24 octobre 2010
C'était tellement possible !
Oncle Vania, de Tchekhov, au théâtre de l'Athénée, samedi 23 octobre
Mise en scène de Serge Lipszyc
Tchekhov n'était qu'un nom pour moi, que je ne savais même pas orthographier, alors lorsque Inci m'a proposé de la rejoindre avec le Teckel et Melendili pour voir une de ses pièces, je suis partie d'un pourquoi pas enthousiaste, sans savoir du tout à quoi m'attendre. Even now, I don't know exactly what I have been attending : juste avant que la lumière ne s'éteigne, Inci nous souffle que c'est plutôt une pièce déprimante, mais, sans pour autant lui donner tort lorsque la lumière s'est rallumée, j'ai pas mal ri – de ce rire qui ne relève pas du comique, mais bien de l'humour, cette étrange manière qui empêche de jamais s'y retrouver et de trancher. Si la pièce porte le nom de l'oncle Vania, alors que le texte de celui-ci n'excède pas celui des autres personnages et qu'il fait même parfois figure de marginal, c'est qu'elle en adopte la position distanciée et le regard ironique qu'il porte sur ce petit monde.
Robin Renucci (oncle Vania), dont j'ai beaucoup aimé le jeu et les petites lunettes dorées ; derrière, Serge Lipszyc, dont le rôle du médecin (un peu trop certain de l'absence de certitudes) était moins convaincant que sa mise en scène (où l'humour ne permet pas qu'une intention ou un personnage prenne le pas sur les autres).
« Il sera bientôt trop tard. »
La vieille nourrice, déjà là avant que la pièce ne commence, tricote le temps que nous nous installions. Elle n'a rien d'une Parque pour autant, ne se mêle pas du destin, et souligne en contrepoint de sa présence tranquille les perturbations introduites par Alexandre Vladimirovitch Sérébriakov (les noms : l'une des raisons pour lesquelles il faut voir et non pas lire la pièce – entre prénoms et patronymes, on aurait vite fait de créer des synonymes d'un même personnage) dans la maison de sa défunte ex-femme. Depuis qu'il est là, on mange à plus d'heure et ce dérèglement temporel touche bientôt toute la vie des personnages : Elena Andréevna, sa nouvelle femme qui l'a épousé par amour (de lui et de sa science), regrette à présent de ne pas avoir un mari plus jeune, comme le docteur. Ce dernier, dont est éprise la trop jeune fille du professeur, n'a d'yeux que pour la belle-mère de celle-ci, qui avoue, alors qu'elle l'est toujours, avoir été « un peu séduite » par le médecin. Mais il est trop tard, elle est mariée et fidèle – à ses idéaux plus peut-être qu'à son mari. C'est ce que ne comprend pas le médecin, qui n'obtient d'elle qu'un baiser ou deux, et que ne veut pas comprendre oncle Vania, lui aussi amoureux de celle qui a pris la place de sa défunte sœur, mais qui, contrairement au médecin engagé dans la lutte contre la déforestation (c'est son rêve d'humanité, lorsque tous ceux qu'il soigne sont « toqués »), a perdu ses illusions. Tout « était tellement possible », semble-t-il, lorsque les choix n'avaient pas encore été faits, qu'on ne peut défaire. Mais il ne savait pas que même l'absence de choix en devient un ; les ramifications indéfinies de la vie ont été coupées, quelque chose est mort en même temps que quelqu'un, la mère de Sonia et la sœur de Vania, qui seule assurait la cohérence de leur univers familial et laissait croire à une vie harmonieuse. Il a toujours été déjà trop tard.
