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21 novembre 2007

Je rentre dehors.

    J’ai poussé successivement la porte du dictionnaire de littérature, de la bibliothèque, du bâtiment puis du lycée. Je suis rentrée dehors. Comme d’habitude, au signal du bip de la porte, l’avenue de Paris s’est déployée devant moi en un gigantesque pop-up. Avec klaxon, couleurs de la glace vespérale déclinante et pollution intégrée. Un praticable pour pouvoir avancer le long des décors cartonnés, pour qu’au milieu des maisons illusions se perde la mienne, la seule bien réelle dans laquelle je m’essayerai à mon bureau comme un Playmobil sur sa chaise. Toujours est-il que je traverse l’animation. Le froid entoure ma tête et oblige mes frileuses pensées à se rétracter. En un joyeux bazar. Mais soufflées, elles ne disent mot ; la stupeur les rend muette et me rend la parole. Elles se taisent et je peux suivre les lignes de l’architecture urbaine. Carré, rectangulaire, arrondi, reposant. Je suis simplement. La mécanique de mes pas. Je tâte le sensible mais il ne me touche pas. L’écho vibrant de mes pas s’arrête quelque part entre le nombril et mes côtes – les jambes en eaux internationales.  Froid existant. Tout à l’heure mes pensées se dilateront dans la chaleur de l’appartement. Je suis simplement. Eparpillement.

    Désordre ordonné ? Infini infiniment moins infini que l'infini qui le comprend sans en être une partie ? Pascal ? Le silence de ces espaces infinis m'effraye. Les feux des voitures aussi, par contrecoup.  Et ces journées terriblement finies pour une tâche qui ne l'est pas. Tache de jus de mangue. Pas idée de goûter au lieu de se nourir de la susbtantifique moëlle du style littéraire. Purs esprits - très fantômatiques.

    Je deviens folle. Mais ça, vous n'avez pas besoin de moi pour vous en rendre compte. Enfin si. Mais non. Bref.

    Dès fois, je voudrais réfléchir comme un miroir.  Folle et feux follets.

15 avril 2007

(desert theatre street)

           Samedi matin. Depuis que le portable a égrainé le réveil, tout a été pris dans une spirale d’activité routinière. Quelque soit l’heure de la sonnerie, les dernières minutes sont toujours une course contre elles-mêmes. Le manteau : attrapé et enfilé dans la cavalcade silencieuse des escaliers. La porte du hall s’ouvre avec un décrochement sonore, le détecteur de mouvements a à peine intimé à la lumière de s’allumer que j’ai déjà la main sur la poignée dorée de la porte d’entrée. Quittant l’agitation, j’entre en coulisse. La porte s’est refermée sur la lumière, calfeutrant le bruit de son acolyte en verre. Je suis entrée dans le silence et m’avance à la dérobée. Mes pas ralentis sont furtifs parmi les façades cartonnées qui les guident. Le labyrinthe est limpide – désert même. La toile monochrome met en scène la solitude urbaine. Désert habité. Au coin de la rue le lampadaire marque la sortie de secours. Un bruit passe dans le rougeoiement de deux veilleuses, emportant d’hypothétiques acteurs, personnages esseulés d’un décor abandonné. Sous un projecteur blafard, la boîte aux lettres fait le pied de grue. La laissant à son solo, je continue en travelling. Vision chaotique d’une chaussure qui recule toujours devant l’autre – rembobinage de l’absurde. Déjà la monotonie est rythmée par l’écho du macadam. J’entends que les techniciens finissent de plier la toile de la nuit dans son carton, elle file au dépôt dans un crissement de rails. Quand mon pas s’est accéléré, le théâtre des gens s’est installé, mon œil public s’est glissé derrière le rideau. Quand je suis arrivée au bout de la rue, les coulisses s’étaient évanouies. 

 




23 février 2007

Avenue de Paris

         Elle a la cinquantaine. Il a également la cinquantaine, mais les paraît vraiment. Elle porte un petit tailleur rose pâle, ni layette, ni femme d’affaire stricte. Il porte un complet veston vert chiné, ni vestige d’une élégance passée, ni homme d’affaire. Ses boucles d’oreille sont évidemment des boules tressées en or ; il a toujours porté cette cravate rouge-bordeaux. Elle marche en parlant à son mari, sa main gauche retient un enfant qui crapahute sur son landeau-poussette. Il la regarde, tout en freinant l’allure nonchalante de son cycle, dont la roue est aussi fine que son visage émacié. Elle est distinguée, il est flegmatique. Un certain côté british à la française. Ils ne sont pas Versaillais pour rien.  

19 février 2007

Tu es ennuyeux comme un amendement qui se développe.*


      Je sais, merci. Et c’est reparti(e).

      Perles acides. De petites comparaisons railleuses, des railleries cyniques et des cynismes perfides (non, j’arrête là, le rythme quaternaire a moins de force.) qui ne font pas avancer la conversation sinon de manière totalement rhétorique, mais qui possèdent une indéniable classe. Surtout quand elles sont assénées avec aplomb, culot et impertinence – encore que négligence, fausse naïveté et sourire en coin font aussi leur effet. C’est le piquant d’une conversation acerbe et l’à-propos badin. Aussi brillantes qu’artificielles, ces pointes verbales tournent parfois à l’habit chamarré d’une certaine vacuité incolore (un peu comme cette phrase). Image du dandy décadent en somme, who “would do anything for the sake of an epigram.”**   Plus rien que l’artifice poussé au paroxysme de son habileté, quitte à ce que le cynisme chasse définitivement toute sensibilité: "He cuts life to pieces with his epigrams." **  Mais au fond, tout langage n’est-il pas que liaisons grammaticales plus ou moins dangereuses ?

  * Non, ce n’est pas de moi mais de… Balzac, La Peau de Chagrin
** Qui n’a pas reconnu les aphorismes du maître du wit ? in The Picture of Dorian Gray

Et puisqu’il n’y a pas que les littéraires à manier la langue de Molière de vipère, une petite parole de l’homme politique aux formules assassines, j’ai nommé… Clémenceau : « On reconnaît un discours de Monsieur Jaurès à ce que tous les verbes sont au futur. »
Pure gourmandise acidulée. Pour les gourmands qui en redemandent ... Allez faire un tour chez un pianiste lettré (si, si)