXIe siècle, à n'en pas douter). La mesure se retrouve également dans l'observation de la symétrie, les articulations que sont la cheville, le genou et les hanches devant se trouver en miroir avec les poignets, les coudes et les épaules.
Les cinq positions définies par Pierre Beauchamps
Les positions dessinent une certaine manière d'apparaître à la cour : la première position est la position de départ et d'arrivée (« home ») ; la deuxième position, une manière de se déplacer latéralement sans tourner le dos au roi ; et la troisième position (ainsi que la cinquième) permet le déplacement vers l'avant et l'arrière, ce qu'actualise la quatrième position (la troisième avec les pieds espacés). Cette cartographie confirme, comme l'expliquait Aléna dans un billet que je ne peux que vous encourager à lire, que la conception française de la danse est essentiellement spatiale… et se définit par rapport au Roi.
Si la codification des positions marque le passage de l'étiquette à l'art, celui-ci demeure imprégné de son esprit : le plié, par exemple, dérive directement de la révérence. Les hommes et femmes, en dansant, doivent obéir à un idéal chevaleresque. Et pour que la dame, déjà vêtue d'une robe peu adaptée à la danse, soit en position de faiblesse d'être sauvée par son preux chevalier, on lui fait porter des chaussures avec des talons plus étroits que ceux des messieurs – parce que, oui, les courtisans portaient des talons (rouges) à cette époque (Louboutin n'a rien inventé).
Le ballet de cour (danse spectacle)
L'origine du ballet est double : d'une part, la belle danse, pratiquée par les courtisans, et d'autre part, le ballet de cours, donné en spectacle. L'un et l'autre ne sont pas hermétiques : le ballet de cour, dansé par le Roi entouré de professionnels, se termine par un grand ballet, sorte de cérémonie de clôture dansée par les courtisans. Le grand ballet opère ainsi une transition entre la scène (le ballet de cour) et la vie de cour (la belle danse), entre spectacle et pratique.
Le ballet de cour se voit concurrencé par l'opéra, mais aussi par la comédie-ballet, genre qui naît en 1661, avec Les Fâcheux et la dream team Molière-Lully-Beauchamp. Les danses s'émancipent de l'intrigue1 et taillent le ballet de cour dans le gras, privilégiant la cohérence dramatique au cérémonial avec ce qu'il peut avoir de pompeux et de lourdingue. Le Bourgeois gentilhomme achève de régler son compte au ballet de cour en le tournant en dérision.
En même temps, nuance l'auteur, la comédie-ballet est née au sein du ballet de cour, et ne renie pas ses origines. En 1671, le trio infernal nous livre ainsi Psyché… une tragédie-ballet. Là où la comédie-ballet présente un miroir de la cour et de ses folies, la tragédie-ballet s'inscrit dans la tradition du ballet de cour. (Entre nous, ça n'avait pas l'air folichon ; et je ne dis pas ça seulement parce que Molière a dû appeler Quinault et Corneille à la rescousse pour farcir de vers cinq heures de spectacle.) Tant qu'à faire dans la tragédie, il faut aussi mentionner la tragédie en musique, équivalent français de l'opéra italien, parsemé d'épisodes dansés pour plaire au goût français (enfin du Roi, mais c'est du pareil au même).
En gros : le Roi aime la danse, alors on en met un peu partout dès qu'on peut. Évidemment, cela n'est pas au goût de tout le monde : tandis que les Modernes (et les lèche-bottes) s'enthousiasment pour l'opéra-ballet, les Anciens (et les rabat-joie), toujours sérieux, réaffirment la suprématie de la tragédie.
Et Dieu dans tout ça ?
Paradoxe savoureux : la noblesse comme il faut (donc catholique) applaudit des professionnels…excommuniés. L'Église catholique, toujours aussi funky, condamne en effet la danse (mais pas le Roi, faut pas déconner). Trop frivole. Les Jésuites, eux, sont plus nuancés, voyant dans la danse un moyen quasi rhétorique de convaincre et de persuader. Coïncidence (l'auteur ne le croit pas) : Molière a fait ses classes chez eux.
Comme des pro
En 1669, le Roi crée l'Académie royale de musique puis l'école de danse de l'Opéra en 1713 (deux ans avant sa mort, il était temps). Plusieurs conséquences : le déplacement de la dynamique de Versailles à Paris, une difficulté technique accrue et… l'arrivée des femmes. « A case of promotion by demotion » : puisque la noble tâche de danser s'est trouvée dévalorisée en étant confiée à un artisan de rien du tout (plus capable, mais bon, chut), l'être social inférieur qu'est la femme peut bien se mettre de la partie, au point où on en est…
La professionnalisation confirme en tout état de cause le déplacement qui s'est opéré de la cour au théâtre, « from social to theatrical dance ».