« Si j'avais eu une vie normale, j'aurais pu être Schopenhauer... »
On comprend peu à peu que si oncle Vania ne peut pas voir en peinture le professeur à la retraite, c'est parce qu'il l'a par le passé encadré et révéré comme une icône, avec le reste de la famille (la mère, qui se repaît de discussions et de brochures, en est restée une admiratrice inconditionnelle). Ce qu'il ne peut lui pardonner, c'est d'avoir cru à ses articles sur l'art, auquel, oncle Vania s'en rend compte à présent, le professeur ne comprend rien. Il n'en restera pas une ligne, son érudition n'a pas pesé plus qu'une bulle ; elle éclate en même temps que le vague espoir d'immortalité qui était une caution à la vie laborieuse d'oncle Vania, consacrée à la gestion du domaine pour cet homme qu'il admirait, et maintenant ressentie comme un sacrifice. S'il avait eu une vie normale, dit-il, il aurait été un Schopenhauer - confirmant par-là la foi qu'il ajoute aux travaux de l'esprit. Il ne pardonne pas son absence de réussite au professeur, auquel il avait remis sa procuration, et celui-ci ne s'y trompe pas lorsqu'il retourne contre l'oncle son reproche (re-proche ; proches, il le sont plus qu'ils ne l'imaginent) de nullité.
« Ils vont crier et puis ils vont se taire » (la vieille nourrice)
Oncle Vania croyait plus à l'art que le professeur lui-même et sa désillusion n'en est que plus amère, d'autant qu'il ne peut comme lui se consoler par la jeunesse de sa femme. La figure féminine à laquelle l'oncle désabusé est relié n'est autre que sa nièce, Sonia, jeune fille à l'idéalisme lucide, pétrie d'espoir plutôt que de principes (une sorte de petite Catherine de Heilbronn dans un monde désenchanté où il n'est plus possible d'inspirer l'amour par la force exemplaire du sien). Contrairement à sa belle-mère qui trouve peut-être une note d'optimisme dans le dynamisme du médecin mais n'a que faire de ses préoccupations forestières, Sonia reprend à son compte les arguments de l'homme et admire moins sa capacité à espérer qu'elle ne la partage. L'un comme l'autre ne sont pourtant pas de doux rêveurs : le médecin sait que lorsque l'homme n'est pas un paysan « arriéré », ni un petit bourgeois dont il n'y a que la bêtise qu'il n'accomplisse pas « petitement », il ne peut qu'être un de ces « hystériques, rongés par l'analyse, la réflexion... » ; Sonia, quant à elle, ne rêve pas à l'avenir, mais à un au-delà de la vie laborieuse, qui ne peut être que l'au-delà, repos qui ne viendra qu'après avoir enduré la vie. C'est en lui tenant ce discours qu'elle remet au travail son oncle et suggère qu'on peut être lucide sans désespérer – sinon en espérant, ce qui n'est peut-être que le propre de la jeunesse et de sa force.
La pièce se finit par le départ du professeur (i.e. l'éloignement de la tentation de donner un sens à sa vie par les livres) et de sa femme (l'illusion de l'amour), et ainsi le retour à la routine apaisante où l'on prend ses repas à l'heure, et où l'on fait les comptes du domaine plutôt qu'on ne les règles avec la vie. La vieille nourrice assise à tricoter ainsi que Sonia et oncle Vania penchés sur leurs cahiers m'ont déclenché une bouffée voltairienne de « Il faut cultiver son jardin » - le médecin a peut-être raison, une vie oiseuse ne peut être saine. Rien ne vaut la drogue douce du travail – ou de l'art, pour un homme de lettres (le « Il faut agir » du professeur fait d'autant plus rire qu'il est une réalité pour lui – alors qu'il n'est plus qu'une réalité de papier pour oncle Vania, qui ne parvient plus à voir une action dans la création – dédoublement de la poïesis) ou un spectateur qui veut bien se regarder lui-même lorsqu'il regarde une pièce. C'est triste, mais l'on ne peut qu'en rire, et continuer jusqu'à ce que la vie soit élucidée.
Sans attendre Godot, mais seulement le train, nous sommes allées prendre Melendili et le Teckel, une mousse, Inci, un chocolat et j'ai conclu par une mousse au chocolat.
12:37 Publié dans Souris de médiathèque | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : théâtre
20 octobre 2010
Tanztraüme
Hier. La BU est fermé. J'ai trois chèques ciné à écluser. Je décide d'aller au MK2 de Beaubourg.
