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25 juin 2016

Lui, Paul Verhoeven

Elle s'ouvre sur des cris équivoques : lutte ? ébats amoureux ? La caméra tourne, nous allons être renseignés… mais nous nous retrouvons face au chat, miroir de notre propre questionnement. L'animal se désintéresse assez vite du spectacle, que l'on suppose alors banal, et c'est à ce moment précis que l'on est catapulté sur la scène… du viol – avec du sang et des éclats de vaisselle que la victime s'empresse de balayer une fois tout terminé. Elle : Isabelle Huppert, la bourgeoise masochiste de La Pianiste. À qui d'autre confier le rôle d'une femme que sa profonde indifférence aux autres et à elle-même, engendrée par un père serial killer, fait à la fois garce et figure stoïque ? Elle a l'hébétude pragmatique. Il lui pleut devant comme derrière, jusqu'à l'incongruité, jusqu'au rire.

J'ignorais qu'on pouvait rire devant un thriller (le pull de Palpatine attestera qu'il s'agissait quand même d'un thriller) : sous cape, parce que ce n'est pas drôle, sous forme d'un hoquet sonore avec le reste de la salle, parce que ce n'est pas drôle mais quand même, secousses partagées avec Palpatine jusqu'aux fronts qui s'entrechoquent, puis chacun recalé dans son siège, les mains retournées dans le vide, mais what ? plaquées contre la bouche, sérieusement ? index qui reste en travers de la bouche, majeur et pouce qui enserrent la mâchoire, moue mi-perplexe mi-admirative de la perplexité dans laquelle on est plongé, fascination mi-amusée mi-horrifiée, et mon nez à nouveau dans le cou de Palpatine, torse martelé, bras malaxé, parce que je suis une petite nature et que c'est violent. Inattendu, en réalité.

I had to question the mermaids!

Tout juste sortie du Prêt A Manger, j'allonge le pas pour ne pas faire rater le début du film à Palpatine. Si je m'ennuie, je fais des bulles, préviens-je en désignant la paille et la cannette de ginger beer que je tiens à la main. Vaine menace : j'ai siroté The Nice Guy comme du petit lait. Si jamais j'ai fait des bulles, c'est prise de court par un fou rire, car le film est un concentré de punchlines, servi par un formidable duo de bras cassés (dont l'un au sens propre) ou plutôt par un trio, car à l'homme de main de cœur (Russell Crowe) et au détective privé à l'éthique vénale (Ryan Gosling) vient s'ajouter la fille de ce dernier (Angourie Rice), belle enfant terrible du cinéma. On se lance avec plaisir à la poursuite des sirènes dans les piscines de LA d'Amélia, fille d'une haute autorité au département de la justice et actrice porno engagée contre la pollution1, dont on ne sait si elle est folle, morte ou en cavale.

Comme quoi, j'aurais moins du faire attention au genre du film qu'à son ton, suggéré dès l'affiche par une typographie qui n'est pas sans rappeler celle de… Soul Kitchen (rien à voir, si ce n'est que dans les deux cas, j'ai bien ri).

 

1 La scène où le détective privé interroge les militants faisant les morts pour dénoncer l'effet de la pollution sur les oiseaux est croquignolesque. J'en ai retrouvé l'équivalent une semaine plus tard à Saint-Michel où un amas de jeunes gens en sous-vêtements exhibait des tatouages de code barre pour faire prendre conscience de la cruauté qu'il y a à consommer de la viande.