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19 août 2009

Histoire de la sexualité, de Michel Foucault - I La volonté de savoir

A / Ce que le livre n’est pas

Où je laisse entendre que ça va être long et laborieux et m’en excuse

 

[j'ai essayé de raccourcir, mais voyons que ça n'enlevait qu'une page word et ne changeait pas le problème fondamentale d'une longue lecture, j'ai abandonné... Je rappelle à toutes fins utiles qu'un des droits fondamentaux du lecteur est celui de ne pas lire]

 

Entre Engels et Gouhier, le titre de l’ouvrage de Foucault détonne dans le rayon de philosophie de chez Gibert. Attire un peu, aussi, forcément (d’autant que j’ai un radar à étiquettes jaunes là-bas). Mais je vous arrête tout de suite, il ne s’agit pas de l’histoire d’un quelconque Kâma-Sûtra occidental. Ce n’est pas le propos de ce livre. Ce qu’il est, en revanche, on met un certain temps à le définir. Le livre entier en fait.

Comme il s’agit d’un premier tome, on peut supposer qu’il s’agit d’une sorte d’introduction géante. Un peu laborieuse à mettre en place son sujet. Cela m’a rappelé le reproche que m’avait fait Mimi dans ma copie sur le cléricalisme (que j’ai mis la copie à désarticuler de la croyance), où l’on voyait certes la pensée en train de se faire tout au long du devoir, mais où l’on était agacé de voir arriver seulement à la fin ce qui aurait du être une réflexion préalable au brouillon. Comme souvent, c’est en arrivant à la conclusion que l’on comprend l’enjeu du sujet. C’est ce qui se passe ici : on est brinquebalé un long moment sans savoir où l’auteur veut en venir, et l’on patauge dans des termes quelques peu abstraits avant qu’ils finissent par prendre chair (vu le sujet, il serait temps). D’où que je ne sais pas trop par où prendre la chose : par le début revient à céder en partie à la pulsion du fichage, et par la fin, à exposer une certaine théorie sans sa formation et donc sans les problèmes auxquels elle se heurte. Alors je vais couper la poire en deux et commencer par le milieu, c‘est-à-dire les pépins.

L’histoire qu’entreprend Foucault n’est pas celle des couples dans l’intimité de la chambre à coucher (voyeurs s’abstenir), mais celle des discours qu’on a pu tenir sur le sexe et donc des rapports entre pouvoir et savoir du sexe (les lecteurs du marquis peuvent se retirer, they’d be very Sade). Une histoire de l’histoire du sexe en somme - la réflexion commence toujours avec un redoublement de ce style.

Entre sexe et pouvoir, le lien n’est pas immédiat, vous me l’accorderez, et dans la soupe qu’on veut nous faire avaler, on trouve comme cheveux la peine de mort, le racisme, Machiavel, Aristote ou bien Hobbes. La quatrième et le cinquième partie s’ouvrent comme une dissertation sur le pouvoir avant d’en venir aux relations qu’il entretient avec la sexualité : le détour qui semblait là pour éclairer un aspect de la question fait prendre un tout autre chemin et la sexualité, objet central à expliquer, prendrait une valeur d’exemple – certes paradigmatique, mais tout de même.

« Cette histoire de la sexualité, ou plutôt cette série d’études concernant les rapports historiques du pouvoir et du discours sur le sexe, je reconnais volontiers que le projet en est circulaire, en ce qu’il s’agit de deux tentatives qui renvoient l’une à l’autre. » L’auteur en a donc pleinement conscience, ce qui est formidable ; ce qui l’est moins, c’est qu’il met 119 pages à nous l’annoncer. C’est le problème avec les raisonnements circulaires, il faut bien commencer par un point donné du cercle sous peine de prendre la tangente. Que fait-il alors pendant les cent premières pages ? Un mélange de tangentes qui esquissent en creux le cercle à venir, dont on n’a que des arcs-de-cercle pas forcément reliés, et de ronds concentriques qui se resserrent de plus en plus autour du sujet, jusqu’à ce que le lasso étrangle le sujet avec son nœud.

 

(vous pouvez en rester là, ou sauter directement au C/)

 

15 juillet 2009

Après le tremblement de terre

 

De Haruki Murakami

 

 

« En rentrant du bureau ce soir-là, Katagiri trouva chez lui une énorme grenouille qui l’attendait. Dressée sur ses deux pattes arrière, elle faisait bien deux mètres de haut.

