28 juin 2014
Adieu au langage
On a pu remplacer l'œuvre par sa genèse ou par sa destruction méticuleuse. Mais là où le nouveau roman a pris soin de conserver un matériau minimal (un sujet à défaut de personnages, des apparitions intrigantes à défaut d'intrigue) et de l'articuler (il n'y a pas plus construit qu'un roman d'Alain Robbe-Grillet ou de Claude Simon), Jean-Luc Godard y va la caméra au fusil, shootant tout ce qui bouge et n'avance pas. Adieu au langage ressemble à un pot-pourri de rushs random, mêlant bouts de conversations sans enjeu, arbres au vent, relation adultère sans drame ni perspective et surtout, le chien du réalisateur, qu'il aime manifestement plus que ses spectateurs.
Pour sa patience face à des bribes qui n'entrent jamais en résonance, le spectateur en prend plein les yeux plein la tête : 3D, couleurs (dé)saturées, flous qui n'ont rien d'artistique, ruptures sans style, bande son désynchronisée... Qu'il expérimente, fort bien (le procédé selon lequel on voit deux actions différentes selon que l'on ferme l'œil droit ou gauche est une chouette trouvaille), mais qu'il ne nous présente pas ses brouillons barbouillés de deux ou trois jeux de mots comme une œuvre ! Ah, dieux ! Oh, langage ! Encore faut-il pouvoir articuler pour faire ses adieux au langage. Malgré tout ce que peut en dire Jean Douchet, venu présenter le film de son ami, il n'y a pas de pensée possible sans grammaire. Mais cela plaît grandement aux onanistes intellectuels, qui peuvent élaborer à propos du film les théories les plus délirantes, sans que rien ne vienne jamais les contredire.
Je suis pour ma part incapable de prendre du plaisir sur un objet aussi vide de sens, ni logique ni poétique, où même la nature est laide et la chair ne donne pas envie. Je ne suis pourtant pas contre un peu de masturbation intellectuelle, lorsqu'elle donne l'occasion de jouir. Mais, à l'image de ce bateau, filmé encore et encore, qui n'en finit pas d'arriver, Adieu au langage est un film de peine à jouir, qui transforme toute excitation en irritation. Non. Juste non.
Mit Palpatine
17:50 Publié dans Souris de médiathèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, godard, adieu au langage