La plupart des documentaires de danse ont dans leur titre soit des « étoiles », soit des « rêves » (lorsque ce ne sont pas les deux, comme Rêves d'étoiles) ; Tanztraüme n'y fait pas exception. Peut-être parce que la traduction française de Rêves dansants ne fait pas écho au Tanztheater, on a rajouté « sur les pas de Pina Bausch ». De prime abord, on pourrait se demander pourquoi pas « dans les pas de Pina Bausch », puisqu'il s'agit de la transmission d'une pièce de son répertoire à un groupe d'adolescents novices en la matière. Mais peu à peu, à mesure que les répétitions avancent, que s'affinent les gestes des apprentis danseurs et les exigences des répétitrices, le spectateur est introduit dans l'univers de la chorégraphe, et c'est bien à la recherche d'intentions que l'on est, et non pas de mouvements qu'il faudrait reproduire sans forcément les avoir assimilés.
Le volet « adolescent » de l'affaire ne m'intéresse strictement pas : je ne trouve pas la maladresse touchante et la mayonnaise œcuménique de la danse qui apprend le respect par-delà la différence ne prend pas avec moi ; je n'en ai rien à faire que machin soit musulman, que truc découvre qu'il a un nom et peut trouver sa place dans une groupe, ou bien que bidule qui joue les gros dur se révèle avoir la tendresse d'un agneau. Heureusement, aucune voix off pour venir en rajouter, les répétitrices sont suffisamment bonnes commentatrices ; en fait, ce sont souvent les adolescents eux-mêmes qui anticipent le discours qu'on attend habituellement d'eux. Les interviews passent de la confession au témoignage lorsque la caméra s'attarde sur les jeunes au passé douloureux sinon cauchemardesque (exil, guerre, mort) plutôt que sur celle qui câline son chat ; mais ces témoignages sont eux aussi superflus dans la mesure où ils explicitent ce qui est déjà contenu dans leur danse. Hasard ou logique de la pièce, ce sont eux qui tiennent les rôles principaux.
En effet, si Kontakthof désigne un lieu où s'établit le contact, la tendresse s'y inverse très rapidement en violence. La confusion est dérangeante, et s'observe particulièrement bien dans une scène où des garçons entrent l'un après l'autre pour entourer et consoler une jeune fille qui se retrouve bientôt encerclée par un groupe qui semble la violenter et au milieu duquel elle n'est bientôt plus qu'un pantin.
Autre passage dérangeant : une jeune fille court en cercle en riant à gorge déployé. Sauf que ce rire sur commande n'est pas pour rire, « c'est un rire sérieux » lui explique la répétitrice et j'ai l'impression d'entendre le cri d'une hystérique, le désespoir plus que la réjouissance lointainement supposée par le geste.
Certains critiques trouvent que la pièce gagne en douceur à être dansée par des adolescents : idéalisation aveugle de la jeunesse, dont l'innocence n'a jamais été à louer. J'ai regardé sur youtube des extraits de la version pour Damen und Herren de plus de 65 ans, et je peux vous assurer que c'est autrement violent chez des jeunes dont la force n'a pas eu le temps de s'émousser. Même la fragilité n'est pas gage de délicatesse, on s'en persuadera en suivant la jeune fille blonde à la robe verte : bien que maigre, c'est elle qui a le plus d'épaisseur et la sensualité qu'elle doit danser transparaît dans toute sa brutalité. Ses gestes ont beau être beaucoup moins liés que sa partenaire, ce n'est pas du visage de celle-ci qu'on ne parvient pas à détacher les yeux.
