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31 août 2016

Adieu au monde d'hier

Stefan Zweig, Adieu l'Europe est composé d'une succession de scènes qui se termine par le suicide de l'écrivain et de sa seconde femme, Lotte. On ne voit pas leurs derniers gestes, on ne voit pas les corps ; on les aperçoit seulement dans le miroir de la porte d'une armoire mal fermée, devant laquelle passent l'inspecteur de police, la domestique qui les pleure et leurs dernières fréquentations elles aussi émigrées. Tout le film est empreint de la même pudeur, et on peut difficilement imaginer plus bel hommage cinématographique au romancier dont l'oeuvre toujours envisage l'humain sans jamais le dévisager.

La dernière fois que j'ai vu semblable incarnation de la dignité humaine – gestes mesurés, regard infini – c'était dans Une belle fin (Josef Hader m'a fait penser à Eddie Marsan). Aenne Schwarz est elle aussi formidable, mélange de vieillesse et de jeunesse qui fait les belles-fortes femmes, aux traits bouleversants de vécu. À eux deux, ils donnent à sentir la sphère d'intimité dans laquelle le couple s'est replié pour survivre loin du monde qui les a abandonné. De la vieille Europe policée ne parviennent plus aux exilés que quelques bribes en ruine, à l'image de ce Beau Danube bleu interprété par une fanfare en grande pompe de pacotille, qui fait rire Lotte et pleurer son mari : voilà tout ce qu'il reste de Vienne et d'ailleurs, mémoire risible-pathétique.

Le romancier, célébré partout sur son passage (je ne mesurais pas sa popularité pré-mortem, trop habituée au mythe du génie incompris), ne s'engage ni ne se dérobe : s'il refuse de condamner l'Allemagne au congrès d'intellectuels où il a été invité, c'est moins par lâcheté que par refus de la vanité qu'il y a à prendre publiquement position sans rien risquer – ni sa personne ni une quelconque effectivité –, ainsi qu'il l'explique à un journaliste dans les toilettes luxueuses de l'hôtel où se tient le congrès. Absence de courage pour le journaliste off record, d’obscénité pour le romancier off stage. La réversibilité des sentiments et des attitudes fait malheureusement de meilleurs romans que de politiques. Le romancier et, à sa suite, la réalisatrice, ne tranchent pas – sauf, pour cette dernière, lorsqu'il s'agit de mettre fin à une séquence qui n'a plus rien à offrir que la répétition du même.

La particularité du film, en effet, l'une de ses particularités en tous cas, qui contribue beaucoup à son effectivité, est de ne pas se subordonner à une action qui obligerait à condenser le temps – et, se faisant, se condamnerait à ne pouvoir l'appréhender. Plutôt que d'opérer de micro-ellipses en continu, Maria Schrader prélève quelques tranches de vie qui permettent paradoxalement de s'installer dans la durée – le temps n'y est plus segmenté-accéléré. On perçoit mieux, ainsi, les étincelles d'amour et de joie qui continuent de se produire alors même que l'Histoire se déroule telle que l'on sait en Europe : broyer du noir n'empêche pas Stefan Zweig de sourire. Ni de travailler. Jusqu'à l'avant-dernière scène, il y a de la joie, dans la boule de poils qu'un de ses amis lui offre pour son anniversaire. La seule dégradation tangible, qui accompagne la situation politique, concerne la santé de Lotte, manifestement condamnée à moyen terme. Ni le romancier ni sa femme ne donnent l'impression de s'enfoncer dans la dépression ; il n'y a pas de descente aux enfers continue, pas de fonction affine inexorable ; ils s'usent d'être en alternance heureux et coupables d'être en vie, états contradictoires pour ainsi dire simultanés, tension continue qui les fait clignoter de l'un à l'autre comme des néons en fin de vie.

Stefan Zweig ne se soustrait pas à la fin du monde, qu'il prédirait ; il constate seulement, douloureusement, la disparition du sien. Le romancier fait confiance aux mouvements souterrains de l'Histoire pour faire émerger un nouvel ordre, une nouvelle aube, mais n'a pas la force d'attendre ni n'aurait celle de s'y adapter.

« […] Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi, je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.

Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux. »

(Le film lève le mystère de la prononciation : zvègue et non zwaïgue)

 

19 août 2016

Bain de lumière à Baden-Baden

Coucher de soleil

Coucher de soleil

Coucher de soleil

Maison au crépuscule

La crête de sapins me rappelle la montagne où j'allais skier petite (SuperDévoluy) - la montagne tout court, mon image de montagne. Même ligne, même impression de nature qui trame quelque chose, que l'on observait le soir en l'ayant quittée, l'aération en plastique qui tournait au coin de la fenêtre et ma cousine et moi en pyjama, à faire les quatre cents coups, la fatigue oubliée après un repas bien chaud…

