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26 juillet 2011

HP 7.2

La lecture des Deathly Hallows est assez loin maintenant pour apprécier sans arrière-pensée l'adaptation cinématographique du dernier Harry Potter. J'avais déjà oublié que le trio infernal s'échappe de Gringott's à dos de dragon. Mais bon, la routine, quoi. La transformation de Poudlard en bagne est très bien rendue avec le défilé militaire d'élèves en rang par plus de deux et sans se donner la main ainsi que les dortoirs devenus des cales de bateau de pirate. L'attaque de l'armée de Voldemort contre l'école sous globe protecteur donne lieu à un magnifique feu d'artifices spéciaux et McGonagall me fait rire lorsqu'elle met en branle les gargouilles-armures du château et commente « I have always dreamt of casting this spell ». L'atmosphère du livre est bien rendue, jusque dans la niaiserie de l'épilogue : Hermione-maman et Harry-Ron-papas semblent s'être déguisés pour jouer avec leurs petits frères et petites sœurs, c'est d'un ridicule achevé, y'a photo avec le bouquin.  

25 juillet 2011

Sardaigne un peu, pour voir

La Sardaigne est un petit pays pourri : petit, parce que c'est une île ; pays, parce que les Sardes se sentent italiens comme les Basques se sentent français ; et pourri, parce qu'il n'y a presque que des cailloux. En Corse, ils sont rassemblés en gros tas, ça s'appelle des montagnes et on peut circuler autour. En Sardaigne, il y en a partout. De préférence sous votre pied, histoire que vous vous entailliez le gros orteil.

Ces cailloux ne datent pas d'hier puisque la culture de l'île se résume à ses nombreux sites nuragiques. Le nuragique, car c'est l'heure de paraître érudit, se situe quelque part entre l'âge de bronze et l'âge de fer, c'est-à-dire à la Préhistoire pour la différence que cela fait. L'homme nuragique soulève de grosses pierres pour faire des maisons grossières qui soulèvent à présent des questions auxquelles il est tentant de répondre par des grossièretés. Comme la feuille A4, mâchée malgré sa pochette plastique, nous indiquait qu'on avait retrouvé avec la tombe divers objets type un-gamin-de-4-ans-fait-de-la-pâte-à-sel, dont une aiguille à coudre, maman se demande comment leur est venue l'idée de se faire des habits vu qu'on est loin de cailler dans le coin (bon, c'était avant que le Mistral se lève). Tandis que fort peu encline à la visite de ces sites névralgiques nuragiques, j'émets la supposition qu'ils en avaient marre de se piquer les fesses en s'asseyant, celle que nous appellerons la dame de carreau hasarde quant à elle l'hypothèse selon laquelle les nanas en auraient eu marre de se faire enfiler à tout bout de champ. Personne ne s'est pour autant retourné dans sa tombe pour la simple et bonne raison que la « tombe des géants » était très vide. C'était encore davantage une fosse commune qu'un caveau familial mais, que voulez-vous, les géants sont partout sur l'île, jusqu'à la pointe qui fait face à Bonifacio ; les roches y semblent des boules de pâte à modeler malaxées par des doigts de géants. Cela finit parfois par donner des formes à la Magritte. On pourrait organiser un Boggle visuel, moins instable que la variante à nuages.

Au caillou sarde, dont il appert que ce n'est pas un problème récent, on n'a pas trouvé mieux que la réponse de la route en spaghetti trop cuit. Vu que ça gave vite, on ne risque pas d'aller trop loin, même lorsqu'on sait que tout près, il n'y a presque rien. On se doute d'avoir loupé de lointains cailloux mais le temps est beau sans nurage et on va à la plage.

 

 

Aller à la plage est l'activité la plus sensée que vous pouvez envisager en Sardaigne : la couleur de l'eau oscille entre le turquoise-piscine et le bleu-yeux de husky, les montagnes sont proches et les criques par conséquent très belles. Seulement voilà, j'ai découvert cette année que je n'aimais plus aller à la plage. Certes, il n'est pas nouveau que des gamins hurlant sèment du sable sur votre serviette quand celle-ci n'absorbe que l'eau et la crème solaire ou que l'eau paraisse perdre dix degrés entre les cuisses et le ventre. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est que je vois les corps vieillis.

