29 avril 2008
Dé-corps-tic et caetera
Je suis toujours surprise en émergeant de mes révisions de découvrir que mon corps ne se limite pas aux joues malaxées comme de la pate à modeler (à force de se prendre la tête, dans les mains ou non) et à la mèche de cheveux que je graisse consciencieusement (quoiqu’inconsciemment) de la main gauche (ne vous coupez jamais les cheveux avant une période de révision – côtoyer Kant est déjà une épreuve en soi, mais incarcérée derrière des barreaux de cheveux, ça l’est par (devant) soi). Je redécouvre que la colonne vertébrale, tout comme ses homonymes corinthiens, doriques, ioniques etc. a pour vocation d’être verticale – et si possible, pas en l’état des temples grecs. J’ai le fronton en surchauffe : y’en a ras le palimpseste, on ne peut plus rien graver. La culpabilité s’est fait prendre à son propre jeu, je ne l’entends même plus couiner sous les débris de raisonnements philosophiques. Pas d’inquiétude cependant, elle a délégué une remplaçante redoutablement efficace, et l'angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. Ce serait sympathique de sa part de ne pas transformer mon crâne en devanture d’ambassade, et de ne pas perforer ma mémoire à coup de drapeaux revendicateurs, parce que je ne m’appelle pas Baudelaire, et que sans Mnémosyne, je suis perdue.
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28 avril 2008
Candide et les loisirs de masse
Je révise activement et sélectionne pour cela avec soin mes loisirs. Je lis Tintin au pays des Soviets, et mon père m'a passé un magazine de BD sur Mai 68 - je finirai peut-être par savoir orthographier le nom de David Cohn-Bendit. On voit également que la période est aux révisions quand l'animateur télé demande quelle ligne fait face à la ligne Maginot, "duo, carré ou cash", je bondis "cash : Siegfried !". Le doute existentiel face au trou noir "Attends, attends, le pacte de Bagdad, quelle année ? ... attends... créé pour faire pièce à l'OTAN... c'est en... 50, OTAN... Bagdad : 55 !! C'est mon dernier mot, Jean-Pierre (Richard seulement avec une minuscule)". Devant Le monde sans Johnny, quand Luchini comprend que Johnny n'est pas devenu Halliday par un détail, que l'enchainement des causes et des effets est parti en free style et que du coup, il n'y a pas de Johnny dans ce monde-ci, je hurle "Leibniz". Ma monade sans porte ni fenêtre ne voit que par son oeil de Judas. Cette traitresse d'harmonie pré-établie me conduit à ma perte : j'engraisse mes neurones et symétriquement, mon corps imite l'âme et réclame sa dose de Nutella, crème de marron, gâteau aux noix, coca et confiture du jardin en tous genres. J'ai inventé le concept de la disharmonie pré-établie. Mais comme Dieu ne permet le mal que pour obtenir le meilleur des mondes, je ne doute point que le sacrifice de mes cinquièmes positions trouvera sa suprême raison d'être, et je m'en remets à lui pour intégrer normale. Si tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes et que Leibniz s'avère n'être qu'un Pangloss, ce sera la faute à Voltaire.
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Le peuple khâgneux, sûr de lui et dominateur
J'ai fini de Gaulle.
D'accord, il m'a achevé, mais quand même. Vive le khâgneux libre !
Le premier qui objecte que le Québec libre est une utopie, je l'envoie faire un stage chez les Soviétiques.
12:22 Publié dans Souris de laboratoire | Lien permanent | Commentaires (3)
24 avril 2008
Travailler au soleil - tout un programme
J'ai passé une majeure partie de l'après-midi en position de travail, au soleil. N'allez pas croire à une folle frénésie de bachotage pré-concours. Même entre guillemets, des "vacances" résistent et demeurent en partie ce qu'elles devraient être. Assise sur le blanc en plastique devant la maison, des photocopies de Kant sur les genoux, un stabilo à la main et des lunettes de soleil sur le nez, tout va bien. Kant est même compréhensible : la Métaphysique des moeurs ne s'est pas encore envolées dans les trop hautes sphères des idées kantiennes, où je suis sûre que les noumènes ravis de se payer ma tête et ses neurones grillés à point partagent sans distinction aucune leur hilarité avec la raison théorique pratiquement impraticable. La motivation n'a cependant pas été la seule à être chauffée par le soleil. Le trafic aérien est intense et la tour de contrôle est une véritable ruche - ça bourdonne sec dans le pot de fleurs à ma gauche. Hormis un simili de crise cardiaque pour cause de surgissement de bestiole non identifiée en plein bonheur-qui-n'est-pas-l'enjeu-de-la-morale, la concentration régnait. La tâche est devenue un peu plus difficile lorsqu'on est passé au niveau supérieur dans la taille des bestioles. Un proverbe dit que lorsque l'on veut la meilleure place, il faut déloger le chat. Or j'étais visiblement à la meilleure place. Donc, en bon syllogisme, vous ne conclurez pas que je suis un chat, mais que naturellement, le chat est venu me déloger. Comme j'ai une stature exceptionnellement développée pour une souris, le chat n°1 a d'autorité siégé sur mes genoux et a valeureusement défendu sa nouvelle conquête. En parfaite sentinelle, elle n'a pas arrêté de bouger. En parfaite guerrière, elle a tenu à ce que je me présente à tout instant les mains vides et partait après les fuyardes dès qu'elles menaçaient de s'emparer du trieur voisin. Sur ce, cet espèce d'ours qui est officiellement reconnu comme un bouvier bernois s'est mis en devoir d'exprimer au monde entier (sous forme de la monade de la maisonée) sa jalousie. Liberté d'expression oblige. Le chat n°1 a fini par regagner ses pénates et sa descendance, j'ai nommé deux boules de poils officiellement reconnues comme des chatons de quelques jours. Je suis passée à le lecture de Machiavel. Il s'est rapidement avéré que j'aurais dû faire appel aux dieux et non à leur fraction- demi-dieu philosophique : dès que Pascal a été glissé en haut du trieur à l'ordre du jour, le chat n°2 a sauté sur la feuille et l'occasion. Impossible ne serait-ce que de souligner quelque heureuse formulation. Le moi égoïste du chat qui se fait le centre de tout a repris le dessus. Il a essuyé son trop-plein de poils sur mon pantalon, et une fois qu'il y en avait plus que de pages à réviser avant le concours, il est reparti avec son intérêt bien compris. J'ai continué, mais laissez-moi vous dire que l'effroi du silence des espaces infinis dans la campagne riante, c'est une vaste blague. Chien, chat, mouches, (les escargots sont silencieux, une chance), tondeuse, éclats de rire et de soleil - et au milieu de tout cela, le bon sauvage qui me fait un pied de nez. Rousseau ma chèvre m'achève.
18:25 Publié dans Souris de laboratoire | Lien permanent | Commentaires (6)