Fifty shades of grün

Fifty shades of grün

Verdure

Pelouse power

18 août 2016

Londres, Lille, Baden-Baden, Londres

Londres, Lille, Baden-Baden, Londres… je voulais faire des billets séparés, mais les jours se sont enchaînés et les voyages se sont retrouvés inextricablement liés…

 

@JoPrincesse et moi nous sommes amusées à deviner-imaginer-reconstituer la vie de notre hôte AirBnb à partir de son superbe appartement londonien, chaque objet susceptible de devenir un indice de sa personnalité, ses goûts ou son style de vie ; de même, chaque visite de loft à Roubaix a fait spontanément émerger un portrait-robot de ses occupants :

… l'appartement bourgeois d'un couple d'intellectuels que l'on dirait austère s'il ne montrait un goût prononcé pour le confort – mais confort sombre, bureau retranché, canapé noir, baignoire ostentatoire ;

… la famille friquée et vaguement freaky sur sa photo ultra-léchée, dans un loft très métallique, avec un plancher de verre au-dessus d'une petite pièce de 30 m2 en sous-sol (la taille de mon studio, une bagatelle) à vous déclencher des pulsions voyeuristes ;

… la famille du boulanger, dans un loft pétri avec amour (chaleureux en dépit de ses finitions artisanales), une plaque de cuisson professionnelle au gaz, une armoire aussi remplie d'épices que la bibliothèque de bouquins, un chat et une cheminée orange (<3) ;

… ou encore le célibataire high-tech maniaque et dragueur, qui a prévu une douche double pour se laver en même temps que sa conquête du soir (l'hygiène), et dont le frigo contient en tout et pour tout deux bouteilles de champagne et un bloc de foi gras (l'épate)… ainsi qu'une bouteille de jus d'orange, qu'il boit seul, je parie, après avoir fait disparaître le corps. La cuisine immaculée, comme le reste du loft, me fait imaginer le déserteur de ces lieux en Barbe-Bleu ; on passerait les murs blancs, blancs, blancs à la lumière bleue qu'on découvrirait un Pollock sanglant.

L'appartement de notre hôte AirBnb, lui, tout en longueur, traversant, avait des allures de bateau, baigné de soleil, un store rayé dans ma chambre, une vitre ronde dans la cuisine, un couloir coursive, quelques marches de dénivelé et un rooftop pour toujours être sur le pont, prêt à ramoner avec Mary Poppins – un appartement de magazine de décoration, le glacis en moins, la personnalité en plus, éparpillée ça et là : tropisme pour l'Inde (méthodes de langue, guides de voyages), le goût des bonnes choses (livres de cuisine, épices entamées), bilingue (romans français, essays anglais), start-uper palpatinien (deux ordinateurs portables, en sus du Mac dernier cri avec lequel on l'a vu partir, un pavé rouge Linux parmi les bouquins de business et d'économie) et beau gosse, avec ça (de visu)… un bon parti, en somme, dont on n'a pas réussi à trancher s'il était pris ou à prendre. Nous avons bien pouffé en menant l'enquête, mais n'avons pas réussi à trancher : la mystérieuse R., disposant d'un mug à son initiale assorti à celui de notre hôte, est-elle sa petite amie ou une simple colocataire ? Les indices étaient par trop contradictoires, voyez plutôt : une carte de félicitations pour l'emménagement sur le dessus de la cheminée, mais aucune photo des amants s'embrassant, et surtout deux chambres à lit double, affaires de fille dans l'une, d'homme dans l'autre, mais aussi un sèche-linge replié qui relance les hypothèses (chambre commune, il aurait par galanterie pris la plus petite des deux penderies ; ou alors, chambre à part, il ronfle.)

Il faut nous imaginer, JoPrincesse et moi, investiguer l'appartement avec l'enthousiasme qui caractérise la découverte d'une chambre d'hôtel. Ouvrant le tiroir de la table de chevet, là où l'on trouve généralement une Bible ou les pages jaunes, j'ai par réflexe soulevé les papiers qui s'y trouvaient : un « business plan » m'a sauté aux yeux ; je me suis empressée de refermer le tiroir, en ayant l'impression d'en avoir trop vu. Explorer, oui, fouiller, non. La limite entre curiosité enfantine et transgression de la vie privée s'est vite imposée : ouvrir les placards sans toucher à ce qui s'y trouvait. Se contenter de, s'amuser à : imaginer d'autres vies que les nôtres. Et JoPrincesse de scénariser ça dans une séance Snapchat que je n'ai pas pu m'empêcher de tristamshandysier et qui nous a valu un sacré fou rire.

Le suicide du basilic, lui aussi mort de rire

 

Snapchat, application anti-ergonomique au possible, m'est contre-intuitive, mais maniée par JoPrincesse (qui a un rapport autrement plus fluide aux apps que moi – alors que, ironie, j'en ai en théorie une meilleure compréhension technique), tout devient jeu : la visite au musée, comme la descente sur les fesses des escaliers. J'ai résisté et monté en adulte les cinq étages pendant deux jours, puis l'appel de la moquette épaisse a été trop fort et je les ai dévalé sur les fesses ; le Snapchat de JoPrincesse a brièvement immortalisé l'écume de ma minijupe, envers blanc du tissu gris à chaque marche, faux faux-cul et vrai traîne baveuse d'une enfant-reine jouant très dignement au tape-cul.

Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusée, le rire lourd et le cœur léger, à la fois 5 et 27 ans, les délires adolescents jouxtant les conversations intimes d'adultes, tard le soir, en s'enfonçant dans la nuit – des conversations dont j'ai oublié le contenu exact, dissous dans les tisanes (les peurs, les souvenirs, le sexe, les relations… tout cela ne dit rien de ce qui s'est dit), mais qui laissent l'impression de mieux se connaître, et infusent une certaine tendresse jusque dans l'anodin, le plaisant, « ma souris », « ma princesse », avec les compliments de la maison.

5 et 27 ans. Il n'y a peut-être personne avec qui je sois plus adulte et plus enfantine qu'avec Palpatine. Des contraires qui n'ont rien de contradictoire :

La tendresse, c'est la frayeur que nous inspire l'âge adulte.
La tendresse, c'est la tentative de créer un espace artificiel où l'autre doit être traité comme un enfant.

Milan Kundera, La vie est ailleurs

La tendresse protège, sans ménagement ; on ne prend pas de gant, mais on s'enlace, on se soutient, déjà, on apprend à vieillir, ensemble. (Vieillir, oui, parce que je crois qu'on ne sera jamais vraiment adulte que dans le regard des autres. Adulte, c'est un but, tandis que vieillir, c'est un processus de tous les instants.) Sans le savoir, nous avons choisi des vacances dans une ville du troisième âge ; j'ai mieux compris, rétrospectivement, les regards étonnés quand j'énonçais ma destination. Mais pourquoi laisser Baden-Baden aux gens âgés et attendre de l'être soi-même pour en profiter ? D'autant que les bancs disposés à intervalles réguliers étaient forts agréables pour nos jambes sollicitées (c'est que c'est vallonné !). Je n'ai pas mis à exécution mon plan de photographier tous les modèles de la ville, mais Palpatine et moi étions à ça de créer un tripadvisor du banc, que l'on aurait appelé banquette advisor en hommage à @Odette9. (Quand on n'est pas épais, c'est toujours un peu violent pour les vertèbres.)

 

Acheter en banlieue parisienne, investir dans un loft à Lille, s'installer à Hong Kong… depuis quelques mois, Palpatine m'embarque dans des scénarios improbables. La lubie loft à Lille s'est heurtée à la réalité de Roubaix (soulagement en entendant Palpatine avouer que c'était no way)(quand tout le monde dit que c'est affreux, c'est généralement qu'il y a une raison), mais les plans sur la comètes continuent, sans même s'exclure les uns les autres (acheter à Paris pour y laisser ses affaires puis s'envoler à l'autre bout de la terre – tout est dans la temporalité)(parfois, Palpatine m'effraye un peu).

Alors on se projette : par jeu d'abord ; puis du conditionnel, on passe insensiblement au futur, pour voir comment ça fait, comment ça sonne, et on se retrouve à visiter quatre lofts par un froid samedi de juillet, projection 3D. On explore, sur place mais surtout en paroles, ce que chaque option impliquerait ; on pèse moins le pour et le contre qu'on tourne autour des possibles, à circonscrire les difficultés, et poser enfin les questions qui ne fâchent pas mais qui angoissent. Et si… ensemble… seul… désynchronisé… diverger… Et si Lille te plaît et moi pas, qu'est-ce qu'on fait ? Question posée la veille du départ sur les chaises vertes des Tuileries. Palpatine est plus inquiet pour sa casquette en lin, que je viens de teindre avec une glace à la mangue (dire que j'hésitais avec la framboise…).

Ai-je envie de partir ? Pas spécialement. L'expatriation se présente à moi sous la forme du pourquoi pas. Alors je me demande pourquoi pas, pourquoi non, pas là, mais là, si, pourquoi pas. Et comment. Mes compétences professionnelles reposent essentiellement sur le langage ; je ne suis pas très exportable. Mais à l'étranger, on est souvent moins obtus, moins contraint dans ses diplômes. Et j'ai envie de changer de boulot, alors pourquoi pas carrément de métier. Exit le salon de thé à Lille-Roubaix, Baden-Baden m'oriente vers le développement web à Berlin ; Palpatine m'expose l'architecture web le long de la Lichtentaller Allee (rebaptisée la Lichtee Allée par mes soins, après que ma langue en ait eu assez de fourcher). Cela se précise sur le trajet du retour à Karlsruhe, et je rue dans les brancards parce que je me souviens d'à quel point Javascript et jQuery m'ont semblé dégueu, tout plein de dollars – ceux-là même qu'on pourrait se mettre dans les poches, souligne Palpatine. Des dév, on en manque. Soit. Je garde ça dans un coin de ma tête, pour que ça décante, comme nouvelle hypothèse de nouvelle vie. Quand je vois les usages créatifs qu'on peut en faire, force est d'avouer que ça fait gravement envie. J'ai les notions de base (genre la base de la base), il n'y a *plus qu'à* s'auto-former. J'ai invoqué le Grand Yaka Faucon et ouvert un tutoriel w3schools. On verra, si j'arrive à caser ça entre les mites, les dégâts des eaux, François Jullien et les chroniquettes fleuve.