À l'âge où l'on fait des pâtés de sable (le pâté semble passé de mode, c'est une honte ; après on s'étonne que les jeunes ne construisent plus rien...), les vieux ramollis ne vous dérangent que s'ils sont placés entre votre château de sable et le bord de l'eau, ralentissant ainsi le ravitaillement des douves – ce sont des vieux, voilà tout. Seulement maintenant que je ne fais plus de pâtés qu'au Typex (je me demande pourquoi, en fait – ah, si, le sable sous les ongles) et que j'ai abandonné la lecture à la plage pour cause de maniaquerie livresque (même avec mains essuyées après le tartinage, bouquin couvert et hurlement quand il risque d'être corné dans une bousculade avec le maillot de rechange), les vieux ne m'apparaissent plus comme des vieux, de tous temps vieux, mais comme des corps vieillissant, de la viande qui répète pour sa future putréfaction. Et de penser que la volonté peut se relâcher autant que la peau (d'orange) et l'esprit régresser autant que progressent les bourrelais me terrorise. C'est particulièrement visible sur les femmes italiennes qui sont des bombes toutes rondes à 30 ans et de grosses choses toutes flasques à 70 – d'autant plus visible qu'elles ne nous épargnent rien ; grâce soit rendue au maillot de bain une pièce des mamies de la Côte d'Azur.

 

La plage exclue, il n'y a plus rien à faire, ce en quoi excelle le jet-set à l'attention de laquelle se sont ouvertes moult boutiques de luxe. Dans le moindre village, on peut acheter des robes haute couture voire des manteaux en fourrure qui vous feriez faire un infarctus si vous les essayiez sans la climatisation, pourvu que ledit village se trouve sur la côte et que l'on puisse y arriver et surtout en repartir rapidement en yatch (que vous n'avez même pas besoin de prononcer « yôt » puisque les Italiens ne parlent pas anglais comme des vaches espagnoles : ils ne parlent pas anglais du tout, encore moins que français – au point que Black Swan, qu'on n'a pas osé traduire en France est devenu Il Cigno Nero). De tout petits yatchs, qui n'ont même pas toujours de jet ski ou d'hélicoptères à bord. Comprenez s'il faut une nouvelle paire de chaussure pour se consoler (par chaussure, on entend aussi des tongs transparentes qu'on appellerait des méduses si elles n'étaient pas incrustées de Swarovski – risque de désensibilisation à la paillette lors d'un séjour prolongé en Sardaigne).

Ou une robe. Parce que les robes italiennes sont vraiment très belles. À vrai dire, elles sont même coupées ce qui, aujourd'hui que la fripe se porte dans tous les sens mais toujours chiffonnée, est devenu synonyme de « bien coupées ». Et la bonne nouvelle, c'est qu'il y a en Italie un milieu entre la robe de plage Zara à 49,99 € et la robe de chez Paule K à 300 € (en soldes, robes de cocktail exclues). Résultat : trois robes dont l'une de soirée et le premier qui me renverse une coupe de champagne dessus, je le massacre de toute la force de mon décolleté voilé d'Amazone. Pas entièrement rempli, certes, parce que l'Italienne est plutôt bien pourvue à ce niveau mais cela me laisse de la marge pour engloutir sans arrière-pensée tout ce que la nourriture sarde peut offrir de substantiellement nourrissant.

 

Pour ne pas faillir à ma réputation et parce que l'heure du goûter approche, laissez-moi vous donner une idée de ce que l'on peut gloutonner en Sardaigne – de préférence chez soi qu'au restaurant car les plats sont un peu décevant par rapport à la qualité des ingrédients qu'on trouve sur place. Heureusement, il est difficile de rater une pizza. Pourtant, malgré la délicieuse composition pecorino-gorgonzola-noix (et après je m'étonne d'avoir des aphtes) sans tomate que j'ai pu déguster, la meilleure pizzeria du monde reste à Saint-Rémy-lès-Chevreuse qui, même au bout du monde (= RER B), reste plus accessible.