[…]

- Bien sûr, comme vous pouvez le constater, je suis un authentique batracien. Je ne suis ni une métaphore, ni une allusion, ni une image de synthèse, ni quoi que ce soit d’aussi compliqué. Je suis une vraie grenouille. Vous voulez que je coasse un peu pour voir ? »

 

 

Je suis toujours perplexe en refermant un livre de Murakami, mais j’ai toujours autant de plaisir à le lire.

Parfois, il ne faut pas chercher à comprendre. C’est ou c’était écrit, voilà tout.

 

 

« Mais comme l’a découvert Ernest Hemingway, ce qui décide de la valeur ultime de nos vies, ce n’est pas la façon dont nous remportons la victoire, mais la façon dont nous sommes vaincus. »

 

 

Quoiqu’il en soit, je suis en vacances.

 

 

« Dans une sorte de brouillard, il vit l’homme s’approcher de lui, le pistolet à la main. « Je vais mourir », se dit-il. La véritable peur, c’est celle que les hommes éprouvent envers la force de leur imagination, avait dit Crapaudin. Sans hésiter, Katagiri coupa le bouton de réglage de son imagination et sombra dans un silence paisible et plein de légèreté. »

 

Ce genre de passage peut certes encore déclencher un « Hobbes ! » en pop-up dans mon cerveau, mais l’idée de reprendre le livre et d’y chercher échos et correspondance est demeurée au stade de velléité, pas même de volonté avortée. En vacances, je vous dis.

 

 

07 mai 2009

Déchiffrer Kundera

 

Pas de décorticage ni de signification hiéroglyphique – il s’agit pour ainsi dire d’un déchiffrage musical, d’une première lecture, tâtonnante, mais où déjà se devine une petite musique.

 

Il me semble ne vous avoir encore jamais saoulé (je cherche vraiment à vous enivrer avec n’importe quoi) avec mon irrationnel engouement pour les noms commençant par K. La généralisation est un peu cavalière étant donné qu’il n’y en a pas pléthore – je n’en vois même que deux, pour l’instant : Kafka et Kundera. J’ai beau détester les romans du premier (là aussi, hâtive généralisation, mais on ne devrait jamais justifier une mésentente cordiale), et supporter la Lettre au père, j’adore ce nom qui claque en allitération. C’est comme si l’overdose de Procès en terminale, en lettres et en allemand (avec un petit extrait d’America, pour diversifier dans le même), puis en hypokhâgne en allemand, un extrait du Château, n’était pas rattachée au nom de l’auteur. K particulier donc, et qui remonte bien avant la khâgne et ses tics orthographiques.

Ajoutez à cette fantaisie que j’étais déjà tombée sur un ou deux extraits de l’Insoutenable légèreté de l’être ; qu’en l’effeuillant à Gibert, j’avais été intriguée par ses courts chapitres sans titre, mais avec de grands chiffres bien alignés sur la marge de gauche ; que je l’avais aperçu ici ou là, et que j’étais en période de révisions : vous verrez par là dans quelles dispositions favorables j’étais envers Kundera.

Alors quand j’ai eu fini l’Insoutenable légèreté de l’être, je me suis dit qu’il fallait vérifier l’origine de mon enthousiasme, peut-être par trop circonstanciel : je suis retournée à Gibert, et guidée par le hasard des étiquettes jaunes (louées soient-elles), je n’ai pas voulu être dupe de La Plaisanterie. Elle était pourtant bien bonne. Moins violente que la salutaire claque de ma découverte, mais quand même déconcertante. Et l’autre K de rappliquer « si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon lire… un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous ».

A force de s’étiqueter littéraire, et de décortiquer toute œuvre de caractères, on finit par ne plus lire, mais seulement relire. Le fourmillement est infini dans l’approfondissement, mais l’on en vient tout de même à tourner les pages comme un lion en cage – et un lion n’est pas trop à son aise dans une fourmilière. La richesse de l’échantillon de bibliothèque dans lequel on évolue demeure constante mais devient trop bien connue, elle se racornit à vue d’œil critique. Un peu comme cela avait été le cas avec L’écume des jours, et VIan ! prend ça en pleine poire, -la liqueur était forte-, la lecture de Kundera m’a fait l’effet d’un coup de canon dans l’enceinte de ma petite cité littéraire ; brusquement un pan de mur est tombé, et tout un univers est apparu, étranger.  Je ne doute pas qu'il finisse par être intégré à mon Panthéon romanesque ; ni qu’il secoue un peu en retour mes lectures poussiéreuses. Il n’en reste pas moins que voilà, un pan de mur est tombé.