Ce qui est sûr, c'est que Baden-Baden a permis de reprendre ces récurrences éparses dans un flux de conversation plus large, plus fluide, qui reprend tout posément, dans le détail, dans la durée, qui reprend tout et laisse tout passer, sans fixation, défait les obsessions, emporte les râleries incessantes. Le long de la rivière, la parole coule à nouveau et fait oublier le paysage qui l'a pourtant fait naître ; je respire un peu mieux. Pour moi, voyager, c'est aussi ça : s'absenter de ce que l'on est venu visiter pour profiter de la distance instaurée. Se retrouver, à parler de tout et de rien - à ne pas parler, aussi.

Il m'est parfois arrivé, à table, alors que la conversation ne prenait pas (comme une mayonnaise mal touillée ou un feu au milieu de branchages humides), d'éprouver le syndrome de l'ascenseur : l'angoisse du silence, le besoin de meubler, d'établir non plus un lien mais une distance avec l'autre qui devient envahissant, de tout son corps muet. Mais rester silencieux est très différent de n'avoir rien à se dire. On pourrait presque mesurer le degré d'intimité à l'aisance d'être ensemble sans parler. Et puis il y a les cas qui font mentir le topos du couple qui, parce que silencieux, n'aurait plus rien à se dire : lors de notre dernière soirée à Lille, dans un faux japonais proche de la gare, c'était nous, le couple muet, le regard ailleurs… concentrés sur la conversation de la table derrière nous. Trois geeks racontaient leurs déboires en SSII, des anecdotes que Palpatine aurait pu lui-même raconter et qu'il a ponctuées de gestes de baguettes, de sourires en coin et de hochements de tête, confirmant cette confirmation de ses propres dires, ravi de cette preuve de calamité – non, il n'est pas un Cassandre marseillais, le marché du travail informatique en France n'est vraiment pas glorieux… Ce hasard me fait moi aussi sourire en coin, quoique peut-être pas exactement pour la même raison : je me demande parfois si, à fréquenter Palpatine assidument, je n'ai pas absorbé son point de vue, sans plus être capable de recul (non pas tant pour les anecdotes, que je ne remets pas en question, que pour la place qu'elles occupent dans l'imaginaire collectif – qui en l'occurrence, mérite manifestement son adjectif).

 

 

Dans la forêt

Je n'ai pas les bras à l'horizontale, mais Palpatine faisait bel et bien le pioupiou.
(Bouffée de bonheur)

Nous avons érigé l'activité intellectuelle comme activité humaine supérieure, alors que nous ne sommes jamais aussi intelligents qu'en mouvement. C'est peut-être ce qui, de l'essai de Sarah Kaufman sur la grâce, m'a le plus marquée. Il ne s'agit pas seulement de prêcher l'école péripatéticienne, de réfléchir en marchant ; mais de souligner plus largement l'intelligence intrinsèque du mouvement, son lié et même, comme en calligraphie, son délié, échappée vive comme la descente d'un grand huit, shoot de liberté. J'en fait l'expérience à chaque fois que je marche plus d'une demie-heure (le temps que les endorphines commencent à faire leur effet – l'âme et le corps sont une seule et même réalité) : cela circule, le sang, les idées, tout est fluidifié. Mon envie de nature était surtout une envie de ça, de pensée absorbée dans le souffle et les muscles, méditation avec les pieds. Les quatre heures passées en forêt, en essayant de ne pas écraser nos amis les scarabées, me l'ont confirmé. Ce n'est pas tant la forêt que j'aime que son effet sur moi. En fait de nature, les parcs me satisfont pleinement ; j'ai pu le vérifier à Karlsruhe, avec son jardin botanique et surtout son immense pelouse autour d'un charmant Schloss à taille humaine.