[la brindille blonde à la robe verte, ici rose, à droite]
Il n'y a décidément rien là d'innocent. La naïveté est tout aussi jouée (quoique plus intuitivement) que les caresses amoureuses, que la grande majorité d'entre eux n'a sinon pas explorées, du moins pas menées à leur terme. Cette situation sur le parcours amoureux souligne et cache à la fois un certain rapport au corps : devant leurs inhibitions, il devient rapidement évident qu'ils ne sont pas habitués à être touchés (la brindille blonde à la robe verte le dira d'ailleurs, c'est même ce qui reste pour elle le plus difficile après de nombreuses répétitions) ni à toucher l'autre (regards qui s'évitent lorsque les peaux entrent en contact, demande orale d'autorisation à faire le geste démontré...), mais la pudeur qu'ils manifestent va bien au-delà de la timidité du puceau et relève davantage de la difficulté à entrer en contact, qui perdure à tout âge de la vie. Pour vous remettre en contexte, placez-vous dans une rame de métro bondée (ce n'est pas ce qui manque en ce moment avec les grèves) et observez que jamais vous ne croiserez, sinon par erreur et furtivement, les regards de ceux contre qui vous êtes pressés. Il demeure une répugnance naturelle à se trouver dans une zone de proximité immédiate, même lorsque toute intimité est bannie par le contexte. Le constat vaut également hors de cette détestable promiscuité suante ; même entre amis (hors les groupes de copines bisounours) on ne s'effleure qu'en s'excusant. Cela rend le contact d'autant plus difficile que tout geste, s'il n'est pas significatif du comportement amoureux, devient déplacé.
Bref, Kontakthof est une pièce sur les rencontres humaines, mais également celle dans laquelle des jeunes gens sont amenés à se souvenir du sens concret, tout à fait physique, d' « entrer en contact ». Il ne s'agit pas de s'offrir aux mains du tout-venant, mais de laisser une chance à l'autre de parvenir jusqu'à nous, et d'en être touché, dans toutes les acceptions du terme. Il n'y a dès lors pas besoin de virtuosité pour interpréter les mouvements de la chorégraphie, seulement (mais c'est énorme) de rigueur pour en chercher la justesse, même si le véritable mouvement dansé (c'est-à-dire chorégraphié) est toujours un geste qui amène avec lui sa signification – d'où que les apprentis puissent sans peine, une fois la gêne surmontée, danser ce qu'ils n'ont pas vécu. L'authenticité de leur danse ne procède pas tant de leur jeunesse que de la recherche lente et appliquée avec laquelle ces novices ont compris avec leur tête et leur corps des pas dans lesquels des danseurs expérimentés se seraient glissés de façon mimétique (leur sens aigu du ridicule a empêché les adolescents de singer les danseurs adultes).
Et sans s'en rendre compte, le spectateur s'est lui aussi familiarisé avec un univers qui aurait pu le rebuter. Je ne connaissais Pina Bausch que de nom, et me serais peut-être arrêtée à son aspect déroutant si j'avais été confrontée directement à la pièce en tant que telle. Je serais désormais encline à rechercher le contact avec cette écriture chorégraphique profondément dérangeante – qui secoue nos catégories trop bien rangées et en déplace l'horizon.
21:16 Publié dans Souris de médiathèque, Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : film, cinéma, danse
Violon au secours de l'apprenti sorcier
[jeudi 14 octobre]
Pas sorcier cette fois-ci de savoir d'où je peux bien connaître la pièce de Paul Dukas, c'est une affaire de souris : il prend à Mickey la Fantasia d'anticiper la levée de corvée de Moustique sans la bienveillance d'aucun Merlin. Il n'empêche, le résultat est enchanteur et la pièce, un morceau de choipeau magique. Presque aucune image de Disney ne me vient à l'esprit pendant l'audition ; je m'étonne même de ce qu'on en est venu à faire de l'Apprenti sorcier un programme pour « jeune public » - serait-ce simplement que les thèmes du balai, de l'apprenti et de l'eau sont aisément reconnaissables une fois nommés ? Peut-être cela participe-t-il a aussi de mon plaisir.
Vient ensuite mon moment préféré de la soirée, avec le Concerto pour violon n°1, en la mineur, de Chostakovitch, où l'on retrouve le docteur Glamour de la musique en soliste (qui n'est pas la raison de mon engouement pour ce morceau -d'abord, je préfère Shepherd). Je ne sais pas si c'est d'avoir travaillé sur la critique kundérienne toute la journée, mais j'ai l'impression que le premier mouvement survole de nuit (« Nocturne ») un monde dévasté où les ruines sont tout à la fois débris et admirables antiquités. Le « Scherzo » se charge ensuite de le tourner en dérision, et les coups d'archets sont autant d'attaques railleuses contre un univers que l'on ne peut plus détruire. La fureur dérisoire qui anime le second mouvement (et le bras de Vadim Repin, dont l'archet finit échevelé) se transforme en noble résignation (« Passacaille »), mais la mélodie lancinante qui la caractérise finit par retomber, sous un autre mode (« Burlesque »), dans la fureur du deuxième mouvement, à la différence que cette fois, on ne se moque plus du monde dans lequel on demeure pris, mais de sa propre révolte. Rien que ça.