Peut-être ai-je d’abord eu la vision de cet autre univers par la partition en feu d’artifice, et les autres romans ne m’en sembleront que les gammes. C’est possible, La plaisanterie m’a parue plus uniforme que l’Insoutenable légèreté de l’être. Mais il est fascinant de voir comment se constitue cet univers, quels en sont les motifs, les récurrences, relever les obsessions et les mythes personnels de l’auteur. Il faudra quand même que je me modère, que je ne baffre pas toute sa bibliographie d’un coup, que je savoure. Tout au long de ma lecture, j’ai tâché d’adapter mon rythme, et toujours mon esprit agitait le fragment de Pascal comme une menace, Quand on lit trop vite ou trop doucement, on n’entend rien, ne pas gâcher, surtout, l’irréversibilité de cette première lecture (dernière fois première). Tout était à souligner, à remarquer, à retenir, à relier, à goûter - un buffet de saveurs inhabituellement mariées. Et puis comme c’est se gâcher la lecture que de s’appliquer à ne la pas gâcher, j’ai envoyé promener les deux infinis et leur in(sou)tenable juste milieu, et ai mis tout mon zèle à gâcher allégrement ma lecture en me baffrant à toute vitesse, avec l’assurance que je pourrai toujours y revenir, comme on se rassurerait d’avoir de l’aspirine à portée de sac avant de se mettre à boire. Et déjà j’ai envie de relire.

18 février 2009

Tuer Catherine

[Ceci est un trip, un très long trip, un trop long trip, sur un très bon roman. Si vous n’avez pas envie de (tout) lire, vous pouvez toujours sauter de paragraphe en paragraphe comme un cabri, ne lire que les passages en gras, aller trouver le lien vers le blog de l'auteur, ne pas lire du tout. Mais le mieux reste quand même d’acheter le bouquin.]

-Par où commencer ?

-Par où tu veux. Même in media res, un commencement sera toujours un début, alors commence donc par le début du livre, c’est un bon début pour débutant.

-Mais ce livre est une suite de débuts sans fin.

-Réalise le fantasme des anciennes éditions de folios junior « Et si c’était par la fin que tout commençait… ». Commence par la fin.

-D’accord : Catherine meurt.

-Bah ça commence bien.

-Merci pour le spoiler.

-En même temps, vu le titre, on pouvait s’en douter.

-D’ailleurs, elle ne meurt pas vraiment.

-Allons bon.

-Je vous signale qu’on est en train de dévoiler le milieu, là.

-Bon. Allons, procédons avec ordre.

-Mais l’ordre de l’un est le désordre de l’autre.

-Bouh, vile spinoziste !

-Je ne comprends rien.

-A Spinoza ?

-Non, à ce qu’on dit. Filez-nous la quatrième de couv’ !

- Laquelle ?

-C’est malpoli d’embrouiller le lecteur, même numérique. Voici :

« Minable héroïne de seconde zone, Catherine est un personnage de fiction sans œuvre fixe qui a eu l'indécence d'élire domicile dans mon corps. Au départ, je m'étais faite à l'idée d'être deux : je suis partageuse, comme fille, moi. Mais le problème, c'est que la présence de Catherine est parfaitement incompatible avec la vie saine que je m'efforce de mener : elle est obsessionnelle, monomaniaque, hystérique, et j'en passe. Aussi ai-je décidé de l'éliminer. Définitivement. »

-Qui est je ?

-Révise tes conjugaisons !

-Eh, l’autre ! Arrête Rimbaud !

-Je persiste : qui est je ?

-La narratrice.

-Une cinglée.

-Un personnage d’auteur.

-Un imposteur.

-Une logorrhée cérébrale.

-Une voix.

-Et nous ?

-D’accord, des voix.

-C’est nous !

-Des mots, des phrases, un rythme sans virgule un souffle garanti haleine fraîche avec tictac seulement 2 calories par bonbon.

* *

*

Les mises en abyme me fascinent, faire une synthèse non synthétique sur la Modification de Butor m’éclate, dévorer en miettes et reconstruire, les structures désossées, les legos littéraires, le roman dans le roman, le théâtre dans le théâtre et le comique de l’illusion… alors forcément, Tuer Catherine, avec ses mises en abymes de mise en abyme de mise – métatexte puissance innombrable- était destinée à me plaire.

