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16 janvier 2010

Berlin go

Le château de Charlottenberg

 

 

et sa statue équestre copiée sur Louis XIV inspirée de Marc-Aurèle (photo pour Melendili)

 

 

Ne pas imaginer la position que j'avais pour que la statue dorée tienne le bouclier blanc.

 

 

Pas ça, pas la neiiiiiige !

 

 

Que les géants jouent à faire des boules de neige.

 

 

Asperge à la purée de pois

 

 

A l'intérieur de la Gedachtniskirsche, avec son Christ
A l'extérieur : marché de Noël, et son sucre d'orge géant
J'oublie toujours que Noël est une fête religieuse et j'ai l'impression que l'Eglise sacrifie au marketing lorsqu'elle met un sapin dans ses églises. Le monde à l'envers, je sais.

 

 

La Siegessaüle
Mais on se demande si ce ne sont pas plutôt les voitures qui ont gagné...

 

 

Bärchen über schön
Si la palette n'avait pas été à plus de 300 euros, je les aurais embarqués.
N'oublions pas que nous étions au pays de Steiff.

 

 

Au lieu de prendre les mini-tombeaux preuve de la mortalité infantile des siècles passés,
je photographie le fantôme d'une statue derrière un pilier.

 

 

Depuis les toits du Dôme

 

 

* sois fier de toi

Fait pour moi.

Je vous l'offre sous forme de voeux.

Muser à Berlin


Avant-dernier post sur mon voyage dans la capitale allemande (le dernier uniquement de photos, j’ai assez tapé sur mon clavier et vos nerfs).

 

 

 



La priorité est allée à la Alte Nationalgalerie (pour moi) et à la Gemäldegalerie (pour Palpatine), respectivement mini-Orsay et mini-Louvre. Ce qui est un peu étrange, c’est que le mini-Orsay est logé dans un bâtiment plutôt ancien, une statue équestre plantée devant, tandis que le mini-Louvre est implanté avec d’autres musées dans un espace très moderne. Ce dernier, s’il ne paye pas de mine de l’extérieur, est très bien aménagé à l’intérieur : lumineux, aéré, une hauteur sous plafond démentielle (dans les salles où les tableaux sont petits, on se dit un peu « tout ça pour ça ? »).

 

 

Les salles sont distribuées autour d’un gigantesque patio cathédrale entièrement vide à l’exception de ses piliers : le rien est aussi au musée, mais celui-ci prépare à la contemplation.

 

 

Le caractère dépouillé des salles vient aussi de ce qu’il n’y a absolument aucun cordon de sécurité autour des œuvres : la distance à respecter est indiquée par un changement de marqueterie – j’ai mis un temps fou à m’en apercevoir.

 

 

C’est que l’Allemand a intériorisé les interdits. Jusque dans les transports en communs. Dans le métro, comme à Vienne, aucun tourniquet ni barrière, on composte le billet à la première utilisation et après on circule comme dans un moulin. Tant de discipline a quelque chose de reposant – même si je n’ai pas tenu plus de trois jours avant de recommencer à traverser à la parisienne, signe infaillible de ce que nous n’étions pas locaux. Seul relâchement de l’ordre : la disposition des tableaux dans les salles selon le principe de ‘montre-moi ce que tu as dans le ventre, crache tout et on fera le tri ensuite’ - agencement à la berlinoise, choucroute, quoi.

 

 



Des collections en elles-mêmes, je ne vous dirai pas grand-chose, sinon que j’ai découvert au mini-Orsay un impressionniste allemand qui m’a bien plu, dénommé Menzel. J’ai bien pris des notes, pourtant, j’y ai pensé pour une fois, histoire de pouvoir retrouver les tableaux qui m’ont marqués et qui ne figurent jamais dans les cartes postales vendues à la sortie. Mais ce serait trop long, pas forcément berlinois. Rien de très nouveau : l’époque des impressionnistes me plaît bien et j’ai toujours autant de mal avec la peinture classique, surtout italienne. Eventuellement je me ferai plaisir en reprenant sur un ou deux tableaux à l’occasion.



J’ai également insisté pour aller faire vite fait un tour au musée Bröhan, des arts décoratifs (on n’est pas impunément la fille d’une fan d’art nouveau, qui vous fait traverser les 80km de la banlieue viennoise pour visiter l’un des dix travaux d’Otto Wagner – enchaîner les visites rappelle davantage ceux d’Hercule) et à celui du surréalisme, le Scharf-Gerstenberg, où il y avait du Dali, des délires chouettes, d’autres incompréhensibles et surtout un peu de Magritte. Tant qu’on était dans le coin, on a fait un saut au musée Berggruen. Picasso et son temps : pas mon trip, mais ça se regarde, contrairement à Klee.