Ça marche, tout s'enchaîne : c'est à pieds encore que je relie les différents quartiers de Londres, depuis notre hôtel excentré à Canary Wharf, jusqu'au centre-ville – comme si mon parcours, enfilant les lieux plus ou moins connus, avait le pouvoir de les faire tenir ensemble, de m'assurer que tout est là, tout se tient, ça va. Au début, fraichement débarquée sur la promenade qui longe la Tamise, je me dirige vers les immeubles de la City, et même, je ne me dirige pas, je m'oriente ; le parcours jusqu'au centre a peu de chance d'aboutir, c'est encore une vague idée, je pendrai sûrement le métro en cours de route, ou un bus, ce que je trouverai. À mesure que je me rapproche, cependant, cela se précise : le prétexte se mue en but, éloigné mais atteignable. C'est là que la promenade s'arrête : le trajet prend sa place et on avance sans plus prêter attention à ce qui nous entoure que comme point de repère. Peu importe la vitesse à laquelle on avance, quand bien même la fatigue naissante nous aurait fait ralentir, c'est une course d'orientation ; on arrive au but désœuvré.

Le but ne vaut jamais que comme prétexte ; on l'a vérifié en cherchant la tombe de Pierre Boulez à Baden-Baden. Nous nous sommes promenés dans un cimetière apaisant, loin des ossuaires à ciel ouvert qu'ils sont souvent en ville, les tombes entassées les unes sur les autres. C'est un cimetière relativement récent, manifestement, et les parcelles des morts à venir rappellent le cycle des générations sans convoquer l'angoisse de la fin prochaine. On s'y promène comme dans un parc, sans trouver trace du compositeur. Et pour cause : nous sommes dans le mauvais cimetière. Ni une ni deux on se remet en chemin, on grimpe à nouveau, les jambes fatiguées, et nous voilà à quadriller un autre cimetière. On ne se promène plus, on arpente, en essayant vainement de faire coïncider la photo que nous avons de la tombe avec la topographie des lieux : il nous faut deux cyprès, un bout de toit et la vue vers les montagnes. Le prétexte est devenu un but dont Palpatine ne démord plus. Il se fait tweetguider par @Phildelescalier ; je peste : chercher la tombe de ce compositeur que je n'apprécie pas particulièrement va achever de me le faire détester. Que s'entête-t-on ? La découverte de la tombe nous délivre de son emprise : Pierre Boulez est toujours mort, mais au moins, on va pouvoir goûter.

Je crois n'avoir jamais autant apprécié un Eisschokolade. Pas besoin de raffinement, pas besoin de déguster en gourmet : la fraicheur de la glace, le croquant des grains de noisettes sur la chantilly, et le petit goût de Nesquik sont juste ce qu'il faut de réconfortant. Je ne cherche plus à analyser la saveur transmises par les papilles, je jouis juste de ce qui passe par mon gosier – un plaisir plus primaire, moins réfléchi.

Ce relâchement de la réflexion (non pas comme articulation de la pensée comme raisonnement, entendons-nous bien, mais comme retour incessant sur la sensation) me fait des vacances. Plutôt que d'être un esprit retranché dans un corps à contrôler, je coïncide avec mon épiderme. Habituellement, je ne vis cette coïncidence que ponctuellement, et sur le mode de l'exaltation, lors de mes cours de danse. À Baden-Baden, cela advient dans le relâchement, dans le retrait d'un monde sur lequel je ne cherche plus à agir, qui se donne seulement à contempler. Il n'y a plus qu'à observer les choses passer, les nuances du ciel s'assombrir ou s'embrasser, la lumière s'incliner, les arbres frémir et les nuages… je suis si peu habituée à jouir de ce frémissement de la nature que je ne peux que l'enfermer dans des génériques (arbres et nuages, vagues étendues vertes ou grises), quand il faudrait toutes les nuances de leurs espèces. Mais qu'importe, c'est encore la lumière qui m'épanouit le plus, la lumière, la lumière, je veux voir du ciel : pas une petite portion, entre deux immeubles, j'en veux partout, partout, au-dessus de moi, devant et derrière, partout, partout1, je veux être toute petite – donc immense – dessous. Ce n'est plus l'air pur qui fait respirer, c'est le ciel et c'est cela dans j'ai besoin au final : voir du ciel, avoir de l'espace. Du coup, ce n'est plus tant la forêt, avec sa canopée qui nous replie sur nous-même, qui me fait du pied, mais les pelouses planes et dégagées, tranquilles, étales, qui s'animent progressivement sous le regard. Karlsruhe, St James's Park, Lincoln's Inn Gardens.

Pelouse power

L'écriture fait enfler la sensation et, isolées de l'expiration qui les suit, ces inspirations font croire à une exaltation hyberbolique, mais ce n'est pas ça, ce n'est pas le tout : leur nature profonde est celle du soupir. Expiration, relâchement. Ce n'est pas une grenouille qui enfle mais une souris qui s'éparpille – et qui par là, oui, peut-être, coïncide avec le monde immense, mais sans la tension d'un moi dilaté, au contraire, dans son abandon temporaire. Sens exacerbés et somnolence de la réflexion qui nous unifie sous son je pense ; c'est doux comme une heure passée au creux de transats rayés à St James's Park. (Le soleil finit par nous obliger à rassembler nos esprits et à bouger, pour ne pas cramer. Palpatine le pingouin menaçait de se transformer en homard par le bout du nez – des dangers de s'abandonner.)