Les pâtes réservent plus de surprises puisque les Sardes ont eu la curieuse idée de fourrer leurs raviolis à la menthe et à la pomme de terre (excellent choix si vous hésitez entre pâtes ou gnocchis et que vous ne reculez pas devant le bourratif) et même de faire des raviolis-dessert, pâte citronné fourrée de fromage à déguster frit (on n'a pas osé) avec du miel (délicieux sucré-salé). N'étant pas très charcutaille, je passe directement au fromage et ne puis que réitérer mon amour de la mozzarella et du pecorino, malgré la forme rigolote du provolone. Je me demande seulement comment on peut faire de si bons fromages avec du lait si léger (demi-écrémé, vous êtes sûrs ? Oui ? Alors je plains les vaches sardes, ce ne doit pas être fun tous les jours niveau fourrage). Ah, oui, renoncez au pain, à moins de l'aimer dur et sans sel ou de se rabattre sur les gressins, les galettes locales (sorte de crackers épais comme du papier à musique) ou le pain noir (d'accord c'est allemand), surtout pour le Philadelphia (d'accord, c'est américain mais on n'en trouve pas en France – flash info : il débarque dans l'hexagone ! Merci mon dieu de la mondialisation).

Enfin, la glace à l'italienne n'est un mystère pour personne mais, si vous avez le cœur à renoncer l'espace d'un cornet à la stracciattela, vous pouvez renouveler votre foi en goûtant, par exemple, les parfums Ferrero Rocher, noisette-chocolat blanc ou peanuts (après le fudge au peanut butter, j'ai trouvé la glace). De manière générale, privilégier les noix et les couleurs laiteuses (coco dément, aussi). Buon apetito.

[Pour fêter l'échec du sevrage ordi + Cali, bientôt des photos]

04 juillet 2011

On ira tous au paradis

Le paradis n'est autre, dans la version héritée des mystères moyenâgeux, que le poulailler ou « amphithéâtre », comme il était indiqué sur mon billet. On y voit l'ensemble de la scène sans se contorsionner, m'enfin de loin et de haut. Heureusement, j'ai mon pourvoyeur de pass personnel et je remercie le mécène de l'ENB qui m'a permis d'obtenir un deuxième rang de deuxièmes loges de face (soit dit en passant, c'est une honte d'en faire une première catégorie : au même niveau que les gens devant vous, soit vous décalez votre siège au milieu si votre voisine est une Japonaise trop bien élevée, soit vous remerciez le grand monsieur qui s'adosse au muret de la loge plutôt qu'à son dossier – et après cette délicate attention, vous ne pouvez décemment pas lui reprocher de se gratter la tête). Bien que n'en partageant pas le lieu d'origine, il est plus facile de s'identifier aux Enfants du paradis depuis cette distance. 

 


José Martinez avait déjà chorégraphié pour les petits rats mais cette fois-ci c'est de grands enfants qu'il s'agit, assez grands pour tremper dans des histoires – de cœur ou autres – plus ou moins louches. Si, comme moi, vous n'avez pas vu le film de Marcel Carné, il n'est pas inutile de lire un petit synopsis, même si José Martinez se tire étonnamment bien de ce ballet narratif. On suit le butinage de Garance entre le mime Baptiste, bientôt amoureux, qui la sauve d'une accusation non fondée, le troubadour avec lequel elle folâtre au grand dam de son ami voleur et le comte influent qu'elle épouse pour échapper à la justice (premier acte) – avant de s'enfuir avec le mime qu'elle se résout finalement à quitter pour ne pas en démembrer la famille, et de se retrouver Gros Jean comme devant (second acte). Ça aide bien d'avoir un brun (Bruno Bouché en mime), un blond (mon Paquette préféré est Lemaître – que voulez-vous, je suis un peu pâquerette bleue) et un chauve (Aurélien Houette en comte).

Le seul moment que je n'ai pas trop compris, c'est le fail Garance-Baptiste alors qu'ils sont déjà seuls dans une chambre. Mais une fois lu le livret du DVD prêté par Palpatine (en plus de mon pourvoyeur de place, j'ai aussi une DVDthèque personnelle avec conseils sur-mesure), il semblerait que ce soit pour les problèmes de Garance avec la justice, ce qui aurait le mérite de donner tout son sens à son costume : tutu blanc d'où dégoulinent des rubans rouges, comme autant de rigoles de sang entre les plis du tissu. D'une manière générale, les costumes d'Agnès Letestu sont une réussite (sans surprise, j'ai toujours envie de lui piquer ses robes lorsque je la croise à Pleyel). Mention spéciale aux tutus-pellicules qui, lors des pirouettes, donnent envie de s'écrier « Ça tourne ! ». Il y en a profusion. Trop, peut-être. Ce qui est sûr, en tous cas, c'est qu'il y a trop de décors : outre que cela a dû coûter une fortune, les perpétuels changements de cadre du premier acte ne sont pas toujours justifiés et donnent le sentiment d'une dramaturgie brouillonne. L'économie du second acte est bien meilleure, plus resserrée autour de l'intrigue. Les personnages y passent davantage au travers des murs mais l'approche symbolique est tout aussi efficace que la mimétique, et plus reposante.
 