 



De son côté, Palpatine a insisté pour aller visiter le Dom, grande cathédrale qui avec sa décoration un rien surchargée compense à elle seule tous les riens de la ville. Que Leibniz soit avec vous.



(fin abrupte d’un post en cadence mineure)

14 janvier 2010

Bibliographiphilie

 

En haut de la première page du dossier enfin corrigé, il y a une note qui me replonge à l'époque de la terminale. Et en bas de la dernière, une question qui m'a fait ricaner et que j'aurais tellement aimé qu'on me pose oralement :

« - Et la bibliographie ?

- Parce que vous croyez que je m'avale une bibliographie pour faire un commentaire composé de trois chapitres du Grand Meaulnes ? » (les italiques sont déjà requises par le titre, mais imaginez une accentuation volontaire pour cet ouvrage préalablement étudié en quatrième)

 

Les universitaires baignent dans le culte de la bibliographie. Il faut la remplir, comme une nomenclature, y mettre tout ce qui se rapporte à son sujet, même de loin, même si on ne le lit pas. Ma directrice de recherche me l'a répété aujourd'hui, on lit beaucoup avant d'écrire soi-même cinquante ou soixante pages. Je constate du même coup qu'on relit bien peu. Il ne semble venir à l'idée de personne que l'œuvre sur laquelle on travaille engage à elle seule à de multiples lectures, qui puissent dégager les renvois internes à l'œuvre avant de nous renvoyer aux rayons d'une bibliothèque utopiquement complète. On préfère rester sous l'avalanche de l'intertextualité et ouvrir de ridicules parapluies critiques plutôt que de s'abriter dans les pages accueillantes de notre auteur – notre, car il faut bien se l'approprier, et pas comme un domaine d'étude que l'on se réserve après avoir vérifié le désert critique sur le sujet. Il faudrait savoir : travaille-t-on sur un texte ou sur ce qu'en ont dit les critiques ? Parce que si les critiques ont eux-mêmes planché sur ce qu'avaient dit les critiques, au jeu de la poule et de l'œuf, on finit par oublier la source d'où tant d'encre s'est mise à couler. Il faut toujours resituer, recontextualiser, remettre en perspective ; pourquoi personne ne s'aperçoit-il que le préfixe nous fait radoter ? Si l'on veut dire quelque chose sur un auteur, encore faudrait-il laisser traîner une oreille pour écouter ce qu'il a à nous dire. Je dois être bizarre ou orgueilleuse à vouloir m'aventurer seule dans un texte, et vais finir par penser comme Sara, à savoir que je ne suis pas faite pour chercher mais pour trouver. Il se produit la même situation vicieuse que pour la lecture en prépa : on bouquinerait bien pour soi, mais comme il faudrait d'abord s'avaler la pile prévue pour les cours, on résout le dilemme en le supprimant. Plus de lecture, plus de recherche, pas de risque de trouver.

Le touriste et la photo

 

Le touriste enregistre. Cela commence à l’aéroport et se poursuit une fois arrivé à sa destination, touristique, forcément, moins grâce à sa mémoire qu’à l’aide de cameras, en français et en anglais (le touriste, contrairement à l’autochtone, est ou s’efforce d’être polyglotte – ce sont potentiellement les mêmes, me direz-vous, mais il le même n’est pas toujours identique). Les appareils suppléent à la mémoire, cela permet si bien de ne pas oublier, que les choses vues et non regardées ne se décomposeront jamais tranquillement dans un coin du cerveau. Ce serait dommage de recycler quand on peut avoir à tout instant du neuf en ressortant l’album photo – nom très métaphorique que l’on donne au dossier informatique contenant les clichés numériques qui ne seront jamais tirés, ni sur papier glacé, ni au clair. On risquerait de s’y retrouver.