Vivre, il n'y a là aucun bonheur. Vivre : porter de par le monde son moi douloureux. Mais être, être est bonheur. Être : se transformer en fontaine, vasque de pierre dans laquelle l'univers descend comme une pluie tiède.

Milan Kundera, L'Immortalité

1J'allais dire comme le sperme quand le sexe est vraiment bon, mais c'est un coup à grimacer quand on n'est pas dans le mood.

 

Le paradoxe de ce relatif retrait du monde est qu'il vous rend disponible – à ce et ceux qui vous entoure(nt).

À Lille, il y a la rencontre programmée de @Lness, pas tout à fait telle que je l'avais imaginée. Cela m'a d'autant plus surprise que c'est le passage URL – IRL le plus préparé par des photos que j'ai jamais fait. La silhouette est bien conforme, le visage, les longs cheveux noirs, les habits assortis, mais la voix, que j'attendais d'une couleur tout aussi sombre (grave ou du moins très ferme), est frêle et gaie comme un pinson, complètement différente dans son intonation de ce que j'avais pu entendre dans l'enregistrement audio de ce post – communication versus conversation. J'aurais aimé partager plus encore que l'heure passée ensemble et les trois gâteaux, attaqués de concert à trois cuillères, dans un salon de thé récup-bobo plus chaleureux que ce que ses éléments de déco énumérés laisseraient penser (tentons quand même : un grand miroir sur la cheminée, des moulures blanches au plafond, canard pâle aux murs, un faux cerf empaillé en plâtre et beaucoup de bois couleur cagette). I'll be back !

À Londres, c'est rencontre inopinée et éphémère, à Lincoln's Inn Gardens. Je m'assois pour la première fois depuis que j'ai quitté Canary Wharf. Avec davantage d’énergie et de culot, j'aurais volontiers ravivé mes souvenirs de hula-hoop avec les quatre ou cinq amis qui, en face de moi, s'y essayent à tour de rôle. À la place, je laisse mon regard vagabonder, m'installant peu à peu dans ce parc que je ne pensais que traverser : il y a du barbecue dans l'air, de la lecture, du pique-nique… Les semelles orange d'un homme qui lit à plat ventre, jambes repliées, bougent avec le même rythme saccadé que les têtes chercheuses d'un robot ou que les oreilles en triangle d'un chien qui tente de localiser le bruit qui lui a fait dresser la tête… Plus loin, une jeune fille se dandine pour se rapprocher du réchaud sans se relever ; j'aperçois ensuite le fauteuil roulant duquel elle s'est extrait. On n'imagine jamais les cul-de-jatte avec une jolie robe d'été. Et je repense à la gamine en mini-short bleu, visage magnifique et poitrine superbe, à qui je n'ai pas demandé si le train allait bien à Karlsruhe parce qu'en pleine conversation avec son amie ; j'avais aperçu les béquilles, mais c'est seulement dans le train que j'ai remarqué qu'elle était amputée. Trop belle de visage pour qu'on condescende à la voir comme handicapée, elle m'a fait penser à cette mannequin qui continuait de poser après un choc toxique qui lui avait coûté sa jambe. La jeune fille de Baden-Baden et la jeune femme londonienne n'avaient peut-être pas la beauté plastique de cette dernière, mais dans un cas comme dans l'autre, on aurait dit que la vie avait refluée depuis les membres coupés.

Je commençais à cuire, j'ai changé de banc pour un peu d'ombre. Un homme s'est posé à côté peu de temps après sans que l'on se prête mutuellement attention, absorbés par les îlots de vie sur la pelouse déployée face aux blancs comme une scène sans estrade. C'est en voyant la jeune fille se contorsionner autour de son réchaud qu'il a commencé à parler : peut-être devrions-nous l'aider ? Mais la jeune fille se débrouillait aussi bien que l'on peut se débrouiller avec un mini-barbecue, une amie dans les parages, et la conversation s'est engagée sans y penser. Un conversation un peu laborieuse, chacun avec son accent, les phrases qui disent moins qu'elles ne laissent deviner toute une existence : une enfance dans les montagnes marocaines, la judéité comme secret, le montage d'échafaudage comme métier…

La conversation s'émaille de mots français après qu'il m'a raconté avoir vécu dans le Sud de la France quelque année, près de la frontière monégasque ; pour lui, la France, ce n'est pas Paris – il n'y a jamais été –, c'est ce village méridional où il a appris la langue par imprégnation, évaporée depuis par endroits, selon une toponymie improbable, mots simples égarés, « trottinette » conservée (fulgurance de la mémoire, il le retrouve d'un coup, alors que je mime l'action debout à côté du banc dans l'espoir qu'il me donne le mot en anglais). Il a quelques anecdotes incroyables, comme le patron de ce restaurant monégasque ayant fui l'Angleterre après une vie passée à ne pas payer ses charges, investies dans ce restaurant, des voitures de folie et des litres et des litres de vodka – peut-être trois par jour, I don't know if he's still alive