 

Photobucket

(à cliquer, Blogspirit ne me permet plus de régler la taille des images)


Les points forts de la chorégraphie entretiennent ce déséquilibre : autant les scènes de groupes, majoritaires dans le premier acte, ne sont pas le truc de Martinez (ça bouge tellement dans tous les sens – parfois dans l'ombre! – sur une musique assez indifférente, qu'on ne peut même pas regarder ces tableaux d'époque comme des Brueghel fourmillant de scènes distinctes – exception faite pour Yann Chailloux qui, tourneur naturel, pirouette ici jusqu'à plus soif grâce à un morceau de bois calé sous son pied), autant les pas de deux sont magnifiques. Et c'est une souris que les pas de deux endorment habituellement qui vous le dit. Ève Grinsztajn n'y est peut-être pas étrangère. Je suis même à peu près certaine du contraire. Ce doit être la première fois que je la vois dans un rôle principal mais c'est assez pour apprendre à orthographier correctement son nom. Il a suffit qu'elle écarte d'elle ses bras, paumes ouvertes, comme les rubans de son costume, ancrée dans un simple équilibre en cinquième et voilà : j'adore sa danse pleine et entière. Elle est toujours à l'aise avec ses multiples partenaires qui, tous, ont une allure folle : Bruno Bouché est un mime sensible mais pas pathétique (Ganio doit être parfait dans le rôle mais il m'aurait parfaitement agacée), Karl Paquette est choupi en gros ours, puissant en élégant et donc bon (en) comédien tandis qu'Aurélien Houette donne toute sa prestance à son personnage de comte sans qu'il paraisse jamais froid. Ajoutez à cela une dose tout à fait modérée de portés abandonnés, à peu près aucune attitude-tourniquet et quelques aspi-ballerines et vous obtenez sans en avoir l'air des pas de deux épatants.

 


Ingénieuses également, les mises en abyme qui reproduisent ou anticipent sur l'histoire (par exemple, Baptiste-Pierrot se fait piquer Garance-bergère par Lemaître-Arlequin) et virent à la métalepse lors de l'entracte. À la fin du premier acte, une pluie de tracts sur le parterre annonce un divertissement dans le grand escalier où Nolwenn Daniel est étalée, comme une mare sanglante sur le marbre (très propre à en juger par des pieds qui ont du traumatiser Palpatine encore davantage que les miens). Avec notre Karl Paquette qu'on ne laisse pas beaucoup se reposer, elle nous offre un pas de deux où les rambardes deviennent une rampe où se laissait glisser, les marches, autant d'occasions de rebondir et les piliers, un piédestal duquel se jeter dans les bras de son partenaire. Ils évoluent à quelques mètres de nous, dans l'espace des spectateurs, mais cette désaffectation de l'artifice me paraît surnaturelle. Dans les couloirs, on croise également des danseurs masqués et même Lacenaire, le voleur génialement interprété par Stéphane Phavorin. Il est affreusement tentant de jouer à l'arroseur arrosé et de faire semblant de lui piquer un petit quelque chose mais je me retiens de dansoter autour de lui.

De retour dans la salle, le rideau est déjà levé et un V de danseuses s'agite en tutu de répétition, Lucie Clément en pointe (si je ne me trompe pas – j'affectionne particulièrement cette grande asperge depuis que je l'ai vue danser au stage de Biarritz alors qu'elle était en première division). Les lumières sont allumées et les spectateur qui, à l'entracte, sont restés tristement fidèles à leur coupe de champagne continuent à discuter alors que c'est un délice de regarder à l'arrière-scène les garçons sauter dans le désordre d'une compétition organisée entre camarades sous couvert d'échauffement. Les danseuses en tutu de répétition laissent peu à peu la place à une formation identique mais costumée. Amusant que de placer le traditionnel divertissement en marge plutôt que dans le ballet. Quoique, à y bien regarder, il y a un petit groupe de danseurs-spectateurs côté cour, juste de quoi se glisser chez le comte par un emboîtement narratif qui, tels certains rêves, ne se découvre comme tel qu'a posteriori. La fin porte la confusion spatiale à son comble (normal pour les enfants du paradis) : Garance est ensevelie dans la fosse et s'échappe du navire par la petite porte du chef d'orchestre, juste à temps pour ressusciter sous les applaudissements.
 