C’est bon comme un millefeuille* de 250 pages (ou plus si vous aimez les croûtes). Et ça se mange pareil : à l’arrache. On ne distingue pas les couches de narration, méta texte, commentaire de commentaire de commentaire de machine enrayée, on enfourne tout et sans être écœuré, encore. L’humour est très digeste. Acide à souhait.

Lorsque la narratrice hésite à faire profession de bonne foi, c’est qu’on risquerait par là de suspecter qu’elle a quelque chose à cacher (agent secret), mais de le dire, c’est aussi prendre le risque de passer pour quelqu’un d’insignifiant voulant faire l’être mystérieux (dame pipi) ; mais alors, pourquoi ne serait-elle pas un agent secret se faisant passer pour une dame pipi se faisant passer pour un agent secret ? Elle ne sait plus quoi redouter, « être prise pour un agent secret triplement double ou pour une dame pipi polyaffabulatrice ? » Ca, c’est le délire paranoïaque de la voix simple.

Plus complexe s’avère celui de la composition florale chorale des voix. Une sorte de dialectique mentale pulvérisée en agora informe, comité de surveillance des intellectuels antifascistes de la rédaction du Roman de Catherine. Auquel vous n’aurez pas accès, parce que vous ne croyez tout de même pas que l’on va vous donner une base solide sur laquelle vous reposer. Le lecteur n’est pas fait pour cela, debout bande de badauds. L’infini de la mise en abyme se fait aussi en aval : est-ce que l’on donne la raison d’un prétexte (serait-ce celui d’un livre) ? Merci de ne pas répondre, cette question était rhétorique – navrée. Vous pouvez toujours vous en prendre aux voix boucs émissaires de discussions de sirènes. Rien ne sert de compter ces bestioles mythologiques et composées : elles sont le nombre qu’il faut pour se contredire. Après avoir essayé pendant approximativement 5,7 répliques d’établir une alternance binaire puis ternaire, j’ai laissé cela à la fonction de mon humeur – de ma marrer ensuite de voir mon intuition confirmée rassurée : [le chœur décide de prendre ses mesures par le vote] « - Un tiers d’entre nous avait tout de même voté pour, je te signale.

-Et un tiers contre.

-Taisez-vous, ils vont savoir qu’on est en nombre divisible par trois.

[…]

-Vous n’avez rien compris. Le chiffre n’est pas secret. Il n’existe pas. C’est très différent. »

* pour les becs salés, nous vous proposons la « fiction-gruyère ». Et dans le gruyère, le meilleur, ce sont les trous. Les trous idiosyncrasiques du gruyère ont toujours été sous-estimés.

* *

*

-C’est bien gentil de s’éclater sur sa dernière lecture, mais on ne comprend pas grand-chose, là.

-Mais vous lisez toujours.

-Qu’est-ce que tu en sais ?

-On ne peut pas me contredire sinon.

-C’est ça, joue au chat et à la souris, toute mimi que tu es.

-En attendant, je donne ma langue au chat.

-Ouais, et Catherine ? C’est qui ?

-Pourquoi on la tuerait d’abord ? C’est peut-être une personne charmante.

-C’est vrai, ça. Et puis si ce n’est pas vrai, ça l’est quand même un peu, puisqu’on cloue facilement le bec à un personnage fictif.

-Mais si c’est un personnage, ce n’est pas une personne.

-Chipote !

-Pris comme un bleu à l’illusion référentielle.

-« willing suspension of disbelief »

-Plagieur !

-Coleridge !

-Shut up !

-Mais c’est qu’on est polyglotte dans le coin.

-Et alors, si ça se trouve Catherine est une tsarine russe.

-Ils parlaient français à la cour du tsar.

-Vous êtes un peu à l’est, là.

-Y’a rien de nouveau.

-Faut revenir à l’ouest. Catherine n’est pas russe.

-Si. Même que c’est une poupée.

-Une mise au point s’impose.

* *

*

Niveau 1 : Catherine est un personnage de fiction qui squatte le cerveau de la narratrice.

Niveau 2 : Catherine est une part de la narratrice, puisqu’elle est dans son cerveau.

Niveau 3 : Catherine est celle que la narratrice veut zigouiller (2+3= la narratrice est maso)

Niveau 4 : Catherine est l’anti-héroïne du roman de la narratrice qui prévoit de la réifier dans ses mots.

Niveau 5 : Catherine est le sujet du Roman de Catherine, dont discutent les voix.

Niveau 6 : Catherine est l’auteur du Roman de Catherine (5+6= Catherine est égocentrique)

Niveau 7 : Catherine est le complément d’objet direct de Tuer Catherine.