Il a un sourire à ne plus savoir si c'est son accent ou ses lèvres étirées qui rendent son histoire difficile à suivre, et des yeux brillants comme seuls peuvent l'être les yeux noirs. Tantôt, le visage retroussé autour du nez froncé, le regard luisant, il ferait presque peur, une caricature de vilain, tantôt son sourire radieux, ses traits tannés et ses fossettes lui donnent un air étrangement familier, familial même. J'y retrouve l'air rieur de mon oncle et de mon père, la peau brunie de ce dernier (je suis blanche comme un cachet d'aspirine, mais mon père a gardé de son enfance en Martinique une peau qui brunit beaucoup et très rapidement, tout comme ma grand-mère a hérité de cette période un visage buriné par le soleil). Puis j'ai une certaine tendresse pour les pifs improbables (côté paternel : nez imposant ; côté maternel : nez aquilin)(ni patate ni crochu, je m'estime heureuse du mien).

Ce qui achève de transformer cet immigré en conteur des mille et une nuit, c'est sa mémoire : il est analphabète mais parle près de quatre langues (arabe, hébreu, anglais, français) et a voyagé-vécu dans le-monde-entier (je souris en pensant à Palpatine lorsqu'il mentionne le Vietnam). Il me parle avec émerveillement de ce vieil aveugle de son village d'enfance (les yeux brûlés par la bouteille d'alcool qu'on lui a versée sur la tête pour désinfecter ses boutons de varicelle…) qui s'asseyait toujours sur le même banc avec ses livres pour qu'on lui fasse la lecture ; ce n'étaient évidemment pas les mêmes personnes d'une fois sur l'autre, mais à chacune il pouvait énoncer la page exacte et le paragraphe où le lecteur précédent s'était arrêté, et guider le nouveau à travers l'histoire ainsi prise en cours de route. Plus étonnant encore pour moi qui n'ai longtemps pas utilisé de marque-page est la parade qu'il a trouvé pour passer les tests de sécurité que requiert tous les deux ans sa profession : il achète le CD-rom, demande à un ami ou à son fils de le lancer et refait inlassablement le test pour savoir quelle réponse cocher à chaque fois, sachant que les questions peuvent varier d'ordre et qu'il lui faut ainsi mémoriser leur allure, la configuration des lettres dans les mots et des mots dans la phrase… Je repense, incrédule, aux noms des stations de métro russes que j'essayais de photographier mentalement pour suivre l'avancée du trajet : un enjambement comme ceci, une barre comme cela… mais au bout de quelques jours, je pouvais lire le cyrillique - sans rien y comprendre, certes, mais je pouvais en tirer un équivalent vocal, plus facilement mémorisable.

Pourquoi, avec une telle volonté et une telle vivacité d'esprit, ne pas avoir tout simplement appris à lire et à écrire ? Il évoque les châtiments corporels de son enfance, qui sont tout ce qu'il a appris à l'école, mais surtout, il chérit ce que nous considérons spontanément comme un handicap, car il ne veut pas perdre ça, sourire brillant, main qui oscille au niveau de la tempe : sa mémoire. À voir son émerveillement, on comprend qu'il ne s'agit pas de perdre la mémoire comme on perd la boule, mais de perdre un trésor, qui le relie aux traditions orales perdues et, en le prévenant de la folie du monde, lui permet d'en jouir à juste distance. Je pense à ces moments où j'omets délibérément de remettre mes lunettes pour baigner quelques instants dans un monde plus doux, et je crois comprendre, oui, un peu. Il ne sait ni lire ni écrire, mais il a un toit, un fils, une fille, un métier, la santé (fierté : pas si courant de voir des hommes de son âge dans sa profession très physique) : what could I want more?

Le soleil se reflète dans son sourire. Sagesse sur un banc public de Londres. J'aime encore plus cette ville de me faire sentir l'espace d'une heure ou deux comme @meliemeliie, comme si j'étais moi aussi capable de rencontre. Sans drague, sans but, sans même aucune suite possible : il serait absurde de lui demande une adresse e-mail pour lui écrire et je ne retiens pas même son nom, qu'il me répète pourtant plusieurs fois, incapable que je suis, gamine pourrie gâtée lettrée, de retenir ce que je ne sais pas écrire. Quelque chose comme Deewan, Deeman…

 

