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21 avril 2010

Tourner court

 

Vœu pieux : tourner mes billets avec plus de concision sans pour autant que la pensée y tourne court. Peux toujours courir, je crois.

 

Des brèves de cinéma qui ne deviennent pas desséchées comme des dépêches AFP à la longue : Vu au cinéma, un blog de critiques totalement subjectives au format post-it. Ce Manuel Vaïda ne semble pas payer de mine avec ses grimaces qui rappellent les vignettes de Télérama, mais il pourrait bien avoir un ticket de votre part. « Ne mâche pas. Ne déflore pas. N'en rajoute pas. » Tout ce que je ne fais pas.

 

 

05 septembre 2009

Du blogueur in-carnet

Traînée à Paris-Carnet, une réunion mensuelle de blogueurs en chair et en os (quoique… est-ce qu’un blogueur sans ordinateur en est encore un ?), j’ai pu avoir une piqûre de rappel de mon manque d’aisance à engager une conversation. D’autant qu’avec la musique, pourtant pas trop envahissante, j’avais l’impression d’être sourde – voire cruche, comme en arrivant où j’ai cru à tort qu’on s’adressait à moi, parce que j’avais attrapé un regard sans entendre les paroles qui m’auraient appris qu’elles ne m’étaient pas plus destinées que ledit regard. Une fois installée et bien calée dans ma chaise, ça va mieux. C’est un peu comme lorsqu’à la gare on arrive sur le quai : tandis qu’on avance pour être à la hauteur de la sortie désirée à l’arrivée et qu’on traverse l’espèce de podium créé par la file de passagers en retrait par rapport à la voie –éloignez-vous de la bordure du quai, s’il-vous-plaît- , on a la sensation d’être entièrement dévisagé par cette haie de déshonneur, qui a pris racine ; sitôt rentré dans le rang, quelques secondes suffisent à s’y fondre, et l’on peut à son tour voir sans être vu, les yeux pris dans la muraille invisible des corps alignés.

La maladresse de l’installation, toujours latente à cause d’une chaise décalée, du sac à poser ou d’un espace un peu juste entre les tables, n’a plus cours une fois assise dans ce café (restaurant, bar ?). Le corps rangé n’expose plus au regard, mais celui-ci y est logé, presque dissimulé à l’intérieur, comme si l’on épiait l’extérieur depuis une cabane d’enfant : le spectateur est tranquillement assis derrière sa table. Il suffit que l’on vous parle pour que brusquement le corps cesse d’être une cachette. La peau rétrécit, ou vous vous dilatez : vous en occupez à nouveau tout l’espace ; comme le grand pull sous lequel on se blottissait est maintenant moulant d’avoir bouilli à la machine, la peau s’ajuste à l’exacte dimension de votre moi qui l’a réinvestie. Délogée de votre poste d’observation, vous êtes sommée, vous avec vos couverts dans les mains et votre robe rouge sur le dos, de prendre part à la conversation.

 

Ces minuscules tropismes sont évidemment beaucoup moins terribles que leur description, recouverts par le bruit des rires, de la musique, des âneries et des vérités proférées avec enthousiasme. Un rire inclassable et monstrueux, qui reléguerait celui du Vates à un discret gloussement, secoue une chemise colorée et un chapeau blanc, avec quelques ondes de choc aux tables alentours, tant on est surpris de ce rire qu’on est bien obligé de qualifier de tel à défaut d’autre chose. Il y avait Alecska, que j’ai loupée (seul blogueuse que je suivais depuis un petit moment), Mademoiselle Moi, que j’ai découvert avec plaisir. Il y a comme ça des gens que l’on trouve franchement sympathiques, en dépit de la pauvreté de cette expression. Une ancienne khâgneuse qui reconnaît qu’on met du temps à en sortir et que, lorsqu’on se retrouve entre anciens, la conversation dévie inévitablement sur le sujet. Déjà cependant, on n’a pas vraiment parlé de la prépa, mais de son « après », ce qu’on en garde une fois que l’on s’est dépouillé de son formatage, de son orgueil et de ses frustrations (celles-ci n’étant rien d’autre qu’un effet de celui-là – risibles en fin de compte). Cela m’a mise de bonne humeur, il est toujours plaisant de deviner (qu’on se trouve en face de) quelqu’un. Puis la surprise, de retour chez moi, devant mon ordinateur, d’apprendre qu’elle a le sentiment d’être timide. Que devrais-je dire, alors que chemise bleue et sourire de moelleux au chocolat (désolée pour la caractérisation, j’ai un trou de mémoire) m’a fait remarquer qu’ils n’allaient pas me manger, et que je pouvais cesser de marteler la table avec la tranche des mains comme si je découpais des sushis au hachoir ?

 

Il y a aussi eu des flashs démultipliés par le reflet des glaces qui permettent aussi de surprendre une personne ou d’esquiver un photographe – c’est qu’ils sont légions dans la blogosphère. Il est d’ailleurs assez amusant de repérer certaines données récurrentes qui pourraient en esquisser une typologie – ce qui ferait que les blogueurs, même en l’absence de leur écran, forment un certain groupe. Pas mal d’informaticiens d’un côté, et de lettrés/sorbonnardes de l’autre. Il ne faudrait pas schématiser, puisque l’on trouve aussi des professeurs, policiers et autres professions et que tout ce petit monde se mélange. Il n’en reste pas moins qu’on y retrouve deux données constitutives du blog, l’écriture et l’ordinateur.

 

Impossible de faire le détail de toute cette soirée (là où l’on voit ce que ça donne de rédiger sur l’ordinateur, qui offre du blanco et des paperolles à l’inifini. Ca commence bref, et on truffe de paragraphes parasite) , d’autant que cela a duré un bon moment et que j’ai un mal fou à retenir l’association visage-nom-pseudo-blog(s) (déjà que sur une classe de quinze, je peux encore avoir des doutes aux trois-quarts de l’année…). Pour avoir les liens des gens présents, vus, inaperçus, écoutés ou adressés, c’est ici. On y trouve aussi des photos de la soirée, ici, par exemple (j’aime particulièrement le jeu de reflet et de cadrage de celle-là – c’est lui, chemise bleue et sourire de moelleux au chocolat). Si la curiosité vous y pousse, vous remarquerez peut-être que la plupart sont loin d’être des gamins. Je devais être l’une des plus jeunes ; en même temps, il faudrait que je fasse attention, je suis encore tombée des nues en apprenant que notre voisin de table n’avait que deux ans de plus que moi. Comme beaucoup d’autre, je l’ai placé derrière une ligne (pas infranchissable mais bien séparatrice) délimitant une zone « adulte » que je regarde depuis l’autre côté. J’ai décidemment du mal avec les âges, ne sachant pas trop si je vieillis à outrance ou si je me considère à tort ou à raison comme (encore ?) une gamine. Qui se barre en sautillant.