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08 janvier 2012

Lose is beautiful (2)

Chapitre 2 : La chute

 

La chute arrive normalement à la fin d'un récit, je sais bien, mais Palpatine ne faisant rien comme tout le monde, elle a eu lieu au début.

 

La veille du départ à Londres, ou plutôt le jour même mais très tôt, soyons précis, j'ai été réveillée par un Palpatine propulsé dans la salle de bain pour vomir le déjeuner de sa tante. Salade César, tagliatelles, poulet aux olives, fromage, tarte à la pomme, tarte poire-chocolat, chocolats de Noël, truffes à l'orange, clémentines : ce garçon n'est guère charitable. Je ne le suis pas davantage et songe très sérieusement à le maudire depuis le cocon de la couette. Puis je me rends compte que j'ai songé très sérieusement à le maudire depuis le cocon de la couette et une vague mauvaise conscience achève de me réveiller. Je le maudis de m'avoir donné mauvaise conscience et pour la faire taire plus que pour lui donner raison, je me lève et vais apporter deux feuilles de Sopalin au malheureux neveu indigne. Lequel me commande « du sucre » sous forme d'un verre de Coca.

Quitte à être levée, autant être utile : je vais dans la cuisine, plonge diligemment dans le frigo, trouve un verre propre dans lequel verser le précieux Coca, me retourne, le verre à la main. Et là, juste en face de la cuisine, dans le halo blanchâtre de la salle de bain, une apparition pré-disparition : Palpatine, tout jaune, dans son pyjama bleu marine feu de plancher1, le front trempé de sueur, se retient au lavabo et oscille comme un culbuto. Trois pas précipités, verre de Coca posé à la hâte à côté du pousse-mousse pingouin, et c'est une toupie qui a trop tourné : il s'effondre dans mes bras.

Me voilà toute seule, je ne sais pas quoi faire du corps, je panique des « Palpatiiiiiiine » qui à eux seuls justifient qu'il ne se réveille pas, il faut que je le remette au lit avant d'appeler les urgences, mais c'est quoi déjà le numéro, 15 ou 18, Palpatiiiiiiine, je le traîne, sa tête se met à pendre, j'ai l'impression qu'elle va se détacher, il faut toujours faire attention à soutenir la tête, c'est ce qu'on dit pour les nourrissons, Palpatiiiiine, mais si je lui soutiens la tête, je n'ai plus qu'un bras de libre, on arrive dans la chambre, il a glissé, je ne le tiens plus par la taille mais par le torse, je l'étouffe sûrement, Palpatiiiine, une main derrière sa nuque et l'autre qui le retient tant bien que mal, je n'ai pas la force de le hisser sur le lit sur lequel je viens de me laisser tomber, il va falloir que je lâche sa tête, est-ce que je peux lâcher sa tête, dans les films, les héros qui sortent des flammes portent toujours les victimes inconscientes sous le dos et les genoux, la tête pend en arrière, mais c'est de la fiction, Palpatiiine, pourquoi je n'ai pas plus de mains... Mais le corps que j'ai sur les bras se met à grogner, essaye de se dégager de la position inconfortable dans laquelle je l'ai suspendu, et m'aide à le mettre au lit.

Palpatine ? Ça va ? Les urgences ? Non de la tête, ma nuée de questions l'importune comme un nuage de moustiques. Juste le Coca. Après l'avoir bu, il retrouve l'usage de la parole pour m'expliquer en bon scientifique : « C'est pas grave, c'est juste une baisse de potassium... truc d'anorexique, ça... ils vomissent et s'il n'y a plus de potassium, le cœur fait un arrêt. » Et sur ces bonnes paroles bien angoissantes, ce couillon se rendort comme un bienheureux.

 

Lumières éteintes, je me recouche aussi. Pour une fois, j'apprécie qu'il ne fasse pas totalement noir dans la pièce, je peux le garder à l'œil. Tout en vérifiant que les côtes montent et descendent régulièrement (pas très difficile à observer quand on peut jouer au xylophone dessus), je repense à ce que m'avait raconté ma mère, qui mettait un miroir devant ma bouche pour observer s'il s'y formait bien de la buée quand j'étais un nourrisson prématuré. Puis, comme l'adrénaline est aussi puissante à tenir éveillé qu'un somnifère à endormir, je pense à tout un tas de truc, comme au rebord de la douche qui était à une distance parfaite pour s'y briser le cou.

Surgit aussi l'image de Palpatine en train de se faire couper les cheveux par sa mère, la cape de protection-guillotine sur les épaules et le visage hâve : on aurait dit un noyé qu'on venait de repêcher. C'est la première que j'ai vu sa maigreur. Certes, c'est pratique qu'il soit moins lourd que moi lorsqu'il s'agit de l'attraper au vol quand il s'évanouit. Avec un mec de quatre-vingt kilos, il n'y a plus qu'à l'aider à s'affaler sur le carrelage froid sans se briser la nuque sur le rebord de la douche. Certes, j'aime le maigrichon, à croquer comme un cornichon. Je n'y peux rien, j'aime les os au moins autant que les muscles. Une hanche qui dépasse me fait l'effet d'une chute de rein et une clavicule qui dépasse m'émoustille. Mais dans maigrichon, il y a maigre et maigre n'est pas mince. Ou mince alors !

