Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08 janvier 2012

Lose is beautiful (3)


Chapitre 3 : En avoir dans le ventre

 

Ce chapitre aurait aussi pu s'intituler Peanut butter and belly, mais toute ressemblance d'un pot de confiture Fortnum & Mason avec du beurre de cacahouètes est fortuite ; la dernière fois que j'ai rapporté du fudge au peanut butter, je l'ai laissé traîner au point que Miss Red m'a demandé si le goût de parmesan était normal.

 

Que les lecteurs inquiets à la fin du précédent chapitre se rassurent, Palpatine s'en est bien sorti. Je me suis chargée de son sac jusqu'à la gare du Nord, il a dormi dans l'Eurostar et à peine a-t-il posé le pied dans le métro londonien qu'il s'est mis à râler, signe infaillible de bonne santé chez lui, au même titre que la truffe fraîche chez un chien ou un chat. L'après-midi, il s'est consolé de s'être vidé les entrailles en vidant son porte-feuille : top hat, chaussures et écharpe, pour se pendre élégamment en cas de découvert.

Mais assez parlé de Palpatine, il est temps de vous raconter mes malheurs et vous prouver que mon deuxième prénom n'est pas Sophie pour rien. Le soir, alors que Palpatine (m')achetait les saisons suivantes d'Angel (on devient beaucoup plus facilement croyant devant David Boreanaz que Michel-Ange) et que je renonçais à la troisième saison de Private Practice pour ma mère et moi parce qu'il y avait des sous-titres espagnols, arabes, néerlandais mais pas français, j'ai commencé à avoir le ventre en vrac. En me couchant, je n'étais pas très bien et une heure et demie plus tard, j'étais carrément mal. J'ai ôté les confitures de leur sac en plastique et je l'ai gardé à portée de main, au cas où. Un sac Fortnum & Mason pour vomir, je sais, je sais, nous n'avons pas les mêmes valeurs. Une demie-heure plus tard, je n'avais plus aucune valeur du tout, je voulais juste que ça s'arrête.

J'ai appelé la réception et demandé où je pouvais trouver des médicaments. Ils n'en avaient pas mais l'arabe au coin de la rue, peut-être. J'ai enfilé un pull, tassé ma chemise de nuit dans mon pantalon, enfilé maladroitement mes nouveaux boots en bousillant un peu le cuir, n'ai rien dit à Palpatine qui s'était rendormi sitôt le combiné raccroché (si tant est qu'il se soit vraiment réveillé – neveu indigne), et je suis partie. A l'aventure. A la mini-supérette du coin, je découvre que lorsqu'il est une heure du matin et que j'ai mal, mon anglais est passablement pourri. Mais je fais preuve de mon plus beau mime (main qui tourne devant le bide, contraction dudit bide et joues qui se gonflent) et je suis heureuse que mon interlocuteur trouve le moment manquant : belly. Moins d'apprendre qu'il a vendu la dernière boîte de medecine pour belly il y a un quart d'heure. Mais la pharmacie de Baker's Street en aura peut-être.

J'attends à l'arrêt du bus de nuit qu'on m'a indiqué et me rends compte que je n'ai pas mon Oyster Card sur moi au moment où le bus arrive. Je n'ai pas non plus de monnaie. Le chauffeur a pitié de moi ou la flemme de rendre le change sur vingt livres – toujours est-il qu'il me dit de m'asseoir et basta. Je descends à l'arrêt qui annonce Baker's Street pour me rendre compte que je n'ai pas la moindre idée d'où peut bien se trouver la pharmacie. Les passants que j'interroge non plus. A tout hasard, je me dirige vers la rue qui a l'air d'avoir le plus d'enseignes (éteintes, évidemment) et le moins d'obscurité. Plus j'avance, moins il y a de monde. En passant devant un tas de poubelles, je prends conscience que je me balade seule à une heure un quart du matin dans un quartier que je ne connais pas, dont je ne sais pas s'il est fréquentable et encore moins s'il est fréquentable la nuit. Enfin, j'arrive devant la pharmacie... fermée. Une feuille indique les pharmacies de garde selon les jours de la semaine. Mais à une heure du mat', est-on friday ou sunday... non, saturday, samedi, c'est saturday... fri. ou sat. ? Je n'en sais rien, je n'ai pas de carte de la ville ni de transport, j'ai mal et sommeil.

Un taxi passe et, une fois passé, je me sens devenir Carrie Bradshaw. Je hèle le suivant et lui demande s'il pourrait m'emmener là où je pourrais acheter des medecine. Le chauffeur ne connaît pas les pharmacies de garde, il peut m'emmener à Picadilly mais il n'est pas sûr... Merci bien, payer cinquante livres pour faire choux blanc, il y a des limites au piège abscons, piège à cons. Je rentre.

Enfin peut-être. Parce que l'arrêt où je suis descendue est dans une rue à sens unique et que je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où je peux récupérer un bus de nuit. Comme un fait exprès, il n'y a plus de taxi. Me restent mes jambes. Et une vague idée du trajet du bus, à prendre à rebours. Marcher me fait un peu de bien, à moins que j'oublie mon ventre parce que je commence à flipper. Je suis dans une zone résidentielle et il n'y a personne. Une heure et demie du matin, pas âme qui vive, je suis sur le qui vive et le moindre écureuil me ferait faire une crise cardiaque. Autant dire que le mec qui surgit avec une mallette est forcément un serial killer. En fait, il se rend seulement à l'arrêt de bus et, fatiguée, décide d'en faire autant.

