20 septembre 2016
Portraits féminins
Depuis que j'ai découvert par hasard le BP Portrait Award à la National Potrait Gallery, je vérifie à chaque week-end à Londres si l'édition annuelle ne se tiendrait pas par hasard à ce moment-là. Certaines fournées sont plus épatantes que d'autres, mais je suis à chaque fois enthousiasmée par la vitalité qui émane d'un genre que je pensais par ignorance un peu plan-plan : assis-toi là, je vais te tirer le portrait.
Cette année, parmi les coups de cœur immédiats se trouve un portrait à la Sargent (l'inspiration est revendiquée, et moi, forcément, j'aime) :
Alessandra, by Daisy Sims-Hilditch
J'aime bien le sourcil qui, plus éclairé que l'autre, semble levé : l'interrogation est gommée par la posture des mains et le gilet très sage, mais elle est suffisante pour animer le portrait. On sent que ça doit dépoter.
Palpatine ajoute une Alessandra à sa collection. Et une Laura, tant qu'à faire :
Laura in Black, by Joshua LaRock
Tout est dans la main, je crois, la bouche entrouverte et le fond esquissé contre lequel cette Laura ressort plus incarnée que jamais. Les photographies en millions de pixels et les techniques de projection d'image sur la toile aidant, on trouve dans l'exposition un certain nombre de tableaux hyperréalistes, mais je peine à les apprécier autant, soit que la haute fidélité se fasse au détriment de la composition et de l'expression, soit que mon œil, éduqué à l’impressionnisme, goûte davantage les traits de pinceaux visibles…
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Le public peut voter pour décerner un prix à son tableau préféré, à côté de ceux remis par un jury de professionnels. J'ai hésité avec les deux tableaux que je viens de vous montrer, mais j'ai finalement donné ma voix à celui-ci :
Karina In Her Raincoat, by Brian Sayers
Un portrait sans visage, ou presque, qui engage davantage le corps, forcément, cela devait m'arrêter. Sans compter que les plis du ciré le rendent dansant. Tête baissé, vêtement ample, personnalité à la fois enjouée et en retrait… vous pourrez appeler ce portrait Karina autant que vous voulez, je n'en démordrai pas : c'est @odette9.
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Top 3, trois femmes… et d'autres encore :
Portrait of Katrina, by William Neukomm
J'aime beaucoup le port de tête de la modèle, son air très digne, très déterminé.
Sophie in the Gallery, by Ivan Franco Fraga
Là, c'est le visage fatigué, mais pas dur, grâce au flou, à l'absence de décor qui caractérise la modèle… galériste. (Impression d'un entre-soi artistique.)
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Je me demande dans quelle mesure je ne reporte pas dans l'expérience esthétique un comportement social, habitué que l'on est, dans la rue, dans les médias, à chercher la beauté du côté de la femme (tandis que l'homme le sera secondairement, d'abord pertinent, attirant, etc.). Il serait intéressant de trouver des statistiques sur la proportion de chaque sexe dans les tableaux présentés… et primés. Idem avec l'âge : dans mon top 3, les modèles ont toutes à vue de nez entre 25 et 35 ans… ce qui m'interroge à nouveau : entrerait-il en ligne de compte un mécanisme d'identification ? Au fond, les portraits que l'on aime, ne sont-ce pas d'abord des modèles que l'on désire (être) ?
Du coup, je suis contente que le jury ait primé celui de cette grand-mère mourante. On pourrait y voir un prix moral pour bon sentiment, mais je crois que son regard arrête cette idée :
Silence, by Boo Wang
À l'autre bout de la vie, les enfants ont la part belle. Ma sympathie va aux airs butés…
Francesca, by Daniele Vezzani
Mila, by Simon Richardson
Evaporar-se (Fenómeno Del Niño), by Jorge Federico Fernandez Gartner
Seul portrait de ma sélection à représenter un garçon. Exit la beauté ou l'émotion, c'est davantage une expérience sensorielle qu'il reproduit, celle de se dissoudre dans le soleil. Le titre et le laïus font référence à l'écologie, mais je reste sur l'impression poétique que l'enfant va lui aussi s'évaporer, comme la peinture du mur auquel il s'adosse.
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Pour retrouver tous les tableaux, rendez-vous sur le site de l'exposition. Pour qui auriez-vous voté ?
22:04 Publié dans Souris de médiathèque, Souris des villes, souris des champs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : exposition, peinture, portrait, londres, london, national portrait gallery, bp portrait award
Commentaires
J'ai une forte préférence pour le deuxième qui semble suspendu dans le temps (le port de main y fait beaucoup en effet), mais je pense que j'aurais voté pour le dernier portrait, celui du garçon. Il y a quelque chose dans son expression un peu timide, gêné par le soleil, qui dégage quelque chose que je trouve très juste.
Quant au prix du jury, il m'angoisse beaucoup, ce qui prouve peut-être que je le trouve également mérité !
Écrit par : Eliness | 27 septembre 2016
Oui, l'attitude du gamin est très "juste" (parce que c'est un garçon, un enfant, de surcroît, et qu'on ne cherche pas à l'esthétiser ?).
Le portrait de la grand-mère était le deuxième ou troisième prix du jury, je ne sais plus. Je ne sais pas ce qui est le plus dérangeant, du regard de la vieille femme ou de celui, quasi intrusif, que l'on pose sur sa fragilité. (Le premier prix a été décerné à une aquarelle très "jolie", mais sans écho - pas chez moi, en tous cas).
Écrit par : la souris | 07 octobre 2016
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