 

Sur place, on ne regarde rien, mais à deux fois. D’une part, on se rend directement aux « monuments », ces grandes bâtisses étiquetées qui nous épargnent de regarder alentours dans la mesure où le « site » est hors lieu (et temps, peut-être, mais justement, chaque chose en le sien) ; d’autre part, on tourne le dos à ce qui est « à voir », parce que la photo refuse de témoigner qu’on a des yeux derrière la tête. A chaque fois que je vois ces grappes qui montrent les dents et qu’un raisin sans raison (c’est ça de laisser tomber des oh ! tout le temps) cueille en prenant soin d’arracher tout le plan avec, j’ai envie de dire au propriétaire de l’appareil que s’il veut prendre le monument, il n’a qu’à dégager ses amis qui le masquent, et s’il veut prendre ses amis, il est prié de ne pas se planter au milieu du chemin. Sans compter que par -6°, on n’en verra pas un grand bout, de ses amis. L’élégance n’est déjà pas l’apanage du touriste (je m’inclus dans le lot : j’ai arpenté le Canada avec un « angel » sur les fesses, Florence en tongs et Berlin en Timberlands et bonnet), mais là, c’est pire que tout.

Le touriste enregistreur s’identifie très bien dans sa version japonaise (il y en avait très peu, d’ailleurs, à Berlin – majoritairement des Français et des Italiens). On est toujours rassuré de se voir loin de la caricature. Quoique… s’il nous faut la caricature pour nous sentir à l’abri, on risque de partager à moindre échelle le trait qu’elle force. Peut-être sommes-nous même pires, car naïvement convaincus de voir les choses pour elles-mêmes. Mes photos ne monument n’ont pas de premier-plan familier, mais les regardé-je pour autant ? Une pellicule de poussière, oui ! Tout juste bon pour à servir de « documents » qui n’illustrent rien du tout (ils ne rendent rien plus clairs, seulement plus colorés – c’est l’encart publicitaire et récréatif des manuels scolaires).

 

 

Vous m’objecterez qu’on peut très bien en être conscient et jouer au touriste, comme Palpatine qui shoot dès qu’il y a un spot, reconnais sans difficulté qu’il ne regarde ensuite plus les clichés qu’il a ainsi pris et me reproche de ne pas être une  « bonne touriste » (reproche motivé par la crainte de devenir à son tour un mauvais touriste, puisque sa batterie étant tombée à plat, en l’absence d’un chargeur, je détenais le pouvoir photographique - qu’avec ma bonté naturelle mais discrète –limitée et autoritaire, donc- je mettais à sa disposition) : « Photographie-nous donc le tombeau au lieu de prendre des détails ! ». On n’a donc plus le droit d’admirer les reflets du Divus Fredericus, il faut admirer sa dépouille la mort dans l’âme. Je suis dans une église et prends des photos : mon attitude n’est pas convenable, mais seulement parce que ce ne sont pas les photos consacrées. Il y aurait donc une essence du touriste. Pourquoi alors notre touriste modèle râle-t-il contre les montreurs de dents qui prennent de « photos de touriste » ?

Mon cobaye m’en apprend autant par sa lucidité (les clichés qu’il ne regarde plus me font prendre conscience de ce que les monuments tombent en ruine dans ma mémoire) qu’à son insu, par ses légères incohérences (on ne joue jamais totalement au touriste, on s’autorise à l’être, et on l’est donc déjà). Après tout, nos photos, pour légèrement différentes qu’elles sont des « photos de touriste » (disons cliché, à partir de maintenant) n’en remplissent pas moins la même fonction, purement sociologique, du témoignage de présence : « J’étais là ! ». Et les amis, pas du tout incrédules, d’être parasités par ce bourdon collant (c’est le sucre, normal, me direz-vous).

 

Sommes-nous embarqués ? La photo inexistante ne risquant pas de devenir cliché, la solution radicale serait de ne rien enregistrer. Mais il faut parier ! Je mise sur les « détails ». Les détails- synecdoques, d'abord, ceux qui évoquent (du moins m'évoquent) immédiatement ce dont ils sont issus. J'ai découvert cela en prenant conscience de ce la photo des vieilles baskets de Dre à côté du drap rose qu'on avait étendu pour un goûter dans le parc du château me rappelait davantage l'après-midi que j'y avais passée que celle où l'on voit Dre allongée sur la dos, le casque sur les oreilles, un paquet d'Oreo près de la tête, en train de lire la brochure d'une université australienne – aussi figée qu'une allégorie, parée de tous ses symboles. Encore heureux que ses baskets n'étaient pas des Converse, c'est déjà assez adolescent comme madeleine. Depuis, je me fabrique mes petits souvenirs, je traficote les cadrages et bidouille des images – interrupteur, qui produisent à coup sûr des étincelles dans les circuits inusités de ma mémoire.