Retrouvant Palpatine, j'essaye de lui faire partager mon émerveillement, mais il est encore imprégné de sa journée MBA et, pour ne pas indéfiniment monologuer en parallèle, je me branche sur son récit, les lieux, les cours, les personnes, le cocktail qui a lieu le soir même… je sens que cela lui tient à cœur, alors passons-y, c'est dans un hôtel chicos de Picadilly, la musique est assourdissante, le balcon plus accueillant avec ses transats et une des organisatrices qui veille à m'inclure dans la conversation en me demandant si j'encourage Palpatine à venir étudier à Londres – it's up to him diplomatique. Tout le monde n'a pas son talent pour le small talk, qui me paraît bien pauvre et bien contraint par rapport à ma rencontre de tantôt ; Palpatine embraye sur des anecdotes que j'ai déjà entendues et auxquelles je n'ai rien à ajouter, mon regard erre, je vois du balcon des gens entrer chez Waterstones malgré l'heure tardive : I take the French leave, je file à l'anglaise. J'aurais aimé que Palpatine remarque que la souris s'ennuie comme un rat mort, comme j'avais remarqué qu'il avait envie de mondanité. La soirée d'anniversaire se termine dans la fatigue, les larmes et la comfort food d'un restaurant italien.

What could I want more ? Peut-on vouloir si peu ? Peut-on, soi, ne pas vouloir être fêtée comme une princesse jusqu'au bout2 le jour de son anniversaire ? abdiquer pour de bon son égocentrisme et n'exiger trop ni des autres ni de soi ? Et la vie et les gens qu'on aime, nous autorisent-ils alors à faire si peu ? Je veux bien des responsabilités, mais je ne veux pas de MBA, je ne veux pas de pouvoir, je me fiche d'une carrière si cela n'implique pas de travailler sur des projets qui me donnent envie de me lever le matin (qui ne me donnent pas envie de me recoucher, du moins). Le faire si peu n'est pas donné3. « C'est un choix », énonce Palpatine d'une voix qui se ferme, comme une sentence. Parce que ce n'est pas le sien. C'est même celui contre lequel il se révolte. Je ne pensais pas que c'en était un pour moi non plus, mais mon non-choix est un choix ; que je le veuille au non, je suis embarquée. Reste à savoir si l'on peut faire durablement équipage lorsque l'un se laisse volontiers dériver tandis que l'autre ne cesse de guetter le vent pour lever les voiles – navigation de course versus de promenade, qui risque de donner à l'un l'impression de stagner et à l'autre d'être bousculé.

Sombre coucher de soleil sur la Tamise

« J'ai toujours su que de nous deux, tu ne serais pas le moteur. » De là à devenir un boulet, il n'y a qu'un pas, qu'un non, je ne veux pas suivre, je ne veux pas me couler dans tes plans, même si je n'en ai pas d'autres à te proposer. Je sais bien aussi que I would prefer not to n'est pas vivable. J'en viens à me demander si mes non-choix de vie sont les bons : j'ai été exigeante (pour ne pas dire tyrannique) envers moi-même durant mes études et ne sais toujours pas si je suis parvenue à lâcher prise (vers la sagesse) ou bien si je me suis endormie sur mes lauriers (vers la médiocrité). Je dois reconnaître que si je forme un binôme avec Palpatine depuis toutes ces années, c'est aussi pour son relatif inconfort, qui me pousse à. J'ai externalisé mon aiguillon de « perfectionniste négative » en même temps que ma confiance en moi (qui n'est jamais une confiance qu'en soi, foutaises : c'est un jeu de reflet avec autrui, cercle vicieux ou vertueux). Ce miroir tendu est libérateur : il y a quelqu'un qui vous rappelle votre valeur quand vous n'en avez plus à vos propres yeux ou aux yeux des autres ; mais sans concession : demander miroir, mon beau miroir, suis-je la plus belle, c'est s'exposer à s'entendre répondre non. Les bouffées d'auto-détestation ont alors tôt fait d'englober le porteur du miroir…

… à moins que ce ne soit l'inverse, que le porteur du miroir vous le tende de travers, le cou tourné vers d'autres horizons, et que vous n'y trouviez plus votre reflet que déformé, comme au jardin d'acclimatation. Je suis qui je suis… et me retrouve perdue dans ces jeux reflets, blessée par certaines réflexions. À ton âge, eux. Involontairement éclaboussée par une (saine ?) colère qui n'est pas la mienne, j'accuse un coup de fatigue.

Les vacances, c'est aussi la vacance, le temps et la place de prendre conscience des transformations silencieuses, et de redresser la barre, si elle doit l'être (si elle peut l'être ?).

Jeune femme allongée dans la lumière du soir

Quelques heures avant de rentrer, dans yet another park, Palpatine prédit le probable déclin de nos sociétés d'Europe de l'Ouest et m'explique, à ma demande-interruption, le système de prêt bancaire. J'écoute attentivement, j'entends, même, mais tout ce que je vois, c'est la lumière déclinante sur la pelouse, le corps-violoncelle d'une jeune femme allongée sur le flanc, mes cils arc-en-ciel et les paillettes que les paupières jettent sur toutes choses en s'abaissant. Golden hour.

Golden hour, ombres portées
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Le réveil était royal, je vous prie de me croire sur parole, parce que ce blog n'est pas interdit aux moins de 18 ans.
3 Et fait hurler quand on le remarque comme modèle d'existence.