Bonus : une petite vidéo rigolote pour récapituler (et anticiper)
1 « the dances grew out of the plot » J'adore la formulation ; on dirait des plantes qui se répandent hors du pot où elles ont pris racine. ^^
19:21 | Lien permanent | Commentaires (5)
Apollo's Angels
Pink Lady m'a mis dans les mains Apollo's Angels. Encore une histoire du ballet, me direz-vous. Oui, c'est d'ailleurs le sous-titre, et non : je n'en ai lu qu'une centaine de page, mais c'est largement assez pour constater que l'auteur va bien au-delà d'une histoire factuelle. Retraversant les époques et les noms bien connus des balletomanes, Jennifer Homans s'attache à restituer l'esprit du ballet et à comprendre son évolution dans les sociétés où il évolue. L'approche est aussi fine que le bouquin est épais. Du coup, je me suis dit qu'en faire des compte-rendus ne serait pas une mauvaise idée : d'une part, cela m'encourage à avancer dans ma lecture sans oublier ce que je lis au fur et à mesure, et d'autre part, cela rendra accessible (je l'espère) cette épopée du ballet, passionnante mais écrite dans un anglais relativement soutenu (et sans traduction française pour le moment). Voire vous donnera envie de la lire. (Oui, je sais, je ferais bien par commencer de la finir.)
Je mettrai ici les liens au fur et à mesure, des chroniquettes de film ou de spectacle étant fort susceptibles de s'intercaler entre les chapitres.
Évidemment, toutes les remarques pertinentes sont de Jennifer Homans ; les impertinentes, de ma pomme.
Première partie La France et les origines classiques du ballet
Chapitre 1 Les rois de la danseurs
Chapitre 2 Les Lumières et le ballet d'action
Chapitre 3 La Révolution française dans le ballet
Chapitre 4 Les illusions romantiques et l'essor de la ballerine
Chapitre 5 Orthodoxie scandinave : le style danois
Chapitre 6 Hérésie italienne : pantomime, virtuosité et ballet italien
Seconde partie Light from the East : world of art (je ne sais pas comment traduire ça sans l'avoir lu)
Chapitre 7 Les tsars de la danse : le classicisme russe impérial
Chapitre 8 East goes West : le modernisme russe et les ballets russes de Diaghilev
Chapitre 9 Laissé pour compte ? Le ballet communiste de Staline à Brejnev
Chapitre 10 Seul en Europe : l'épisode britannique
Chapitre 11 Le siècle américain I : les débuts russes
Chapitre 12 Le siècle américain II : la scène new-yorkaise
19:08 Publié dans Souris de médiathèque, Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : danse, histoire de la danse, ballet, apollo's angels, jennifer homans
18 avril 2016
L'État contre Fritz Bauer
Der Staat gegen Fritz Bauer. À quel moment a-t-on jugé bon de traduire ce titre par Fritz Bauer, un héros allemand ? Non seulement c'est platement grandiloquent, mais c'est à la limite du contre-sens : au moment de l'histoire, le héros risque la prison pour haute trahison… Ses efforts pour retrouver et faire condamner les anciens dignitaires nazis se heurtent en effet aux anciens SS qui, plus de dix ans après la fin de la guerre, verrouillent encore le gouvernement et les institutions étatiques. Lorsqu'il apprend qu'Adolf Eichmann a été identifié en Argentine, Fritz Bauer prend ainsi la décision de contacter le Mossad - « parfois, il faut savoir trahir son pays pour le sauver ».
Outre de mettre un coup de projecteur sur le rôle de Fritz Bauer (Burghart Klaussner) dans cette affaire, le film de Lars Kraume a le mérite de reprendre l'Histoire en amont de sa réécriture univoque – parce que non, ce n'est pas en zigouillant les responsables de la solution finale que l'on remet en ordre la société dans laquelle elle a pu être mise en place… société qui, accessoirement, dans les années 1950-1960, traite encore les homosexuels comme des criminels – c'est là la petite histoire dans la grande, qui nous rend proche de ses protagonistes (même si Ronald Zehrfeld, dans ce rôle, n'a pas trop besoin de cela, jouant sur mon faible pour les armoires à glace à tête de nounours).
Épilogue, qui n'est un spoiler que si, comme la mienne, votre mémoire a fait un gloubi-boulga avec tous les noms nazis de vos cours d'histoire.
Adof Eichmann est capturé, mais l'extradition refusée : sous couvert de contrats commerciaux, l'État allemand a réussi à étouffer le scandale dont un procès aurait été l'assurance, le name-dropping nazi risquant de toucher des personnages aussi haut-placés que le bras droit du Président. Au lieu d'être jugé en Allemagne, Adolf Eichmann est pendu en Israël. Quelques années, plus tard, Fritz Bauer réussit à conduire les débats pour le procès de Francfort, second procès d'Auschwitz.
22:23 Publié dans Souris de médiathèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, fritz bauer, lars kraume