Niveau 8 : Catherine est le prétexte de Tuer Catherine.

Niveau 9 : Catherine est suicidaire. (7,8,9 dans mon panier neuf)

Niveau 10 : Catherine est une emmerdeuse.

Niveau 267 : Catherine est insaisissable.

Niveau 268 : Catherine est comme Dieu, présente partout, présente nulle part.

Niveau 269 : Catherine est l’auteur. ( le syllogisme 268- 269 suppose Flaubert comme mineur(e) )

Niveau 342 : Catherine est un nom.

Niveau 343 : Catherine est des mots.

Niveau 467 : Catherine est vous.

Niveau 469 : Catherine est une vaste supercherie.

Niveau 1873546 : contribution de Valéry, le verbe être a fait une grande carrière dans le néant, Catherine n’est plus, félicitations, vous avez épuisé toutes ses vies, vous avez tué Catherine, (vous avez épuisé toutes vos vies, vous êtes Catherine).

GAME OVER.

* *

*

-C’est long.

-Va voir ailleurs si elle y est.

* *

*

Livres que l’auteur a lu ou du lire :

- Sterne

- des critiques littéraires.

- Le Mythe de Sisyphe

- Madame Bovary

- Lady Chaterrlay

- des tragédies antiques

- Anna Karénine. Capital.

- Tu ne l’as pas lu.

- Certes.

- Mais alors tu ne peux pas avoir tout saisit.

- Certes.

- Tu te fous de nous.

- Certes non. Ca montre que ces clins d’œil littéraires ne sont pas entièrement nécessaires pour apprécier Tuer Catherine.

* *

*

-C’est long.

-On est revenus.

-Par pitié, de la synthèse.

* *

*

Tuer Catherine c’est tuer Catherine. La lecture même détruit le stéréotype du personnage romanesque. C’est pour cela que l’on assiste à son enterrement mais que l’on ne sait pas quand elle meurt : quand le roman s’est-il désagrégé pour devenir la narration de la genèse d’un roman qui n’existe pas ? quand le Roman de Catherine est-il devenu Tuer Catherine ? quand arrêteras-tu de nous saoule avec tes questions à la noix ?

Le meurtre est tout à fait épuisant. Le récit s’épuise, le lecteur aussi. Parce que cher lecteur, Tuer Catherine, tu es Catherine. Tu dois te tuer toi-même à la tâche de lecture. Tu t’appelles Claire, Marie, Paulette ? Tu es Catherine, tu es cette amoureuse romanesque qui s’attache au personnage de Catherine dans le roman éponyme. Ne nie pas, tu es Catherine, sinon tu ne rirais pas à un tel passage : « […] impossibiliser toutes mes histoires d’amour afin que Catherine puisse pleurer toutes les larmes de mon corps devant sa passion perdue avant de rater son énième suicide, parce que naturellement la SNCF est systématiquement en grève les jours où elle choisit de s’allonger sur les rails du TGV munie de son petit panier osier doublé carreaux vichy contenant son testament écrit au sang de hamster écrasé, n’est pas héroïne de seconde zone qui veut ». (précaution d’emploi : ne pas boire du thé en même temps – si la couverture de mon exemplaire est miraculée, elle n’a dû sa sauvegarde qu’à une heureuse synchronisation qui fait que j’avais quasi dégluti ma gorgée de thé au moment où j’ai explosé de rire) Lecteur, tu ris, tu es Catherine, et c’est pour ça que le livre peut parfois t’agacer : c’est très agaçant de devoir se tuer soi-même. Serait-ce pour les beaux yeux de Nina Yargekov.

* *

*

- Tu vas nous lâcher, maintenant, Anorak Yeving ?

- Surtout que tu n’es pas drôle. Nina Yargekov, elle, l’est. Son premier roman est plein de second degré.

- Second ? Y’en a au moins 90° : ça décape, ce roman.

- On sent qu’elle s’est éclatée à l’écrire.

- Ca se voit, il y a des morceaux partout.

- Je n’ai pas trouvé l’orteil gauche, j’aurais peut-être dû regarder derrière le rayon.

- Arrêtez ce commentaire de roman autocommentaire, sinon on ne va pas s’en sortir.

- Je ressuscite Catherine.

- Mais elle est enfin morte !

- Pas pour ceux qui ne l’ont pas encore lu.

- On ne s’en débarrassera donc jamais ?

- Comment elle a fait Nina ?

- Comme ça.

[Le premier qui laisse un commentaire ressuscite Catherine et le fait à son péril.]