Dix minutes à se cailler plus tard, le bus arrive. N'ayant acheté aucun médicament, je n'ai pas plus de monnaie que tout à l'heure et me fais détester des passagers du bus le temps que le chauffeur, qui n'a pas dix-huit livres dans sa caisse ni la bonté de me laisser voyager gratuitement, trouve son porte-feuille et fasse de la monnaie sur ses propres deniers. Puis je me fais maudire par le chauffeur à qui j'avais dit pour l'attendrir que je descendais à l'arrêt suivant. Manque de bol, c'était celui d'après. J'aurais très bien pu finir à pieds et ne me sens pas plus légère d'être délestée de deux pounds. Retour à la case départ, sans toucher vingt mille francs. De toutes façons, le franc n'a plus cours.

 

Je me suis recouchée, puis relevée, puis recouchée, puis relevée, puis recouchée, puis relevée. La salle de bain et moi sommes devenues si intimes que je pouvais la trouver dans le noir sans plus craindre de me cogner. La nuit s'est ainsi éternisée vers quatre heures du matin, et l'éternité, c'est long, surtout sur la fin.

Enfin le matin, je peux faire ma princesse et réclamer un thé, dans lequel je suis sommée de verser du sucre, ce qui est une véritable abomination. J'envoie Palpatine chercher un médecin, qui revient bredouille : outre le fait qu'on soit un 31 décembre, le médecin est une denrée rare à Londres. « Apparemment, ça coûte un bras de faire venir un médecin ; ils n'ont pas voulu me dire combien et pour qu'un hôtel quatre étoiles trouve quelque chose cher... » Bien, bien. Baker Street, me revoilà. Palpatine est ahuri que je sois partie à l'aventure en pleine nuit et totalement sidéré que je ne me sois pas perdue en chemin. Mon sens de l'orientation décide de ne pas se vexer de cette remarque. Pharmacie. Médicaments. Alleluïa. Aïe, crampe. On décide de rester dans le coin pour se balader crampe dans Regent's Park crampe où il y a des hérons crampe mais à force de crampe de la ressentir comme la ponctuation d'un télégramme crampe, la crampe devient le sujet de la phrase et de l'attention. Retour à l'hôtel.

Je n'ai jamais mal au ventre (si, si, je suis bien une fille mais moi j'ai mal aux reins, pas au ventre) et n'ai absolument aucune résistance face à cette douleur qui me plie en deux. Je préférerais encore avoir de la fièvre, ça shoote, mais ça au moins, je connais : quand j'avais des angines, petite, j'avais quarante de fièvre et rien à la gorge. Le dieu de l'ironie tragique m'a entendu mais il a compris et en lieu et place de ou : j'ai désormais mal au ventre ET de la fièvre.

C'est là que tu te félicites d'avoir choisi un hôtel quatre étoiles – plus confortable pour y rester enfermée toute la journée. Pour éviter que Palpatine ne tourne en rond comme un lion en cage, je l'ai expédié se promener et reste seule avec la télé. Je trouve un bon film, Queen, mais la fièvre m'assomme avant la fin et je me réveille pour constater que la reine a changé son fusil d'épaule, sans savoir ni pourquoi ni comment, ce qui constituait tout l'intérêt du film...

J'ai chaud, forcément avec la fièvre... et le thermostat, que j'avais réglé à 20° plutôt qu'à 19° et qui a continué de grimper. Je n'arrive plus à l'arrêter, 23°, 24°, 24,5°, 25°... le concierge n'est pas meilleur que moi et c'est finalement la fenêtre ouverte une demie-heure qui a tempéré le problème. Demie-heure pendant laquelle, en manteau, écharpe et bottine, je me suis calée sur le rebord de la fenêtre et ai assisté au feu d'artifice. Dans l'angle de mon champ de vision, c'est London eye, devant laquelle Palpatine est planté depuis trois bonnes heures avec Serendipity. Il y a aussi plein d'autres feux d'artifices le long de la Tamise, plus petits, certes, mais cela me permet de profiter des bangs. Il faut zieuter de toutes parts, ici des escargots escarbilles, là des bouquets roses et oranges, et oh, un palmier doré, juste à côté de l'hôtel... Alors certes, c'est loseux de passer le 31 décembre au lit (surtout qu'on n'y était même pas à deux) et je ne pensais pas précisément à la gastro quand je cherchais un prétexte pour ne pas me cailler pendant des heures, mais finalement j'ai quand même bien profité du spectacle. Et rêvé devant les nacelles en papiers lumineuses envoyées dans le ciel comme autant de montgolfières miniatures...  

Commentaires

Quelle aventurière tu fais d'avoir ainsi affronté le froid ! Cela dit, une fois qu'on est dehors avec une idée en tête, il est difficile de se dire « Je fais demi-tour. » avant que l'équipée ne soit devenue absurde... (Un jour, comme ça, je suis monté au sommet d'une colline gujaratie le ventre vide en me disant que je déjeunerais après être redescendu... Heureusement qu'il y avait du ravitaillement en eau le long du chemin !)

Écrit par : Joël | 08 janvier 2012

C'est dingue, cette histoire... Je pense que ta trousse de toilette contiendra définitivement un ou deux comprimés de vogalène, spasfon et doliprane lorsque tu voyageras!

Écrit par : B5 | 08 janvier 2012

Joël >> Terrible, le piège abscons. Il est difficile de faire demi-tour après les efforts engagés mais, en même temps, en poursuivant dans la même direction, ce sera encore plus dur ensuite. Il faut ménager la chèvre et le chou, et faire chou blanc avant que les carottes soient cuites.
Mais le ventre vide, ce n'est même plus épique, à ce niveau-là, c'est héroïque.

B5 >> Elle comportait pourtant du doliprane, de la carbolevure (refilée d'office à Palpatine), de l'Alairgix (mais la réaction bizarre qui s'est déclenchée dans mon cou est passée d'elle-même) et du Gaviscon !

Écrit par : mimylasouris | 08 janvier 2012

Les commentaires sont fermés.