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29 novembre 2009

Réplique muette, sans secousse 2/3

 

Nicolas Paul, danseur de la maison, a mis ses Répliques au pluriel et le programme nous cite le Petit Larousse pour brouiller démultiplier les pistes :

 

I. 1. Réponse vive à ce qui a été dit ou écrit ; objection.

Je remplacerai « dit ou écrit » par « dansé » et émettrai quelques réserves plutôt qu’une objection, s’il est vrai que cette pièce que je reconnais être de qualité ne m’a pas séduite. Au départ, deux groupes de dos, tête disparue, jouent de la couche de voile uniformisant des costumes aux couleurs ainsi atténuées. La luminosité est très faible, assourdissant encore la spécificité de chaque danseur ; contrairement à la fatigue visuelle du spectateur qui s’efforce d’observer malgré la pénombre, la lumière n’augmentera pas de toute la pièce. Une certaine gestuelle saccadée m'a fait penser très furtivement aux Epousés de Balerbi, mais l’enchaînement tient presque davantage du mime que de la danse, avec la main qui à toute vitesse vient occulter l’audition, la vision, puis entre dans la bouche et vomit un cri muet en entraînant tout le corps, comme subitement courbé par une crampe. J’ai un peu de mal –à moins que ce ne soit avec la musique de Ligeti.

 

2. Partie d’un dialogue théâtral dite par un acteur ; donner la réplique : servir de partenaire à l’acteur qui a le rôle principal.

La colonne vertébrale de la pièce est sûrement la grande diagonale formé par quatre couples répartis du fond de scène côté cour à l’avant-scène côté jardin. Progressivement, chaque couple va être séparé du suivant par une toile de gaze (Belarbi en faisait aussi usage dans Wuthering Heights, ça doit être un truc maison) rendue opaque ou semi transparente selon les éclairages. De part et d’autre de ces toiles, les couples explorent à travers les différentes répliques qui se peuvent concevoir toute la gamme des relations à autrui en terme d’identité et de différence. Après la relation en miroir puis en symétrie inversée, comme les têtes des jeux de cartes, l’exploration se complexifie au fur et à mesure que l’on s’approche de l’avant-scène, des étoiles et de la fin.

 

II. 1. Personne, action, œuvre qui semble être l’image d’une autre.

Chez les deux derniers couples, la stichomythie laisse place à quelques tirades et le dialogue s’étoffe. Les danseurs ne se donnent plus la réplique à l’identique, ils interrogent désormais la question de la semblance et mettent en cause la source d’où part la reproduction, s’il est vrai que bientôt on ne sait plus qui est l’original et qui est la copie (jusque là, celui qui était derrière la toile). Le reflet se désolidarise de son référent, prend son autonomie, et va même jusqu’à inverser la relation de dépendance en impulsant lui-même le mouvement ; c’est ainsi que successivement, la copie puis l’original tombent à terre, comme vaincus par le bras de l’autre, resté en l’air, le coude plié, paume à plat – geste même de raccord, qui permet de reprendre contact, comme deux personnes de part et d’autre d’une vitre.

 

2. Copie plus ou moins fidèle d’une œuvre d’art.

Toutes ces interrogations sont pertinentes, mais les brouillages qui en résultent tendent à donner à tous la baisse d’intensité que l’on associe à l’idée de réplique, qui est aussi un « simulacre » - la réplique est moindre que l’original et si l’original est également la copie… l’ensemble risque d’être bien léché comme une brillante copie d’écolier. C’est très intelligent, trop presque : j’ai l’impression d’épuiser la pièce après ces quelques remarques, dont l’interprétation sensible par les corps ne me semble plus guère faire office que d’illustration. Le programme justifiait le rapprochement des trois chorégraphes de la soirée en soulignant que « leur travail permet de rappeler combien, dans ce monde tenté par la virtualité, la sensorialité et la physicalité du corps restent une source vive de la danse. » La formulation m’a fait sourire, mais je souscris à ce qu’elle exprime (à moins que ce ne soit à ce que j’y mets derrière) sans être d’accord sur son application à Répliques, dont le défaut est justement pour moi le manque de « sensorialité ». Peut-être était-ce dû à sa place dans la soirée, où la réplique à Amoveo ne pouvait qu’être de moindre intensité. Ou peut-être simplement est-ce une affaire de goût et d'absence de couleur.

 

3. Géol. Secousse secondaire succédant à la secousse principale d’un séisme.

Revoir la pièce ne m’a pas permis de l’apprécier davantage, seulement de mieux la distinguer dans ses articulations. La redite a permis une vision plus précise de la diagonale et de son ébranlement depuis le fond de scène jusqu’à la grosse chose posée en avant-scène, sorte de coquillage également donné pour une graine (quelle fertilité d’imagination !), que je verrais davantage comme un galet, dont les ricochets ont déclanchés des ondes (en sens inverse, certes, puisqu’on s’en rapproche au fur et à mesure). Avec les toiles, il composait le décor composé par l’architecte Paul Andreu, et dont on a fait tout un foin sans que je comprenne vraiment pourquoi.

Je ne suis pas certaine que la seconde distribution m’ait plus secouée que la première, bien qu’elle ait peut-être servi le propos du chorégraphe de façon incisive (ce serait logique puisque, d’après ce blogueur -allez voir les photos qui vous donneront une idée de la scénographie- c’est un groupe habitué à travailler avec Nicolas Paul). Isabelle Ciaravola ne m’a pas parue meilleure qu’Emilie Cozette que j’aurais même tendance à préférer – pour le coup, son côté effacé est parfaitement adapté à cette pièce uniformisante ; le contemporain lui va mieux. Palpatine en était tout ébahi, dont le regard passait des saluts sur scène, à ses mains dont le battement lui paraissait étranger, comme mécanique ou autonome, pour ensuite se tourner vers moi : « Tu te rends compte, il me fait applaudir Cozette. Tout arrive. » Mais pas la pleine adhésion enthousiaste – plutôt une sorte de validation intellectuelle.

Commentaires

ca fait plaisir de lire un blog qui parle de danse

Écrit par : louison | 10 décembre 2009

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