Ce n'est pas un problème mais on n'est jamais à l'abri que ça en devienne un, si l'on suit la logique de Canguilhem. Cet épisode m'a en effet rappelé un texte lu dans un manuel, qui, dans la perspective d'une remise en cause de la stricte dichotomie du normal et du pathologique, faisait valoir que la santé n'est pas l'absence de maladie mais la capacité à la surmonter et à recouvrer rapidement « la santé ». Si on y réfléchit, on dit qu'une personne « n'a pas la santé » quand elle est fréquemment malade, pas quand elle a une angine dans l'année. Ce n'est pas donc une question d'état ponctuel mais de dynamisme global, qui donne au corps une certaine marge de manœuvre par rapport à son fonctionnement habituel et fixe une limite en-deçà de laquelle se trouve la maladie et au-delà de laquelle attend la mort. La santé nous autorise à être malade un certain nombre de fois, à une certaine intensité, un peu comme les points du permis permettent quelques dépassements, à ceci près qu'une fois brûlé le forfait alloué, on ne récupère pas la santé. Et je comprends mieux d'un coup la mère de Palpatine qui râlait contre lui : « Tu n'as pas beaucoup de marge... » Bon, c'est promis, je ne lui mangerai pas tous ses chocolats de Noël.

 

1 Par souci d'équité dans l'exhibition pittoresque, je précise que je portais un pyjama orange avec des petites tortues.   

Commentaires

(ciel, ma vie étalée au grand jour)

Précisons que seule la sauce du dernier plat Picard y est passé ; le déjeuner avant a été manifestement convenablement digéré.

Ça pouvait fort bien être un malaise vagal : http://fr.wikipedia.org/wiki/Malaise_vagal#Signes_et_sympt.C3.B4mes ; sueurs & co présent avant, auquel cas le vomissement serait un symptôme. Reste qu'il me semble étrange d'avoir été victime d'hypoglycémie vu le nombre de chocolats ingurgité quelques heures avant. Et que bon, je ne suis pas vraiment un sujet en surpoids...

Ou alors, c'était bien un truc d'anorexique... :p


Enfin, chers lecteurs, la souris ne m'appelle pas "Palpatine" dans la vraie vie ; mais la réciproque n'est pas vraie. :)

Écrit par : palpatine | 08 janvier 2012

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Mais le repas familial, c'est plus épique que le plat Picard, je t'assure.
Evidemment que je ne t'appelle pas Palpatine (même si c'est à ce titre que tu es enregistré sur mon portable, soit dit en passant) IRL. Comme je parle un peu de tes boyaux et de tes osselets, je fais en sorte de préserver un minimum d'anonymat. Mais quand même, la stridence en iiiiii est bien restituée avec ton pseudo.

Écrit par : mimylasouris | 08 janvier 2012

1) Toi, prématurée?????
2) Avec TOUT ça comme dîner (ou déjeuner?, je n'ai pas tout suivi): Salade César, tagliatelles, poulet aux olives, fromage, tarte à la pomme, tarte poire-chocolat, chocolats de Noël, truffes à l'orange, clémentines... N'importe qui aurait été victime d'une indigestion (mis à part mon estomac-sur-pattes-maison, peut-être, mais il a 15 ans de moins que Palpatine et une trentaine de kilos de plus (non, il n'est pas obèse, il est grand et mince)). "De la marge", comme tu dirais...

Écrit par : B5 | 08 janvier 2012

1) Je me suis bien rattrapée, hein ? Mais oui, j'ai été prématurée, née à 7 mois 1/2. Cela dit, avec mes 2,6 kg et 48 cm, me souffle-t-on dans l'oreillette, à terme, j'aurais été replète. Seul dommage : une régulation thermique pas bien finie qui fait de moi une vraie frileuse.

2) La salade n'était pas vraiment César, il y avait du parmesan mais pas de poulet, les parts de tartes étaient très raisonnables pour qu'on puisse goûter les deux et les chocolats et clémentines sont arrivés pour le goûter... Non, franchement, c'était copieux, mais je ne me sentais pas trop lourde *dixit l'estomac sur pattes*.

Écrit par : mimylasouris | 08 janvier 2012

Ah oui, très beau résultat pour une prématurée! Physiquement et cérébralement. Mais tout à coup, je me demande à quelle taille va finir le mien (qui a commencé à 4,7 kg et 57 cm)?...

Écrit par : B5 | 08 janvier 2012

Le coup du miroir sous le nez, c'est un classique. Si ça marche pas, on peut aussi utiliser une épingle...
http://youtu.be/ZPEigGUuRAo?t=16m33s

Écrit par : Hugo | 09 janvier 2012

Quand est-ce que tu écris un roman, dis, steuplé ? Pas une chroniquette, non, une giga-chronique dont on pourra se régaler sur nos kindle ou en 10/18.

Viiite !

Écrit par : klari | 09 janvier 2012

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