16 avril 2016
L'à venir
Le générique d'ouverture s'égraine lentement au cours de la première scène, trajet en bateau, famille emmitouflée, marche et station à un point de vue, jusqu'à ce que le titre s'affiche sur la mer à perte de vue, une tombe au premier plan : L'Avenir.
Voilà.
La mort est l'avenir de l'homme.
En attendant, il y a le présent et celui de Nathalie, ce sont des livres, de grands enfants, un mari philosophe, lui aussi, une mère qui perd la raison, des copies à corriger, une collection à diriger et un ancien élève normalien engagé.
L'à venir, ce sont des livres, des petits-enfants, un ex-mari toujours philosophe, la maison de retraite, des copies à corriger et un ancien élève normalien dégagé dans le Vercors.
L'à venir est encore un présent d'avant la mort, sans les lendemains qui chantent de l'avenir…
… quand les bouquins de philo se vendront comme des petits pains sans les couvertures Haribo que le marketing veut leur coller ;
… quand les élèves penseront par eux-mêmes après avoir entendu des kilomètres d'explications de texte (nous sommes à Henri IV1) ;
… quand elle retrouvera quelqu'un, c'est sûr, pourquoi pas plus jeune, lui souffle son ancien étudiant, que la bande-annonce poussait dans ses bras et nous dans le panneau ;
… quand on réussira à accorder ses pensées et ses actes, sans avoir à se renier soi ni à se retrancher du monde pour ça ;
… quand la liberté sera nôtre ;
… quand les poules auront des dents et nous fermeront le caquet.
L'à venir, au présent, c'est que …
… ces couvertures qu'elle dit élégantes sont moches de désuétude et les couvertures-bonbons rendent le savoir gai ;
… les élèves pensent à avoir le bac et l'auront tous avec mention (nous sommes à Henri IV2) ;
… l'amour se trouve sous le sabot d'un cheval et il n'y a qu'un chat noir, « obèse en plus », qui se fait balader dans une cage en osier – la boîte de Pandora ;
… la liberté est errance si on ne l'envisage pas comme une promenade ;
… il est plus dur d'aimer la vie que la sagesse, et c'est pourtant là qu'elle réside.
Nathalie trimballe à l'écran sa silhouette émouvante d'enfant qui a trop vite vieilli (je n'avais jamais remarqué que le corps d'Isabelle Huppert semblait avoir été resizé sous une tête d'adulte). Elle ne le prend pas bien ; elle ne le prend pas mal non plus : elle le prend comme ça vient. Au final, c'est moins son savoir qui la rend philosophe que, prosaïquement, le quotidien qu'elle maintient coûte que coûte, parce qu'il faut bien que vieillesse se passe. Même si, le con, il a pris tous les Levinas avec les annotations !
1 Ce qui, dieu merci, nous épargne les débats existentiels qui sonnent archi-faux.
2 Un jour, on aura un film de prof dans un lycée qui ne sera ni sur la montagne Saint-Geneviève ni en banlieue – juste un lycée un peu moche comme il en existe partout ailleurs.
14:55 Publié dans Souris de médiathèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : film, cinéma, l'avenir, isabelle huppert
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