 

Le véritable enfant du paradis, au final, c'est José Martinez dont le ballet rend en quelque sorte hommage à l'Opéra de Paris – au palais Garnier dont il investit toutes les parties accessibles au public, comme aux spectacles qui y ont été programmés. Les scènes de rue ont quelque chose de La Petite Danseuse de Degas (de Bart), avec cette même technique de l'arrêt sur image, lors duquel le voleur nous offre une danse toute en manières et préciosités incisives, tournant autour de sa victime comme monsieur de Charlus autour de Morel dans Proust ou les intermittences du cœur. Le divertissement placé en marge de l'histoire, y'a pas photo, fait penser aux formations balanchiniennes tandis que les tutus-pellicules me font penser à la transposition de Cendrillon par Noureev. Enfin, le bal chez le comte mélange des souvenirs de la Sylvia de Neumeier avec des effluves certains de camélias (le comte pare d'un collier imposant une Garance déjà vêtue d'une robe semblable à celle de Marguerite. Cf. photo ci-dessus). Comme tous les gâteaux faits maison, ce ballet n'est pas parfait mais ses quelques défauts apparents (morceaux qui se détachent, un peu trop cuit à un ou deux endroits) ne doivent pas vous empêcher d'y goûter et il a le mérite de bien caler. 

03 juillet 2011

Gallimard, vous lirez (de) loin

L'exposition Gallimard de la BnF porte bien son titre, moins son sous-titre. « Un siècle d'édition », c'est beaucoup dire lorsqu'on oublie l'entreprise pour se concentrer sur la saga familiale. On fait comme si, en un siècle, rien n'avait changé que le prénom : Gaston, Claude, Antoine, tous des Gallimard. Mais entre « l'homme de lettres qui n'écrit pas », ainsi qu'est désigné Gaston par l'un de ses auteurs, et le PDG actuel, il y a un monde que n'explore pas franchement l'exposition. Celle-ci joue à fond la carte des archives célèbres et espère transformer le visiteur en détective-justicier qui, fort de sa culture littéraire, bouhouhisera le lecteur du comité passé à côté d'une œuvre que l'histoire a sacralisée. Je trouve au contraire fort rafraîchissants ces avis tranchés, aujourd'hui inavouables sans une avalanche de concessives. Et un roman « profondément ennuyeux, inutile et parfaitement respectable » expédié ! Les livres de compte et les contrats sont moins amusants et si, plus souvent dactylographiés, il sont souvent plus lisibles, on les lit encore moins que les lettres et dédicaces semble-t-il adressées à des archéo-grapho-logues – vive le Times New Roman. Aux lettres pleines d'amitiés et de sincères formules, on préfère vite une enveloppe décorée de Cocteau, les dessins humoristiques de Pennac (moi aussi, j'en ai un en dédicace, nananananèreuh) ou une affiche publicitaire pour la sortie de Sade en Pléiade (« L'enfer sur papier bible »). Je grappille selon mes affinités avec tel ou tel auteur et laisse souvent de côté ceux que je n'ai jamais lu. Le souci de « trouver un très bon traducteur » pour Hannah Arendt me ramène à la khâgne et je ne résiste pas à l'envie d'entendre Milan Kundera dans une de ces vidéos à la demande (j'ai bien été punie mais je me suis rattrapée avec une joyeuse table ronde autour de Daniel Pennac). De vieilles maquette font retrouver un sens au copier-coller ; on s'amuse de l'existence d'originaux pour les dessins du Petit Prince ou les couvertures d'Harry Potter ; et on découvre que c'est à une suggestion de Queneau que l'on doit les couvertures métallisées de SF.

En somme, cette entreprise d'autopromotion vaut surtout pour ses notes de bas de pages : à défaut d'une véritable visite de la maison, on s'amuse d'anecdotes croustillantes retrouvées au grenier. L'exposition n'est donc pas bien grande mais on en a vite assez de déchiffrer et on préférait retourner lire tous ces auteurs que la première salle exhibait en photos comme des trophées. Belle mise en page scène à voir plus qu'à lire.