Outre ces détails synecdoques, je cultive les détails qui ne font pas taches et deviennent au contraire aisément autonomes, comme les éléments d'un tableau, qui une fois isolés, finissent par en former un nouveau à eux seuls. Je les cadre et les coupe du terreau où ils ont fleuri ; ce sont mes propres compositions, si modestes soient-elles.

Peut-être, cependant, ne constituent-elles pas pour autant un antidote à la photo touristique, s'il est vrai qu'elles ne retiennent rien ou si peu du lieu d'où elles sont prélevées. Je classe d'ailleurs celles que je préfère ensemble, hors de leur dossier-pellicule d'origine. Je prends les choses qui me paraissent s'animer d'elles-mêmes, qui attirent mon attention et ce sont mes petites obsessions que je retrouve un peu partout, ombres, jeux de reflets, inclusions... Je prends bien davantage que je ne comprends la chose pour ce qu'elle est. Force a été de constater lors de la projection des photos de Palpatine (version geek de la séance diapo) que celles-ci sont beaucoup plus larges que les miennes (et pas uniquement à cause du grand angle, je serais tentée de dire) et correspondent davantage à ce qui est, quand les miennes donnent plutôt une idée de ce que j'ai vu et qui n'a plus grand chose à voir (avec ce qu'il y avait « à voir »). Moralité : je ferais un piètre reporter.

 

Ce n'est pourtant pas faute (enfin, si, justement) d'être entraînée par le mécanisme du clic ; à la flemme de sortir l'appareil et de prendre le temps de faire ma photo, succède la capitulation frénétique, on fera voir et non sentir. Le safari-photo commence (c'est pratique, l'ours est l'emblème de Berlin, il y en a un peu partout). Le moindre bâtiment un tant soit peu ancien ou flanqué de colonnes est alors radiographié, même s'il n'est pas plus esthétique que son voisin contemporain (moderne, encore, avec une architecture bien déjantée...). C'est là une curieuse suspension du sens du progrès, pourtant si furieusement implantée dans notre inconscient. Ou plutôt une curieuse inversion : tout ce qui vient avant serait plus digne d'intérêt que ce qui lui est postérieur. Il faut croire que l'expérience touristique est régressive (vous noterez à ce jugement que le sens du progrès n'est levé que le temps des vacances)... ce dont on n'aura pas grand mal à se convaincre en constatant les horreurs qui sont vendues aux touristes et que ceux-ci n'auraient jamais achetées dans leur propre pays, qui vend pourtant les mêmes T-shirts idiots aux inscriptions graveleuses, les mêmes mugs à mettre au placard et les mêmes boules de neige qui n'ont pas même la décence de fondre.

Cela participe du mouvement qui cherche à oublier par la fétichisation du souvenir. En vacances, le touriste se veut vide de lui-même. S'il s'autorise ce qu'il condamne en son propre pays, c'est pour mieux se fondre dans la masse et surtout ne pas s'apercevoir de ce qu'il est au contact de ce qu'il n'aurait jamais soupçonné n'être pas ou autre. C'est à l'étranger que je me suis aperçue qu'être français ne se résumait pas à l'arbitraire d'une nationalité sur le passeport, mais what we took for granted, ou plutôt qu'on ne remarquait même pas, constitue pour les étrangers une caractéristique inhérente à notre nation. Du moins telle qu'elle est perçue dans les autres pays. Je ne sais pas si les Français sont mal-aimables, mais ils sont certainement très râleurs en voyages. Et l'on peut avoir des surprises : si les clichés associée à la pilosité féminine sont ici réservés aux pauvres portugaises, ils nous sont aussi impartis outre-atlantique (en prime, nous sommes censées puer – like a French whore). C'est ainsi qu'au stage de danse aux Etats-Unis, je me suis retrouvée à ne pas laisser une seule journée de répit à mon rasoir car les points noirs que les regards cherchaient en scrutant nos jambes, n'avaient rien à voir avec l'acné du visage... On est dans l'anecdote amusante, mais je reste persuadée que cela vaut pour des comportements ou des traits de caractère bien plus essentiels – à tel point que je finirai par croire que non seulement c'est toujours de soi que l'on va à l'autre, mais que l'on se découvre davantage soi que l'autre, que l'on cherche tout juste à connaître. Dès lors, pas besoin d'aller en Papouasie du Sud pour se sentir dépaysé ni de vouloir à tout prix visiter une « belle » ville : Berlin et son rien, loin de me faire nager en plein vide, m'ont ramenée de vacances.