En comparaison, la Symphonie n°2 en mi mineur de Rachmaninov me semble un peu trop lyrique, comme si les passages sombres ne pouvaient être que tragiques, et toute envolée, grandiose. C'est magistral, mais après le concerto de Chostakovitch qui se situe au-delà, je ne peux plus. Ce n'est pas seulement la durée de l’œuvre qui arrive en fin de soirée - même si cela a eu raison de ma voisine qui, installée confortablement sur l'épaule de son chéri dont elle tenait le pouce comme elle avait dû le faire de l'oreille de son doudou, a fini par s'endormir ; sa respiration régulière démentait que les yeux fussent fermer pour augmenter le plaisir des oreilles. Il faut dire que l'extase vous pousse hors du temps. Hors de la musique, presque, dans mon cas (ce n'est pas que la musique m'échappe, comme dans certaines grandes formes où j'ai l'impression de lui courir après ; ici, elle est derrière et me pousse hors d'elle-même, dans cette volonté d'extase qui va jusqu'à son propre oubli), si bien que mes moments préférés sont ceux où la musique négocie sa sortie avec le silence. Plus d'évasion, on est simplement là, de nouveau attentifs au moment présent sans que le passé ou le futur, dont il n'est pas pour autant coupé, ne viennent empiéter dessus. Je crois que c'est précisément pour cela que j'ai été si fascinée par la musique de Dutilleux – je commence à comprendre le pourquoi de mes préférences, ce doit être cela de se former le goût. Peut-être même serai-je bientôt capable d'anticiper sur ce qui est susceptible de me plaire.
10:21 Publié dans Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique, concert, pleyel
17 octobre 2010
Pas l'ombre d'un(e)...
Bien qu'en boule au début de la journée, où un oubli de costume m'a coûté une heure de détour, la journée menant au premier spectacle de la saison (et première programmation officielle - où ce n'est plus nous qui payons la location du théâtre mais nous qui sommes payés) de notre compagnie s'est bien passée, pauvre en chauffage mais riche en danse et en chocolat (noisette vs amande). On a eu une petite frayeur le matin en apprenant que seules trente places étaient réservées, mais la centaine de spectateurs qui se sont trouvés là a semblé sincèrement ravie, et nous avec.
Il y aurait beaucoup à raconter, le placement avec quinze épaisseurs de vêtements, le pique-nique franchouillard à l'intérieur et en manteau, l'odeur de galettes de riz sur notre dernière recrue et ses improvisations contempo-jazz avant le lever du rideau, les "chignons cnsm" et la tricherie de mon postiche, le corps jamais vraiment échauffé mais toujours refroidi et réchauffé, la manette d'ouverture du rideau que j'ai actionnée dans le mauvais sens, les changements plus ou moins rapides dans les coulisses qui restaient visibles d'une bonne partie de la salle, les chorégraphies bien rôdées en studio mais dont on perd l'automatisme sur scène pour retrouver l'impulsion première... Et le trajet retour, ensuite, seule et de nuit, où la route se dessine peu à peu comme dans un jeu vidéo (ça me fait peur, j'ai toujours été mauvaise) ; j'ai chanté a capella et à tue-tête toutes les chansons dont je connaissais à peu près les paroles pour me tenir éveillée (les voies de la mémoire sont impénétrables : je me souvenais d'une chanson de Céline Dion que je n'ai pas dû entendre depuis bien dix ans, c'est assez terrifiant - surtout lorsque les dates du cours d'histoire de prépa sont déjà en train de s'évaporer). Le coton à démaquiller maculé de noir et de rouge signe la fermeture du rideau. Reste à répéter - même si pas tout de suite pour moi, l'élongation que je me suis faite m'oblige à me mettre en pause.
21:57 Publié dans Souris d'Opéra | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : danse